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Date : 20060321

Dossier : IMM‑5448‑05

Référence : 2006 CF 363

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

 

ENTRE :

CELESTIN NIYONGABO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 11 août 2005 par Lamine Diallo, pour qui le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

LES POINTS LITIGIEUX

[2]               Le demandeur soulève les points suivants :

1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur sujette à révision quand elle a évalué la manière dont le demandeur avait établi son identité?

2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur sujette à révision parce qu’elle n’a tenu aucun compte ou a fait peu de cas de la preuve qu’elle avait devant elle?

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, les réponses à ces questions sont négatives et la demande sera rejetée.

 

LES FAITS

[4]               Le demandeur, de nationalité burundaise, est de souche à la fois tutsi et hutu. Il est né le 25 décembre 1980 à Bujumbura.

 

[5]               Vu la tension extrême qui règne entre les groupes ethniques hutu et tutsi au Burundi, le demandeur s’est vu rejeté par les deux groupes en raison de sa double origine.

 

[6]               Un groupe criminel hutu a dit au demandeur qu’il pouvait prouver sa loyauté en tuant son oncle maternel, un Tutsi. Le demandeur a plutôt averti son oncle que le groupe hutu voulait sa mort. Le groupe hutu en a eu connaissance, et le demandeur et son oncle ont alors fui ensemble vers le Rwanda voisin, dans l’intention de demander l’asile au Canada.

 

[7]               L’oncle du demandeur lui a procuré un passeport, un billet d’avion et un visa pour les États‑Unis. Le demandeur ne sait pas comment son oncle a obtenu ces documents.

 

[8]               Le demandeur et son oncle ont pris l’avion de Kigali jusqu’à Newark.

 

[9]               Trois semaines plus tard, le 24 mars 2004, le demandeur est arrivé au Canada, où il a immédiatement présenté une demande d’asile. Il a été détenu à son arrivée parce qu’il n’avait pas de documents établissant son identité.

 

[10]           Le 23 juin 2004, le demandeur était relâché à la suite d’un contrôle de sa détention. Dans sa décision, le commissaire a estimé qu’il avait réussi à établir son identité en présentant les certificats de décès de son père et de sa mère.

 

[11]           La demande d’asile du demandeur a été instruite le 31 mai 2005.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[12]           Les motifs de la Commission révèlent que la demande d’asile a été rejetée parce que le demandeur n’a pas été jugé crédible et que les documents produits quand il est arrivé au Canada n’étaient pas acceptables.

 

[13]           S’agissant de l’identité du demandeur, la Commission a relevé qu’il avait présenté un certificat de naissance et une carte d’identité du Burundi. Toutefois, elle a aussi relevé que l’analyse d’expert de la carte d’identité avait révélé qu’elle était apocryphe et que la photo donnait l’impression d’avoir été enlevée, puis agrafée au document.

 

[14]           La Commission a mentionné que, dans ses demandes de visas des États‑Unis présentés au Rwanda, le demandeur avait dit qu’il était de nationalité rwandaise. Elle a aussi mentionné qu’il était recherché à Kigali en même temps que dix‑huit autres personnes en rapport avec un réseau de trafiquants de visas américains frauduleux.

 

[15]           La Commission n’a donc pu dire si le demandeur était de nationalité burundaise ou rwandaise.

 

[16]           Invoquant l’article 106 de la Loi et l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228 (les Règles), la Commission a dit que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi il lui était impossible de présenter des documents acceptables établissant son identité.

 

[17]           La Commission a aussi jugé que le témoignage du demandeur n’était pas crédible, ajoutant que le comportement et les réponses du demandeur tout au long de l’audience montraient qu’il inventait son récit afin d’obtenir l’asile au Canada.

 

[18]           La Commission a terminé ses motifs en disant que, après examen de la preuve, l’absence de crédibilité du demandeur la conduisait à conclure qu’il n’avait pas établi qu’il était un « réfugié au sens de la Convention » selon l’article 96 de la Loi.

 

ANALYSE

1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur sujette à révision lorsqu’elle a évalué la manière dont le demandeur avait établi son identité?

 

[19]           Selon le demandeur, la Commission a commis une erreur sujette à révision lorsqu’elle a dit qu’il n’avait pas établi son identité ou n’avait pas donné de raisons acceptables pour lesquelles il n’avait pas de documents à produire. Il fait valoir que cette conclusion contredit celle de la Section de l’immigration, qui l’a relâché le 23 juin 2004.

 

[20]           Selon le demandeur, la Commission n’a jamais considéré le fait que la Section de l’immigration avait accepté son identité.

 

[21]           La jurisprudence de la Cour n’est pas unanime sur la question de la norme de contrôle qui est applicable aux conclusions de la Commission relatives à l’identité d’un demandeur d’asile.

 

[22]           Dans la décision Mayuma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1509, [2004] A.C.F. n° 1805 (1re inst.) (QL), j’ai appliqué comme norme la décision manifestement déraisonnable. Dans la décision Rasheed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 587, [2004] A.C.F. n° 715 (1re inst.) (QL), mon collègue le juge Martineau a appliqué la décision raisonnable simpliciter.

 

[23]           Toutefois, quelle que soit la norme qui est appliquée, je ne crois pas que la Commission ait commis ici une erreur sujette à révision.

 

[24]           Au sein de la Commission, la Section de la protection des réfugiés est un tribunal indépendant, et elle réduirait son propre pouvoir discrétionnaire si elle se considérait liée par les conclusions de la Section de l’immigration se rapportant à l’identité d’un demandeur d’asile.

 

[25]           Il appartenait au demandeur d’établir son identité selon la prépondérance de la preuve (Yip c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n° 1285 (1re inst.) (QL)). Compte tenu de l’analyse d’expert de sa carte d’identité, analyse qui a révélé que la photo avait été altérée, et vu qu’il avait demandé au Rwanda un visa des États‑Unis en présentant un passeport rwandais, il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure qu’il n’avait pas établi son identité (Mukharji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 721, [2004] A.C.F. n° 911 (1re inst.) (QL)).

 

2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur sujette à révision parce qu’elle n’a tenu aucun compte ou a fait peu de cas de la preuve qu’elle avait devant elle?

 

[26]           Le demandeur fait valoir que la Commission n’a pas donné d’exemples détaillés expliquant les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas ajouter foi au témoignage du demandeur, et il dit qu’elle a commis une erreur sujette à révision parce qu’elle a laissé de côté dans ses motifs la preuve documentaire se rapportant aux conditions qui ont cours au Rwanda et au Burundi.

 

[27]           Les conclusions de la Commission qui concernent la crédibilité d’un demandeur d’asile sont des conclusions de fait et, saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour ne doit pas intervenir en l’absence d’une erreur manifestement déraisonnable (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n° 732 (C.A.F.) (QL)).

 

[28]           Je ne crois pas que la Commission ait commis ici une erreur manifestement déraisonnable quand elle a refusé de croire le demandeur. La question de l’identité du demandeur ne saurait être considérée indépendamment de la crédibilité générale de son témoignage. Il n’a pas établi son identité selon la prépondérance de la preuve et cela a rendu sa demande d’asile irrecevable.

 

[29]           Comme la Commission l’a noté dans ses motifs, il était difficile de savoir si le demandeur était de nationalité burundaise ou rwandaise. Le demandeur dit que la Commission aurait alors dû examiner dans ses motifs les conditions qui avaient cours dans ces deux pays, mais c’est là une proposition qui n’est pas acceptable. Il lui appartenait d’établir son identité et qu’il craignait avec raison d’être persécuté, et la Commission ne saurait donc être blâmée dans ces conditions d’avoir conclu qu’il ne s’était pas acquitté de cette obligation.

 

[30]           S’agissant de la crédibilité, le dossier du tribunal montre que le demandeur a modifié sa version des faits quand on lui a présenté l’information obtenue des États‑Unis concernant sa présence à l’ambassade des États‑Unis à Kigali en vue d’obtenir un visa des États‑Unis. L’intervention de la Cour n’est pas justifiée ici.

 

[31]           Aucune des parties n’a proposé de questions à certifier, et aucune ne se pose ici.

 

 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑5448‑05

 

 

INTITULÉ :                                       CELESTIN NIYONGABO et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 16 MARS 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

  ET JUGEMENT :                            LE JUGE BEAUDRY

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 21 MARS 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jack Y. Hendler                                                                       POUR LE DEMANDEUR

 

Evan Liosis                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jack Y. Hendler                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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