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                                                                                                                                 Date : 20050217

                                                                                                                           Dossier : T-2182-03

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 239

ENTRE :

                                                 HEALTHSMITH MEDICAL INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, relativement à la décision du ministre du Revenu national (le ministre), datée du 22 septembre 2003, dans laquelle le ministre a rejeté la demande de la demanderesse visant à obtenir l'annulation des intérêts ou la renonciation à ceux-ci, conformément au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi).

Les faits


[2]         HealthSmith Medical Inc. (la demanderesse) est aux prises avec des difficultés financières depuis sa création. En 1998 et 1999, elle n'a pas effectué ses versements mensuels dans les délais et elle avait des arriérés pour 1997. En janvier 1999, une première tentative a été faite pour combler le retard dans les paiements d'impôt. Un paiement de 1 000 $ fut suivi par huit chèques postdatés de 718,96 $. Cinq des huit chèques de 718,96 $ n'ont pas été reçus par le défendeur.

[3]         En mars 2000, la dette fiscale de la demanderesse, y compris les pénalités et les intérêts, était d'environ 28 000,00 $. En juillet 2000, le sommaire T4 de la demanderesse pour 1999 avec ses arriérés de 2000 ont porté sa dette totale à 47 714,75 $.

[4]         Au cours des mois de juillet et d'août 2000, la demanderesse a conclu une entente de paiement avec l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC). Anthony Ocana (administrateur de la demanderesse) a émis trois chèques de 10 000,00 $, datés du 15 juillet, du 14 août et du 13 septembre 2000, à HealthSmith Medical Inc. Celle-ci a alors émis trois chèques de 10 000,00 $ chacun à l'ADRC les 8 et 15 août ainsi que le 15 septembre 2000. Deux de ceux-ci ont servi à payer le montant dû. Le chèque daté du 15 septembre 2000 a été retourné pour insuffisance de fonds le 30 novembre 2000 et ne fut pas remplacé.

[5]         Le 19 juillet 2001, le Dr Ocana a appelé le service de recouvrement de l'ADRC pour discuter du compte d'impôt de la demanderesse. Il s'est renseigné sur la manière dont la demanderesse pouvait obtenir une renonciation aux intérêts ou une annulation de ceux-ci et on lui a dit qu'il devait faire la demande par écrit et que cela était conditionnel à une entente de paiement et au paiement complet du principal. Le 19 juillet 2001, le Dr Ocana a écrit à M. Lee de l'ADRC et lui a proposé un plan de paiement de 500 $ par mois jusqu'à ce que le principal soit payé et il a demandé à ce que l'ADRC n'exige pas de la demanderesse le paiement de pénalités et d'intérêts.

[6]         Le 30 novembre 2001, le Dr Ocana a écrit à M. Barmania de l'ADRC et lui a confirmé que la demanderesse avait fermé la clinique à l'été 2001 en raison de l'insolvabilité de la demanderesse. Il a demandé que l'ADRC réduise au minimum les intérêts et les pénalités.


[7]         Le 16 avril 2002, la demanderesse a demandé l'annulation rétroactive des intérêts et des pénalités ou la renonciation à ceux-ci en raison de difficultés financières.

[8]         Le 24 avril 2003, un agent de recouvrement a préparé un résumé d'équité, recommandant que la demande de la demanderesse visant à obtenir l'annulation des intérêts ou la renonciation à ceux-ci soit rejetée. Dans une lettre datée du 30 avril 2003, on a avisé la demanderesse que sa demande avait été rejetée.

[9]         Le 26 août 2003, la demanderesse a demandé un deuxième examen de sa demande visant à obtenir l'annulation des intérêts ou la renonciation à ceux-ci.

[10]       Le 15 septembre 2003, un rapport d'équité de deuxième palier a été préparé par un agent de recouvrement, lequel a recommandé le rejet de la demande de la demanderesse visant à obtenir l'annulation des intérêts et des pénalités ou la renonciation à ceux-ci.

[11]       Le 22 septembre 2003, John Upton-Noot, directeur adjoint, Recouvrement des recettes, a rejeté la demande de la demanderesse visant à obtenir l'annulation des intérêts et des pénalités ou la renonciation à ceux-ci et il a avisé la demanderesse que sa demande avait été rejetée.

La décision faisant l'objet du contrôle

[12]       Le directeur adjoint, Recouvrement des recettes, a conclu que la décision de l'ADRC de rejeter la demande de la demanderesse visant à obtenir l'annulation des intérêts et des pénalités en vertu de la disposition d'équité était correcte.


[13]       Le directeur adjoint a motivé sa décision de la façon suivante :

-           Un examen de la preuve ne révèle pas le degré de difficultés financières envisagé par la disposition d'équité pour les clients corporatifs. Les difficultés financières pour un client corporatif font référence à des situations où la continuité des opérations commerciales et l'emploi continu des employés d'une entreprise sont inutilement compromis. Comme la société a cessé ses opérations à l'été 2001, la situation de la demanderesse ne satisfait pas à cette exigence.

-           Le paragraphe 10 de la Circulaire d'information 92-2 (la CI 92-2) mentionne qu'il faut tenir compte des antécédents de respect des obligations pour accorder un allégement. Selon l'historique du compte, la société a retardé à de nombreuses reprises le dépôt des remises de retenues à la source requises.

-           Le paragraphe 10 de la CI 92-2 mentionne également que les actions des administrateurs doivent être prises en considération. Par exemple, s'ils ont agi rapidement pour remédier à un problème et s'ils ont sciemment laissé un solde subsister, augmentant ainsi les intérêts. Selon la propre observation de l'administrateur, il semble qu'il ait appris qu'il y avait un problème en 1999, mais qu'il n'ait rien fait personnellement pour y remédier avant le printemps 2001.

Analyse


[14]       La décision de rejeter la demande de la demanderesse visant à obtenir l'annulation ou la renonciation était datée du 22 septembre 2003. La demande de contrôle judiciaire a été déposée le 20 novembre 2003. La personne représentant la demanderesse est l'administrateur de la société demanderesse. La demanderesse a sollicité l'autorisation, conformément à l'article 120 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (les Règles), d'être représentée par l'administrateur de la société, le Dr Anthony Ocana, plutôt que par un avocat. Le défendeur a consenti à cette requête. Le 27 juillet 2004, le protonotaire John A. Hargrave a rendu une ordonnance selon laquelle le Dr Anthony Ocana pouvait représenter HealthSmith Medical Inc.

[15]       Lors de l'audience tenue devant moi, le Dr Ocana a sollicité l'autorisation de déposer la lettre contenant la décision contestée qu'il avait reçue, selon lui, le 22 octobre 2003, comme cela paraissait se dégager d'un estampillage sur la lettre. La lettre a été déposée de consentement et l'avocate du défendeur n'a pas persévéré avec son argument fondé sur la prescription.

[16]       En ce qui concerne le bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire, la disposition pertinente de la Loi se lit comme suit :


220. (3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220. (3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to (5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.


[17]       Lorsqu'on examine une décision discrétionnaire prise par le ministre en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi, il faut faire montre d'un degré de déférence considérable et la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable (voir la décision Cheng c. Canada, [2001] A.C. F. no 1532 (1re inst.) (QL)). La cour de révision ne peut intervenir et annuler la décision du ministre que si elle a été prise de mauvaise foi, si le décideur a clairement omis de tenir compte de certains facteurs pertinents ou a pris en compte des facteurs non pertinents, ou bien si la décision est contraire à la loi (Cooper c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2004] A.C.F. no 1641 (1re inst.) (QL)).


[18]       À mon avis, la demanderesse n'a pas été en mesure de démontrer que la décision du ministre était manifestement déraisonnable.

[19]       Lorsqu'il a examiné la question de savoir s'il devait annuler les intérêts et les pénalités ou y renoncer, le ministre s'est appuyé sur les dossiers de l'ADRC et sur la correspondance provenant de la demanderesse. Le ministre a conclu que la demanderesse avait mis fin à ses activités commerciales en juin 2001 et qu'elle n'avait aucun employé à ce moment-là. Puisque la demanderesse avait mis fin à ses activités commerciales avant la réception de la demande visant à obtenir l'annulation des intérêts ou la renonciation à ceux-ci, le paiement des intérêts échus ou à échoir sur le compte ne compromettait pas la continuité des opérations commerciales, ni l'emploi continu des employés de la demanderesse. Selon les renseignements dont disposait le ministre, cette conclusion n'était pas déraisonnable.

[20]       La demanderesse a présenté une preuve par affidavit concernant l'existence de l'entreprise après que le délai pour le dépôt fut dépassé. Le défendeur ne s'oppose pas à une demande de la part de la demanderesse, faite en vertu de l'article 8 des Règles, mais il s'oppose cependant à l'inclusion des pièces E et H parce qu'elles n'ont pas été produites dans le cadre de l'examen du ministre. La demanderesse n'a pas fourni de raison ou de circonstances spéciales expliquant pourquoi le certificat n'avait pas été produit pendant l'examen du ministre et, par conséquent, il ne devrait pas être admis (Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees' Union, [2000] 1 C.F. 135 (C.A.), à la page 143).


[21]       Le ministre a également apprécié la situation de la demanderesse en utilisant les lignes directrices de la CI 92-2. La demanderesse avait des antécédents de non-respect à l'égard de la remise des retenues à la source et du dépôt des sommaires T4, en plus du chèque sans provision qui n'avait pas été remplacé. La demanderesse n'a pas agi rapidement pour remédier aux problèmes relatifs au compte, ce qui constitue un autre critère pour décider de la renonciation aux intérêts. La demanderesse était au courant des problèmes depuis 1999, mais elle n'a cependant pas agi rapidement pour rectifier la situation. Selon les faits dont il disposait, je ne crois pas que le ministre ait exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi ou qu'il n'ait pas tenu compte de facteurs pertinents. Il n'a donc pas commis d'erreur en refusant de renoncer aux intérêts ou de les annuler.

[22]       Pour tous les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

                                                                                                                                   _ Yvon Pinard _                      

                                                                                                                                                     Juge                              

Ottawa (Ontario)

Le 17 février 2005

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-2182-03

INTITULÉ :                                                                HEALTHSMITH MEDICAL INC.

c.

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 12 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                               LE 17 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Anthony M. Ocana                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Représentant autorisé

Linda Bell                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anthony M. Ocana                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Delta (Colombie-Britannique)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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