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Date : 20040608

Dossier : IMM-4020-03

Référence : 2004 CF 827

Toronto (Ontario), le 8 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY                            

ENTRE :

                                                          HUSSAM HILMI AMAN

HASSEM AMAN

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés oralement à l'audience, puis mis par écrit

pour plus de précision et l'ajout de renvois.)

[1]                Les demandeurs, deux frères citoyens du Yémen, demandent le contrôle judiciaire de la décision que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rendue (la Commission), rejetant leurs demandes du statut de réfugiés et de personnes à protéger fondées sur les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, au motif qu'elles n'étaient pas crédibles.


[2]                La Commission a conclu qu'il y avait des incohérences entre les témoignages oraux des demandeurs et les renseignements consignés dans leurs Formulaires sur les renseignements personnels (FRP) se rapportant à des coups de feu dont ils avaient été témoins au Yémen et qui avaient causé la mort d'un ami. L'ami, le tireur et les témoins appartenaient à trois tribus différentes. Les demandeurs affirment qu'ils seraient persécutés et qu'ils courraient le risque d'être maltraités par la tribu à laquelle le défunt appartenait parce qu'ils avaient appuyé la conclusion de la police qu'il s'était agi d'un accident. Dans leurs témoignages oraux, mais non dans leurs FRP, les demandeurs ont affirmé qu'un membre de la tribu du défunt a exercé des pressions sur eux pour qu'ils comparaissent devant un conseil intertribal qui avait le pouvoir de déterminer si une peine devait être imposée à la personne qui avait tiré les coups de feu. La Commission n'a pas cru à l'incident des coups de feu ni, en outre, en se fondant sur la preuve documentaire, que le conseil dont parlaient les demandeurs existait et avait le pouvoir d'entendre l'affaire.

[3]                Les demandeurs ont soutenu que la Commission avait fondé ses conclusions défavorables quant à la crédibilité sur des considérations sans pertinence et sur des conclusions quant à la plausibilité qui n'étaient pas raisonnables, et qu'elle avait omis de prendre en considération des éléments pertinents de la preuve documentaire portant sur la nature et l'étendue des actes violents perpétrés au Yémen avec des armes à feu.

[4]                La transcription de l'audience devant la Commission, bien que longue, n'est pas complète en raison d'un bris du dispositif d'enregistrement. Il n'a pas été possible de déterminer dans quelle mesure l'audience n'avait pas été enregistrée et, par conséquent, ne pouvait pas être transcrite. Les demandeurs ont demandé à la Cour de considérer qu'il en résultait une injustice sur le plan de la procédure et que cela reflétait un préjugé de la part de la Commission contre les demandeurs.

[5]                Les demandeurs n'ont pas prouvé que la Commission a fondé sa décision sur des considérations sans pertinence. Il était loisible à la Commission de tirer une conclusion défavorable aux demandeurs en raison du fait qu'ils avaient omis de faire mention dans leur FRP des pressions exercées sur eux pour que l'incident des coups de feu soit déféré au conseil tribal. Il est établi dans la jurisprudence qu'il est loisible à la Commission de mettre en doute la crédibilité des demandeurs s'ils omettent des faits pertinents et significatifs dans leur FRP pour ensuite les révéler dans leur témoignage à l'audience : Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 536 (1re inst.) (QL), Akhigbe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 332 (1re inst.) (QL).


[6]                J'accorde peu d'importance au bris du dispositif d'enregistrement étant donné qu'il n'y a aucun élément de preuve indiquant que cela ait eu quelque incidence sur la décision de la Commission. La partie enregistrée de l'audience n'a été transcrite que onze mois après le prononcé de la décision et je crois que l'on peut raisonnablement conclure que le commissaire s'est fié à ses propres notes pour rendre sa décision. De toute façon, il n'y a rien au dossier qui donne à penser qu'il ait mal interprété ou mal compris la preuve présentée par les demandeurs.

[7]                Les demandeurs allèguent qu'ils n'ont pas bénéficié de l'équité procédurale en ce que, premièrement, le commissaire ne pouvait pas se référer à un compte rendu complet de l'audience avant de rendre sa décision et que, deuxièmement, ils n'ont pas eu accès à un tel dossier complet au moment de présenter la présente demande de contrôle judiciaire. Selon moi, ces deux arguments sont sans fondement. Mon examen de la transcription m'a permis de me rendre compte qu'elle couvre les parties importantes de l'audience, soit les questions en litige dans la présente instance. Les demandeurs auraient pu déposer une preuve dans la présente instance pour montrer que la partie manquante de la transcription comportait des explications réfutant les conclusions que la Commission a tirées sur le manque de cohérence et de plausibilité de leurs témoignages. Il n'ont déposé aucune preuve en ce sens. La transcription révèle que le commissaire a pris soin d'offrir aux demandeurs l'occasion d'expliquer les incohérences qu'il percevait dans leur preuve. Je ne vois aucune entorse à l'équité procédurale dans la façon dont l'audience a été tenue ou découlant du bris du dispositif d'enregistrement.

[8]                L'allégation de préjugé n'est étayée par rien dans le dossier et l'avocat des demandeurs a été incapable de me montrer sur quoi il s'appuyait lorsque je lui ai demandé de le faire. Par conséquent, cette allégation n'aurait pas dû être faite.

[9]                Il faut présumer que la Commission a soupesé et considéré toute la preuve qui lui a été présentée, à moins qu'il y ait de bonnes raisons pour croire le contraire : Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.), Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.) (QL). Après avoir examiné la preuve documentaire que les demandeurs ont présentée à la Commission et qu'ils ont surlignée, je ne peux conclure que la Commission ait écarté une partie des éléments de preuve. Il est clair que la Commission a accordé une grande importance à une réponse donnée le 4 février 2003 à une demande de renseignement par la Direction des recherches de la Commission, qui se lisait en partie comme suit : [traduction] « Aucun renseignement concernant un organisme décideur dont les membres proviennent de différentes tribus et qui est chargé de s'occuper des cas de revanche entre tribus, n'a été trouvé dans les sources dépouillées par la Direction des recherches. Cependant, selon plusieurs rapports, les conflits et les cas de revanche intertribaux sont réglés par les chefs de tribu [...] » Selon moi, la Commission pouvait, à titre de premier juge des faits, donner à la preuve le poids qu'elle lui a donné.


[10]            Enfin, je ne peux pas conclure que les conclusions que la Commission a tirées en matière de crédibilité sont manifestement déraisonnables. Les décisions que la Commission rend sur la base de conclusions qu'elle tire sur la crédibilité doivent faire l'objet d'une grande retenue judiciaire : Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F). Par conséquent, la décision manifestement déraisonnable est la norme de contrôle qui s'applique, c'est-à-dire que, à moins que le demandeur ait montré que les conclusions que la Commission a tirées sont si déraisonnables qu'elles ne pouvaient pas être tirées, ou qu'il semble que la Commission les a tirées de façon arbitraire ou sans tenir compte de la preuve, la Cour ne devrait pas intervenir, qu'elle soit d'accord ou non avec les conclusions en question : Oduro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 66 F.T.R. 106, et Aguebor, précité. Les conclusions que la Commission a tirées en matière de crédibilité ne sont pas manifestement déraisonnables.      

[11]            Par conséquent, la demande sera rejetée. Les parties n'ont pas demandé la certification d'une question et aucune ne sera certifiée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                          « Richard G. Mosley »             

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4020-03

INTITULÉ :                                        HUSSAM HILMI AMAN

HASSEM AMAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 7 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                       LE 8 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Stella I. Anaele

POUR LES DEMANDEURS

A. Leena Jaakkimainen

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stella I. Anaele

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

                                                              


                                                                                                COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040608

                                            Dossier : IMM-4020-03

ENTRE :

HUSSAM HILMI AMAN

HASSEM AMAN            

                                                                demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


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