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Date : 20041118

Dossier : IMM-1124-04

Référence : 2004 CF 1617

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2004

Présent :        Monsieur le juge Blais

ENTRE :

                                                                  MALIK Babar

                                                                   MALIK Anila

                                                                MALIK Behroz

                                                                 MALIK Besam

                                                                  MALIK Fezan

                                                                                                                                    demandeurs

                                                                            et

                         MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                         défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire par M. Babar Malik (demandeur) et les membres de sa famille (collectivement les demandeurs) de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Tribunal), datée du 24 décembre 2003, laquelle a conclu que les demandeurs n'avaient pas la qualité de réfugié et n'avaient pas non plus la qualité de personne à protéger selon l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c.27 (Loi).

FAITS PERTINENTS

[2]                Les demandeurs sont tous citoyens du Pakistan et sont arrivés au Canada le 7 mai 2002.

[3]                Le demandeur est devenu membre du Pakistan Muslim League (PML) en 1994 et a exercé différentes activités politiques de façon discontinue entre 1994 et 2002. Au mois de mai 2000, le lendemain d'une réunion du PML, il allègue avoir été battu par trois policiers, au point qu'il a eu besoin de traitements médicaux. Il n'a cependant pu produire de certificat médical.

[4]                Un autre incident est survenu le 1er juillet 2001 lorsque le demandeur a été arrêté et gardé en détention pour 15 jours. Le 10 septembre 2001, le demandeur a été arrêté de nouveau et gardé en détention pour une période de 10 jours au cours desquels il allègue avoir été torturé (il n'a cependant pas eu besoin de traitements médicaux). Il fut alors averti d'arrêter toute activité politique.

[5]                Au cours du mois de mars 2002, le demandeur a organisé une rencontre du PML à son lieu de travail. La police a été mise au courant de cette activité et est arrivée sur les lieux forçant les membres présents à se sauver. Le demandeur s'est ensuite rendu à Gurjanwala pour quitter ensuite le Pakistan avec sa famille.

QUESTION EN LITIGE

[6]                Est-ce que, basé sur la preuve devant elle et l'interprétation de ladite preuve, la Section de la protection des réfugiés a rendu une ordonnance qui soit manifestement déraisonnable quant à l'interprétation des faits?

ANALYSE


[7]                Puisque la question en litige dans le présent dossier consiste à déterminer si il y a eu une erreur quant aux faits, la norme de contrôle est celle de manifestement déraisonnable, Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2003] A.C.F. no 108; Ordre des architectes de l'Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario, [2003] 1 C.F. 331 (C.A.); Stadnyk c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), [2000] A.C.F. no 1225. Ceci étant dit, le seuil est relativement élevé et a été établi par plusieurs décisions antérieures, don't Ivanhoe Inc. c. Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 500, [2001] 2 R.C.S. 565, paragraphe 33 :

...le juge LeBel fait référence au concept de l'erreur clairement irrationnelle, terme qui a été adopté à plusieurs reprises par notre Cour pour définir le contenu de la norme de contrôle de l'erreur manifestement déraisonnable (voir Canada (PG) c. Alliance de la Fonction publique, [1993] 1 R.C.S. 941, p. 963-964; Ajax (Ville) c. TCA, section locale 222, [2000] 1 R.C.S. 538, 2000 CSC 23, par. 2; Centre communautaire juridique de l'Estrie c. Sherbrooke (Ville), [1996] 3 R.C.S. 84, par. 11;

[je souligne]

[8]                Il ne revient pas à la Cour fédérale de réévaluer la crédibilité du demandeur ou de réévaluer les faits présentés, lesquels ont déjà été examinés par la Section du statut de réfugié et particulièrement lorsque cette preuve a été jugée comme étant non convaincante.

...il s'agit ici d'un contrôle judiciaire; la Cour appelée à exercer ce contrôle, et cette Cour en appel, ne peuvent pas simplement substituer leurs opinions sur les faits et le droit à celles du Tribunal et tirer la conclusion qu'elles estiment exacte...il appartient au Tribunal de rendre une décision sur les faits, une fois que ces faits ont été débattus devant lui de la façon appropriée. (Canada (Procureur général) c. McKenna, [1998] A.C.F. no 1501 (C.A.) au paragraphe 6)

[9]                Dans le cas actuel, le demandeur a admis qu'il y avait des divergences, mais qu'elles étaient mineures et qu'elles ne devaient pas être considérées de façon exagérée par le Tribunal.


[10]            À mon avis, il était exagéré de la part du Tribunal après avoir questionné pendant plusieurs minutes le demandeur quant à l'événement qui avait précipité son départ du Pakistan, lequel s'était produit le 22 mars 2002, de lui poser une question à savoir s'il y avait eu quelque chose d'important qui s'était passée entre le mois de septembre 2001 et le 23 mars 2002, alors qu'on réfère le demandeur à une période d'une année et demie, on déplace la date du 22 pour le 23 mars dans la question et lorsque le demandeur répond qu'il n'y a pas de fait déterminant survenu dans la période, on lui rappelle qu'il vient de témoigner sur un événement déclencheur qui s'est passé lui, le 22 mars. À mon avis, il est exact qu'on puisse considérer la réponse du demandeur comme étant une « contradiction » ou une « divergence » mais la portée qui lui est donnée par la Section du statut est tout à fait hors de proportion avec ladite contradiction. Cependant, cela n'apparaît pas suffisant pour justifier l'intervention de la Cour, puisque le Tribunal a pris en compte plusieurs autres éléments.

[11]            Pour appuyer ses conclusions, le Tribunal s'est appuyé sur la preuve documentaire, notamment le cartable régional de Montréal sur le Pakistan en sa section 5, plus particulièrement les sections 5.3, 5.5, 5.6 et 5.8. Tel qu'admis par le procureur du défendeur, l'analyse de cette section du cartable régional de Montréal est peut-être discutable, cependant, une lecture attentive de la section à laquelle réfère le Tribunal ne permet pas de conclure que les conclusions du Tribunal sont manifestement déraisonnables. En effet, il existe des éléments qui supportent les conclusions du Tribunal :


No reports indicating a specific treatment of PML supporters, members or leaders by the Inter-Services Intelligence or members of other political parties since the 12 October 1999 coup could be found among the sources consulted. (cartable section 5.3)

Very few references to the ill-treatment of PML (Nawaz) members by members of the PML (LM) could be found among the sources consulted by the Research directorate. (cartable section 5.8)

[12]            Le Tribunal a également soulevé d'autres manques de concordance entre les déclarations du demandeur au point d'entrée et le récit contenu dans son FRP quant au motif de sa crainte au Pakistan.

[13]            Il est également important de rappeler que le Tribunal ne s'est pas basé uniquement sur les informations contenues au cartable régional de Montréal; il a également questionné le demandeur à savoir pourquoi un militant politique d'un niveau inférieur (comme il se qualifiait lui-même), aurait été visé par les autorités parmi tant d'autres militants qui eux, n'auraient pas été visés par des mesures de représailles.

[14]            Le Tribunal n'a pas été satisfait par les réponses du demandeur; le Tribunal ne croit pas les allégations du demandeur à l'effet qu'il aurait été persécuté au Pakistan suite à la collusion entre le PML(Q) et l'armée dans le but de s'en prendre aux supporteurs du PML(N) de façon systématique.


...afin d'établir que le Tribunal a commis une erreur susceptible de révision, la demanderesse et les intervenantes doivent démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la conclusion du Tribunal selon laquelle le dumping allait probablement reprendre si la conclusion initiale était annulée n'était pas rationnellement étayée par les éléments dont le Tribunal disposait. Par conséquent, même si le Tribunal a commis une erreur susceptible de révision à l'égard de certaines conclusions de fait, la décision qu'il a rendue au sujet de l'annulation serait néanmoins confirmée s'il y avait d'autres faits sur lesquels il était raisonnablement possible de fonder sa conclusion finale. (Stelco Inc. c. British Steel Can. Inc. [2000] 3 C.F. 282 (C.A.) au paragraphe 22).

[15]            Le Tribunal a également conclu qu'il n'accordait aucune crédibilité au demandeur et qu'en conséquence, il n'accordait pas de valeur probante à plusieurs documents déposés par ce dernier, soit le FIR, aux pièces P-16 (la carte de membre du PML du demandeur), P-17 (lettre du PML(N), P-18 (carte de membre), P-19 (mandat d'arrestation). Le Tribunal réfère également à une réponse à une demande d'information, à l'effet qu'il est très facile d'obtenir des documents truqués et falsifiés du Pakistan.

[16]            Il est bien évident que le Tribunal n'a pas à référer à tous et chacun des documents qui apparaissent dans la preuve et la jurisprudence est très claire à cet effet.


[17]            Afin de justifier l'intervention de la Cour, le demandeur devait remplir trois conditions : d'abord, que les conclusions de faits devaient être clairement erronées, ce qui n'est pas le cas pour les raisons exprimées précédemment. Ensuite, que les conclusions devaient être capricieuses ou sans regard à la preuve, ce qui n'est pas le cas non plus. Enfin, pour être cassée, la décision devait être elle-même basée sur des conclusions erronées quant aux faits.

[18]            Bien que je consède certaines erreurs dans l'interprétation des faits, je n'ai aucune hésitation à conclure que la décision a été basée sur une révision générale des faits et de la preuve présentée par le demandeur ainsi que la preuve documentaire disponible. Donc, la conclusion générale du Tribunal n'était pas déraisonnable.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

-          La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

-          Aucune question n'a été soumise pour certification.

                   « Pierre Blais »              

                       J.C.F.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                IMM-1124-04

INTITULÉ :               Malik Babar et al. c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                            28 octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : M. le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                                   18 novembre 2004

COMPARUTIONS:

Me Styliani Markaki                                          POUR LE DEMANDEUR

Me Michel Pépin                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Styliani Markaki                                          POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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