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Date : 20050610

 

Dossier : T-1919-04

 

Référence : 2005 CF 832

 

Ottawa (Ontario) le 10 juin 2005

 

 

EN PRÉSENCE DE :            MADAME LA JUGE MACTAVISH                                 

 

 

 

ENTRE :

 

                                          MANDATE ERECTORS & WELDING LTD.

 

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

 

 

               L’AGENCE CANADIENNE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

 

                                                                                                                                        défenderesse

 

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Mandate Erectors and Welding Ltd. cherche à obtenir l’annulation d’une décision prise en application des dispositions d’équité par un agent d’imposition en soutenant que, eu égard à l’ensemble des circonstances, la décision n’était pas raisonnable.

 

 

 


 

 

Contexte

 

[2]               Depuis plusieurs années, Mandate Erectors est auteure de versements accélérés. Cela veut dire que le montant de la paie de Mandate Erectors et de ses sociétés associées est tel qu’elle doit verser l’argent des impôts déduits des chèques de paie de ses employés quatre fois par mois.

 

[3]               En décembre 2003, Mandate Erectors a obtenu un contrat de prestation de services pour la construction du projet environnemental Belledune. Ce contrat nécessitait l’embauche d’employés supplémentaires par la société. Contrairement aux autres employés de Mandate Erectors, ces nouveaux employés étaient syndiqués.

 

[4]               Mandate Erectors a fait effectuer, par contrat, le traitement de sa paie par une société connue sous le nom de Ceridian.  Ceridian remettait les retenues salariales de Mandate Erectors au défendeur quatre fois par mois. Cependant, Ceridian n’a pas été capable de traiter la paie des employés syndiqués, parce que leurs retenues étaient différentes de celles des autres employés de Mandate Erectors.

 

[5]               En conséquence, le contrôleur de Mandate Erector, Denny Regan, a assumé la responsabilité du traitement de la paie des employés syndiqués.

 

[6]               Mandate Erectors a manqué de remettre les montants hebdomadaires relatifs à cette partie de sa paye pendant les mois de février, mars et avril 2004. En conséquence, le défendeur a imposé à Mandate Erectors des pénalités d’un montant de 13 883.84 $.

 

Demandes de Mandate Erectors fondées sur les dispositions d’équité

 

[7]               Le 27 avril 2004, M. Regan a écrit au défendeur pour lui demander de renoncer aux pénalités. M. Regan a avisé le défendeur que, bien qu’il ait su que Ceridian remettait les retenues à la source sur une base hebdomadaire :

[TRADUCTION]

La paie que je fais cependant est pour les travailleurs syndiqués au lieu de travail Bennett à Belldune. C’est une paie complètement séparée que Ceridian ne pouvait pas traiter. Nous avons dû acheter un programme de paie et la faire séparément. Par conséquent, j’ai supposé que les paiements étaient seulement dus le 15 du mois.

 

 

[8]               Le défendeur a refusé de renoncer aux pénalités, en déclarant qu’après avoir examiné les faits de cette affaire, il ne pensait pas que des circonstances exceptionnelles ou des erreurs du défendeur aient empêché Mandate Erector de se conformer à ses obligations légales. D’après le défendeur, les montants déduits de la rémunération payée doivent être versés conformément à la fréquence de paiements affectée à l’employeur. Les employeurs n’ont pas le droit de répartir leur paie en différentes catégories de versements.

 

[9]               Un examen de l’analyse faite par le défendeur montre que, entre autres facteurs considérés, le défendeur a examiné l’histoire des problèmes de conformité du contribuable.


 

[10]           Mandate Erectors a alors demandé une révision par un deuxième réviseur. Pour soutenir sa demande, M. Regan a encore une fois expliqué les circonstances qui l’avaient amené à assumer la responsabilité de la paie des employés syndiqués de Mandate Erectors. Il a continué en déclarant :

[TRADUCTION]

Ignorant complètement que je devais faire des versements hebdomadaires, j’ai entrepris d’envoyer mes versements une fois par mois, le 15 du mois, car mes retenues n’étaient pas supérieures à 50 000 $.

Votre ministère ne m’a pas dit que c’était incorrect. Si vous l’aviez fait, j’aurais corrigé ma période de versement. À la place, après quatre ou cinq mois de paie, vous nous frappez d’un montant de 9 000 $ de pénalité et d’intérêts [des pénalités additionnelles ont été par la suite ajoutées par le défendeur, amenant ce total à 13 882,84 $].  Je pense que c’est inconstitutionnel et, à mon avis, totalement injuste.

 

[11]           Une révision a alors été faite par un deuxième réviseur, qui a confirmé la décision antérieure et n’a pas annulé les pénalités.

 

La norme d’examen

 

[12]           Il s’agit d’une décision discrétionnaire prise en vertu des dispositions d’équité de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les parties sont d’accord pour que, conformément à la décision récente de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lanno c. Agence canadienne des douanes et du revenu, 2005 CAF 153, la norme d’examen applicable à des décisions de cette nature soit celle du caractère raisonnable. Cela signifie que la question est de savoir si la décision peut résister à un examen assez poussé : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.S.C. 247.  

 

 


Les arguments de Mandate Erectors

 

[13]           Bien que Mandate Erectors convienne qu’elle était auparavant auteure de versements accélérés, d’après l’affidavit déposé par M. Ryan au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, ses paiements mensuels moyens pour 2002 et 2003 étaient inférieurs à 50 000 $. En conséquence, quand M. Regan a examiné la section des retenues salariales du « Guide de l’employeur » du défendeur, il est arrivé, tout à fait raisonnablement à son avis, à la conclusion que la société n’était plus obligée d’effectuer ses versements quatre fois par mois, mais pouvait les effectuer seulement le 15 de chaque mois.

 

[14]           Mandate Erectors soutient également que le défendeur a commis une erreur en lui attribuant une série de dépôts en retard. D’après M. Regan, à sa connaissance, [TRADUCTION] « Mandate Erectors n’a jamais reçu de pénalité pour versement en retard ».

 

[15]           L’avocat de Mandate Erectors a également fait valoir, quoique sans élément de preuve à l’appui, que le défendeur avait tort d’établir un lien entre les antécédents de conformité d’une société connue sous le nom de MQM Quality Manufacturing Ltd. et la demande de Mandate Erectors fondée sur les dispositions d’équité, car les actionnaires de MQM étaient différents et la société avait un numéro d’identification de paie différent et était située dans un local différent.

 

[16]           Mandate Erectors soutient que M. Regan a agi de bonne foi et que la situation nécessite un redressement.


 

Analyse

 

[17]           Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu accorde aux autorités fiscales la discrétion de renoncer à l’application de certains articles de la Loi. La question pour la Cour est de déterminer si, compte tenu de la preuve qui lui a été présentée, la décision du défendeur de refuser d’exercer sa discrétion dans la présente affaire n’était pas raisonnable.

 

[18]           Je ne suis pas persuadée que la décision du défendeur soit déraisonnable.

 

[19]           L’explication fournie par Mandate Erectors pour son manquement de verser les montants déduits ou retenus a évolué au fil du temps. La première lettre de M. Regan semble indiquer qu’il avait séparé la paie des employés syndiqués, et qu’il avait ensuite pensé devoir verser les montants déduits ou retenus le 15 de chaque mois pour ces employés. Non seulement un employeur n’a‑t‑il pas l’autorité légale de diviser sa paie de cette manière, mais en outre, aucune explication n’a été donnée sur la raison pour laquelle M. Regan a pensé qu’il n’aurait à verser les montants déduits ou retenus que le 15 de chaque mois.

 

[20]           Il faut aussi noter que M. Regan ne s’est même pas conformé à ce qu’il prétend avoir compris être les obligations de la société, car le versement de mars 2004 n’a été fait que le 19 du mois.

 

[21]           Un changement dans le montant des versements mensuels de Mandate Erectors n’a pas été soulevé comme justification du manquement de la société de verser les montants déduits ou retenus quatre fois par mois, avant la deuxième demande de M. Regan, dans laquelle il a déclaré que [TRADUCTION] « [s]es déductions n’étaient pas supérieures à 50 000 $ ». 

 

[22]           Le Guide de l’employeur du défendeur est clair : les sociétés dont les versements mensuels moyens dépassent 50 000 $ sont tenues de verser l’impôt quatre fois par mois, alors que les sociétés dont les versements mensuels moyens s’élèvent  entre 15 000 $ et 50 000 $ doivent verser les montants déduits ou retenus deux fois par mois, le 15 et le 25 du mois. Les auteurs de versements réguliers, qui comprennent, je pense, les sociétés dont le versement mensuel moyen est inférieur à 15 000 $, ne doivent verser les montants déduits ou retenus que le 15 de chaque mois.

 

[23]           Il est incontestable que Mandate Erectors, depuis longtemps, été auteure de versements accélérés - auteure de versements tenue de verser l’impôt quatre fois par mois. En outre, personne ne met en doute le fait que Ceridian ait continué à verser quatre fois par mois les montants déduits ou retenus au nom de Mandate Erector tout au long de 2004.

 

[24]           La fréquence à laquelle une société doit verser les montants déduits ou retenus dépend du montant des retenues mensuelles moyennes de la société et de toute société associée : voir le paragraphe 108(1.2) des Règlements de l’impôt sur le revenu.


 

[25]           M. Regan n’a produit aucun document financier ou autre élément de preuve quant au montant des retenues de Mandate Erector, ou de ses sociétés associées. En outre, son affidavit n’indique pas clairement si M. Regan parle des déductions faites pour tous les employés de Mandate Erector, ou seulement des déductions pour les employés syndiqués quand il dit que [TRADUCTION] [s]es « déductions n’étaient pas supérieures à 50 000 $ ». De toute manière, M. Regan n’a jamais affirmé que les déductions mensuelles de la société aient jamais été inférieures au seuil de 15 000 $ qui lui aurait permis de verser mensuellement l’impôt.

 

[26]           Ainsi, même si les retenues mensuelles de Mandate Erectors avaient baissé en dessous du seuil de 50 000 $ en 2004, la société devait toujours verser les retenues le 15 et le 25 de chaque mois, et elle ne l’a pas fait. À cet égard, Mandate Erectors n’a pas réussi à me persuader que l’information fournie aux contribuables par le défenseur sur ce point ait été ambiguë.

 

[27]           Il reste l’argument qu’il n’était pas raisonnable pour le défenseur d’avoir tenu compte des antécédents de conformité de MQM Quality Manufacturing Ltd. pour décider d’exercer ou non sa discrétion en faveur de Mandate Erectors.

 


[28]           La question à cet égard est de savoir si les deux sociétés sont « associées » au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu.  Bien que l’avocat de Mandate Erectors ait soutenu que les deux sociétés ont différents actionnaires, comme je l’ai noté plus tôt, la Cour ne dispose d’aucune preuve à l’appui de cette observation. En outre, ce n’est pas le bon critère. D’après l’article 256 de la Loi de l’impôt sur le revenu, le critère servant à déterminer si deux sociétés sont associées est un critère de contrôle. Aucun élément de preuve présenté à la Cour ne soutient une conclusion que les deux sociétés n’étaient pas associées à des fins fiscales.

 

[29]           Dans ces conditions, Mandate Erectors ne m’a pas persuadée qu’il n’était pas raisonnable pour le défenseur de tenir compte des antécédents de conformité de MQM Quality Manufacturing Ltd. pour décider d’exercer, ou non, sa discrétion en l’espèce.

 

Conclusion

 

[30]           Pour ces motifs, je juge que la conclusion du défendeur qu’il n’y avait pas de circonstances extraordinaires justifiant l’exercice de sa discrétion, ni aucun retard ou erreur de sa part qui ait empêché Mandate Erectors de se conformer à ses obligations juridiques, était une conclusion que le défendeur pouvait raisonnablement tirer. Aussi, la demande est-elle rejetée. 

 

                                                                ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

1.         La présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

              « Anne L. Mactavish »               

Juge                            

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


 

 

 

                                                                                                       

                                                                                  COUR FÉDÉRALE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                       T-1919-04

 

 

 

INTITULÉ :                                      MANDATE ERECTORS AND WELDING LTD.

 

c.

 

L’AGENCE CANADIENNE DES DOUANES ET DU            REVENU

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :               FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :              LE 7 JUIN 2005

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                    LE 10 JUIN 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Terence P. Lenihan                                                                   POUR LE DEMANDEUR

 

Caitlin Ward                                                                             POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Byrne, Lenihan                                                                         POUR LE DEMANDEUR

Bathurst (Nouveau-Brunswick)

 

Ministère de la Justice du Canada                                             POUR LE DÉFENDEUR


Halifax (Nouvelle-Écosse)

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