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                                                                                                                              Date : 20010706

                                                                                                                        Dossier : T-1254-92

                                                                                                                                                          

OTTAWA (Ontario), le 6 juillet 2001

En présence de Monsieur le juge MacKay

ENTRE :

LE CHEF ERMINESKIN, LAWRENCE WILDCAT, GORDON LEE, ART LITTLECHILD, MAURICE WOLFE, CURTIS ERMINESKIN, GERRY ERMINESKIN, EARL ERMINESKIN, RICK WOLFE, KEN CUTARM, BRIAN LEE, LESTER FRAYNN, chef et conseillers élus des bande et nation indiennes d'Ermineskin, agissant en leur nom personnel et au nom de tous les autres membres des bande et nation indiennes d'Ermineskin

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

ET LE MINISTRE DES FINANCES

défendeurs

                          Objet : engagements, précisions, production des

                                    procès-verbaux des réunions du conseil

                                               et des dossiers des avocats

Les défendeurs ayant présenté une requête en vue d'obtenir :

i)           une ordonnance enjoignant aux demandeurs de respecter les engagements qu'ils ont pris lors des interrogatoires préalables, l'audience y afférente ayant eu lieu le 3 novembre 1999;


ii)          une ordonnance enjoignant aux demandeurs de fournir des précisions supplémentaires conformément à la demande que les défendeurs ont faite le 15 juillet 1999, l'audience y afférente ayant eu lieu le 21 janvier 2000;

iii)          une ordonnance portant que les procès-verbaux des réunions du conseil de la bande et les dossiers des avocats doivent être produits, l'audience y afférente ayant eu lieu le 21 janvier 2000;

les décisions relatives à ces questions ayant été reportées lors des audiences;

Les arguments qui ont alors été présentés ayant été examinés;

                                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La requête des défendeurs, en ce qui concerne 21 questions non réglées par suite du refus de prendre des engagements, est rejetée.

2.          L'énoncé de position des demandeurs Ermineskin figurant dans le document 135 qui a été déposé le 22 novembre 1999 doit être fourni aux défendeurs, s'il ne l'a pas encore été, au plus tard le 7 août 2001 ou à toute autre date sur laquelle les parties se seront entendues ou, à défaut d'entente, à la date fixée par le juge chargé de l'instruction.

3.          À moins que les parties ne s'entendent sur une autre procédure visant à satisfaire au droit que possèdent les défendeurs de connaître la preuve qu'ils ont à réfuter, la présente directive est donnée, en ce qui concerne les alinéas i) et ii), sous réserve du droit des défendeurs de demander, au moyen d'une demande écrite visant l'obtention de précisions ou de précisions supplémentaires, le cas échéant, les renseignements visés par les engagements nos 37, 38, 43, 44, 45, 46, 64 et 65 qui n'ont pas été respectés, lesquels sont énoncés dans les documents relatifs à la requête des défendeurs et ne sont pas inclus dans le projet d'énoncé supplémentaire des faits présenté par les demandeurs Ermineskin.

4.          Il sera donné suite à la proposition des Ermineskin de fournir un énoncé supplémentaire des faits à l'égard de l'action T-1254-92, sans fournir de précisions supplémentaires à ce stade, au plus tard le 7 août 2001 ou à toute autre date sur laquelle les parties se seront entendues, si cela n'a pas été fait.


5.    Au fur et à mesure que les interrogatoires préalables relatifs aux questions particulières devant faire l'objet d'une instruction prendront fin, les défendeurs pourront présenter une autre demande écrite en vue d'obtenir des précisions, ou des interrogatoires écrits, au sujet des allégations des demandeurs se rapportant à ces questions, et les demandeurs devront répondre dans les 21 jours qui suivront la réception de cette demande.

6.    La requête que les défendeurs ont présentée en vue d'obtenir des précisions supplémentaires à ce stade est rejetée.

7.    La demande visant l'obtention d'une ordonnance enjoignant aux demandeurs de produire des copies des procès-verbaux des réunions du conseil de la bande et les dossiers des avocats est rejetée, sous réserve du droit des défendeurs de soulever de nouveau la question sur certains points précis, devant le juge chargé de l'instruction.

« W. Andrew MacKay »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad.a.


                                                                                                                              Date : 20010706

                                                                                                                        Dossier : T-2022-89

                                                                                                                                                          

OTTAWA (Ontario), le 6 juillet 2001

En présence de Monsieur le juge MacKay

ENTRE :

LE CHEF VICTOR BUFFALO, agissant en son nom personnel

et au nom de tous les autres membres des bande et nation indiennes

de Samson et LES BANDE ET NATION INDIENNES DE SAMSON

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

ET LE MINISTRE DES FINANCES

défendeurs

et

LE CHEF JEROME MORIN, agissant en son nom personnel et

au nom de tous les membres de la bande indienne d'Enoch et

des membres de la bande qui résident dans la réserve no 135

de Stony Plain, et EMILY STOYKA et SARA SCHUG

                                                                                                                        intervenants


                          Objet : engagements, précisions, production des

                                    procès-verbaux des réunions du conseil

                                               et des dossiers des avocats

Les défendeurs ayant présenté une requête en vue d'obtenir :

i)           une ordonnance enjoignant aux demandeurs de respecter les engagements qu'ils ont pris lors des interrogatoires préalables, l'audience y afférente ayant eu lieu le 3 novembre 1999;

ii)          une ordonnance enjoignant aux demandeurs de fournir des précisions supplémentaires conformément à la demande que les défendeurs ont faite le 15 juillet 1999, l'audience y afférente ayant eu lieu le 21 janvier 2000;

iii)          une ordonnance portant que les procès-verbaux des réunions du conseil de la bande et les dossiers des avocats doivent être produits, l'audience y afférente ayant eu lieu le 21 janvier 2000;

les décisions relatives à ces questions ayant été reportées lors des audiences;

Les arguments qui ont alors été présentés ayant été examinés;

                                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Eu égard aux circonstances, et compte tenu notamment du temps qui s'est écoulé depuis l'audition de la requête, la requête des défendeurs, en ce qui concerne quatre questions auxquelles il n'a pas été répondu lors des interrogatoires préalables (OG10, OG11, OG28 et OG162), est rejetée, sous réserve du droit des défendeurs de demander, au moyen d'interrogatoires écrits ou d'une demande écrite visant l'obtention de précisions, ou de précisions supplémentaires le cas échéant, les renseignements qui sont ici sollicités, les demandeurs devant répondre à cette demande dans les 30 jours qui suivront sa réception.


2.    Un énoncé supplémentaire des faits, tel qu'il a été demandé par les défendeurs dans la demande qu'ils ont présentée le 15 juillet 1999 en vue d'obtenir des précisions, semblable à celui que les demandeurs Ermineskin ont proposé dans l'action T-1254-92 lorsque la présente requête a été entendue, sans fournir de précisions supplémentaires à ce stade, doit être fourni par les demandeurs au plus tard le 7 août 2001 ou à toute autre date sur laquelle les parties se seront entendues.

3.    Au fur et à mesure que les interrogatoires préalables se rapportant à des questions particulières devant faire l'objet d'une instruction prendront fin, les défendeurs pourront présenter une autre demande écrite en vue d'obtenir des précisions, ou des interrogatoires écrits, au sujet des allégations des demandeurs se rapportant à ces questions et les demandeurs devront répondre dans les 21 jours qui suivront la réception de cette demande.

4.    La requête que les défendeurs ont présentée en vue d'obtenir des précisions supplémentaires à ce stade est rejetée.

5.    La demande visant l'obtention d'une ordonnance enjoignant aux demandeurs de produire des copies des procès-verbaux des réunions du conseil de la bande et les dossiers des avocats est rejetée, sous réserve du droit des défendeurs de soulever de nouveau la question sur certains points précis devant le juge chargé de l'instruction.

« W. Andrew MacKay »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad.a.


                                                                                                                              Date : 20010706

                                                                                                                        Dossier : T-2022-89

                                                                                                                                         T-1254-92

                                                                                              Référence neutre : 2001 CFPI 765

ENTRE :                                                                                                                         T-2022-89

LE CHEF VICTOR BUFFALO, agissant en son nom personnel

et au nom de tous les autres membres des bande et nation indiennes

de Samson et LES BANDE ET NATION INDIENNES DE SAMSON

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

ET LE MINISTRE DES FINANCES

défendeurs

et

LE CHEF JEROME MORIN, agissant en son nom personnel et

au nom de tous les membres de la bande indienne d'Enoch et

des membres de la bande qui résident dans la réserve no 135

de Stony Plain, et EMILY STOYKA et SARA SCHUG

                                                                                                                                     intervenants


ET ENTRE :                                                                                                                  T-1254-92

LE CHEF ERMINESKIN, LAWRENCE WILDCAT, GORDON LEE, ART LITTLECHILD, MAURICE WOLFE, CURTIS ERMINESKIN, GERRY ERMINESKIN, EARL ERMINESKIN, RICK WOLFE, KEN CUTARM, BRIAN LEE, LESTER FRAYNN, chef et conseillers élus des bande et nation indiennes d'Ermineskin, agissant en leur nom personnel et au nom de tous les autres membres des bande et nation indiennes d'Ermineskin

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

ET LE MINISTRE DES FINANCES

défendeurs

                                               MOTIFS DES ORDONNANCES

           

                                   Objet : engagements. précisions, production des

                                     procès-verbaux des réunions du conseil et des

                                                            dossiers des avocats

Le juge MacKay

[1]         Ces motifs se rapportent à trois requêtes présentées par les défendeurs (la Couronne) dans les deux actions ici en cause, qui sont entendues ensemble. La Couronne cherche par divers moyens à obtenir des renseignements au sujet de la preuve à laquelle elle doit répondre dans chaque cas compte tenu des actes de procédure.


[2]         La première requête, qui a été entendue le 3 novembre 1999, vise l'obtention d'une ordonnance portant que des réponses doivent être données au sujet de certains engagements qui ont été pris en vue de l'examen de questions découlant des interrogatoires préalables des représentants respectifs des demandeurs, auxquelles les demandeurs ont subséquemment refusé de répondre, principalement pour le motif qu'il ne s'agit pas de questions qu'il convient de poser dans le cadre d'un interrogatoire préalable puisqu'un grand nombre d'entre elles visent l'obtention de conclusions juridiques ou de l'avis d'experts, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de répondre aux engagements.

[3]         Les deuxième et troisième requêtes, qui ont été entendues le 21 janvier 2000, visent respectivement l'obtention d'une ordonnance portant que des précisions supplémentaires doivent être fournies au sujet des allégations que les demandeurs ont faites dans leurs déclarations ainsi que d'une ordonnance prévoyant la production des procès-verbaux des réunions du conseil de la bande et des dossiers des avocats, se rapportant à des avis juridiques ou à des discussions, lesquels, selon les demandeurs, sont protégés par le secret professionnel. La Couronne affirme avoir droit à la production en alléguant que les demandeurs ont renoncé au privilège par suite des allégations qu'ils ont faites au sujet de l'état de leurs connaissances pendant la période pertinente, de l'omission d'obtenir des avis juridiques indépendants et de l'absence de consentement éclairé sur des questions qu'ils auraient censément acceptées.


[4]         Les requêtes ont été présentées dans le cadre de la procédure de gestion de l'instance étant donné que l'instruction devait bientôt commencer, au mois de mai 2000. Les trois requêtes se rapportent à des interrogatoires préalables, à des précisions et à la production de documents concernant des questions de pétrole et de gaz qui ont été soulevées dans les actions. On ne s'attend pas à ce qu'à l'instruction, ces questions soient soulevées avant au moins la fin de l'automne 2001, mais je tiens néanmoins à m'excuser d'avoir tardé à trancher ces questions après l'audition des requêtes.

[5]         J'examinerai brièvement les arrêts récents qui portent sur l'approche qui est maintenant adoptée à l'égard des communications nécessaires aux fins de la préparation des audiences. J'examinerai ensuite chacune des trois requêtes à tour de rôle.

[6]         Les défendeurs se fondent sur l'approche qui est adoptée de nos jours en matière de communication préalable et sur le droit de la Couronne de connaître la preuve qu'elle doit réfuter à l'instruction. Les règles de la Cour visent à ce que la communication au moyen d'actes de procédure, de précisions, d'interrogatoires écrits ou d'interrogatoires préalables oraux, permette aux parties de connaître la preuve que chacune espère établir et que l'autre partie doit réfuter, de préciser les points sur lesquels les parties ne s'entendent pas, d'accroître les chances de règlement sur certains points ou sur tous les points et, en ce qui concerne les questions qui font de fait l'objet d'une instruction, d'éviter des surprises et d'assurer une utilisation efficace du temps consacré à l'affaire par les avocats et par la Cour.


[7]         Dans la décision Bande Montana et autres c. Canada, (1999), 172 F.T.R. 46, à la page 51 (1re inst.), Monsieur le juge Hugessen a notamment fait les remarques suivantes au sujet de la communication préalable :

[...]

L'interrogatoire préalable a pour objectif général de favoriser l'équité et l'efficacité de l'instruction en permettant à chacune des parties de se renseigner pleinement, avant l'instruction, sur la nature exacte des positions de toutes les autres parties, de façon à pouvoir définir avec précision les questions qui se posent. Il est dans l'intérêt de la justice que chaque partie soit le mieux informée au sujet des positions des autres parties afin de ne pas être défavorisée en étant prise par surprise à l'instruction. Il est tout à fait approprié pour la Cour d'adopter une démarche libérale face à l'étendue des questions pouvant être posées au cours de l'interrogatoire préalable puisqu'une erreur qui serait commise en autorisant des questions non appropriées peut toujours être corrigée par le juge présidant l'instruction qui décide ultimement de toutes les questions ayant trait à l'admissibilité de la preuve ; par ailleurs, toute erreur qui restreindrait indûment l'étendue de l'interrogatoire préalable peut mener à de graves problèmes ou même à des injustices au cours de l'instruction.

[...]

Sous réserve de certaines exceptions spéciales, comme la revendication d'un privilège, la pertinence est le critère clé qu'il faut appliquer aux questions à poser à l'étape de la communication des documents et de l'interrogatoire préalable ; en retour, ce critère est déterminé par les actes de procédure (Règle 240).

Bien qu'habituellement les interrogatoires préalables se fassent oralement, les Règles prévoient qu'ils puissent être faits par écrit, et il me semble que la Cour devrait avoir pour politique d'encourager l'utilisation de ces interrogatoires écrits dans les cas qui s'y prêtent. Il est probable que ce genre d'interrogatoires prendrait moins de temps et supprimerait entièrement la nécessité d'ajourner la séance pour permettre au témoin de se renseigner sur les faits appropriés.

[...]

Puisqu'il est clair que les réponses aux interrogatoires préalables seront presque toujours préparées par l'avocat ou avec son aide très active, les réponses évasives, ambiguës ou sans rapport avec la question ne doivent pas être tolérées. De la même manière, une latitude beaucoup plus grande peut être accordée aux questions dont les réponses peuvent exiger certains éléments de droit en sus du fondement principalement factuel.


[8]         Conformément au principe général qui s'applique en matière de communication préalable, Monsieur le juge Pelletier qui examinait, dans la décision Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances) (1999), 174 F.T.R. 270 (1re inst.), une demande visant l'obtention de directives portant que des réponses devaient être données à certaines questions auxquelles on avait refusé de répondre lors de l'interrogatoire préalable relatif à un affidavit, a ordonné qu'il soit répondu aux questions même s'il avait été soutenu que celles-ci visaient l'obtention de réponses concernant le droit ou l'interprétation d'une loi du Parlement. De l'avis du juge Pelletier, les questions se rapportaient aux fondements factuels sous-tendant une opinion ou une interprétation particulière du droit; le juge a ordonné que les faits pertinents et l'interprétation du droit fondée sur ces faits soient communiqués s'il s'agissait du motif pour lequel la demande était présentée. Dans cette affaire-là, même si une interprétation légale avait été donnée par l'avocat d'une partie, les faits qui sous-tendaient cette interprétation n'étaient pas assujettis au secret professionnel et l'interprétation n'était pas protégée contre la communication en tant que partie intégrante des préparatifs de l'instance.

[9]         Dans la décision Global Petroleum Corp. c. CBI Industries Inc. (1998), 172 D.L.R. (4th) 689 (C.A.N.-É.), Madame le juge Chipman, qui avait rejeté un appel interjeté contre la décision rendue par un juge siégeant en chambre, ce dernier ayant ordonné que les témoins comparaissent de nouveau pour répondre aux questions auxquelles ils avaient refusé de répondre lors de l'interrogatoire préalable, a fait les remarques suivantes (à la page 693) :


[TRADUCTION] [...] Les règles régissant la procédure et la communication dans les affaires civiles devraient être interprétées d'une façon libérale de façon à assurer une communication complète avant l'instruction. La chose vise à éviter les surprises, à réduire les frais et à encourager le règlement. [...]

Plus loin, à la page 695, le juge Chipman a fait les remarques suivantes :

[TRADUCTION] [...] les faits dont les appelants étaient au courant et qui se rapportent aux allégations figurant dans leur déclaration -- quelle que soit leur source, y compris les avocats -- doivent être divulgués. Il n'est pas nécessaire de divulguer la source.

Les appelants ont signalé devant nous un certain nombre de questions auxquelles il faut répondre, lesquelles ont été libellées en ces termes ou en des termes analogues :

Q - Quels sont les éléments de preuve que vous avez en votre possession au sujet [...]

Dans chaque cas où elle a ordonné qu'il soit répondu à la question, le juge Hamilton a décidé que, fondamentalement, un fait était demandé. L'ordonnance enjoint aux témoins de divulguer les faits, et non les éléments de preuve sur lesquels ont entend se fonder en vue d'établir ces faits. [...]

I            Requête : réponse aux engagements concernant les questions liées au pétrole et au gaz


[10]       Les défendeurs sollicitent une ordonnance enjoignant aux demandeurs de répondre à certaines questions qui ont été posées lors de l'interrogatoire préalable oral des représentants des demandeurs au sujet des questions liées au pétrole et au gaz, les demandeurs ayant pris ces questions en délibération et ayant en fin de compte refusé d'y répondre. Les questions sont numérotées séparément pour chacune des deux actions. J'énonce ici les questions se rapportant à l'action des Samson et ensuite celles qui se rapportent à l'action des Ermineskin, ces questions et les questions telles qu'elles sont libellées et numérotées dans la transcription des interrogatoires préalables étant en général regroupées aux fins des arguments des parties. Des directives concernant ces questions, avec de brefs motifs, sont ensuite données.

[11]       Une objection générale a été soulevée à l'égard de la requête des défendeurs telle qu'elle s'applique à de nombreuses questions en litige, à savoir qu'il ne convient pas de poser ces questions dans le cadre d'un interrogatoire préalable, en cette forme et selon ce libellé, car ces questions visent l'obtention de précisions se rapportant à des actes de procédure des demandeurs. Il est soutenu que des précisions, ou des précisions supplémentaires, doivent être sollicitées au moyen de demandes écrites. C'est en particulier ce qui est soutenu dans ce cas-ci, les représentants des demandeurs dans les interrogatoires préalables n'étant pas personnellement responsables des actes de procédure et devant uniquement répondre après avoir consulté leur avocat. Les défendeurs affirment qu'ils cherchent simplement à obtenir des renseignements auxquels ils ont droit afin de préparer une défense. Étant donné les dispositions inhabituelles qui ont été prises pour que l'instruction commence avant que tous les interrogatoires préalables soient terminés, ces renseignements doivent d'une façon ou d'une autre être fournis. Les demandeurs affirment que les questions posées lors des interrogatoires préalables, les demandes visant l'obtention de précisions et les interrogatoires écrits, même s'ils peuvent servir aux mêmes fins générales, sont des procédures bien établies et ne sont pas interchangeables.


Action T-2022-89

[12]       Dans l'action des Samson (T-2022-89), quatre questions sont en litige. Ces questions, et les arguments sommaires y afférents, sont ci-après énoncés :

OG10              Question prise en délibération : nous informer du rendement ou du montant de la redevance que la Couronne aurait dû obtenir selon les demandeurs (renvoi à l'alinéa 31(A)).

OG11              Question prise en délibération : nous donner des précisions, en ce qui concerne l'alinéa 31(B), en indiquant quelles dispositions auraient dû être imposées, quelles ententes étaient en cause, et quelle redevance aurait dû être obtenue.

Les défendeurs soutiennent qu'ils ont le droit de connaître la position des demandeurs en ce qui concerne les faits sous-tendant les allégations énoncées dans les alinéas mentionnés dans la déclaration.

Les demandeurs soulèvent une objection en se fondant sur plusieurs motifs. Il est soutenu que les renseignements que les défendeurs cherchent à obtenir ont déjà été fournis au moyen du résumé relatif aux questions liées au pétrole et au gaz mentionné par les demandeurs Samson, lequel a été fourni aux défendeurs dans le cadre de la procédure de gestion de l'instance. Je ne suis pas convaincu que ce résumé, qui est principalement libellé sous la forme de questions, réponde d'une façon adéquate aux questions que les défendeurs posent maintenant. Les demandeurs soulèvent en outre une objection fondée sur le fait qu'à leur avis, les questions OG10 et OG11 visent l'obtention d'avis de la part des avocats ou des experts. Des objections sont soulevées à l'égard des questions juridiques; quant aux questions relatives aux avis des experts, les réponses seront données en temps et lieu par les experts.


OG28              Question prise en délibération : nous informer des renseignements qui sont en la possession des Samson, en ce qui concerne la question de savoir s'il existait des renseignements au sujet des comptes de capital ou de recettes concernant la bande de Pigeon Lake ou la bande Samson que les Samson n'auraient pas obtenus; nous donner en outre des détails au sujet des renseignements que les Samson ont demandés à la Couronne, mais qu'ils n'ont pas reçus.

OG162             Question prise en délibération : nous dire si la seule question, en ce qui concerne le loyer afférent aux baux de surface, se rapporte au taux de rendement ou au tarif de location qui a été obtenu; nous informer en outre des périodes et des baux visés par cette allégation.

Les défendeurs soutiennent que les renseignements demandés sont nécessaires, de façon qu'ils ne soient pas pris par surprise à l'instruction, et ils affirment avoir le droit d'obtenir des renseignements au sujet de la preuve qu'ils doivent réfuter.

Les demandeurs ne veulent pas répondre à ces questions; ils affirment que la première question, OG28, est trop générale pour qu'il puisse y être répondu dans le cadre d'un interrogatoire préalable et que la Couronne est au courant des renseignements qu'elle a fournis à la bande Samson et de ceux qu'elle n'a pas fournis. En outre, les inconvénients, lorsqu'il s'agit de chercher à donner des réponses au sujet des renseignements auxquels les allégations soulevées dans l'action se rapportent, renseignements qui remontent à plus de 50 ans, l'emportent sur l'avantage que les défendeurs pourraient tirer desdits renseignements.

Quant à la question OG162, les défendeurs soutiennent qu'ils ont le droit de connaître les détails de toute allégation relative aux deux baux de surface, allégation qui figure dans la déclaration, comme l'a reconnu l'avocat des défendeurs lors de l'interrogatoire préalable.

Les demandeurs soulèvent une objection pour le motif que la question OG162 vise l'obtention d'un avis juridique et que, de toute façon, la Couronne est au courant des faits sous-tendant la question, à savoir les renseignements concernant les baux de surface.

[13]       Motifs sommaires :


(i)          Les questions en litige, à savoir les questions OG10, OG11, OG28 et OG162, se rapportent toutes à des précisions demandées relativement à la déclaration modifiée des demandeurs (no 3). Eu égard aux circonstances de l'espèce, et puisque le représentant des demandeurs lors de l'interrogatoire préalable n'était pas en mesure d'attester qu'il avait eu personnellement connaissance de demandes remontant à 50 ans ou plus, lesquelles avaient été faites au moyen d'une déclaration pour le compte du chef et des membres d'une bande et nation indienne, il ne convient pas de poser ces questions dans le cadre d'un interrogatoire préalable.

(ii)         Néanmoins, les défendeurs ont droit à des précisions au sujet des faits sous-tendant les diverses allégations des demandeurs. Quelle que soit la source de ces faits, y compris les avocats des demandeurs, ou les faits sur lesquels les avis des experts seraient fondés, les défendeurs ont le droit de connaître ces faits, mais non les avis des avocats et des experts fondés sur ces faits.

[14]       Décision relative aux engagements (T-2022-89) :

Eu égard aux circonstances, et compte tenu notamment du temps qui s'est écoulé depuis l'audition de la requête, la requête des défendeurs, en ce qui concerne les quatre questions auxquelles il n'a pas été répondu lors des interrogatoires préalables (OG10, OG11, OG28 et OG162), est rejetée, sous réserve du droit des défendeurs de demander, au moyen d'interrogatoires écrits ou d'une demande écrite visant l'obtention de précisions, ou de précisions supplémentaires le cas échéant, les renseignements qui sont ici sollicités, les demandeurs devant répondre à cette demande dans les 30 jours qui suivront sa réception.

Action T-1254-92


[15]       Dans l'action Ermineskin (T-1254-92), 21 engagements qui ont été pris lors des interrogatoires préalables relatifs aux questions de pétrole et de gaz étaient en cause. Dans leurs observations écrites initiales (les observations écrites des demandeurs Ermineskin concernant les engagements relatifs aux questions de pétrole et de gaz et la renonciation au privilège, lesquelles ont été déposées en tant que document 126 le 1er octobre 1999 et examinées le 3 novembre 1999), les demandeurs Ermineskin ont soutenu que la requête de la Couronne devrait être rejetée pour diverses raisons. Dans des observations écrites postérieures (les observations écrites des demandeurs Ermineskin présentées en réponse à la requête des défendeurs visant l'obtention de précisions supplémentaires, lesquelles ont été déposées en tant que document 136 le 22 novembre 1999), les demandeurs Ermineskin ont encore une fois fait valoir les raisons pour lesquelles ils refusaient de répondre aux engagements. De l'avis des demandeurs, il ne convient pas de poser ces questions dans le cadre d'un interrogatoire préalable ou en vue d'obtenir des réponses aux engagements. Les demandeurs ont également refusé de fournir des précisions supplémentaires, les objections y afférentes ayant été entendues lors de l'audition de la requête des défendeurs visant l'obtention de précisions au mois de janvier 2000, pendant que les interrogatoires préalables relatifs aux questions de pétrole et de gaz étaient encore incomplets et qu'ils se poursuivaient encore, même si l'instruction était en cours sur d'autres points. Les demandeurs Ermineskin ont ensuite fait une proposition en vue de fournir des renseignements additionnels au sujet d'un grand nombre d'engagements ainsi qu'au sujet des précisions, de façon à aider les défendeurs à connaître la preuve à laquelle ils doivent faire face dans l'action T-1254-92.


[16]       Selon cette proposition, qui était destinée à permettre à la Couronne de mieux se préparer aux fins de l'instruction, les demandeurs Ermineskin devaient fournir un énoncé de position répondant aux questions de la Couronne qui, selon eux, peuvent donner lieu à des réponses à ce stade aux fins de la préparation. Cela répondrait à certains engagements et compléterait et éclaircirait les précisions et l'énoncé des questions en litige que les Ermineskin ont déjà remis. Cet autre énoncé qui est proposé ne renfermerait pas tous les détails et les faits sur lesquels les Ermineskin peuvent en fin de compte se fonder en ce qui concerne les questions de pétrole et de gaz, étant donné que ces détails ne seront peut-être pas connus au complet avant la fin des interrogatoires préalables.

[17]       Les Ermineskin ont indiqué qu'ils veilleraient avec diligence à remettre l'énoncé proposé à la Couronne, même s'il fallait peut-être y consacrer beaucoup de temps. En outre, les Ermineskin ont indiqué qu'ils étaient prêts à fournir des précisions supplémentaires, comme il en a été fait mention dans les arguments et dans les discussions lorsque la requête que la Couronne a présentée en vue d'obtenir des précisions a été entendue au mois de janvier 2000.

[18]       Lors des audiences qui ont eu lieu au mois de novembre 1999 et au mois de janvier 2000, l'avocat de la Couronne a bien accueilli la proposition des Ermineskin comme moyen d'obtenir les renseignements demandés. L'énoncé que les Ermineskin étaient alors prêts à fournir devait comprendre les sujets suivants, qui se rapportaient aux demandes que la Couronne avait faites en vue d'obtenir les réponses aux engagements qui avaient été pris, ou en vue d'obtenir les précisions sollicitées dans la demande du 15 juillet 1999, tel qu'il en est fait mention dans le dossier des défendeurs qui a été déposé le 14 octobre 1999.

Sujet général

Engagement ou précisions

A.       Gouvernance de la bande,

approbations et consentements

Engagement no 1

Demande de précisions, par. G.1, G.2

B.       Drainage-Production insuffisante

- sans fournir de chiffres précis ou d'autres détails au sujet de la preuve des experts avant la remise des rapports des experts.

Engagements nos 36, 52, 64

Demande de précisions, par. A.1a), A.2, C.1-C.6

C.       Bail défavorable

Conditions et redevances

(des réserves semblables à celles qui sont faites en B, ci-dessus, sont faites)

Engagements nos 10, 12, 32, 33, 35, 41, 54, 55.

Demande de précisions

A.1b)-d) et D.1-D.3.

D.       Surveillance, vérifications et exécution (en général)

(des réserves semblables à celles qui sont faites en B, ci-dessus, sont faites)

Engagement no 63.

E.       Unification relative au gaz

(des réserves semblables à celles qui sont faites en B, ci-dessus, sont faites)

Demande de précisions,

paragraphe E.1.

F.       Déduction des frais relatifs au gaz

Aucune précision particulière tant que les vérifications en cours et le litige connexe ne seront pas terminés.

Demandes de précisions

paragraphe F.1 - Les Ermineskin confirment que la déduction des frais relatifs au gaz fait partie du litige

G.       Taxe

Les Ermineskin fourniront un énoncé de la position qu'ils prennent au sujet de la question de la taxe à l'exportation en vue de répondre d'une façon générale aux préoccupations de la Couronne.

Demande de précisions

paragraphes B.1 et B.2.

H.       Réserve d'origine

Les Ermineskin confirment qu'à l'heure actuelle, aucune question n'est soulevée au sujet de leur réserve d'origine.

Demande de précisions

paragraphes A.1e) et A.2.

[19] Étant donné que les défendeurs ont accueilli d'un bon oeil la proposition des Ermineskin, les seuls engagements qui ne sont pas encore exécutés, parmi ceux qui sont énoncés dans la requête des défendeurs, sont les engagements suivants :

No 37 :

En ce qui concerne le paragraphe 2 des précisions, page 5, indiquer si cette allégation se rapporte au rendement obtenu par les demandeurs en leur qualité de bailleurs ou de bénéficiaires des baux nos 52 et 93 à Pigeon Lake.

No 38 :

En ce qui concerne l'engagement susmentionné, indiquer ce qui constitue, selon les demandeurs, un rendement adéquat et équitable et pourquoi le rendement obtenu par les bandes n'était pas adéquat et équitable -- question prise en délibération.

No 43 :

Indiquer si les demandeurs ont fait savoir à la Couronne, dans ce cas-ci, que le taux de redevance est trop élevé et qu'ils ont de la difficulté à encourager l'exploration sur les terres à l'égard desquelles ils ont un droit.


[Les demandeurs déclarent qu'ils informeront la Couronne s'ils découvrent un cas (tel qu'il est décrit au no 43) dans lequel un avis a été donné. (Aucun cas n'a encore été découvert).

No 44 :

En ce qui concerne l'engagement susmentionné, indiquer si les demandeurs soutiennent que cela n'aurait pas dû être le cas et qu'un régime spécial aurait dû s'appliquer à leurs terres et dans l'affirmative, fournir les précisions y afférentes - question prise en délibération.

No 45 :

En ce qui concerne le moment où les demandeurs auraient dû, selon ce qu'ils allèguent, obtenir un rendement adéquat ou un rendement équitable ou un rendement plus élevé, indiquer quelle est la norme -- question prise en délibération.

No 46 :

Indiquer quelle était la position des demandeurs en ce qui concerne la question de savoir si le fait d'encourager l'exploration sur les terres indiennes constituait une considération importante ou quel était leur avis en ce qui concerne l'importance de cette question lorsqu'il s'est agi d'établir le taux de redevance, ou le taux de rendement -- question prise en considération.

No 64 :

En ce qui concerne le paragraphe 5, indiquer si les demandeurs soutiennent que les exploitants avaient pris l'habitude de manipuler la production et avaient adopté une politique de préférence quant à la production, comme on le laisse entendre dans ce paragraphe; dans l'affirmative, fournir des précisions à ce sujet s'ils ne se sont pas encore engagés à le faire -- question prise en délibération.

No 65 :

Indiquer ce que la Couronne aurait dû faire au sujet du droit des demandeurs relatif aux redevances -- question prise en délibération.

[20] Motifs sommaires


(i)          À mon avis, les questions non réglées en ce qui concerne les engagements que les Ermineskin ont refusé de prendre, eu égard aux circonstances de l'espèce, ne sont pas des questions qu'il convient de poser au déclarant des demandeurs dans le cadre d'un interrogatoire préalable. En général, ces questions visent l'obtention de renseignements se rapportant à des questions sous-tendant les actes de procédure des demandeurs, des questions qui font habituellement l'objet de demandes de précisions, et des questions que le déclarant des demandeurs au contre-interrogatoire préalable ne connaîtrait probablement pas dans ce cas-ci eu égard aux circonstances.

(ii)         Néanmoins, les défendeurs ont le droit d'obtenir des renseignements au sujet des faits sous-tendant les allégations des demandeurs et de les obtenir en temps opportun, de façon à connaître de la façon appropriée la preuve qu'ils ont à réfuter et à se préparer. Il a peut-être déjà été satisfait à ce droit, ou il se peut qu'il ne l'ait pas encore été, en partie du moins, au moyen de la remise par les demandeurs Ermineskin de l'énoncé de position supplémentaire, tel qu'il est énoncé dans leurs observations écrites [...] au sujet des précisions supplémentaires (document 136, déposé le 22 novembre 1999), que les défendeurs ont accepté à l'audience. Si cet énoncé n'a pas encore été fourni, les demandeurs Ermineskin devraient déterminer s'il est possible de donner des renseignements supplémentaires à l'égard des engagements et des demandes de précisions en suspens, et fournir ensuite sans délai l'énoncé proposé.

[21] Décision relative aux engagements (T-1254-92)

Eu égard aux circonstances, la Cour ordonne :

(i)          la requête des défendeurs, en ce qui concerne 21 questions non réglées par suite du refus de prendre des engagements, est rejetée;

(ii)         l'énoncé de position des demandeurs Ermineskin figurant dans le document 135 qui a été déposé le 22 novembre 1999 doit être fourni aux défendeurs, s'il ne l'a pas encore été, au plus tard le 7 août 2001 ou à toute autre date sur laquelle les parties se seront entendues ou, à défaut d'entente, à la date fixée par le juge chargé de l'instruction;

(iii)        à moins que les parties ne s'entendent sur une autre procédure visant à satisfaire au droit que possèdent les défendeurs de connaître la preuve qu'ils ont à réfuter, la présente directive est donnée, en ce qui concerne les alinéas i) et ii), sous réserve du droit des défendeurs de demander, au moyen d'une demande écrite visant l'obtention de précisions ou de précisions supplémentaires, le cas échéant, les renseignements visés par les engagements nos 37, 38, 43, 44, 45, 46, 64 et 65 qui n'ont pas été respectés, lesquels sont énoncés dans les documents relatifs à la requête des défendeurs si ces renseignements ne sont pas inclus dans le projet d'énoncé supplémentaire des faits présenté par les demandeurs Ermineskin.


II.         Requête relative aux demandes additionnelles de précisions faites par les défendeurs

[22] Les défendeurs ont présenté une demande de précisions dans leur lettre d'envoi du 15 juillet 1999, adressée aux demandeurs Samson dans l'action T-2022-89 et aux demandeurs Ermineskin dans l'action T-1254-92. Cette demande visait l'obtention des précisions énoncées à l'annexe A de ces motifs. Les demandeurs Ermineskin ont initialement refusé de répondre à la demande; les demandeurs Samson ont fourni quelques précisions, mais ils ont répondu à la plupart des questions en disant qu'elles n'étaient pas appropriées puisque l'on cherchait à obtenir des avis, y compris des avis d'avocats et d'experts, qui ne devraient pas faire l'objet d'une demande de précisons. La requête qui est maintenant présentée vise l'obtention d'une ordonnance portant que ces précisions telles qu'elles ont initialement été demandées au mois de juillet 1999 doivent être fournies, aux fins de la préparation de l'instruction.

[23] Les demandeurs Samson ont en fin de compte répondu à la demande en énonçant quelques précisions et en s'opposant d'une façon générale à la plupart des questions soulevées, celles-ci visant, à leur avis, l'obtention d'avis plutôt que de faits.


[24] Les demandeurs ne veulent pas répondre à la demande, et ce, pour plusieurs raisons. Les demandeurs Ermineskin, avec qui les demandeurs Samson sont d'accord, soutiennent que, quant à sa forme et à sa substance, la demande ne vise pas l'obtention de précisions relatives aux actes de procédure des demandeurs. La demande se rapporte à des questions qui ne sont pas incluses dans les actes de procédure ou dans les précisions qui ont déjà été fournies. En outre, les demandeurs affirment que les actes de procédure et les précisions ne devraient pas les lier tant qu'ils n'auront pas pleinement eu la possibilité de constater les faits au moyen des interrogatoires préalables qui, en ce qui concerne les questions de pétrole et de gaz, sont encore en instance. En outre, il est soutenu qu'un grand nombre des précisions demandées se rapportent à des questions relatives à des avis d'avocat ou d'expert, ou au montant des dommages-intérêts réclamés, et qu'il ne convient pas de répondre à ces questions au moyen de précisions.

[25] Les précisions servent à informer la partie adverse de la nature de la preuve à réfuter; elles évitent les surprises et permettent à la partie adverse de se préparer aux fins de l'instruction; de plus, elles limitent les questions à trancher [voir Gulf Canada Limitée c. « Le Mary Mackin » (1984), 52 N.R. 282, page 284 (C.A.F.)]. Il a été reconnu que les précisions nécessaires aux fins de la préparation de l'instruction ont une portée plus générale que celles qui sont nécessaires aux fins de la rédaction des actes de procédure [Société canadienne des postes c. Epost Innovations Inc. (1999), 2 C.P.R. (4th) 21, paragraphe 17 (C.F. 1re inst.)].


[26] Malgré les objections qu'ils ont soulevées, les avocats des Ermineskin ont fait savoir qu'ils étaient prêts à fournir un autre énoncé des faits en vue de tenter de répondre aux demandes de renseignements des défendeurs de façon que ces derniers puissent préparer leur défense et, comme il en a ci-dessus été fait mention, les défendeurs ont bien accueilli cette proposition. Comme je l'ai dit en parlant des engagements, la proposition des Ermineskin vise à répondre, dans la mesure où il est possible de le faire à ce stade, aux questions soulevées par les défendeurs dans leurs demandes, ces questions étant désignées comme suit à l'annexe A :

A(1)a) à d), A(2)

B(1) et (2)

C(1) à (6)

D(1) à (3)

E(1)

G(1) et (2)

[27] Quant aux précisions A(1)e) et A(2), les demandeurs Ermineskin nient que des questions concernant leur réserve d'origine soient soulevées dans cette action. Quant à la précision F(1), les Ermineskin confirment que la question de la déduction des frais relatifs au gaz fait partie du litige à ce stade, mais que des renseignements complets à ce sujet pourront uniquement être fournis une fois les vérifications en cours et le litige connexe terminés.


[28] Je reconnais que le fait de demander des précisions dans une action où les interrogatoires préalables sont incomplets pose un problème, et ce, particulièrement lorsqu'un grand nombre des renseignements sous-tendant l'action sont en la possession et sous le contrôle de la partie qui les demande. Toutes les parties reconnaissent qu'il s'agit ici d'un cas inhabituel quant à sa portée et à son organisation. Personne ne conteste sérieusement que la Couronne a le droit de connaître la preuve qu'elle doit réfuter et de se préparer, et toutes les parties reconnaissent que les demandeurs ne peuvent pas connaître dans les moindres détails les faits sous-tendant leurs allégations tant que les interrogatoires préalables ne sont pas terminés.

[29] La proposition que les Ermineskin ont faite, soit remettre un énoncé supplémentaire des faits, en tentant de fournir les renseignements que la Couronne demande en vue de se préparer à répondre à leur preuve, sous réserve de leurs droits, constitue un juste milieu et offre une possibilité de faire avancer les choses. À ceci vient s'ajouter le fait que les Ermineskin ont indiqué qu'ils étaient prêts à fournir les précisions appropriées au fur et à mesure que les interrogatoires préalables prenaient fin en ce qui concerne les phrases plus ou moins distinctes proposées aux fins de l'instruction de ces actions. La directive ci-après énoncée vise à donner suite à la proposition des Ermineskin s'il n'y a pas déjà été donné suite, et à appliquer cette proposition à l'action des Samson.

[30] Décision relative aux précisions supplémentaires

La Cour ordonne :


(i)          Il sera donné suite à la proposition que les Ermineskin ont faite en vue de fournir un énoncé supplémentaire des faits à l'égard de l'action T-1254-92, sans donner de précisions supplémentaires à ce stade, au plus tard le 7 août 2001 ou à toute autre date sur laquelle les parties se seront entendues, si cela n'a pas été fait. Les demandeurs Samson fourniront dans le même délai un énoncé similaire dans l'action T-2022-89;

(ii)         Dorénavant, au fur et à mesure que les interrogatoires préalables relatifs aux questions particulières devant faire l'objet d'une instruction prendront fin, les défendeurs pourront présenter une autre demande écrite en vue d'obtenir des précisions, ou des interrogatoires écrits, au sujet des allégations des demandeurs se rapportant à ces questions, et les demandeurs devront répondre dans les 21 jours qui suivront la réception de cette demande;

(iii)        Compte tenu de ces directives, la requête que les défendeurs ont présentée en vue à ce stade d'obtenir, dans les deux actions, des précisions supplémentaires est rejetée.

III.        Requête relative à la production des procès-verbaux des réunions des conseils de bande et des dossiers des avocats


[31] J'examinerai enfin la requête que les défendeurs ont présentée en vue d'obtenir la production des procès-verbaux des réunions des conseils de bande et des dossiers des avocats, ceux-ci étant selon les demandeurs protégés par le secret professionnel. La requête est fondée sur des arrêts dans lesquels il a été statué que la partie qui met en cause sont propre état d'esprit ou ses connaissances, que ce soit par sa demande ou par une défense affirmative, renonce au privilège protégeant les communications avocat-client qui se rapportent à ces connaissances ou à cet état d'esprit. Les défendeurs affirment que les demandeurs Samson et les demandeurs Ermineskin ont déposé des réponses dans lesquelles ils disaient clairement qu'ils avaient pris connaissance des faits pertinents sur lesquels les allégations sont fondées peu de temps seulement avant l'introduction de leurs actions respectives.

[32] La Couronne soutient que les renseignements qu'elle cherche à obtenir au sujet des avis juridiques que les bandes demanderesses ont sollicités et obtenus sont essentiels aux allégations selon lesquelles les demandeurs n'avaient pas antérieurement connaissance des faits sur lesquels leurs allégations sont fondées et qu'ils ne comprenaient donc pas leur position sur le plan juridique. Les demandeurs affirment qu'ils n'ont pas obtenu l'avis d'avocats indépendants même après 1951, lorsque la Loi sur les Indiens a été modifiée de façon à permettre aux bandes de consulter des avocats. Pourtant, les dossiers mêmes de la Couronne montrent que des avocats agissaient pour le compte des bandes. La Couronne sollicite des renseignements complets, à l'aide des procès-verbaux des réunions des conseils de bande et des dossiers des avocats, au sujet des avis juridiques fournis aux bandes et des dates auxquelles ces avis ont été fournis.


[33] Les demandeurs Samson et les demandeurs Ermineskin nient avoir mis en cause leur état d'esprit ou leurs connaissances au moyen de réponses concernant principalement les prescriptions légales invoquées par les défendeurs. Les Ermineskin soutiennent que le fait de se fonder sur ces prescriptions est inconstitutionnel et que cela va à l'encontre des droits qui leur sont reconnus par traité. Les deux bandes concèdent qu'il peut y avoir renonciation implicite au secret professionnel, mais uniquement sur des points précis et à l'égard de la totalité ou de certaines parties de documents particuliers. Il est soutenu qu'il n'est pas approprié d'ordonner la production de tous les procès-verbaux des réunions des conseils de bande ou des dossiers des avocats qui peuvent se rapporter à une question ou à une allégation générale soulevée par la Couronne.

[34] Je suis convaincu qu'il n'est pas opportun d'ordonner la production des documents protégés par le secret professionnel ou des procès-verbaux des réunions des conseils de bande, compte tenu des principes généraux qui sont ici invoqués par la Couronne. Je reconnais que, dans certains cas, l'état d'esprit ou la connaissance des demandeurs sur un point particulier est en cause, mais en pareil cas, il serait inéquitable de demander aux demandeurs de se fonder sur un privilège en vue d'éviter d'indiquer l'état véritable de leurs connaissances aux moments pertinents. La question soulevée par la requête de la Couronne ne disparaîtra pas, et elle peut à certains égards avoir de l'importance en ce qui concerne les allégations des demandeurs ou les allégations que les défendeurs ont faites dans leur défense. Il serait bon que les parties arrivent à s'entendre sur une procédure et sur les principes applicables à la divulgation des renseignements ici sollicités par les défendeurs, mais sur une base distincte en ce qui concerne les points dont il aura été convenu.


[35] Dans ces conditions, je rejette la demande que les défendeurs ont présentée en vue d'obtenir une ordonnance portant que les demandeurs doivent produire les procès-verbaux des réunions des conseils de bande et les dossiers des avocats se rapportant aux avis juridiques de temps en temps fournis aux demandeurs, le secret professionnel étant invoqué dans les deux cas. La chose n'empêchera toutefois pas les défendeurs de renouveler leur demande sur certains points précis.

[36] Puisque les instructions sont en cours, il serait bon, si l'affaire doit se poursuivre, que toute nouvelle requête de la Couronne soit présentée pour examen par le juge chargé de l'instruction, ce dernier étant en fin de compte responsable de l'admission de la preuve à l'instruction et connaissant les questions soulevées par la preuve ainsi que les arguments invoqués par les parties au fur et à mesure que les instructions se déroulent.

Décision

[37] La demande que les défendeurs ont présentée en vue d'obtenir une ordonnance portant que les demandeurs dans les deux actions doivent produire les copies des procès-verbaux des réunions des conseils de bande et des dossiers des avocats, le secret professionnel étant invoqué dans les deux cas, est rejetée, les défendeurs ayant toutefois le droit de soulever de nouveau la question sur des points précis devant le juge chargé de l'instruction.


Conclusion

[38] Une ordonnance portant que les requêtes des défendeurs doivent être réglées conformément aux décisions énoncées dans ces motifs est rendue dans chaque dossier.

« W. Andrew MacKay »

Juge

OTTAWA (Ontario),

le 6 juillet 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad.a.


                                                                                                                                          Annexe A

Texte de la demande de précisions adressée par les défendeurs aux demandeurs Samson (T-2022-89) et aux demandeurs Ermineskin (T-1254-92) le 15 juillet 1999

[TRADUCTION]

I.           Questions générales et questions communes

(1)         Aux paragraphes 7 à 14 de la liste des questions en litige, les demandeurs Samson énoncent la question de savoir si la Couronne a établi une norme appropriée de gestion du pétrole et du gaz, s'il y a eu une consultation suffisante, etc., mais la bande Samson n'énonce nulle part sa position en ce qui concerne le loyer économique qui aurait dû être obtenu pour Pigeon Lake en sus de celui que la Couronne fédérale a obtenu pour les Samson. Nous demandons aux Samson de faire connaître la position qu'ils prennent sur les points suivants :

a) Quelle est la production additionnelle approximative qui aurait dû être obtenue pour le compte des bandes, quelle est la période visée, et quelles mesures la Couronne aurait-elle dû prendre pour en arriver à cette production?

b) Quel est le prix réputé ou réel qui aurait dû être obtenu pour cette production et quel est le fondement de l'allégation des Samson?

c) Quel est le taux de redevance qui aurait dû être obtenu en sus de ce que la Couronne a de fait obtenu pour le compte des quatre bandes, quelle est la période visée et quel est le fondement de cette assertion?

d) Quelles sont les déductions autorisées par la Couronne dans le calcul de la redevance payable qui n'auraient pas dû être autorisées, et quels sont les produits et la période visés?

e) Si des questions se rapportant à la réserve d'origine des Samson sont poursuivies dans cette action, quelles sont ces questions et quels sont les renseignements y afférents?

(2)    Les Ermineskin font des allégations similaires et la Couronne demande à ceux-ci de fournir les mêmes précisions dans la mesure où ils font les mêmes allégations ou des allégations similaires.


B.     Taxe à l'exportation

(1)    Quels sont les avis juridiques que la Couronne a sciemment omis de communiquer aux Samson en ce qui concerne l'allégation figurant à la page 4, en a)(iv)?

C.     Drainage-Production insuffisante

(1)    Quelles sont les mesures raisonnables ou autres que la Couronne aurait dû prendre pour que les bandes obtiennent une production supérieure à celle qui a en fait été obtenue pour leur compte?

(2)    Quelles sont les mesures raisonnables ou autres que la Couronne aurait dû prendre pour que les bandes obtiennent une part cumulative de la production supérieure à celle qui a été obtenue pour leur compte?

(3)    Quels sont les faits qui, selon les Samson et les Ermineskin, auraient dû être connus de la Couronne et qui auraient amené cette dernière à croire que les quatre bandes n'obtenaient pas une part équitable du pétrole qui se trouvait initialement sur les lieux et quelles sont les mesures qui, selon eux, auraient dû être prises par la Couronne à cet égard?

(4)    Quelle directive le gestionnaire aurait-il dû donner en vertu de l'article 22 du Règlement de 1997?

(5)    À quel moment le gestionnaire aurait-il dû donner cette directive?

(6)    Quels sont les secteurs que la Couronne aurait dû, selon les bandes, exclure des baux à Pigeon Lake et à quel moment la Couronne aurait-elle dû les exclure?

(7)    En ce qui concerne l'alinéa (v) figurant à la page 7 de la liste de questions des Samson, des explications devraient être données au sujet de l'allégation. De quelles règles de la ligne droite les Samson parlent-ils, quelle application la Couronne aurait-elle dû effectuer pour le compte de la bande et à quel moment?

D.    Le régime des redevances

(1)    Les bandes allèguent que le prix du gaz naturel aurait dû être plus élevé. Quel aurait dû être ce prix et quelle est la période visée?


(2)    Les Samson allèguent que le prix affiché qui a été utilisé pour le pétrole ne représentait pas la juste valeur du produit. Quelle est la période visée et de combien le prix était-il inférieur à la juste valeur? Si les Ermineskin font la même allégation, nous leur demandons de fournir les mêmes renseignements.

(3)    Quelles sont les déductions non appropriées ou irrégulières qui ont été autorisées par la Couronne dans le calcul de la redevance et pendant combien de temps?

E.     Entente concernant l'unification relative au gaz

(1)    Quelle allocation de périmètre d'exploitation la Couronne aurait-elle dû obtenir en ce qui concerne l'entente concernant l'unification relative au gaz?

F.     Déduction des frais relatifs au gaz

(1)    La question de la déduction des frais relatifs au gaz fait-elle partie du présent litige? Dans l'affirmative, la Couronne demande des précisions au sujet de la déduction que la Couronne n'aurait pas dû autoriser, selon les Samson, y compris le montant des déductions en cause ainsi que les biens et la période visés.

G.    Approbation ou consentement des bandes

(1)    Si l'une ou l'autre des bandes demanderesses allègue que son consentement ou son approbation a été obtenue compte tenu de renseignements inexacts ou incomplets, les défendeurs ont besoin de renseignements au sujet des consentements ou approbations en question ainsi qu'au sujet des renseignements inexacts ou incomplets en cause.

(2)    Si l'une ou l'autre des bandes allègue que la Couronne a conclu des ententes sans son consentement, nous lui demandons de désigner ces ententes.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      T-2022-89 et T-1254-92

INTITULÉ :                                                                     le chef Victor Buffalo et autres

c.

Sa Majesté la Reine et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Calgary (Alberta)

DATE DES AUDIENCES :                                        le 3 novembre 1999;

le 21 janvier 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           Monsieur le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                                                  le 6 juillet 2001

COMPARUTIONS :

M. James O'Reilly

M. Ed Molstad

M. Peter Hutchins

Mme Priscilla Kennedy                                                     POUR LA DEMANDERESSE SAMSON (T-2022-89)


                                                                                                                                              Page : 2

Mme Claudia McKinnon                                                    POUR LA DEMANDERESSE ERMINESKIN (T-1254-92)

M. Allan Macleod, c.r.

Mme Mary Comeau

Mme Brenda Armitage

M. James Bazant                                                               POUR SA MAJESTÉ LA REINE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

O'Reilly et associés

Montréal (Québec)

Parlee McLaws

Calgary (Alberta)

Hutchins, Soroka & Dionne

Montréal (Québec)                                                            POUR LA DEMANDERESSE SAMSON (T-2022-89)

Blake, Cassels & Graydon

Calgary (Alberta)                                                               POUR LA DEMANDERESSE

(T-1254-92)

Macleod Dixon

Calgary (Alberta)                                                               POUR SA MAJESTÉ LA REINE

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