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                                                                                                                               Date : 20050930

                                                                                                                    Dossier : IMM-1449-05

                                                                                                               Référence : 2005 CF 1328

ENTRE :

                                          Ulises Roberto MELENDEZ MARTINEZ

                                                Juan Carlos CANO VERDUZCO

                                                                                                                                    Demandeurs

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                        Défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) rendue le 11 février 2005, statuant que les demandeurs ne sont pas des « réfugiés au sens de la Convention » , ni des « personnes à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.


[2]         Ulises Roberto Melendez Martinez, le demandeur principal, allègue être homosexuel, et Juan Carlos Cano Verduzco, son conjoint de fait depuis le 14 février 2002, allègue pour sa part être bisexuel. Tous deux présentent des histoires de persécution reliées à leur orientation sexuelle et leurs problèmes allégués coïncideraient avec le début de leur cohabitation.

[3]         Le tribunal n'a pas cru l'histoire des demandeurs. Bien que son analyse, à cet égard, ne soit pas exempte d'erreur, il n'en demeure pas moins que le tribunal, par ailleurs, suite à une analyse détaillée, a conclu au défaut, par les demandeurs, de repousser la présomption de leur protection par ltat. Le tribunal a aussi conclu à l'existence d'un refuge interne.

[4]         Or, il existe une présomption générale suivant laquelle ltat est en mesure de fournir une protection à ses citoyens; une preuve claire et convaincante est nécessaire lorsque le demandeur veut établir que ce n'est pas le cas (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux pages 724-725). Dans Canada (M.E.I.) c. Villafranca (1992), 150 N.R. 232, la Cour d'appel fédérale a exprimé ce qui suit, à la page 233 :

Il n'est pas facile de se décharger de l'obligation de prouver que l'on ne peut pas se réclamer de la protection de son propre pays. Le test applicable est objectif, le demandeur étant tenu de démontrer qu'il lui est physiquement impossible de rechercher l'aide de son gouvernement (ce n'est clairement pas le cas ici) ou que le gouvernement lui-même ne peut d'une façon quelconque la lui accorder.


[5]         Je ne suis pas convaincu que les demandeurs aient renversé cette présomption. Le tribunal a reconnu que même si la situation n'est pas parfaite au Mexique, il n'existe pas une preuve claire et convaincante que ltat mexicain ne tenterait pas d'assurer la protection des demandeurs s'ils devaient retourner dans leur pays, du moins dans le district fédéral de Mexico ou d'autres agglomérations urbaines, ou encore dans les villes touristiques d'Acapulco et de Cancun, où les minorités sexuelles peuvent vivre dans un certain climat de tolérance et avec l'appui de plusieurs organismes de défense de leurs droits. Les demandeurs n'avaient effectué aucune autre recherche de protection dans leur pays, soit auprès d'une autre délégation de police, ni de suivi auprès du procureur de justice de ltat de Puebla. Je pense qu'il ntait pas déraisonnable pour le tribunal de conclure que les demandeurs n'ont pas démontré qu'ils avaient agi de manière raisonnable en se contentant de faire une seule démarche de protection auprès des autorités mexicaines.

[6]         Les demandeurs soumettent que la pièce P-19 confirmait que la police mexicaine arrêtait et harcelait les couples homosexuels dans le district fédéral de Mexico. Le défendeur soumet que le fait que la CISR n'ait pas fait mention de ce document dans ses motifs ne démontre pas qu'elle ne l'a pas considéré. À ce sujet, il est bien établi que le tribunal n'est pas tenu de mentionner dans les motifs de sa décision chacun des éléments de preuve qu'il a considérés (voir Hassan c. Canada (M.E.I.) (1993), 147 N.R. 317 (C.A.F.) et Zhou c. ministre de l'Emploi et de l'Immigration (18 juillet 1994), A-492-91 (C.A.F.)). Il existe une présomption voulant que la Section de la protection a considéré l'ensemble de la preuve avant d'en arriver à une décision (Woolaston c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1973] R.C.S. 102 et Hassan, supra).

[7]         Les demandeurs soumettent, dans leur mémoire écrit, que le tribunal a conclu de manière abusive que leur histoire avait été inventée, considérant que le commissaire, durant l'audition, a fait savoir à l'avocat Me Alain Joffe qu'il ntait pas intéressé à ce que l'on pose des questions reliées à l'orientation sexuelle des demandeurs ni à leur relation de couple. Or, il ressort clairement des motifs de la CISR qu'elle n'a pas mis en doute l'orientation sexuelle ou la relation des demandeurs. Ce que le tribunal n'a pas cru, c'est l'histoire de persécution alléguée. Je suis donc d'avis qu'il n'y a eu aucun bris de justice naturelle ou dquité procédurale en l'espèce.

[8]         Dans les circonstances, l'orientation sexuelle des demandeurs ayant été correctement appréciée, les conclusions de la CISR reliées à la protection de ltat et à l'existence d'un refuge interne sont supportées par de sérieux éléments de preuve au dossier et justifient, à elles seules, le rejet de la présente demande de contrôle judiciaire.


[9]         Une ordonnance est donc rendue en conséquence.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 septembre 2005


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1449-05

INTITULÉ :                                                       Ulises Roberto MELENDEZ MARTINEZ, Juan Carlos CANO VERDUZCO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 20 septembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 30 septembre 2005        

COMPARUTIONS :

Me Pia Zambelli                                              POUR LES DEMANDEURS

Me Evan Liosis                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alain Joffe                                                       POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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