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     Date : 19990428

     Dossier : T-1879-98

Ottawa (Ontario), le 28 avril 1999

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

     2970-7080 QUÉBEC INC.,

     GIUSEPPINA PETRACCONE,

     PASQUALE PETRACCONE,

     ANGELA RAMADORI,

     LORENZO RAMADORI,

     - et -

     SESTO RAMADORI,

     demandeurs,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande est rejetée avec dépens.

                         YVON PINARD
                                 JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     Date : 19990428

     Dossier : T-1879-98

Entre :

     2970-7080 QUÉBEC INC.,

     GIUSEPPINA PETRACCONE,

     PASQUALE PETRACCONE,

     ANGELA RAMADORI,

     LORENZO RAMADORI,

     - et -

     SESTO RAMADORI,

     demandeurs,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      Il s'agit d'un contrôle judiciaire d'une décision datée du 2 septembre 1998 de M. Pierre M. Paquette, gestionnaire, direction du recouvrement des recettes du ministère du Revenu national.

[2]      Les demandeurs en l'espèce sont 2970-7080 Québec Inc., propriétaire d'un restaurant appelé Pasta Casareccia, et cinq de ses employés : Angela Ramadori, Lorenzo Ramadori, Sesto Ramadori, Pasquale Petraccone et Giuseppina Petraccone. Lors de l'audition devant moi, l'avocat des demandeurs a reconnu qu'Angela Ramadori n'aurait pas dû être nommée demanderesse en raison des faits qui suivent.

[3]      Toutes les personnes physiques demanderesses ont payé des cotisations d'assurance-chômage en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U-1, entre 1986 et 1996.

[4]      En 1993, la demanderesse Angela Ramadori a cessée d'être employée par Pasta Casareccia. Elle a demandé et reçu des prestations d'assurance-chômage.

[5]      En 1997, 2970-7080 Québec Inc. a vendu Pasta Casareccia, ce qui a entraîné la mise au chômage des autres personnes physiques demanderesses.

[6]      Sesto Ramadori a demandé des prestations d'assurance-chômage qui lui ont été refusées pour le motif qu'il n'occupait pas un emploi assurable. À cause de cette décision, tous les demandeurs ont demandé le remboursement des cotisations d'assurance-chômage qu'ils avaient payées entre 1986 et 1996. Angela Ramadori n'a pas reçu de remboursement puisque son emploi a été jugé assurable et qu'elle a reçu des prestations en conséquence de cette décision. Les cotisations pour les années subséquentes à l'année 1994 ont été remboursées aux autres demandeurs, y compris Pasta Casareccia, en vertu du paragraphe 96(1) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23. Le paragraphe 96(1) dit :

96. (1) If a person has made an overpayment on account of their employee's premiums, or has made a payment of employee's premiums during a year when the person was not employed in insurable employment, the Minister shall refund to the person the amount of the overpayment or payment if the person applies in writing to the Minister within three years after the end of that year.

96. (1) Lorsqu'une personne a effectué un versement excédentaire au titre de ses cotisations ouvrières pour une année ou a effectué un versement au titre de cotisations ouvrières pour une année alors qu'elle n'exerçait pas un emploi assurable, le ministre doit, si cette personne lui en fait la demande par écrit dans les trois ans qui suivent la fin de cette année, lui rembourser le trop-perçu.

[7]      En raison du refus de rembourser les cotisations antérieures à 1994, les demandeurs ont demandé le remboursement de leurs prestations en vertu des dispositions des mesures d'équité contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1. Cette demande a été rejetée, cependant, pour le motif que les mesures d'équité ne s'appliquent qu'aux demandes relatives à l'impôt sur le revenu. Dans sa lettre de refus aux demandeurs, M. Pierre Paquette dit :

         [TRADUCTION] Les remboursements de cotisations d'assurance-emploi ne sont pas faits en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais en vertu de l'article 96 de la LAE qui édicte que le ministre peut rembourser la somme qui n'aurait pas dû être déduite ou versée si la demande en est faite dans les trois ans de la fin de l'année pour laquelle le versement excédentaire a été fait. Le ministre du Revenu national n'a pas la faculté de rembourser les cotisations des années assujetties à la prescription. De plus, les mesures d'équité ne s'appliquent qu'à l'impôt sur le revenu puisqu'elles ressortissent aux lois sur l'impôt sur le revenu. Malheureusement, il est impossible de l'appliquer au Régime de pensions du Canada ni à la Loi sur l'assurance-emploi, car il n'existe pas de mesures semblables en vertu de ces lois.                 

[8]      C'est cette décision qui fait l'objet du contrôle judiciaire en l'espèce. Les demandeurs cherchent à obtenir les redressements suivants :

         .      un jugement déclaratoire statuant que le paragraphe 96(1) de la LAE permet à Revenu Canada de rembourser les cotisations versées par des employés ou pour le compte d'employés qui ont un lien de dépendance (selon la définition du paragraphe 5(3) et de l'alinéa 5(2)i) de la LAE) pour des années antérieures pour autant que leur demande soit faite dans un délai raisonnable après que Revenu Canada a statué que leur emploi n'était pas assurable;                 
         .      le remboursement des cotisations versées par les demandeurs pour la période allant du 18 novembre 1990 au 31 décembre 1993.                 

[9]      Aucun remboursement n'est demandé pour la période du 1er janvier 1986 au 18 novembre 1990, probablement parce que durant cette période les demandeurs ont occupé un emploi assurable, indépendamment du délai de prescription.

     * * * * * * * * * * * *

[10]      La question en litige dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si M. Pierre Paquette a commis une erreur de droit en décidant de ne pas rembourser les cotisations payées entre le 18 novembre 1990 et le 31 décembre 1993.

     * * * * * * * * * * * *


[11]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs suivants :

1.      Le remboursement des cotisations payées par les demandeurs pendant la période du 18 novembre 1990 au 31 décembre 1993 est prescrit par application du paragraphe 96(1) de la Loi sur l'assurance-emploi. Cette disposition autorise expressément le ministre à rembourser les versements excédentaires faits par une personne dans une année, pourvu que la demande de remboursement soit faite dans les trois ans de la fin de cette année. C'est exactement ce que le ministre a fait. Si M. Paquette avait, pour le compte de Revenu Canada, accordé un remboursement au-delà de ces dispositions précises, il aurait outrepassé sa compétence. L'affaire ne soulève pas de question d'interprétation législative. La texte même de la loi est clair et la Cour ne peut arriver à une conclusion contraire aux conditions expresses déterminées par la loi.
2.      En vertu de l'article 99 de la Loi sur l'assurance-emploi, les mesures d'équité de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'appliquent pas à l'espèce. L'article 99 dit ceci :

99. Section 160, subsections 161(11) and 220(3.1), sections 221.1 and 224 to 224.3 and subsections 227(9.1) and (10) and 248(7) and (11) of the Income Tax Act apply to all premiums, interest, penalties and other amounts payable by a person under this Part, with such modifications as the circumstances require, and for the purposes of this section, the reference in subsection 224(1.2) of that Act to "subsection 227(10.1) or a similar provision" shall be read as a reference to "section 85 of the Employment Insurance Act".

99. L'article 160, les paragraphes 161(11) et 220(3.1), les articles 221.1 et 224 à 224.3 et les paragraphes 227(9.1) et (10) et 248(7) et (11) de la Loi de l'impôt sur le revenu s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux cotisations, intérêts, pénalités ou autres sommes payables par une personne en vertu de la présente partie. Pour l'application du présent article, le passage "de l'article 85 de la Loi sur l'assurance-emploi" vaut mention de "du paragraphe 227(10.1) ou d'une disposition semblable" au paragraphe 224(1.2) de cette loi.

     Les mesures d'équité, par le texte même, sont explicites en ne mentionnant que les versements excédentaires résultant des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le paragraphe 126.1(6),1 que les demandeurs invoquent, ne s'applique qu'à un " paiement en trop au titre des sommes dont [l'employeur] est redevable en vertu de la présente partie " (non souligné dans l'original). " La présente partie " dont il est fait mention au paragraphe 126.1(6) est la partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu et ne vise pas les paiements en trop faits en raison d'une décision selon laquelle l'emploi n'est pas assurable en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.
     Les demandeurs ont soutenu dans leurs argumentation écrite que le ministre avait le pouvoir discrétionnaire d'appliquer les mesures d'équité pour effectuer un remboursement en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi. Cependant la seule justification de cette assertion est celle que les mesures d'équité constituent " une disposition d'exemption d'application discrétionnaire ". Il est clair que l'article 99 de la Loi sur l'assurance-emploi incorpore expressément par renvoi ces dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu pour qu'elles s'appliquent à l'assurance-emploi. Les mesures d'équité invoquées par les demandeurs n'ont pas été incorporées par renvoi à l'article 99 de manière à accorder au ministre le pouvoir discrétionnaire d'étendre la période de prescription de trois ans prévue à l'article 96 de la Loi sur l'assurance-emploi.
     Les demandeurs n'ont pas invoqué le paragraphe 220(3.1)2, la seule disposition d'équité prévue dans la Loi de l'impôt sur le revenu qui s'applique à la Loi sur l'assurance-emploi. De toute façon, elle ne s'applique pas à l'espèce.
     À mon avis, il est en conséquence manifeste que les mesures d'équité ne s'appliquent pas à la prescription de trois ans prévue à la Loi sur l'assurance-emploi.

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     L'argument des demandeurs fondé sur l'enrichissement sans cause en raison des dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi et de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives au remboursement des cotisations d'assurance-chômage aurait dû être invoqué dans une action pour examen approprié comme cela a été fait dans d'autres affaires semblables (voir, à titre d'exemple Michelin Tires (Canada) Ltd. c. Sa Majesté la Reine (26 novembre 1998), T-871-93 (C.F. 1re inst.) et Forest Oil Corporation c. Sa Majesté la Reine, [1997] 1 C.F. 624). Pour ce qui concerne la présente demande de contrôle judiciaire, il n'y a pas d'élément de preuve selon lequel M. Paquette aurait, pour le compte de Revenu Canada, agi de la manière prévue au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale de sorte que ses actes constitueraient un motif fondé de contrôle judiciaire.

[12]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

                             YVON PINARD

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 28 avril 1999

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                  T-1879-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      2970-7080 QUÉBEC INC. ET AUTRES
                     c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDITION :          Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDITION :          le 18 février 1999

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE :                  le 28 avril 1999

COMPARUTIONS :

Me Michel Mathieu                      pour les demandeurs
Me Maria Grazia Bittichesu                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sweibel Novek                      pour les demandeurs

Montréal (Québec)

Morris A. Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

__________________

     1      126.1 (6) Where an employer (other than a partnership) files with the Minister a prescribed form containing prescribed information, an overpayment on account of the employer's liability under this Part for the employer's last taxation year beginning before 1994 equal to the employer's UI premium tax credit shall be deemed to have arisen on the later of March 1, 1994 and the day on which the form is so filed.      126.1 (6) Lorsqu'un employeur, sauf une société de personnes, présente au ministre un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits, un paiement en trop au titre des sommes dont il est redevable en vertu de la présente partie pour sa dernière année d'imposition commençant avant 1994 - qui représente son crédit d'impôt pour cotisations d'assurance-chômage - est réputé se produire au dernier en date du 1er mars 1994 et du jour où le formulaire est ainsi présenté.

     2      220. (3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to (5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.      220. (3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable, ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

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