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Date : 20010821

Dossier : T-941-00

Référence neutre : 2001 CFPI 926

ENTRE :

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                                   a/s Service correctionnel du Canada

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                                                       ISAAC DEAS

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du 28 avril 2000 par laquelle Me Guy Lebel, président indépendant du tribunal disciplinaire du pénitencier de Donnacona, a acquitté M. Isaac Deas (le défendeur) de l'accusation portée contre lui en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi).

[2]                 Le défendeur est un détenu purgeant une peine au pénitencier fédéral de Donnacona.


[3]                 Le 8 février 2000, le défendeur a été accusé, en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi, d'avoir illégalement eu dans sa cellule cinq couteaux artisanaux et une tige de métal.

[4]                 Le défendeur a plaidé non coupable à l'égard de cette accusation le 27 février 2000. Il a comparu devant le président indépendant le 6 avril 2000 pour la tenue de l'audience disciplinaire.

[5]                 Le 28 avril 2000, le défendeur a été acquitté de l'accusation portée contre lui au seul motif que certains renseignements figurant dans le Rapport de l'infraction d'un détenu et avis de l'accusation n'avaient pas été traduits en anglais.

[6]                 En particulier, sous le titre « [Preuve(s) - Oui ou Non] Dans l'affirmative, fournir une brève description » , le rapport parle de : « 05 couteaux artisanal [sic], 01 tige de métal » .

[7]                 Sous le titre « Disposition » , le rapport indique : « Envoyé à la sécurité préventive » .

[8]                 Il est toutefois important de souligner que, sous le titre « Description de l'infraction » , le rapport se lit comme suit :

Le précité est rapporté pour avoir eu dans sa cellule 05 couteaux de fabrication artisanale et 01 tige de métal.


[9]                 Sous le titre « Détails sur la peine » , le président indépendant s'est prononcé ainsi sur l'accusation : [Traduction] « Acquitté en raison de l'absence de traduction de la preuve matérielle et de la mesure » .

[10]            Cette décision fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[11]            Le juge Denault a résumé la nature et les fonctions des audiences disciplinaires dans Hendrickson c. Tribunal disciplinaire de la Kent Institution (Président indépendant), (1990) 32 F.T.R. 296, aux pages 298 et 299 :

Les principes régissant la discipline pénitentiaire se trouvent dans les arrêts Martineau no 1 (précité) et no 2 [1979], 50 C.C.C. (2d) 353 (C.S.C.); Re Blanchard and Disciplinary Board of Millhaven Institution [1982], 69 C.C.C. (2e) 171 (C.F. 1ère inst.); Re Howard and President Officer of Inmate Disciplinary Court of Stony Mountain Institution [1985], 19 C.C.C. (3e) 195 (C.A.F.), et peuvent être résumés comme suit :

[Traduction]

1. Une audience dirigée par le président indépendant du tribunal disciplinaire d'une institution est une procédure administrative qui n'a aucun caractère judiciaire ou quasi judiciaire.

2. Sauf dans la mesure où il existe des dispositions légales ou des règlements ayant force de loi et indiquant le contraire, il n'y a aucune obligation de se conformer à une procédure particulière ou de respecter les règles régissant la réception des dépositions généralement applicables aux tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires ou à une procédure accusatoire.

3. Il existe un devoir général d'agir avec équité en assurant que l'enquête est menée équitablement et en respectant la justice naturelle. À une audience devant un tribunal disciplinaire, le devoir d'agir avec équité consiste à permettre à la personne de connaître les allégations, le témoignage et la nature du témoignage contre elle, de pouvoir répondre au témoignage et donner sa version des faits.

4. L'audience ne doit pas être menée comme une procédure accusatoire mais comme une procédure d'enquête et la personne dirigeant l'audience n'a pas le devoir d'étudier chaque défense concevable, bien qu'elle ait le devoir de mener une enquête complète et équitable ou, en d'autres termes, d'étudier les deux côtés de la question.


5. Cette Cour n'a pas à réviser le témoignage comme le ferait la cour dans une affaire jugée par un tribunal judiciaire ou lors de la révision d'une décision d'un tribunal quasi judiciaire. Elle doit simplement considérer s'il y a vraiment eu manquement au devoir général d'agir avec équité.

6. La discrétion judiciaire en matière disciplinaire doit être exercée modérément et un redressement ne doit être accordé [Traduction] « qu'en cas de sérieuse injustice » (Martineau no 2, p. 360). [Je souligne].

[12]            Dans la présente affaire, je suis d'avis que le défendeur a été parfaitement informé de la teneur des allégations et de la nature de la preuve invoquée contre lui et qu'il a eu une possibilité raisonnable de réfuter cette preuve et de donner sa version de l'affaire.

[13]            Comme l'a déclaré le demandeur, il ressort de la preuve figurant au dossier que le défendeur était nécessairement au courant de la teneur de la preuve matérielle et de la nature de la preuve invoquée contre lui au moment de la tenue de l'audience disciplinaire le 6 avril 2000, étant donné que :

i) la description de l'infraction avait été traduite dans le Rapport de l'infraction d'un détenu et avis de l'accusation;

ii) les objets confisqués dans la cellule du défendeur le 8 février 2000 ont été présentés au cours de l'audience disciplinaire;

iii) l'infraction avait été inscrite dans le document intitulé « Placement involontaire en isolement préventif » ;

iv) l'assesseur a lu la description de l'infraction en présence du défendeur le jour (le 17 février 2000) où celui-ci a comparu pour la première fois devant le président indépendant.


[14]            En fait, le défendeur et son avocate ne se sont jamais plaints et n'ont jamais soulevé la question au moment de la signature du Rapport de l'infraction d'un détenu ou au cours de l'audience disciplinaire. Le défendeur a eu une possibilité raisonnable de réfuter la preuve et de donner sa version de l'affaire à l'audience.

[15]            Je conclus donc que le président indépendant a commis une erreur en acquittant le défendeur de l'accusation portée contre lui au seul motif que certains renseignements figurant au Rapport de l'infraction d'un détenu et avis de l'accusation n'ont pas été traduits en anglais.

[16]            La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour qu'il y soit statué de nouveau.

                                                                    « Danièle Tremblay-Lamer »

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 21 août 2001.

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                     T-941-00

INTITULÉ :                                    Procureur général du Canada a/s Service correctionnel du Canada c. Isaac Deas

LIEU DE L'AUDIENCE :            Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 17 août 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :                               21 août 2001

ONT COMPARU

Sébastien Gagné                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Claudine Bouchard                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Claudine Bouchard

Québec (Québec)                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

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