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Date : 20051013

Dossier : T-586-05

Référence : 2005 CF 1396

ENTRE :

AVENTIS PHARMA INC.

demanderesse(s)

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et NOVOPHARM LIMITED

défendeur(s)

MOTIFS DE L=ORDONNANCE

LE JUGE HUGHES

[1]         Il s=agit en l=espèce de l=appel interjeté d=une ordonnance par laquelle un protonotaire a radié certains paragraphes de la demande de réparation et de l=exposé circonstancié de l=avis de demande.

[2]         La demande porte sur l=avis de conformité délivré par le défendeur, le ministre de la Santé, à la défenderesse Novopharm Limited conformément aux dispositions du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. 870, relativement à la version générique d=un médicament contenant de l=énoxaparine sodique comme ingrédient actif.

[3]         La demanderesse dans la présente instance, Aventis Pharma Inc., vend au Canada sous la marque LOVENOX une version novatrice d=un médicament contenant de l=énoxaparine sodique. Le ministre lui avait déjà délivré un avis de conformité lui permettant de vendre ce même médicament au Canada et, jusqu=à ce que Novopharm obtienne son propre avis de conformité, elle était la seule personne autorisée par le ministre à vendre ce médicament au Canada. En d=autres termes, Aventis avait un monopole de facto jusqu=à ce que le ministre délivre un avis de conformité à Novopharm relativement à un médicament contenant de l=énoxaparine sodique.

[4]         Aventis est également titulaire d=un brevet qui, selon elle, renferme des revendications visant un médicament qui contient de l=énoxaparine sodique, mais ce brevet n=avait pas été inscrit au registre des brevets conformément aux dispositions du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), C.R.C. ch. 870. Pour corriger cette situation, Aventis a déposé une présentation supplémentaire de drogue nouvelle (PSDN) et a alors tenté de faire inscrire son brevet. Entre-temps, Novopharm a demandé et obtenu son avis de conformité sur le fondement des présentations abrégées de drogue nouvelle (PADN) qu=elle avait déposées. Le moment où l=avis de conformité de Novopharm a été délivré par rapport à celui où la PSDN d=Aventis a été déposée fait l=objet d=une autre partie de la demande que le protonotaire n=a pas radiée.

class=Section2 >

[5]         Afin d=obtenir un avis de conformité pour son médicament générique, Novopharm a déposé une PADN qui renvoyait à l=avis de conformité antérieurement délivré à Aventis pour le LOVENOX parce que le médicament générique de Novopharm était l=* équivalent pharmaceutique+ du LOVENOX. Voici les dispositions de l=article C.08.002.1 du Règlement sur les aliments et drogues qui sont pertinentes en l=espèce :

C.08.002.1. (1) Le fabricant d'une drogue nouvelle peut déposer à l'égard de celle-ci une présentation abrégée de drogue nouvelle si, par comparaison à un produit de référence canadien :

a) la drogue nouvelle est un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien;

C.08.002.1. (1) A manufacturer of a new drug may file an abbreviated new drug submission for the new drug where, in comparison with a Canadian reference product,

(a) the new drug is the pharmaceutical equivalent of the Canadian reference product;

***

(2) La présentation abrégée de drogue nouvelle doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle, notamment :

(2) An abbreviated new drug submission shall contain sufficient information and material to enable the Minister to assess the safety and effectiveness of the new drug, including the following :

***

c) les éléments de preuve, provenant des études comparatives menées dans le cadre de la présentation, établissant que la drogue nouvelle :

(i) d'une part, est un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien

(c) evidence from the comparative studies conducted in connection with the submission that the new drug is

(i) the pharmaceutical equivalent of the Canadian reference product

[6]Le Règlement sur les aliments et drogues ne prévoit rien en ce qui concerne la participation de la personne qui est le propriétaire du médicament de référence utilisé comme produit de comparaison. C=est au ministre qu=il appartient de décider si le médicament qui fait l=objet de la PADN est l=* équivalent pharmaceutique + du médicament de référence.

[7]Dans les passages de l=avis de demande déposé par Aventis que la protonotaire a radiés, Aventis demandait à la Cour d=invalider la décision du ministre de délivrer un avis de conformité à Novopharm pour le motif que le ministre avait commis une erreur en concluant que le médicament générique était un * équivalent pharmaceutique + du LOVENOX. Voici la partie de la demande de réparation d=Aventis qui a été radiée (l=alinéa 1b)) :

_traduction_b) un jugement déclarant que le ministre a commis une erreur dans son interprétation et dans son application des dispositions du Règlement sur les aliments et drogues en concluant que le Novo-enoxaparin est l=*équivalent pharmaceutique +de l=énoxaparine sodique produit par Aventis sous la marque LOVENOX.

[8]         Les passages qui ont été retranchés de l=exposé circonstancié de l=avis de demande sont les paragraphes 6, 7, 8, 19 à 22, 26 et 27i) :

_traduction_

Aux environs du 18 septembre 2003 et le 22 mars 2004, Aventis a fait part à la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada (la DPT) de ses préoccupations en matière d=innocuité et d=efficacité relativement à l=approbation d=un produit générique à base d=énoxaparine sodique

class=Section3 >

sur le fondement d=une PADN alors que le produit générique n=est pas fabriqué par le même procédé que celui utilisé pour produire le LOVENOX ou un procédé équivalent.

Le 21 décembre 2004, Aventis a également soumis à la DPT des renseignements se rapportant à la structure du LOVENOX et des détails sur les substances composant l=énoxaparine sodique.

Toutefois, la DPT a de façon irrégulière et illicite omis de prendre les mesures requises en réponse aux présentations soumises par Aventis relativement au LOVENOX et à son profil pharmacologique, son innocuité et son efficacité, et relativement aux substances précises composant l=énoxaparine sodique.

***

Bien que le Novo-enoxaparin soit visé par les revendications du brevet 433, il n=est pas fabriqué selon le même procédé ou un procédé équivalent à celui qui est utilisé pour produire le LOVENOX. En conséquence, le Novo-enoxaparin ne peut pas contenir des quantités identiques des mêmes ingrédients médicinaux contenus dans le LOVENOX et il ne peut donc pas être considéré comme un * équivalent pharmaceutique + du LOVENOX au sens du Règlement sur les aliments et drogues.

Le Novo-enoxaparin a une structure chimique différente ainsi qu=un profil pharmacologique, une innocuité et une efficacité différents de ceux du LOVENOX.

En dépit de ce qui précède, par une décision prenant effet le 28 février 2005, le ministre a de façon irrégulière et illicite délivré un avis de conformité à Novopharm pour son Novo-enoxaparin, ce dont Aventis a été informée le 5 mars 2005.

La délivrance de l=avis de conformité pour le Novo-enoxaparin était contraire au Règlement sur les aliments et drogues étant donné que le Novo-enoxaparin n=est pas l=équivalent pharmaceutique du LOVENOX.

***

Par ailleurs, compte tenu du fait que le Novo-enoxaparin est destiné à être utilisé pour le traitement de maladies mettant en jeu le pronostic vital, le public a un intérêt sérieux en ce qui concerne le bien-fondé de cette décision et il n=y a pas d=autre façon raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour que de la saisir de la présente demande.

Compte tenu de tout ce qui précède, en délivrant un avis de conformité à Novopharm pour le Novo-exonaparin, le ministre :

a commis une erreur de fait et de droit en concluant que le Novo-enoxaparin était l=équivalent pharmaceutique du LOVENOX d=Aventis, compte tenu du fait que les deux produits ne contiennent pas des quantités identiques des mêmes ingrédients médicinaux comme l=exige le Règlement sur les aliments et drogues.

[9]         Il ressort à l=évidence de la lecture des motifs invoqués par la protonotaire pour radier les paragraphes en question qu=Aventis avait essentiellement soutenu devant elle qu=elle avait été en quelque sorte traitée injustement par le ministre, qui avait ainsi conféré à Novopharm un avantage du fait que cette dernière avait reçu son avis de conformité avant que la PADN

class=Section4 >

d=Aventis ne puisse donner à cette dernière droit à l=inscription de son brevet. Voici un extrait des motifs de la protonotaire :

_traduction_ L=avocat de la demanderesse reconnaît volontiers le bien-fondé de la thèse de la Couronne suivant laquelle Aventis Pharma Inc, (Aventis) n=a pas qualité pour remettre en question, dans le cadre d=une demande de contrôle judiciaire, le bien-fondé de la décision du ministre de délivrer un avis de conformité à la défenderesse Novopharm Limited (Novopharm) par suite du défaut du ministre de se conformer à la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F-27, ou au Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. ch. 870, et ses modifications (le Règlement sur les aliments et drogues), plus particulièrement en ce qui a trait aux dispositions de ces textes portant sur l=innocuité et l=efficacité.

La demanderesse cherche toutefois à tempérer la rigueur d=une application large et absolue de ce principe en invoquant les propos de la Cour d=appel fédérale dans l=arrêt Merck & Co. et al c. Ministre de la Santé et autres, (1999), 3 C.P.R. (4th) 286, selon lesquels un demandeur n=a pas qualité pour contester le bien-fondé de la décision du ministre de délivrer un avis de conformité *pour le seul motif que le ministre n'avait pas tiré d'une manière satisfaisante ses conclusions au sujet de l'innocuité et de l'efficacité du médicament +(au paragraphe [2], non souligné dans l=original). Suivant la demanderesse, les motifs invoqués par Aventis pour contester la décision du ministre de délivrer un avis de conformité à Novopharm ne reposent pas * seulement +sur l=application par le ministre du Règlement sur les aliments et drogues, mais aussi sur le présumé traitement injuste et inégal de la demanderesse et sur les observations formulées simultanément par Novopharm. Suivant Aventis, le traitement par le ministre de la présentation soumise par Novopharm conformément au Règlement sur les aliments et drogues est étroitement lié à son traitement de la présentation de la demanderesse sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues et du Règlement sur les médicaments brevetés (les avis de conformité), DORS/93n133, et ses modifications (le Règlement sur les avis de conformité). En fait et ainsi qu=elle l=a plaidé devant moi à l=audience, la demanderesse illustre la présumée application illicite que le ministre fait du Règlement sur les aliments et drogues en expliquant qu=il a constamment traité de façon inéquitable les présentations qui lui ont été soumises ou qu=il a accordé de façon illicite un traitement préférentiel à Novopharm et ce, au détriment de la demanderesse. Autrement dit, les questions d=innocuité et d=efficacité soulevées dans l=avis de demande ne sont ni le principal objet de la présente demande de contrôle judiciaire ni même le fondement de la demande d=annulation de l=avis de conformité délivré à Novopharm, mais s=inscrivent dans le cadre du traitement inéquitable des autres demandes en instance. La demanderesse fait valoir que si les allégations ne peuvent donner ouverture à un contrôle judiciaire, elles permettent à tout le moins de connaître le contexte dans lequel se situent les principales allégations de traitement inéquitable.

***

                Pour pouvoir conclure que le non-respect par le ministre du Règlement sur les aliments et drogues peut valablement être invoqué pour démontrer le traitement inéquitable qu=il a constamment appliqué ou pour faire la preuve de celui-ci, il faudrait que la Cour considère que l=avis de demande contient un motif ouvrant droit au contrôle judiciaire qui ne s=y trouve pas et ce, même si on l=interprète de façon libérale, soit que le ministre a non seulement fait défaut de se conformer au Règlement sur les aliments et drogues, mais qu=il l=a fait dans le but illicite d=accorder à Novopharm l=avantage d=éviter de déclencher l=application des dispositions du Règlement sur l=avis de conformité au détriment d=Aventis. Dans sa forme actuelle, l=avis de demande soulève manifestement le non-respect présumé du Règlement sur les aliments et drogues par le ministre comme motif de contestation du bien-fondé de la décision de délivrer un avis de conformité à Novopharm et non comme motif de contestation du moment où il a été délivré. Suivant la jurisprudence constante de la Cour, il est évident que cet aspect de la demande de contrôle judiciaire n=a pas la moindre chance de succès. Il sera donc radié.

[10]       Dans le présent appel, Aventis ne met plus l=accent sur les mêmes éléments dans sa thèse. Elle ne plaide plus l=iniquité. Elle affirme plutôt qu=elle est * directement touchée + par la décision du ministre de délivrer un avis de conformité à Novopharm étant donné qu=elle est la propriétaire du médicament qui est censé être un * équivalent pharmaceutique + et qu=elle jouissait jusqu=alors sur le marché canadien d=un monopole de facto sur ce médicament. Aventis soutient qu=elle a donc qualité pour contester la décision du ministre de délivrer un avis de conformité à Novopharm en vertu des dispositions de l=article 18.1 de la Loi sur les Cours

class=Section5 >

fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Le ministre et Novopharm soutiennent qu=Aventis n=a pas qualité pour contester la décision du ministre, étant donné qu=elle n=était pas partie à la procédure prévue par le Règlement sur les aliments et drogues et qu=elle n=a aucun droit de propriété en jeu. Aventis aurait tout au plus un intérêt commercial ce qui, à leur avis, est insuffisant pour lui conférer la qualité pour agir.

[11]       Il convient d=entrée de jeu de rappeler qu=il est de jurisprudence constante que, saisie de l=appel de la décision d=un protonotaire, la Cour ne doit intervenir que si cette décision porte sur une question qui a une influence déterminante sur l=issue du principal ou, s=il s=agit d=une question discrétionnaire, si la décision repose sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits (Merck & Co. c. Apotex Inc., (2003), 30 C.P.R. (4th) 40 (C.A.F.)).

[12]       La décision de radier l=alinéa 1b) de la demande de réparation ne porte pas sur une question ayant une influence déterminante sur l=issue du principal. La Cour reprendra donc l=examen de la décision depuis le début.

[13]       La Cour et la Cour d=appel fédérale ont statué à plusieurs reprises que la personne qui n=est pas partie à une décision prise par le ministre mais qui est touchée par celle-ci uniquement au sens commercial n=a pas la qualité requise pour demander le contrôle judiciaire de cette décision en vertu de l=article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales ou des dispositions qui l=ont précédé. En l=espèce, la décision du ministre n=a aucune incidence sur l=avis de conformité préalablement accordé à Aventis et elle n=impose aucun fardeau juridique supplémentaire à Aventis. La décision permettra à Novopharm de lancer une version générique du médicament en question sur le marché canadien. Il est cependant toujours loisible à Aventis d=introduire à cet égard une action ordinaire en violation de brevet. Ce qu=Aventis ne peut pas faire, c=est invoquer le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), mais cette situation tient au fait qu=elle n=a pas inscrit son brevet en temps opportun. Cette question fait l=objet des passages de l=avis de demande que la protonotaire n=a pas radiés.

[14]       La Cour d=appel fédérale a dit dans l=arrêt Rothmans of Pall Mall Canada Ltd c. Canada (Ministre du Revenu national), [1976] 2 C.F. 500 (C.A.F.) sous la plume du juge LeDain, aux paragraphes 12 et 13 :

12      Les appelantes se plaignent que le Ministère a adopté, sans leur donner la possibilité d=être entendues, un changement de politique qui a eu pour effet de favoriser les compagnies intimées, avec lesquelles elle sont en concurrence, en leur permettant de vendre une cigarette plus longue tout en payant les mêmes droits d=accise que les appelantes. Ces dernières ne prétendent pas être intéressées à vendre des cigarettes contenant une fraction de tabac inférieure à quatre pouces, mais d=une longueur totale de plus de quatre pouces avec le bout filtre, et rien ne permet de penser qu=elles le sont. Elles ne demandent pas l=interprétation qu=elles prétendent exacte pour être en mesure de faire quelque chose qu=elles ne peuvent faire maintenant, mais plutôt pour empêcher les compagnies intimées d=entreprendre quelque chose qui, à leur avis, leur confère un avantage commercial.

13       Comme le savant juge de première instance, je pense qu=un tel intérêt ne suffit pas à donner aux appelantes qualité pour exercer l=action ou le droit de requérir un des brefs demandés. Les appelantes n=ont pas de grief réel leur permettant de contester par des poursuites judiciaires l=interprétation donné par les fonctionnaires intimés à la définition du mot *cigarette +à l=article 6 de la Loi sur la taxe d=accise pour l=application administrative de la Loi. Cette interprétation ne porte pas atteinte aux droits des appelantes et ne leur impose aucune obligation légale supplémentaire. De même on peut soutenir qu=elle porte directement atteinte à leurs intérêts. Si elle permet aux compagnies intimées de faire quelque chose que les appelantes ne peuvent faire, c=est parce que celles-ci ont décidé de ne pas le faire.

class=Section6 >

[15]       Aventis tente d=établir une distinction en faisant valoir que, dans cette affaire, la demanderesse n=avait pas de produit équivalent sur le marché, alors qu=en l=espèce, Aventis a un tel produit. Bien qu=elle porte sur les faits, cette distinction ne modifie en rien le principe juridique suivant lequel la partie qui cherche à protéger uniquement un avantage commercial n=a pas la qualité requise pour contester les décisions prises par le ministre sur des questions de ce genre.

[16]       Dans la décision Merck Frosst Canada Inc c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être social) (1998), 146 F.T.R. 249, le juge Hugessen, de la Section de première instance, a dit ce qui suit aux paragraphes 10 et 11 :

10       Pour ce qui est de la présente affaire, j'estime que la loi est claire : en tant que breveté et titulaire d'un avis de conformité à l'égard d'un médicament, Merck n'a pas le droit d'invoquer l'inobservation, par le ministre, de la Loi sur les aliments et drogues ou de son règlement d'application, en ce qui concerne la délivrance réelle ou projetée d'un avis de conformité à un autre fabricant de médicaments. Plus précisément, Merck ne peut s'opposer à la délivrance à Apotex d'un avis de conformité relatif à un médicament pour lequel elle détient déjà un tel avis parce qu'Apotex ou le ministre aurait omis de se conformer à cette loi ou à ce règlement. C'est ce qui ressort selon moi de deux arrêts de la Cour d'appel qui confirment deux décisions rendues par la Section de première instance : Glaxo Canada Inc. c. Canada (1990), 31 C.P.R. (3rd) 25, conf. (1987), 18 C.P.R. (3rd) 206 et Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (1994), 55 C.P.R. (3rd) 302, conf. 53 C.P.R. (3rd) 368. D'autres décisions de la Section de première instance vont dans le même sens. Je ne crois pas que l'une ou l'autre d'entre elles ait été rendue par inadvertance.

11       Dans certaines des décisions, on invoque à titre d'expédients des notions comme l'absence de qualité pour agir et la non-justiciabilité, pour décrire cette limitation des droits du breveté. Partant, les requérantes s'appuient sur des arrêts tels Canada c. Finlay, [1986] 2 R.C.S. 607, Canada c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575et Opération Dismantle c. Canada, [1985] 1 R.C.S. 441pour faire valoir qu'elles ont la qualité requise pour agir et que les questions qu'elles soulèvent sont en fait justiciables. Les requérantes confondent la forme et le fond. Ce n'est pas l'absence de qualité pour agir ou de justiciabilité qui, au sens strict, les empêche de soulever l'inobservation des objectifs de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application en matière de santé et de sécurité; ces questions ne les concernent tout simplement pas et ne peuvent être soulevées par elles pour contester la décision du ministre de délivrer un avis de conformité. Il incombe au ministre de veiller lui-même à la protection de la santé et de la sécurité publiques, et sa prétendue omission de s'acquitter de ses obligations vis-à-vis d'autres personnes ne confère aucun droit d'ordre privé aux requérantes.

[17]       En appel ((1999), 3 C.P.R. (4th) 286), le juge Marceau de la Cour d=appel fédérale a fait les commentaires suivants au paragraphe 2 :

2 . À notre avis, le juge des requêtes a eu raison de refuser de reconnaître à l'appelante la qualité pour contester devant la Cour, dans le cadre de la présente instance, le bien-fondé de la décision du ministre de délivrer un avis de conformité pour le seul motif que le ministre n'avait pas tiré d'une manière satisfaisante ses conclusions au sujet de l'innocuité et de l'efficacité du médicament. En rendant cette décision, le juge des requêtes se conformait tout simplement aux principes qui ont été énoncés dans une abondante jurisprudence de notre Cour et qui reposent, selon nous, sur une saine compréhension du genre d'attributions dont le législateur fédéral a investi le ministre dans ce contexte et de la nature du processus judiciaire et du rôle d'une cour de justice.

[18]       Pour Aventis, cette décision ne vise que les décisions prises par le ministre au sujet de l=innocuité et de l=efficacité, qui sont des questions d=intérêt public. Elle ne vise pas l=équivalence pharmaceutique, qui ne concerne que la personne dont le produit pharmaceutique sert de comparaison à cette fin. Cette supposée distinction repose sur une interprétation très étroite des motifs de la Cour et du Règlement sur les aliments et drogues. Le Règlement porte sur * l=innocuité et l=efficacité+ (voir l=article C.08.002.1, précité) et, pour établir l=innocuité et l=efficacité d=un médicament déterminé, on peut se servir d=un * équivalent pharmaceutique +comme produit de comparaison. C=est le genre de raccourci que permet la présentation abrégée

class=Section7 >

de drogue nouvelle (PADN). Le raisonnement suivi tant par la Cour que par la Cour d=appel dans l=affaire Merck, précitée, s=applique également à la question de l=* équivalence pharmaceutique +.

[19]       La décision Reddy-Cheminor Inc c. Canada (Procureur général), (2001), 15 C.P.R. (4th) 215 (C.F.), confirmée en appel à 2002 C.A.F. 179, suit les décisions Rothmans et Merck précitées. Aventis a établi une distinction entre cette affaire et la présente espèce en faisant uniquement valoir que la Cour n=y a pas fait les distinctions qu=Aventis aurait voulu qu=elle fasse avec ces affaires. Ce sont, comme nous l=avons vu, des distinctions minimes, mais les principes juridiques sont clairs : un intérêt commercial ne suffit pas à lui seul à permettre à une personne qui n=était pas partie à la demande d=avis de conformité soumise au ministre de solliciter la réparation prévue à l=article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

[20]       C=est à bon droit que la protonotaire a radié l=alinéa 1b) de l=avis de demande et la Cour confirme cette conclusion.

[21]       Quant à la radiation des autres paragraphes, à savoir les paragraphes 6, 7, 8, 19 à 22, 26 et 27i), dans la mesure où ils servent uniquement à appuyer la réparation réclamée à l=alinéa 1b), c=est également à bon droit qu=ils ont été radiés. Dans la mesure où ils ne font que relater des questions factuelles, la protonotaire disposait d=un pouvoir discrétionnaire qu=elle a régulièrement exercé et à l=égard duquel il ne convient pas d=intervenir en appel. Il convient de se rappeler que, bien que l=alinéa 301e) des Règles exige qu=il renferme * un énoncé complet et concis des motifs invoqués +, l=avis de demande ne constitue pas un acte de procédure que l=on pourrait assimiler à une déclaration et il ne doit pas être examiné avec la même rigueur. La décision de la protonotaire en ce qui concerne ces paragraphes ne sera pas modifiée dans le cadre du présent appel.

[22]       Les parties ont soulevé la question de la production de documents provenant des dossiers et registres du ministre. Les avocats des parties ont toutes convenu qu=il faudra attendre le prononcé de la présente décision ou de toute décision faisant suite à un éventuel appel avant que d=autres mesures soient prises à cet égard. Aventis entreprendra alors d=autres démarches, si c=est bien ce qui lui est demandé, pour obtenir d=autres documents du ministre. Vu l=accord des avocats, le dispositif de l=ordonnance qui sera prononcée en l=espèce ne fera donc pas allusion à cette question.

[23]       Pour ce qui est des dépens, les parties ont convenu qu=ils devraient suivre l=issue du litige. Les défendeurs, le ministre de la Santé et le procureur général du Canada, étaient représentés par un seul avocat et ils étaient collectivement appelés la Couronne. Ils ont droit à un seul mémoire de dépens, qui comprendront les débours et la TPS. Novopharm a droit à ses dépens, y compris les débours et la TPS. Les dépens seront taxés conformément à la colonne III du tarif.

Ottawa (Ontario)

Le 13 octobre 2005

* Roger T. Hughes +

JUGE

class=Section8 >

Traduction certifi conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :       T-586-05

INTITULÉ :      AVENTIS PHARMA INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et NOVOPHARM LIMITED

LIEU DE L=AUDIENCE :       Ottawa (Ontario)

DATE DE L=AUDIENCE :      le 11 octobre 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :    le juge Hughes

DATE DES MOTIFS : LE 13 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS :

A. David Morrow                      POUR LA DEMANDERESSE

Jonathan Stainsby         POUR LA DÉFENDERESSE (NOVOPHARM LTD)

F.B. (Rick Woyiwada) POUR LA DÉFENDERESSE (la couronne)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMART & BIGGAR    POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)                      

HEENAN BLAIKIE     POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)          (NOVOPHARM LTD)

John H. Sims, c.r.          POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada       (La couronne)

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