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     Date : 19981126

     T-1742-95

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON

E n t r e :

     HOFFMANN-LA ROCHE et

     SYNTEX PHARMACEUTICALS INTERNATIONAL LIMITED,

     demanderesses,

     et

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et NU-PHARM INC.,

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     LA COUR, STATUANT SUR une demande présentée en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS'93-133; VU les observations écrites et orales des avocats des demanderesses et de la compagnie défenderesse;

     VU que l'avis d'allégation de la défenderesse en question ne vise que deux formulations, à savoir les formulations A-1 et A-2 illustrées dans l'affidavit souscrit par le docteur Bernard Sherman le 18 mars 1997 dont le juge Pinard a autorisé le dépôt dans l'ordonnance qu'il a rendue en l'espèce (doc. 50) le 7 mars 1997;

1)      LA COUR CONCLUT que les brevets canadiens nos 1 075 228 et 1 083 963 qui ont été inscrits à la liste de brevets en conformité avec le Règlement sont expirés;

2)      que le brevet canadien no 1 288 048 est valide;

3)      que la Cour a compétence pour trancher les questions en litige dans la présente instance qui a été introduite par les demanderesses en vue de faire interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à la compagnie défenderesse Nu-Pharm;

4)      LA COUR INTERDIT au ministre de délivrer un avis de conformité à Nu-Pharm relativement à la formulation de médicament A-1 relative au flunisolide à 0,025 %, sauf selon ce qui est permis par la présente ordonnance;

5)      LA COUR REJETTE la demande d'interdiction présentée par les demanderesses au sujet de la formulation du médicament flunisolide A-2 (susmentionnée) et AUTORISE le ministre à délivrer un avis de conformité relativement à la formulation A-2;


6)      LA COUR N'ADJUGE AUCUNS DÉPENS.

                                         F.C. Muldoon
                                             Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     Date : 19981126

     T-1742-95

E n t r e :

     HOFFMANN-LA ROCHE et

     SYNTEX PHARMACEUTICALS INTERNATIONAL LIMITED,

     demanderesses,

     et

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et NU-PHARM INC.,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      La Cour est saisie d'une demande présentée en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS'93-133 (le Règlement).

[2]      Hoffmann-La Roche et Syntex demandent à la Cour d'interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Nu-Pharm relativement à un médicament, le flunisolide, y compris la solution nasale de flunisolide à 0,025 %, tant que les brevets canadiens nos 1 075 228, 1 083 963 et 1 288 048 ne seront pas expirés. (Comme leurs suffixes sont tous les trois différents, les numéros de brevets sont cités au long.)

[3]      Les demanderesses invoquent les moyens suivants :

     [TRADUCTION]         
     1.      Syntex Pharmaceuticals International Limited est le propriétaire des brevets canadiens nos 1 075 228 (le brevet 228), 1 083 963 (le brevet 963) et 1 288 048 (le brevet 048) (collectivement les brevets) qui renferment tous une revendication pour le médicament en soi. Le brevet 048 contient également une revendication pour l'utilisation du médicament.         
     2.      Syntex Inc. (Syntex) a, conformément à l'article 4 du Règlement, soumis au ministre une liste de brevets relatifs au flunisolide et en particulier à une solution nasale de flunisolide et elle a cité les brevets pertinents.         
     3.      Le 1er janvier 1995, Syntex et Hoffmann-La Roche ont fusionné pour former Hoffmann-La Roche.         
     4.      Hoffmann-La Roche a reçu de Nu-Pharm une lettre datée du 26 juin 1995 se présentant comme un " avis d'allégation ". Dans cet avis d'allégation, Nu-Pharm affirmait qu'en ce qui concernait la solution nasale de flunisolide à 0,025 % et les brevets, [TRADUCTION] " aucune des revendications portant sur le médicament en soi ou sur son utilisation ne serait contrefaite advenant la fabrication, la production, l'utilisation ou la vente par Nu-Pharm de la solution nasale de flunisolide à 0,025 %. Nu-Pharm affirme également que les brevets 963 et 048 sont invalides. La lettre susmentionnée renfermait également les passages suivants, qui ont été présentés comme [TRADUCTION] " les moyens de droit et de fait invoqués au soutien de l'allégation qui précède " :         
         Brevet 1 075 228         
         Les revendications du brevet visent uniquement une nouvelle forme cristalline. Nous n'utiliserons que de la poudre anhydride de flunisolide et non la nouvelle forme cristalline de flunisolide qui est visée par les revendications de ce brevet. Notre produit ne contrefera donc pas le brevet.                 
         Brevet 1 083 963                 
         Les revendications de ce brevet se rapportent à des compositions particulières contenant du flunisolide en particules dont la taille est de moins de 100 microns combinées à un aérosol ou une solution liquide. Notre produit ne contiendra aucun flunisolide en particules, mais uniquement du flunisolide en solution. De plus, le flunisolide utilisé pour fabriquer la solution ne sera pas sous la forme cristalline révélée dans le brevet, mais sous forme de poudre anhydre. Notre produit ne contrefera donc pas le brevet.                 
         Les revendications de ce brevet sont invalides, en ce sens qu'elles revendiquent plus que ce que l'invention révèle, contrairement au paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets. L'invention est censée se limiter à une nouvelle forme cristalline de flunisolide. Or, les revendications ne sont pas limitées de la sorte, mais englobent toutes les formes particulières de flunisolide d'une taille de moins de 100 microns. De plus, le flunisolide était, à l'époque en cause, une substance connue utilisée pour le traitement de l'inflammation des muqueuses nasales.                 
         Brevet 1 288 048         
         Les revendications du brevet sont invalides étant donné que :                 
         a)      le brevet ne divulgue et ne revendique aucune invention;                 
         b)      l'invention est censée se rapporter à des formulations à administrer par voie nasale qui ne causent pas de sensation de brûlure. Il est évident que, pour fabriquer une solution qui ne cause pas de sensation de brûlure, il faut omettre tout excipient dont on sait qu'il cause une telle sensation;                 
         c)      le mémoire descriptif ne précise pas le mode de fabrication ou d'utilisation de toute composition qui ne cause pas de sensation de brûlure et ne précise pas comment distinguer les compositions qui causent une sensation de brûlure de celles qui n'en causent pas;                 
         d)      les revendications sont ambiguës en ce sens qu'elles ne définissent pas les propriétés de la composition qui font qu'elle ne cause pas de sensation de brûlure de manière à ce qu'on puisse la distinguer des compositions antérieures.                 
         Notre produit ne contrefera pas ce brevet, étant donné qu'il est susceptible de causer une certaine sensation de brûlure.                 
         En outre, pour le cas où les autres allégations ici formulées au sujet de l'invalidité et de la non-contrefaçon seraient jugées insuffisantes, nous tenons à préciser que nous fabriquerons uniquement des compositions qui ne sont pas visées par les revendications du présent brevet du fait qu'elles ne contiennent pas de propylèneglycol.                 
     5.      Conformément au Règlement et à la jurisprudence s'y rapportant, Nu-Pharm devait joindre à l'avis d'allégation signifié à Hoffmann-La Roche un exposé détaillé des moyens de droit et de fait invoqués au soutien de ses allégations. Or, Nu-Pharm n'a pas respecté cette exigence.         
     6.      Nu-Pharm n'a soumis aucune autre allégation ou moyen de fait ou de droit. Nu-Pharm doit donc s'en tenir, dans le cadre de la présente instance, aux moyens de droit et de fait qu'elle a invoqués au soutien des allégations qu'elle a formulées dans sa lettre susmentionnée. Pour sa part, Hoffmann-La Roche s'est fondée sur les moyens de fait et de droit précis que Nu-Pharm a ou n'a pas invoqués, selon le cas, pour introduire la présente instance.         
     7.      En vertu du Règlement, la Cour doit rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Apotex un avis de conformité au sujet d'une liste de brevets qui fait l'objet d'une ou de plusieurs allégations si elle conclut qu'aucune de ces allégations n'est justifiée. Or, aucune des allégations formulées par Nu-Pharm n'est justifiée.         
     8.      En ce qui concerne les brevets 963 et 048, l'allégation d'invalidité de Nu-Pharm n'est pas justifiée. En l'absence de preuve contraire, les brevets 963 et 048 bénéficient d'une présomption de validité en vertu de la Loi sur les brevets. Comme Nu-Pharm n'a pas présenté de " preuve " contraire, son allégation d'invalidité n'est pas justifiée.         
     9.      En ce qui concerne chacun des brevets, l'allégation de non-contrefaçon formulée par Nu-Pharm n'est pas justifiée. Les faits allégués au soutien des allégations de non-contrefaçon sont niés et ne justifient pas de toute façon une allégation de non-contrefaçon.         
     10.      Les demanderesses ne savent pas et n'ont aucun moyen de savoir quels sont la composition, l'ingrédient actif ou les procédés utilisés pour fabriquer la composition ou l'ingrédient actif de la solution nasale de flunisolide à 0,025 % proposée de Nu-Pharm. Seuls Nu-Pharm et le ministre sont au courant de ces faits. Par conséquent, c'est à Nu-Pharm qu'il incombe de faire la preuve de tous les faits qu'elle a allégués dans son avis d'allégation susmentionné au soutien de ses allégations.         
     11.      Qui plus est, en ce qui concerne chacun des brevets, aux termes de l'ordonnance prononcée le 21 juin 1995 par la Cour dans le dossier T-1325-94, il est interdit au ministre, tant que les brevets ne seront pas expirés, de délivrer un avis de conformité à Nu-Pharm relativement à la solution nasale de flunisolide pour laquelle elle a soumis une demande.         
     12.      En raison de cette ordonnance de la Cour, Nu-Pharm ne peut invoquer l'avis d'allégation susmentionné.         
     13.      En outre, l'avis d'allégation en question constitue, pour ce qui est du brevet 048, un abus de procédure.         
     14.      Aux termes du Règlement, toute allégation faite par Nu-Pharm au sujet d'un brevet se rapporte à une " demande d'avis de conformité relativement à une drogue ". Par ailleurs, aux termes de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application, Nu-Pharm est tenue de préciser tous les ingrédients qui seront contenus dans le produit pour lequel elle sollicite un avis de conformité.         
     15.      En conséquence, l'affirmation de Nu-Pharm suivant laquelle " pour le cas où les autres allégations ici formulées au sujet de l'invalidité et de la non-contrefaçon seraient jugées insuffisantes, nous tenons à préciser que nous fabriquerons uniquement des compositions qui ne sont pas visées par les revendications du présent brevet du fait qu'elles ne contiennent pas de propylèneglycol " constitue un abus de procédure. Ou bien la demande d'avis de conformité de Nu-Pharm précise que le produit contiendra du propylèneglycol ou bien elle précise qu'il n'en contiendra pas. Les tentatives faites par Nu-Pharm pour modifier les faits allégués au soutien des allégations qu'elle formule relativement à un produit déterminé constituent un abus et démontrent que les faits qu'elle allègue au soutien de ses allégations sont spéculatifs et que la Cour ne devrait pas y ajouter foi.         
     16.      En sa qualité de propriétaire des brevets, Syntex Pharmaceutical International Limited est partie aux demandes, en vertu du paragraphe 6(4) du Règlement.         

[4]      L'avis introductif d'instance des demanderesses est appuyé par l'affidavit de M. Lorenzo Biondi et par [TRADUCTION] " les actes de procédure et les procédures du dossier T-1325-94 de la Cour ". Les trois brevets sont annexés à l'affidavit, de même qu'une copie du [TRADUCTION] " nouvel avis d'allégation " déposé par Nu-Pharm relativement aux trois mêmes brevets, le tout en conformité avec le Règlement.

[5]      Le " nouvel " avis d'allégation en question renvoie à un procès antérieur opposant les mêmes parties et concernant les trois mêmes brevets, sous le régime du Règlement. Ce procès, le dossier T-1325-94, s'est terminé par les motifs et l'ordonnance prononcés par le juge Noël, de la Section de première instance.

[6]      Le juge Noël a écrit à (1995) 62 C.P.R. (3d) 58, aux pages 74 et 75 :

             Comme le confirme la décision Deprenyl, précitée, le gouverneur en conseil a choisi d'exclure de la protection accordée par le Règlement une " revendication pour un procédé " breveté. Cette exclusion résulte manifestement de la limitation des revendications protégées en vertu du Règlement aux revendications " pour le médicament en soi ". Une " revendication pour un procédé " ne comporte aucune revendication de ce genre. S'il avait eu l'intention d'étendre l'exclusion aux compositions pharmaceutiques, le gouverneur en conseil n'aurait pas poussé la pusillanimité et l'ambivalence au point de les exclure au moyen de l'interprétation suggérée par Nu-Pharm. Si l'on garde à l'esprit que le Règlement a pour objet de prévenir la contrefaçon, et que la définition du mot " médicament " indique qu'il s'agit d'une ou de plusieurs substances ayant un effet thérapeutique, je dois conclure qu'une revendication pour une ou plusieurs de ces substances sous la forme d'une composition est " une revendication pour le médicament en soi ".                 
             Étant donné que la ou les substances revendiquées dans chacun des brevets 228, 963 et 048 sont destinées à servir ou peuvent servir au traitement d'un désordre ou d'une maladie, il s'agit d'un " médicament " au sens du Règlement et, étant donné que chacun des brevets renferme une revendication pour une ou plusieurs de ces substances, elles comportent donc une " revendication pour le médicament en soi ". En outre, étant donné que le brevet 048 englobe une revendication pour l'utilisation de la ou des substances pour le traitement de l'inflammation des muqueuses nasales sans produire de sensation de brûlure, celui-ci contient également une revendication pour " l'utilisation du médicament ".                 
             Finalement, au cas où il serait ultérieurement décidé que seul un ingrédient actif original constitue un " médicament ", conformément à la prétention de Nu-Pharm, je conclus que la substance active de forme A, revendiquée par le brevet 228, est un tel ingrédient. Le brevet 228 englobe des revendications relatives à plusieurs formes cristallines et polymorphes de flunisolide, y compris la forme A semi-hydratée idéale, quand celle-ci est produite par les procédés spécialement décrits dans le brevet. La conception originale du brevet vient de ce que la forme A est de pureté supérieure (il ne s'agit ni d'un chlorate ni d'un solvat), qu'elle a une forme cristalline uniforme sans propension à bloquer les tubes distributeurs et qu'elle ne cause pas de sensation de brûlure dans les muqueuses nasales. À ce titre, la forme A est un ingrédient actif distinct du flunisolide, et comme le brevet 228 comprend une revendication pour cet ingrédient en soi, il comprend donc une " revendication pour le médicament en soi ".                 
             Compte tenu de ce qui précède et comme Nu-Pharm n'a produit aucun élément de preuve ayant trait à la composition ou au procédé de fabrication de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité, je dois conclure qu'en ce qui concerne les brevets 228, 048 et 963, aucune des allégations de Nu-Pharm n'est justifiée. Une ordonnance interdisant au ministre d'émettre un avis de conformité avant l'expiration desdits brevets est par conséquent rendue, avec dépens en faveur des demanderesses.                 

Nu-Pharm a interjeté appel de cette décision dans une affaire répertoriée sous l'intitulé Nu-Pharm Inc. c. Hoffmann-La Roche Ltd. et al., (1996) 67 C.P.R. (3d) 25. Dans un arrêt unanime ne comportant qu'un seul paragraphe, la Cour a conclu, sous la plume de feu le juge MacGuigan :

             Nous n'avons pas été persuadés que le juge Noël a commis une erreur donnant lieu à révision en étudiant la demande d'ordonnance de prohibition. En particulier, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il a rejeté à bon droit l'argument de l'appelante selon lequel le terme " revendication pour le médicament en soi " employé à l'article 2 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) n'est pas restreint à une revendication pour une seule substance comme ingrédient actif à l'exclusion d'une revendication pour une composition qui inclut l'ingrédient actif. Nous sommes d'avis, comme le juge Noël, qu'une telle revendication est visée par le Règlement, que son objet soit un seul ingrédient actif ou une composition. Il s'ensuit que l'appel doit être rejeté avec dépens.                 

La demande d'autorisation de pourvoi de Nu-Pharm devant la Cour suprême du Canada a été refusée à [1996] 3 R.C.S. xi.

[7]      Voici le texte de l'avis d'allégation que la défenderesse Nu-Pharm a adressé à Syntex Inc. et qui a été annexé sous la cote E à l'affidavit souscrit le 14 août 1995 par M. Biondi :

         [TRADUCTION]                 
         26 juin 1995                 
         Objet : Solution nasale de flunisolide à 0,025 %                 
         La présente constitue un nouvel avis d'allégation produit conformément au Règlement.                 
         En ce qui concerne les brevets 1 0765 228, 1 083 963 et 1 288 048, nous estimons qu'aucune revendication pour le médicament en soi et aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne serait contrefaite advenant la fabrication, la production, l'utilisation ou la vente par nous d'une solution nasale de flunisolide à 0,025 %. Nous affirmons également que les brevets 1 083 963 et 1 288048 sont invalides.                 
         Voici les moyens de droit et de fait que nous invoquons au soutien de ces allégations :                 
         Brevet 1 0785 228                 
         Les revendications du brevet ne visent qu'une nouvelle forme cristalline. Nous utiliserons uniquement de la poudre anhydride de flunisolide et non la nouvelle forme cristalline de flunisolide visée par les revendications de ce brevet. En conséquence, notre produit ne contrefera pas ce brevet.                 
         Brevet 1 083 963                 
         Les revendications de ce brevet concernent des compositions particulières contenant du flunisolide sous forme de particules dont la taille est de moins de 100 microns qui sont combinées à un aérosol ou à une solution liquide. Notre produit ne contiendra pas de flunisolide sous forme de particules, mais uniquement du flunisolide en solution. En outre, le flunisolide utilisé pour fabriquer la solution ne sera pas sous la forme cristalline révélée dans le brevet, mais sous la forme d'une poudre anhydre. En conséquence, notre produit ne contrefera pas le brevet.                 
         Les revendications de ce brevet sont invalides, en ce sens qu'elles revendiquent plus que ce que l'invention révèle, contrairement au paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets. L'invention est censée se limiter à une nouvelle forme cristalline de flunisolide. Or, les revendications ne sont pas limitées de la sorte, mais englobent toutes les formes particulières de flunisolide d'une taille de moins de 100 micros. De plus, le flunisolide était, à l'époque en cause, une substance connue utilisée pour le traitement de l'inflammation des muqueuses nasales.                 
         Brevet 1 288 048         
         Les revendications du brevet sont invalides étant donné que :                 
         a)      le brevet ne divulgue et ne revendique aucune invention;                 
         b)      l'invention est censée se rapporter à des formulations à administrer par voie nasale qui ne causent pas de sensation de brûlure. Il est évident que, pour fabriquer une solution que ne cause pas de sensation de brûlure, il faut omettre tout excipient dont on sait qu'il cause une telle sensation;                 
         c)      le mémoire descriptif ne précise pas le mode de fabrication ou d'utilisation de toute composition qui ne cause pas de sensation de brûlure et ne précise pas comment distinguer les compositions qui causent une sensation de brûlure de celles qui n'en causent pas;                 
         d)      les revendications sont ambiguës en ce sens qu'elles ne définissent pas les propriétés de la composition qui font qu'elle ne cause pas de sensation de brûlure de manière à ce qu'on puisse la distinguer des compositions antérieures.                 
         Notre produit ne contrefera pas ce brevet, étant donné qu'il est susceptible de causer une certaine sensation de brûlure.                 
         En outre, pour le cas où les autres allégations ici formulées au sujet de l'invalidité et de la non-contrefaçon seraient jugées insuffisantes, nous tenons à préciser que nous fabriquerons uniquement des compositions qui ne sont pas visées par les revendications du présent brevet du fait qu'elles ne contiennent pas de propylèneglycol.                 

Cet avis d'allégation est signé par M. A. van Doornik, vice-président aux affaires scientifiques.

[8]      L'allégation d'invalidité des brevets 963 et 048 est propre à la présente affaire " elle ne faisait pas partie du dossier T-1325-94 " et, bien que les allégations de non-contrefaçon soient semblables, on peut soutenir que les moyens de droit et de fait qui sont invoqués à leur appui sont différents de ceux qui étaient invoqués dans l'affaire précédente, le dossier T-1325-94.

[9]      Il convient de remarquer qu'une " ordonnance de confidentialité " (doc. 10) a été prononcée en l'espèce le 12 septembre 1995.

[10]      Il convient également de noter que les brevets 228 et 963 étaient tous les deux expirés avant l'audition de la présente demande d'interdiction.

[11]      Le 27 octobre 1995, le président d'Apotex Inc., Bernard Charles Sherman, a souscrit un affidavit dans lequel il affirmait qu'Apotex avait convenu de fournir à Nu-Pharm une solution nasale de flunisolide à 0,025 %, ce qui implique qu'Apotex pouvait agir de la sorte parce qu'elle était légalement autorisée à fournir ce produit sans contrefaire le ou les brevets des demanderesses. L'annexe A de l'affidavit du docteur Sherman se voulait une copie de la formule originale de la composition d'Apotex.

[12]      Il a toutefois été découvert par la suite que l'annexe A de l'affidavit du docteur Sherman était erronée, à la suite de quoi le juge Pinard a, le 7 mars 1997, rendu une ordonnance (doc. 50) autorisant Nu-Pharm [TRADUCTION] " à produire [au plus tard le 18 mars 1997] un autre affidavit dans lequel le docteur Bernard Sherman expliquera qu'il a commis une erreur lors du dépôt de son premier affidavit et auquel seront annexés les documents joints à titre d'annexe B à l'affidavit confidentiel que M H.B. Radomski a souscrit le 18 février 1997 ". Évidemment, la Cour a prorogé au 19 mai 1997 le délai imparti aux demanderesses pour produire le nouvel affidavit.

[13]      Le docteur Sherman a, le 18 mars 1997, souscrit un second affidavit (dossier des demanderesses, vol. II, à la page 250) dans lequel il déclare :

         [TRADUCTION]              
         2.      Par suite d'une erreur commise par inadvertance, le document que j'avais joint à titre d'annexe A à mon premier affidavit n'était pas, en fait, la bonne formule originale. Si l'allégation formulée par Nu-Pharm au sujet de la validité de la revendication no 1 des lettres patentes canadiennes no 1 288 048 est jugée justifiée, Apotex fabriquera du flunisolide pour Nu-Pharm en utilisant l'un ou l'autre ou l'un et l'autre des procédés divulgués dans les formules originales jointes aux présentes à titre d'annexes A-1 et A-2. Si, en revanche, l'allégation formulée par Nu-Pharm au sujet de la validité de la revendication no 1 des lettres patentes canadiennes no 1 288 048 n'est pas jugée justifiée, Apotex fabriquera du flunisolide pour Nu-Pharm en utilisant uniquement le procédé divulgué dans la formule originale jointe aux présentes à titre d'annexe A-2.                 

Les annexes A-1 et A-2 sont évidemment différentes, mais il importe de souligner que l'on trouve parmi les ingrédients énumérés à l'annexe A-1 (dossier des demanderesses, à la page 251) du propylèneglycol USP, alors que cet ingrédient ne se retrouve pas au nombre de ceux qui sont énumérés à l'annexe A-2 (dossier des demanderesses, à la page 254).

[14]      Voici le texte de la revendication no 1 du brevet 048, de laquelle les autres revendications dépendent essentiellement :

         [TRADUCTION]                 
         1.      Une formulation anti-inflammatoire stéroïdique aqueuse ne causant foncièrement pas de sensation de brûlure à administrer par voie intranasale, laquelle formulation comprend les ingrédients suivants :                 
             un stéroïde anti-inflammatoire, dans une concentration variant entre 0,01 % et environ 0,05 % (v/e);                 
             du propylèneglycol, dans une concentration variant entre 2 % et environ 10 % (v/e);                 
             du P.E.G. 400, dans une concentration variant entre 10 % et environ 25 % (v/e);                 
             du polysorbate 20, dans une concentration variant entre 1 % et environ 4 % (v/e), ainsi que de l'eau.                 

Le propylèneglycol est un ingrédient essentiel courant. Comme la formule A-2 de Nu-Pharm ne contient pas cet ingrédient, il ne contrefait pas le brevet.

[15]      Les demanderesses et Nu-Pharm ont engagé un vif débat sur la question de la validité du brevet 048. Comme il résulte de la conclusion à laquelle la Cour en est venue au paragraphe [14] précédent que les demanderesses doivent être déboutées de leur demande d'interdiction, il n'est pas strictement nécessaire que la Cour tire une conclusion au sujet de l'assertion d'invalidité de Nu-Pharm. La Cour estime toutefois que la preuve soumise par Nu-Pharm n'est pas suffisante pour combattre la présomption légale de validité que l'article 77 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 confère au brevet 048.

[16]      Compte tenu de la conclusion de non-contrefaçon tirée au sujet de la formulation A-2 et des dispositions et de la teneur du Règlement, les moyens que les demanderesses ont fait valoir pour décliner la compétence de la Cour sont mal fondés. Par ailleurs, la Cour n'a pas à se prononcer sur une présentation de drogue nouvelle soumise par Nu-Pharm au ministre.

[17]      Les présents motifs sont plutôt à l'état d'ébauche et ont besoin d'être peaufinés. Dans une lettre datée du 2 mars 1998, les avocats des demanderesses ont estimé à une journée et demi la durée de l'audience. La Cour a réservé deux jours pour la tenue de l'audience, en l'occurrence les 17 et 18 juin 1998, et la séance s'est ouverte à la date prévue. Seul l'avocat des demanderesses a pris la parole devant la Cour pendant ces deux jours. Il semblait ne pas accorder beaucoup de foi à ces documents et il les a commentés en long et en large. Il semblait croire qu'il lui fallait lire la jurisprudence in extenso au juge. En conséquence, la Cour a retenu deux autres dates qui étaient libres et qui convenaient aux avocats, les 20 et 21 août 1998, pour la reprise de l'audience. Le soussigné a dû être hospitalisé d'urgence pendant ces deux jours. Les avocats des deux parties n'ont pas encore réussi à s'entendre sur un bloc de deux jours d'audience. La Cour a donc fixé péremptoirement un délai pour la production des observations écrites. La compagnie défenderesse devait produire sa réponse au plus tard le 22 octobre 1998 et les demanderesses devaient soumettre leur réponse écrite, s'il en était, au plus tard le 4 novembre 1998. Les demanderesses ont présenté leur réponse ce jour-là, ainsi que leur second recueil supplémentaire de décisions et autorités citées. Le soussigné a été fort occupé et a notamment dû s'absenter depuis cette date. Le délai prorogé de 30 mois expire aujourd'hui.

[18]      Comme les parties obtiennent chacune en partie gain de cause, la Cour ne leur adjuge aucuns dépens.

[19]      Il est formellement interdit au ministre de délivrer un avis de conformité à Nu-Pharm pour ce qui est de la formulation A-1. La demande présentée par les demanderesses en vue de faire interdire au ministre de délivrer un avis de conformité relativement à la formulation A-2 est rejetée, par dérogation (pour de nouveaux motifs) à l'ordonnance rendue le 21 juin 1995 par le juge Noël dans le dossier T-1325-94.

                         " F.C. Muldoon "
                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 26 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1742-95
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Hoffmann-La Roche et al. c.
                     Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      17 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Muldoon le 26 novembre 1998

ONT COMPARU :

Me Gunars Gaikis              pour la demanderesse
Me Harry Radomski              pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar              pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

Goodman Phillips & Vineberg      pour la défenderesse

Toronto (Ontario)

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