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Date : 20050803

Dossier : IMM-5868-04

Référence : 2005 CF 1055

Toronto (Ontario), le 3 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

RAMESHBHAI PATEL,

JYOTSNABEN PATEL

et DHAVALKUMAR PATEL

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par un conseiller en immigration (l'agent), en date du 15 juin 2004, selon laquelle il n'existait pas de motifs d'ordre humanitaire suffisants pour accorder aux demandeurs le droit de présenter une demande de résidence permanente de l'intérieur du Canada et pour les dispenser de l'application du paragraphe 11(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

[2]                Les demandeurs demandent à la Cour :

1.          de rendre une ordonnance annulant la décision;

2.          d'ordonner qu'ils soient autorisés à présenter une demande d'établissement de l'intérieur du Canada pour des motifs d'ordre humanitaire et que cette demande soit étudiée alors qu'ils se trouvent au Canada;

3.          de rendre toute autre ordonnance qu'elle estime juste.

Contexte

[3]                Les demandeurs, Rameshbhai Patel (le père), Jyotsnaben Patel (la mère) et Dhavalkumar Patel (Dhaval) (ci-après appelés collectivement les demandeurs), sont des citoyens de l'Inde. La famille compte également deux autres enfants d'âge adulte qui sont restés en Inde.

[4]                À l'âge de 11 ans environ, Dhaval a commencé à avoir des troubles oculaires et de l'urticaire et a cessé de grandir. Il a été examiné par de nombreux médecins en Inde, dont des spécialistes. Il a été envoyé dans une clinique à Los Angeles, en Californie, pour y être traité, mais le traitement s'est révélé inefficace. Il a ensuite été dirigé vers le chef du département d'ophtalmologie de l'Université de la Colombie-Britannique, le docteur Rootman.

[5]                Le père a demandé des visas de visiteur pour lui-même, pour la mère et pour Dhaval afin que ce dernier puisse poursuivre son traitement. Les visas de visiteur ont été accordés et les demandeurs sont arrivés au Canada en mars 2000.

[6]                Dhaval est traité par le docteur Rootman et par d'autres médecins depuis ce temps. Après que leurs premières demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire ont été rejetées, les demandeurs ont présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision. L'affaire a été renvoyée, avec le consentement de toutes les parties, pour faire l'objet d'une nouvelle décision.

[7]                Les demandeurs ont fourni des rapports médicaux et d'autres renseignements à jour aux fins du deuxième examen. Leurs demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire ont de nouveau été rejetées le 15 juin 2004. C'est cette décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire.

[8]                L'agent écrit notamment dans sa décision :

[TRADUCTION]

Préjudice

Le demandeur lui-même n'invoque pas des difficultés, des sanctions ou un risque particulier. On fait valoir que le fils, Dhavalkumar, et la famille subiront un préjudice s'ils sont renvoyés en Inde vu l'état de santé de Dhavalkumar. Des avis médicaux ont été produits au soutien de cette prétention.

Comme je n'ai pas les compétences nécessaires pour les examiner, tous les renseignements et avis médicaux fournis par le demandeur ont été transmis à un médecin agréé des Services médicaux d'Immigration à Ottawa afin qu'ils soient examinés. Toutes les réponses reçues du médecin ont ensuite été communiquées par écrit au demandeur et un délai raisonnable lui a été accordé pour lui permettre d'y répondre et de faire des observations additionnelles.

Le demandeur soutient que les problèmes de santé de Dhavalkumar sont attribuables aux conditions environnementales de l'endroit où il habitait en Inde et qu'il subirait un préjudice s'il devait retourner à cet endroit car sa santé se détériorerait.

À cet égard, je m'appuie sur l'avis formulé par le médecin agréé, le docteur Hélène Quevillon, en date du 11 décembre 2003, qui indique notamment :

[...] son état de santé [de Dhavalkumar] s'est amélioré quelque peu depuis son arrivée [...] et il est difficile de savoir si cela est dû à de meilleures conditions environnementales [...]

Le docteur Quevillon fait également des commentaires sur les avis médicaux fournis par le demandeur selon lesquels Dhavalkumar souffre d'une hypersensibilité immédiate sous-jacente et peut-être également de la maladie de Rosai-Dorfman, une maladie résolutive de cause inconnue :

[...] Il est difficile de savoir si l'amélioration résulte des conditions environnementales ou s'il s'agit simplement de l'évolution naturelle de sa maladie [...]

Le demandeur sous-entend que le traitement médical que requiert l'état de santé de Dhavalkumar est plus facilement accessible ou est supérieur au Canada qu'en Inde. À cet égard, je rappelle ce que le docteur Quevillon a dit :

[...] il y a en Inde des services de santé et des médecins qualifiés en mesure de fournir à M. Patel l'aide et le traitement médicaux dont il a besoin [...]

J'ai examiné la prétention du demandeur selon laquelle les conditions environnementales en Inde entraîneront une détérioration de l'état de santé de Dhavalkumar. Or, cette prétention n'est étayée par aucune preuve scientifique et les médecins ne sont pas tous de cet avis. De plus, aucune pièce n'a été produite pour confirmer que l'installation des demandeurs dans une autre partie de l'Inde qui serait mieux pour la famille vu l'état de santé de Dhavalkumar n'est pas une solution de rechange viable au retour dans la région d'où ils viennent.

Le demandeur a affirmé directement ou de manière implicite que les soins et le traitement que requiert l'état de santé de Dhavalkumar sont meilleurs au Canada qu'en Inde. Je me fonde sur l'avis du docteur Quevillon selon lequel il existe des services de santé et des traitements en Inde. Le demandeur avait eu recours dans le passé aux services de santé et aux médecins en Inde dans le but d'obtenir un diagnostic et une recommandation pour des médecins canadiens. Je ne suis pas convaincu qu'ils n'auraient plus accès au système de santé de l'Inde s'ils retournaient dans ce pays.

Questions en litige

[9]                1.          L'agent a-t-il manqué à son obligation en matière d'équité procédurale en ne tenant pas compte de l'intérêt supérieur de l'enfant?

2.         L'agent a-t-il contrevenu aux principes de justice naturelle :

a)    en interprétant mal la preuve, en ne tenant pas compte de la preuve médicale et de tous les facteurs pertinents et en accordant un poids injustifié à des facteurs non pertinents;

b)    en rendant une décision déraisonnable compte tenu de l'ensemble de la preuve;

c)    en ne rencontrant pas les demandeurs, en particulier Dhaval Patel, au cours d'une entrevue?

Prétentions des demandeurs

[10]            Question 1 (intérêt supérieur)

Les demandeurs prétendaient que, conformément aux valeurs et aux principes énoncés dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, les décisions des agents d'immigration concernant les enfants doivent être conformes aux articles 3.1, 3.2 et 9.1 de la Convention relative aux droits de l'enfant. En d'autres termes, le bien-être et la protection de l'enfant doivent être des considérations primordiales.

[11]            Les demandeurs prétendaient que des facteurs défavorables peuvent l'emporter sur l'intérêt supérieur de l'enfant dans certains cas, mais que, en l'espèce, aucun facteur semblable ne justifiait le rejet de la demande. L'agent n'a pas tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant comme il aurait dû le faire. En fait, il a examiné cet intérêt de manière superficielle et il n'a pas été réceptif, attentif et sensible aux besoins de l'enfant ou au préjudice qu'il subirait s'il retournait en Inde.

[12]            Les demandeurs prétendaient que les deux spécialistes (les docteurs Rootman et Schultz) qui avaient traité l'enfant étaient mieux placés pour faire des recommandations concernant le traitement de celui-ci que le médecin du ministère (le docteur Quevillon), qui n'avait pas vu l'enfant et dont on ne connaissait pas les compétences. Il n'était ni approprié ni raisonnable que l'agent se fonde sur le rapport de ce médecin et écarte les avis des docteurs Rootman et Schultz.

[13]            L'agent a commis une erreur en ne faisant référence à aucun des avis médicaux des docteurs Rootman et Schultz qui indiquaient que l'enfant devrait rester au Canada et que sa santé se détériorerait s'il était renvoyé en Inde. De plus, il n'a pas expliqué pourquoi il préférait l'avis du docteur Quevillon à ceux des deux autres médecins.

[14]            Les demandeurs prétendaient que l'agent et le docteur Quevillon n'ont pas précisé quelles recherches ils ont effectuées pour savoir si l'enfant pourrait recevoir en Inde les soins médicaux spécialisés dont il a besoin. Selon eux, l'agent avait à tout le moins l'obligation de s'informer des services de santé offerts en Inde. Cela était particulièrement important vu que l'enfant avait été dirigé vers un médecin au Canada précisément parce que les médecins en Inde ne pouvaient pas l'aider.

[15]            Les demandeurs prétendaient en outre que l'agent n'a pas discuté avec eux de la possibilité de s'installer dans une autre région en Inde et n'a rien fait pour vérifier quels services médicaux étaient offerts dans différentes parties de ce pays. En d'autres termes, l'agent ne disposait d'aucune preuve lui permettant de rendre la décision à laquelle il est arrivé.

[16]            Les demandeurs faisaient valoir que la Cour a déjà accueilli des demandes de contrôle judiciaire au motif que l'agent n'avait pas tenu compte de la preuve selon laquelle l'enfant avait besoin du traitement médical offert au Canada (voir Leung c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 827), et au motif que l'agent n'avait pas évalué les conditions du pays étranger dans lequel l'enfant pouvait être renvoyé, ni tenu compte des incidences défavorables des conditions sanitaires, de l'eau et des autres installations sur la qualité de vie de l'enfant (voir Anthony c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1310).

[17]            Les demandeurs prétendaient que la preuve médicale démontrant que la santé de Dhaval se détériorerait compte tenu des conditions difficiles et de la pollution existant en Inde et qu'il n'aurait pas accès à des traitements complexes pour la maladie dont il souffre et qui fait actuellement l'objet d'une investigation était écrasante.

[18]            Les demandeurs prétendaient que l'agent a commis une erreur en considérant qu'ils n'étaient pas intégrés ou n'avaient pas suffisamment de soutien dans la collectivité. Les demandeurs ont présenté une pétition signée par 1 200 personnes qui souhaitaient que la famille soit autorisée à demeurer au Canada. Ils ont également produit des lettres de soutien de différentes associations communautaires. Par ailleurs, l'agent n'a pas tenu compte du fait que le père avait participé à l'atelier sur l'immigration et les investissements offert par le gouvernement de la Colombie-Britannique.

Question 2c) (défaut de rencontrer les demandeurs au cours d'une entrevue)

[19]            Les demandeurs prétendaient que, bien que la personne qui présente une demande pour des motifs d'ordre humanitaire n'ait pas de droit absolu à une entrevue, l'obligation d'agir équitablement exigeait qu'une entrevue ait lieu en l'espèce. Compte tenu du fait que la présente affaire dure depuis longtemps, il aurait été utile que l'agent ait une entrevue avec les demandeurs pour rendre une décision plus éclairée. De plus, l'agent aurait dû entendre l'enfant décrire à quel point sa santé s'est améliorée depuis qu'il est au Canada et donner aux demandeurs la possibilité de lui présenter des personnes qui les appuient.

Question 2b) (décision déraisonnable compte tenu de la preuve)

[20]            Les demandeurs ont répété leurs prétentions concernant cette question.

Prétentions du défendeur

[21]            Le défendeur soutenait que, contrairement à ce que les demandeurs prétendaient, l'agent ne s'est pas contenté de faire un examen sommaire de l'intérêt de Dhaval. Selon les demandeurs, l'agent a commis une erreur en n'accordant pas suffisamment de poids à l'intérêt supérieur de l'enfant ou en ne lui accordant pas la première importance.

[22]            Le défendeur faisait valoir que les tribunaux ont établi ce qui suit :

a)    l'intérêt supérieur de l'enfant constitue un facteur important auquel on doit accorder un poids considérable;

b)    l'intérêt supérieur de l'enfant ne revêt pas un caractère déterminant quant à la question du renvoi que doit trancher le ministre;

c)    on détermine l'intérêt supérieur de l'enfant en considérant le bénéfice que celui-ci retirerait si son parent n'était pas renvoyé du Canada ainsi que les difficultés qu'il vivrait si l'un de ses parents était renvoyé du Canada ou s'il quittait le Canada volontairement pour accompagner son parent à l'étranger;

d)    la tâche de l'agent consiste à décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d'un parent exposera l'enfant et de pondérer ces difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d'intérêt public, qui militent en faveur ou à l'encontre du renvoi du parent (voir Baker, précité; Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 12 D.L.R. (4th) 139 (C.A.F.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Hawthorne, 2002 CAF 475).

[23]            Selon le défendeur, l'agent a examiné de manière approfondie l'intérêt supérieur de Dhaval et a reconnu que cet intérêt exigeait qu'il demeure au Canada où son état de santé semblait s'être amélioré, et que le traitement qu'il recevait au Canada lui était bénéfique. Rien n'indiquait toutefois de manière convaincante, étant donné les avis médicaux divergents, que l'amélioration de sa santé était attribuable à des facteurs environnementaux plutôt qu'à l'établissement du bon diagnostic et au traitement approprié. L'agent s'est penché sur la question de savoir si un préjudice pouvait résulter du renvoi en Inde et a conclu qu'il y avait dans ce pays un système de santé accessible et que Dhaval pourrait y recevoir des soins et des traitements. Par ailleurs, les demandeurs ont davantage de liens avec l'Inde qu'avec le Canada.

[24]            De l'avis du défendeur, l'agent a examiné avec soin la preuve médicale produite par les demandeurs concernant l'état de santé de Dhaval et a constaté que celui-ci s'était grandement amélioré depuis l'arrivée de la famille au Canada. Cette preuve a été soumise à un médecin agréé de CIC pour obtenir son avis et pour savoir si un traitement était offert en Inde. Se fondant sur l'avis de ce médecin, lequel a été communiqué aux demandeurs afin que ceux-ci le commentent, l'agent n'était pas convaincu que Dhaval ne serait pas en mesure de recevoir un traitement approprié en Inde maintenant qu'un diagnostic avait été établi et que son état de santé s'était stabilisé, ou qu'il n'y avait en Inde aucune autre région moins toxique ou polluée que celle d'où la famille vient.

[25]            Le défendeur soutenait également que l'agent devait, sous le régime de l'article 25 de la LIPR, se montrer réceptif, attentif et sensible à l'intérêt de l'enfant, mais que, après avoir correctement défini ce facteur, il lui appartenait de déterminer le poids à y accorder dans les circonstances (voir Legault, précité).

[26]            Le défendeur soutenait finalement qu'il appartenait aux demandeurs de convaincre l'agent qu'ils devaient faire l'objet d'un traitement exceptionnel et être dispensés des exigences générales de la loi. La décision de l'agent selon laquelle il n'existait pas de motifs d'ordre humanitaire suffisants pour dispenser les demandeurs de l'obligation d'obtenir un visa était raisonnable, compte tenu des avis médicaux dont il disposait.

Dispositions pertinentes de la loi

[27]            Les dispositions pertinentes de la LIPR prévoient ce qui suit :

11. (1) L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - ou l'intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

Analyse et décision

[28]            Norme de contrôle

Selon Baker, précité, et les décisions subséquentes, je suis convaincu que c'est la norme de la décision raisonnable simpliciter qui devrait s'appliquer à la décision de l'agent.

[29]            Question 1

L'agent a-t-il manqué à son obligation en matière d'équité procédurale en ne tenant pas compte de l'intérêt supérieur de l'enfant?

Les demandeurs soutenaient que l'agent avait commis une erreur en ne mentionnant pas les rapports médicaux des docteurs Rootman et Schultz et en n'expliquant pas pourquoi il les rejetait au profit du rapport du docteur Quevillon.

[30]            L'agent a écrit dans sa décision :

[TRADUCTION] [...] il y a en Inde des services de santé et des médecins qualifiés en mesure de fournir à M. Patel l'aide et le traitement médicaux dont il a besoin [...]

Ce passage est tiré du rapport médical du docteur Quevillon. J'ai examiné ce rapport et j'ai constaté que le médecin n'explique pas pourquoi elle arrive à cette conclusion. En fait, le docteur Schultz a écrit, dans une lettre datée du 11 octobre 2002 :

[TRADUCTION] [...] au cours des prochains mois, nous réévaluerons ce qu'est ce problème mettant la vie en danger et commencerons à essayer différents traitements complexes qui sont facilement accessibles au Canada seulement.

L'agent n'a pas parlé de cet élément de preuve.

[31]            Les médecins de Dhaval ont aussi indiqué que l'environnement du Canada avait contribué à améliorer sa santé. Dans une lettre datée du 12 septembre 2001, le docteur Rootman a écrit :

[TRADUCTION] [...] À mon avis, son état sous-jacent a été aggravé par l'environnement toxique dans lequel il vivait et l'amélioration de son environnement a été essentiel à sa santé [...]

L'agent n'a pas parlé de cet élément de preuve lorsqu'il a traité de l'environnement en Inde.

[32]            Dans Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.), le juge Evans (alors juge à la Cour de première instance) a écrit au paragraphe 17, au sujet des éléments de preuve qui n'avaient pas été expressément mentionnés et analysés :

Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

[33]            À mon avis, le fait que l'agent n'a pas traité des éléments de preuve précédemment décrits constitue une erreur susceptible de contrôle.

[34]            En conséquence, il n'est pas nécessaire que je me penche sur les autres questions soulevées par les demandeurs.

[35]            La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie.

[36]            Les demandeurs ont proposé la question suivante à des fins de certification dans l'éventualité où leur demande serait rejetée :

[TRADUCTION] Lorsque, dans le contexte d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, les services et les soins médicaux existant au Canada sont comparés à ceux offerts dans un pays étranger, le décideur a-t-il à tout le moins l'obligation d'examiner de manière appropriée la preuve relative aux services et aux soins médicaux existant dans le pays étranger avant de conclure que ceux-ci sont adéquats et répondent à l'intérêt supérieur de l'enfant?

Le défendeur s'opposait à la certification de cette question.

[37]            Je ne certifierai pas la question puisque les demandeurs ne l'ont proposée que dans l'éventualité où leur demande serait rejetée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         la demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.         aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« John. A. O'Keefe »

Juge

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5868-04

INTITULÉ :                                                    RAMESHBHAI PATEL, JYOTSNABEN PATEL et DHAVALKUMAR PATEL

                                                            c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 17 MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 3 AOÛT 2005

COMPARUTIONS:

Barinder Sanghera                                             POUR LES DEMANDEURS

Helen Park                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Sanghera Virk Sanghera                                    POUR LES DEMANDEURS

Surrey (Colombie-Britannique)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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