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                                                                    Date : 20020301

                                                                 Dossier : T-85-01

                                                   Référence neutre : 2002 CFPI 228

ENTRE :

TONG QIAO

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]    Il s'agit d'un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi), et de l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, de la décision rendue le 20 novembre 2000 par Mme le juge de la citoyenneté Jeanine Beaubien, qui a rejeté la demande de citoyenneté que Tong Qiao avait présentée suivant le paragraphe 5(1) de la Loi, au motif que l'appelante ne remplissait pas les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi.


LES FAITS

[2]    L'appelante est née le 24 février 1971. Elle est citoyenne de Chine. L'appelante est entrée au Canada le 22 janvier 1991. Elle a obtenu le statut de résidente permanente le 27 avril 1992. Depuis cette date, elle s'est absentée du Canada pendant des périodes prolongées pour poursuivre des études aux États-Unis, en Angleterre et en Allemagne. Au cours de ces périodes, elle a conservé au Canada des comptes bancaires et des liens sur le plan humain et elle considérait le Canada comme étant son domicile.

[3]    Le 14 octobre 1998, l'appelante a présenté une demande de citoyennetécanadienne. L'appelante a eu une entrevue avec le juge de la citoyenneté le 23 mai 2000. Cette entrevue a soi-disant duré dix minutes et selon l'appelante le juge était mal renseignée quant à sa demande et ne semblait pas s'y intéresser.

LA NORME DE CONTRÔLE

[4]    La norme de contrôle d'une décision rendue par un juge de la citoyennetéà l'égard du choix et de l'application du critère de résidence est énoncée par M. le juge McKeown dans la décision Zhang c. M.C.I., [2001] A.C.F. no 778, au paragraphe 7 :

La norme d'examen qui s'applique à ces questions est la norme de la décision correcte. Dans l'affaire Lam c. Canada (M.C.I.) (1999), 164 F.T.R. 177, Monsieur le juge Lutfy a peaufiné le critère lorsqu'il s'est exprimé comme suit au paragraphe 33 :

Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence.

À son tour, Monsieur le juge Pelletier a donné d'autres précisions dans l'affaire Canada (M.C.I.) c. Mindich (1999), 170 F.T.R. 178 (C.F. 1re inst.), en formulant les remarques suivantes au paragraphe 9 :


Étant donné les divergences de vues parmi les membres de la Cour fédérale, la décision d'un juge de la citoyenneté ne sera pas erronée du seul fait qu'il a choisi une approche plutôt que l'autre. Le rôle du juge qui entend l'appel consiste à vérifier si le juge de la citoyenneté a correctement appliqué le critère qu'il a choisi. [Non souligné dans l'original.]

Par conséquent, la norme de contrôle étant la décision correcte, la Cour doit vérifier que le juge de la citoyennetéa correctement appliqué l'un des critères de résidence. La cour siégeant en appel ne doit pas substituer son opinion à celle du juge de la citoyenneté à moins qu'il n'ait commis une erreur dans l'application du critère de résidence.

CONDITION D'ADMISSIBILITÉÀ LA CITOYENNETÉ

[5]    Selon le calcul prévu à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, l'appelante doit, pour que la citoyennetélui soit attribuée, avoir accumuléau moins trois ans (1 095 jours) de résidence au Canada au cours des quatre années précédant immédiatement la date de sa demande.

Le paragraphe 5(1) de la Loi est rédigécomme suit :



Attribution de la citoyenneté

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

a) en fait la demande;

b) est âgée d'au moins dix-huit ans;

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,                            (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

d) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

f) n'est pas sous le coup d'une mesure d'expulsion et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20.

Grant of citizenship

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) makes application for citizenship;

(b) is eighteen years of age or over;

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

(f) is not under a deportation order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.


LE CRITÈRE DE RÉSIDENCE

[6]    La Section de première instance de la Cour fédérale du Canada a établi plusieurs critères de résidence. Dans la décision Hsu c. M.C.I., [2001] A.C.F. no 862 (C.F. 1re inst.), le juge Heneghan a établi que les juges de la citoyennetépeuvent appliquer de façon appropriée n'importe lequel des critères reconnus, mais ne peuvent pas combiner plusieurs critères. Le juge Heneghan a déclaré au paragraphe 7 :

À mon avis, il apparaît que le juge de la citoyenneté a utilisé une combinaison de deux critères, savoir le critère fondé sur le calcul strict du nombre de jours de présence physique et celui des attaches importantes énoncé dans la décision Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.). Alors que les motifs reflètent l'examen des questions en litige dans l'affaire Koo (Re), précitée, il n'existe aucune preuve au dossier ou dans les motifs énoncés que le juge de la citoyenneté s'est entièrement ou ouvertement penchée sur la question des « attaches » avec un autre pays. Une telle analyse, à mon avis, devrait être effectuée avant que le juge de la citoyenneté puisse tirer les conclusions qu'elle a tirées, c'est-à-dire que le demandeur n'a pas réussi à démontrer [TRADUCTION] « l'existence d'attaches plus importantes avec le Canada qu'avec tout autre pays » . Je fais miens les propos de M. le juge Lemieux dans la décision Agha (Re) (1999), 166 F.T.R. 245 (1re inst.) au paragraphe 49 :


L'absence d'analyse de la part de la juge de la citoyenneté en l'espèce constitue une erreur de principe qui m'enlève toute hésitation que je pourrais avoir d'arriver à une conclusion différente sur les faits même s'il s'agit d'un nouveau procès.

[7]    Dans l'affaire intéressant la Loi sur la citoyennetéet dans l'affaire intéressant Antonios E. Papadogiorgakis (appelant), [1978] 2 C.F. 208 (C.F. 1re inst.), M. le juge en chef adjoint Thurlow a énoncéle critère de « centralisation du mode habituel de vie » , qui établit que malgrédes absences qui contreviennent aux conditions minimales, la demande s'articule autour de la question de savoir si l'appelant a ou n'a pas centralisé son mode habituel de vie au Canada :

Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand [Thomson c M.R.N., [l946] R.C.S. 209] dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [TRADUCTION] « essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question » .

[8]    M. le juge Dubéa énoncé de nouveau ce critère dans l'affaire Banerjee (Re) (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 235 (C.F. 1re inst.), à la page 238, de la façon suivante : « C'est la qualitéde l'attachement au Canada qui doit être examinée. »

[9]    Le critère de « présence physique » énoncé par M. le juge Muldoon dans la décision Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. no 232 (C.F. 1re inst.) oblige le demandeur à être physiquement présent au Canada pendant le nombre de jours prévu. Les paragraphes 3 et 4 sont rédigés comme suit :


Il est évident que l'alinéa 5(1)c) vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de « se canadianiser » . Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo, T-20-92, 3 décembre 1992, encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.

La loi ne dit pas à la Cour de s'abandonner à la sentimentalité pour tourner ou pour défier la condition légale de résidence. Peut-être par méprise sur la jurisprudence de cette Cour en la matière, il semble que des demandeurs se sont fait conseiller que pour satisfaire à la condition prévue par la loi, il suffit d'avoir un ou des comptes bancaires canadiens, de s'abonner à des magazines canadiens, de s'inscrire à l'assurance-maladie canadienne, d'avoir une demeure et des meubles et autres biens au Canada et de nourrir de bonnes intentions, en un mot, tout sauf vivre vraiment au milieu des Canadiens au Canada pendant trois des années précédant la date de la demande, ainsi que le prescrit le législateur. On peut poser la question : « Mais si le candidat à la citoyenneté suit des études à l'étranger? Qu'y a-t-il de si urgent? » Si le candidat ne peut trouver une école ou université à sa convenance au Canada, qu'il suive les études à l'étranger puis revienne au Canada pour satisfaire à la condition de résidence.

[10] En dernier lieu, à l'égard du critère de la « centralisation du mode d'existence » , Mme le juge Reed dans la décision Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286, [1992] A.C.F. no 1107 (C.F. 1re inst.), énumère une liste de facteurs qui démontrent un attachement suffisant au Canada pour que la citoyenneté soit attribuée même si la condition du nombre minimal de jours n'a pas été remplie :

La conclusion que je tire de la jurisprudence est la suivante : le critère est celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant « vit régulièrement, normalement ou habituellement » . Le critère peut être tourné autrement : le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence? Il y a plusieurs questions que l'on peut poser pour rendre une telle décision :

1) la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

2) où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?                

3) la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?         


4) quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?     

5) l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?         

6) quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

[11] Tous ces critères ont été jugés être applicables. M. le juge Blanchard a déclaré dans la décision So c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1232 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 29 :

La jurisprudence appuie la proposition selon laquelle un juge de la citoyenneté peut à son choix appliquer l'un des critères mentionnés ci-dessus, pourvu que le critère choisi soit appliqué correctement.

Dans la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 410 (C.F. 1re inst.) au paragraphe 14, Monsieur le juge Lutfy, maintenant juge en chef adjoint, a déclaré :

À mon avis, le juge de la citoyenneté peut adhérer à l'une ou l'autre des écoles contradictoires de la Cour, et, s'il appliquait correctement aux faits de la cause les principes de l'approche qu'il privilégie, sa décision ne serait pas erronée.

LA DÉCISION DU JUGE DE LA CITOYENNETÉ

[12] Le juge de la citoyennetéen l'espèce a refusé d'attribuer la citoyenneté à Tong Qiao au motif qu'elle n'avait pas rempli les conditions de l'alinéa 5(1)c) qui prévoit qu'un demandeur doit avoir accumulé un minimum de trois ans de résidence au Canada au cours des quatre années précédant sa demande de citoyenneté.


[13] Dans les motifs de sa décision joints à l' « Avis au ministre de la décision » , le juge de la citoyennetéécrit :

[TRADUCTION]

La demanderesse, Mme Qiao a passé trop de temps à l'extérieur du Canada pour être admissible à la citoyenneté.

[...]

Le total des absences qu'elle a déclarées pour les quatre années précédant sa demande est de 1 460 jours, ce qui ne donne que 110 jours de présence au cours de ces quatre ans.

Même si nous calculons les quelques jours de présence, il existe de nombreuses occasions au cours desquelles la demanderesse aurait pu démontrer son réel attachement au Canada autrement que par des simples paroles.

Elle n'a pas de famille au Canada, mais a de façon certaine de nombreux amis à l'université et bien que Mme Qiao soit extrêmement intelligente et qu'elle réussisse bien dans ses études, je ne peux lui attribuer la citoyenneté à cause du nombre de jours de présence au Canada qui lui manquent.        

[14]          Dans sa lettre de décision datée du 20 novembre 2000, le juge de la citoyennetéécrit :

[TRADUCTION]

La jurisprudence de la Cour fédérale requiert qu'un individu, pour qu'il puisse établir une résidence, démontre par ses intentions et par ses actes qu'il centralise son mode d'existence au Canada. Si une telle résidence est établie, des absences du Canada n'affectent pas cette résidence, dans la mesure où il est démontré que l'individu ne s'est absenté que de façon temporaire et a conservé au Canada une certaine forme de résidence réelle et tangible.

LA QUESTION EN LITIGE

[15]     Le juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu que l'appelante n'avait pas rempli les conditions prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi?


ANALYSE

[16]         L'appelante a allégué que, en l'espèce, il n'est pas possible d'établir le critère qui a été appliqué par le juge de la citoyenneté. Dans son dossier de requête, l'appelante a prétendu que bien que les motifs écrits du juge de la citoyennetésemblent démontrer que le critère qui a été appliqué est celui qui a été établi dans la décision Pourghasemi, la lettre de refus semble plutôt tendre vers les critères qui ont été établis dans les décisions Koo et Papadogiorgakis.

[17]         La mention dans la lettre de refus de la « jurisprudence de la Cour fédérale » démontre que le juge de la citoyennetéconnaît les critères qui sont à sa disposition pour trancher les demandes de citoyenneté. La mention de la « centralisation » réfère aux critères établis dans les décisions Papadogiorgakis et Koo. Les faits de la présente affaire rappellent ceux de l'affaire Koo étant donné que l'appelante, comme dans Koo, démontre par certains indices qu'elle a établi un lien avec le Canada mais que la qualité de sa résidence ne montre pas que le Canada est l'endroit où elle réside régulièrement, normalement et habituellement. Mme le juge Reed, dans la décision Koo, précitée, a écrit :


En évaluant la qualité des attaches du requérant avec le Canada, si je me reporte aux questions posées plus tôt, je note tout d'abord que l'on ne relève pas dans la situation dans laquelle se trouve l'appelant une longue période de résidence au Canada avant les périodes d'absence prolongée plus récentes. Son épouse est restée au Canada assez longtemps pour acquérir la citoyenneté, mais on ne peut dire que la famille a réellement des « racines » ici. Une partie de la famille étendue de l'appelant se trouve au Canada, mais on ne peut pas dire que le Canada est le centre de la vie familiale de l'appelant. Les présences physiques au Canada s'apparentent davantage à des visites dans ce pays qu'à un retour à un lieu où l'on « vit régulièrement, normalement et habituellement » . L'appelant est bien loin de satisfaire à la condition prescrite des 1 095 jours de résidence effective. Les absences ne sont liées à aucune cause manifestement temporaire. L'appelant parle de la possibilité de déménager au Canada le siège social de Valles Steamship Company Ltd., mais, comme je l'ai fait remarquer, un tel projet est hypothétique. En ce qui concerne la qualité des attaches de l'appelant avec le Canada, ce dernier a acquis un grand nombre de ce que je pourrais appeler les indices types, probablement à la recommandation de ses experts-conseils : un bien sous la forme d'une résidence, un permis de conduire; des comptes en banque; une assurance-maladie de la C.-B.; une fiche de bibliothèque (dont il se sert rarement, de toute évidence); une carte de membre d'un club de tennis (dont il ne se sert sûrement pas puisqu'il ne joue pas au tennis). Malgré ces indices officiels d'attaches avec le Canada, on ne m'a pas convaincue que la qualité de la résidence de l'appelant au Canada est plus importante que celle de sa résidence à Hong Kong. Je ne puis conclure que la qualité de cette résidence montre que le Canada est le lieu où il réside régulièrement, normalement et habituellement. Par conséquent, ma conclusion est la même que celle du juge de la citoyenneté, savoir que l'appelant n'a pas satisfait à la condition des 1 095 jours de résidence que prescrit la Loi sur la citoyenneté. [Non souligné dans l'original.]

[18] Je suis d'avis que le juge de la citoyenneté a appliqué le critère approprié. Il est clair qu'après avoir examiné la demande, le juge a constaté que l'appelante n'avait pas satisfait au critère de « présence physique » fondé sur le calcul strict du nombre de jours passés au Canada au cours des quatre années précédant sa demande de citoyenneté. Par conséquent, le juge de la citoyennetéa appliquéle critère de la « centralisation du mode d'existence    » établi dans les décisions Papadogiorgakis et Koo (Re), qui est le principal critère juridique de résidence appliqué dans le traitement des dossiers d'étudiants. Ce critère établit que ce qui importe, malgrédes absences qui contreviennent aux conditions minimales de jours de présence au Canada prévues par la loi, c'est que l'appelante ait centralisé son mode d'existence au Canada. Certains facteurs, lorsqu'ils existent, indiquent un attachement suffisant au Canada pour justifier l'attribution de la citoyennetémême si les périodes d'absences contreviennent aux conditions minimales de jours de présence prévues par la loi.

[19] Les faits de la présente affaire justifient la conclusion selon laquelle l'appelante n'a pas, au cours des quatre années précédant sa demande de citoyenneté, conservé la « centralisation de son mode d'existence » au Canada ni une « qualitéd'attachement au Canada » . Le temps que l'appelante devait passer au Canada au cours des quatre années précédant sa demande afin d'être admissible à la citoyenneté est de 1 095 jours. Elle n'y a passé que 110 jours. Au cours de la période de quatre ans, l'appelante n'a pas démontré, au moyen d'autres facteurs, qu'elle avait conservé la « centralisation de son mode d'existence » au Canada.


CONCLUSION

[20] J'ai examiné les motifs du juge de la citoyenneté et je conclus qu'elle a vraiment identifié et appliqué le critère de résidence énoncé dans les décisions Papadogiorgakis et Koo, précitées. Je suis d'avis que le juge de la citoyennetéa en effet établi dans ses motifs qu'elle comprenait le critère et qu'elle a effectivement conclu de façon correcte que les faits démontraient que le critère de résidence n'avait pas été satisfait.

[21] Ainsi, le juge de la citoyennetén'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a conclu que l'appelante ne remplissait pas les conditions prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Par conséquent le présent appel devrait être rejeté.

« Michael A. Kelen »

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 1er mars 2002

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       T-85-01

INTITULÉ :                             Tong Qiao c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :         Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :           Le 19 février 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     Monsieur le juge Kelen

DATE DES MOTIFS :             Le 1er mars 2002

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman                                     POUR LA DEMANDERESSE

Lorne McClenaghan                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

Jackman, Waldman & Associates                     POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                        POUR LE DÉFENDEUR

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