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                                                                                                                                            Date : 20011101

                                                                                                                                Dossier : IMM-1536-00

                                                                                                             Référence neutre : 2001 CFPI 1187

Entre :

                                       ARFEEN SHAMSUL MUHAMMAD

                                                                                                                     demandeur

                                                               - et -

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     défendeur

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire relative à la décision du 15 février 2000 par laquelle Susanna Ching, agente des visas (l'agente) au Consulat général du Canada à Hong Kong (République populaire de Chine) a refusé la demande de résidence permanente que le demandeur a présentée sous la catégorie de parent aidé en vertu de l'alinéa 11(3)b) du Règlement sur l'immigration, 1978, DORS/78-172 (le Règlement).

[2]         Le demandeur est un citoyen du Pakistan. Dans sa demande de résidence permanente, il a indiqué qu'il exerçait la profession d'ingénieur civil (CCDP 2143-118). L'agente l'a reçu en entrevue le 11 février 2000.


[3]         On a informé le demandeur par lettre qu'il s'était vu attribuer 69 points d'évaluation, soit quatre de plus que le nombre minimal requis. L'agente a toutefois conclu que l'évaluation ne reflétait pas avec exactitude la capacité du demandeur de s'établir avec succès au Canada. L'agente a donc recommandé l'exercice défavorable du pouvoir discrétionnaire prévu à l'alinéa 11(3)b) du Règlement. La demande a été refusée lorsque le superviseur de l'agente a approuvée cette décision.

[4]         Au paragraphe 16 de son affidavit, l'agente a expliqué que :

[Traduction] Même si M. Muhammad a réussi à obtenir 69 points d'évaluation (65 points sont requis dans la catégorie de parent aidé), je suis d'avis que les points d'évaluation ne reflétaient pas avec exactitude ses chances de s'établir avec succès au Canada. M. Muhammad travaillait pour le même organisme gouvernemental depuis plus de quatorze ans. Même s'il a reçu le nombre de points maximal au titre de l'expérience dans sa profession envisagée, il éprouverait des difficultés importantes à intégrer le marché du travail au Canada en raison de son âge, de son manque de compétences en informatique et de son manque de connaissance de la langue. En outre, il faudrait à M. Muhammad beaucoup de temps pour devenir suffisamment compétent en anglais écrit pour faire les examens préalables à l'obtention du permis d'exercice de la profession d'ingénieur. Après avoir obtenu son permis d'exercice, M. Muhammad aurait de la difficulté à décrocher un emploi face à la concurrence des ingénieurs professionnels plus jeunes. On ne m'a pas convaincue que M. Muhammad pouvait s'établir avec succès au Canada et faire vivre sa famille.

[5]         Dans l'arrêt Chiu Chee To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (22 mai 1996), A-172-93, la Cour d'appel fédérale a exposé la norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires des agents des visas en matière de demandes d'immigration. Il s'agit de la norme que la Cour suprême du Canada a adoptée dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Le gouvernement du Canada et al., [1982] 2 R.C.S. 2, où le juge McIntyre a déclaré aux pages 7 et 8 :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.


[6]         La première question qu'a soulevée le demandeur porte sur l'évaluation de ses compétences linguistiques de la part de l'agente. Sur son formulaire de demande de résidence permanente, le demandeur a indiqué qu'il parlait, lisait et écrivait en anglais « couramment » . Pendant l'entrevue, l'agente a permis au demandeur de démontrer sa capacité de parler, de lire et d'écrire en anglais, comme le prévoit le facteur 8 de l'annexe I du Règlement.

[7]         Dans son affidavit, l'agente déclare que le demandeur fait des erreurs de grammaire et de syntaxe lorsqu'il parle anglais. De même, il lit et écrit avec difficultélorsqu'il doit faire des examens de lecture et d'écriture. En outre, le demandeur ne parle pas anglais aussi couramment qu'il l'a déclaré dans son formulaire de demande. Elle souligne par ailleurs qu'elle a dû répéter et reformuler ses questions pour qu'il soit en mesure de répondre.

[8]         À l'appui de son raisonnement justifiant l'exercice défavorable du pouvoir discrétionnaire, l'agente met clairement en évidence les obstacles auxquels ferait face le demandeur sur le marché du travail en raison de ses problèmes linguistiques. De même, cela prendrait beaucoup de temps avant que le demandeur puisse devenir compétent en anglais et il aurait très probablement épuisé ses ressources avant d'obtenir un emploi d'ingénieur lui permettant de faire vivre sa famille.


[9]         Le demandeur soutient également que l'agente est liée par les critères énoncés dans la description de travail de la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP) et qu'elle a commis une erreur pendant l'entrevue en les remplaçant par ses propres critères relatifs aux exigences requises pour être ingénieur civil. L'agente a peut-être quelque peu exagéré en utilisant le mot « obligatoire » dans les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigrations, mais j'estime qu'elle faisait référence à la nécessité de posséder des compétences en informatique dans tous les domaines d'ingénierie en général, et non pas en particulier dans la profession d'ingénieur civil au sens des exigences de la CCDP.

[10]       J'estime que l'agente a évalué le manque de compétences en informatique du demandeur uniquement en fonction de la manière dont il pourrait s'établir avec succès au Canada. La décision ne repose pas sur la simple idée que le demandeur ne ferait pas un bon résident au Canada, mais bien sur le fait pertinent qu'il ne pourrait pas décrocher un emploi face à la concurrence des ingénieurs plus jeunes et qu'il ne serait donc pas en mesure de s'établir économiquement au Canada (voir Mangat c. Canada (M.E.I.) (1991), 45 F.T.R. 128).

[11]       Je suis d'avis que l'agente a agi raisonnablement lorsqu'elle exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant la demande de résidence permanente au Canada en raison du manque de compétences linguistiques et informatiques du demandeur. À mon avis, l'agente a agi conformément au Règlement et les éléments dont elle a tenu compte reflètent avec exactitude les difficultés que le demandeur rencontrerait pour s'établir avec succès économiquement au Canada.

[12]       Finalement, ce qui a trait aux fonds requis pour l'établissement, le demandeur déclare que l'agente a commis une erreur en ne tenant pas compte de l'aide financière promise par sa future épouse et en ne posant aucune question à celle-ci sur le sujet en entrevue. De même, la procédure suivie par l'agente était inéquitable car celle-ci n'a pas cherché à savoir quelle était la liquidité potentielle des biens de l'épouse du demandeur. À cet égard, je dois dire qu'il incombe au demandeur d'établir qu'il satisfait aux critères d'entrée au Canada et que son admission ne serait pas contraire à la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, ni au Règlement (voir Ali (M.) c. Canada (M.C.I.) (1998), 151 F.T.R. 1, et Yu c. Canada (M.E.I.) (1990), 36 F.T.R. 296, à la page 304).


[13]       En l'espèce, il est clair que l'agente a interrogé le demandeur sur la questions des fonds requis pour l'établissement. On n'a toutefois pas produit les documents relatifs à la valeur des biens de l'épouse du demandeur et à la période requise pour leur vente, contrairement à ce qui s'était produit dans Bakhtiania c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 1023 (C.F. 1re inst.) (QL), où la demanderesse avait présenté un état de son épargne ainsi que l'acte de propriété de son immeuble en Iran. En l'espèce, aucun renseignement n'a été fourni, de sorte que l'agente n'avait pas l'obligation de s'informer.

[14]       Pour les motifs qui précèdent, il n'y a pas lieu que la Cour intervienne et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                        YVON PINARD                      

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 1er novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


                                                                                                                                            Date : 20011101

                                                                                                                                Dossier : IMM-1536-00

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2001

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

                                       ARFEEN SHAMSUL MUHAMMAD

                                                                                                                     demandeur

                                                               - et -

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     défendeur

                                                       ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire, visant la décision du 15 février 2000 par laquelle Susanna Ching, agente des visas au Consulat général du Canada à Hong Kong (République populaire de Chine), a refusé la demande de résidence permanente faite par le demandeur sous la catégorie de parent aidé, est rejetée.

                       YVON PINARD                     

       JUGE

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                            IMM-1536-00

INTITULÉ :                                                          ARFEEN SHAMSUL MUHAMMAD c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 Le 2 octobre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE     Monsieur le juge Pinard

EN DATE DU :                                                    1er novembre 2001

ONT COMPARU

M. J. Norris Ormston                                                                                  POUR LE DEMANDEUR

M. Martin E. Anderson                                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. J. Norris Ormston                                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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