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                                                                                                                     Date : 20040729

                                                                                                        Dossier : IMM-5826-03

                                                                                                    Référence : 2004 CF 1043

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                       ELISA MARIA PALACIOS MARTINEZ,

                                FREDERYCK ALFONSO FRANCO PALACIOS

                                          (alias Frederyck Alfon Franco Palacios)

                                    BRENDA BERENICE FRANCO PALACIOS

                                                                                                                              demandeurs

                                                                       et

                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                 défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]                Mme Elisa Maria Palacios Martinez, la demanderesse principale, et ses deux enfants, sont des citoyens du Mexique qui prétendent craindre avec raison d'être persécutés par des personnes ayant menacé le mari de la demanderesse principale.


[2]                Dans une décision datée du 26 juin 2003, un commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le commissaire) a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. Le commissaire a conclu que les demandeurs pourraient bénéficier de la protection de l'État s'ils retournaient au Mexique. En outre, le commissaire n'a pas cru l'allégation de la demanderesse principale suivant laquelle elle était persécutée par la police judiciaire et des représentants du gouvernement.

[3]                Au cours de l'audience, le conseil des demandeurs a exprimé deux préoccupations :

1.          Les commentaires du commissaire et son départ brusque de la salle d'audience montrait que les demandeurs ne bénéficiaient pas d'une instruction équitable.

2.          Au cours d'une suspension d'audience, l'interprète a exprimé aux demandeurs le point de vue selon lequel le commissaire avait un problème d'audition.

[4]                Après discussion, le commissaire a continué l'audience malgré les préoccupations exprimées par le conseil des demandeurs.


[5]                Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision au motif qu'ils n'ont pas bénéficié d'une instruction équitable. Aucune des conclusions clés tirées par la Commission quant au fond n'est contestée.

Question en litige

[6]                La présente demande soulève une question :

1.          Le commissaire a-t-il fait naître une crainte raisonnable de partialité, manquant par le fait même aux principes de justice naturelle?

Analyse

[7]                En termes simples, les demandeurs prétendent que leur cause n'a pas été entendue par un décideur impartial.


[8]                Le critère applicable pour conclure à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? » (Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie (1978), 68 D.L.R. (3d) 716 (C.S.C.)). Ce critère a été importé dans le domaine de l'immigration (Ahumada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 199 D.L.R. (4th) 103 (C.A.F.), à la page 109; Arthur c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 98 D.L.R. (4th) 254 (C.A.F.), à la page 260; Mahendran c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 14 Imm. L.R. (2d) 30 (C.A.F.)).


[9]                Les demandeurs soutiennent que le commissaire a quitté soudainement et en colère la salle d'audience et qu'il a tenu des propos hostiles lorsqu'il est sorti en disant qu'il n'arrivait pas à [traduction] « tirer leur histoire au clair » et que les parties [traduction] « feraient mieux de mettre les choses au clair » à son retour. Avec égards, un examen attentif de la transcription d'audience montre que ces allégations n'ont aucun fondement. Le commissaire a bel et bien exprimé une certaine frustration et il a bel et bien dit qu'il n'arrivait pas à tirer leur histoire au clair. Il n'a toutefois pas dit aux parties qu'elles [traduction] « feraient mieux de mettre les choses au clair » à son retour. En outre, lorsque le conseil a exprimé ses préoccupations relativement au départ soudain et inexpliqué du commissaire, le commissaire a expliqué qu'il avait un besoin urgent d'aller aux toilettes. Dans ce contexte, je ne suis pas convaincue que le commissaire n'a pas jugé la demande des demandeurs équitablement. Le fait pour un commissaire d'exprimer une certaine frustration parce qu'il est incapable de bien comprendre la preuve dont il est saisi ne fait pas naître une crainte raisonnable de partialité (Mahendran, précité).

[10]            La demanderesse affirme également que le commissaire a un problème d'audition et qu'il pas tenu compte des préoccupations exprimées par le conseil quant à l'effet qu'avait ce problème sur le caractère équitable de l'audience. Durant une courte suspension d'audience, l'interprète présent à l'audience aurait fait un long commentaire sur le problème d'audition du commissaire. Après la suspension d'audience, le conseil a exprimé des préoccupations relativement aux commentaires de l'interprète. Une fois que le conseil eut soulevé le problème d'audition du commissaire à l'audience, le commissaire a assuré toutes les parties qu'il n'avait pas un tel problème.

[11]            Les demandeurs ont renvoyé à divers incidents rapportés dans la transcription, lesquels permettraient de conclure que le commissaire avait un problème d'audition. Toutefois, le défendeur m'a également renvoyé à d'autres parties de la transcription où les parties, et non pas le commissaire, ont demandé que des questions ou des commentaires leur soient répétés. Je note également que, malgré les allégations très graves qu'il a faites à l'audience, l'interprète n'a pas signé d'affidavit décrivant son expérience de travail avec le commissaire.


[12]            Après avoir examiné attentivement l'ensemble de la transcription d'audience ainsi que la décision, je ne suis pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le commissaire a un problème d'audition qui donnerait lieu à un manquement aux principes de justice naturelle. De plus, les demandeurs ne m'ont rien montré dans le témoignage ni dans la décision du commissaire qui indiquerait qu'ils ont été incapables de présenter leur preuve. En fait, malgré les préoccupations exprimées par le conseil, la demanderesse principale et même l'interprète présent à l'audience, le commissaire a ramené les parties à la présentation de la preuve, qui s'est terminée normalement. De plus, le commissaire n'a pas omis de prendre en compte ou mal interprété certains éléments de preuve, ce à quoi on pouvait s'attendre s'il avait eu un grave problème d'audition.

[13]            Je suis convaincue que les demandeurs ont bénéficié d'une instruction équitable. Dans le contexte du critère de la crainte de partialité, une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, ne conclurait pas que, selon toute vraisemblance, le commissaire ne rendra pas une décision juste. En conséquence, la demande sera rejetée.

[14]            Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé de question à certifier. Aucune question ne sera certifiée.


                                                          ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est rejetée; et

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5826-03

INTITULÉ :                                        ELISA MARIA PALACIOS MARTINEZ ET AL.

c.         

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 27 JUILLET 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                       LE 29 JUILLET 2004

COMPARUTIONS :

Cynthia Mancia                                     POUR LES DEMANDEURS

Mary Matthews                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mancia and Mancia                               POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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