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                                                                                                                               Date : 20041001

                                                                                                                    Dossier : IMM-8131-03

                                                                                                               Référence : 2004 CF 1322

ENTRE :

                                                        LEYKA ALSHYNETSKY

                                                                                                                               Demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                        Défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la CISR) rendue le 17 septembre 2003, statuant que la demanderesse n'est ni une « réfugiée » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi).


[2]         La demanderesse, Leyka Alshynetsky, est une citoyenne d'Israël d'origine ukrainienne née le 17 mai 1926. Entre 1999 et 2001, elle a habité Israël sans problème. Cependant, en 2001, une querelle a éclaté avec un nouveau voisin à propos d'un sac à déchets que celui-ci aurait déposé devant la porte de son appartement. Son fils a porté plainte à la police pour ensuite vendre l'appartement et quitter l'Israël avec un visa d'immigrant afin de venir s'installer au Canada. Il a ensuite fait venir sa mère à titre de visiteur. Arrivée au Canada, cette dernière y a demandél'asile.

[3]         Selon la jurisprudence de cette Cour, la demanderesse se devait dtablir un lien entre sa crainte et l'un des cinq motifs prévus à la définition de réfugié au sens de la Convention (Rizkallah c. Canada (M.E.I.) (1992), 156 N.R. 1 (C.A.F.)).

[4]         J'accepte l'argument de la demanderesse à l'effet que la CISR a erré dans l'identification du groupe social. En effet, dans sa décision, la CISR indique que la demanderesse allègue persécution en raison de son appartenance à un groupe social particulier soit celui de la famille, alors que la demanderesse n'a plus de famille en Israël. Une lecture de la preuve au dossier révèle que la demanderesse a plutôt fait sa demande sur la base de deux motifs, soit sa nationalité et son appartenance à un nouveau groupe social, celui des nouveaux immigrants russophones.

[5]         Bien que la CISR ait commis une erreur dans l'identification du groupe social, cette conclusion n'a aucune incidence sur l'appréciation de la preuve au dossier qui a amené la CISR à conclure que la demanderesse n'est pas une réfugiée du fait qu'elle ne rencontre pas l'un des cinq motifs de la Convention. En effet, la demanderesse réclame plutôt le statut de réfugiée en raison d'un incident isolé (soit un conflit avec un voisin) qui n'a rien à voir avec le fait qu'elle soit une nouvelle arrivante en Israël. Cela apparaît bien des motifs de la CISR où il est indiqué ce qui suit :


En effet, la demandeure allègue qu'il y aurait de la haine en Israël contre les nouveaux arrivants. À l'appui de cette allégation, elle invoque la querelle qu'elle aurait eue avec son voisin. Le tribunal ne peut pas souscrire à cette allégation faite à partir d'un incident isolé et banal, puisque jusqu'en 2001, la demandeure n'avait pas eu de problèmes avec les autres voisins, et que ce problème ne s'est produit qu'avec le nouveau voisin. Le tribunal ne voit aucun lien avec l'un des cinq motifs de la Convention.

Il appert donc que la CISR a bien apprécié la crainte invoquée par la demanderesse, ce qui n'est plus contesté par celle-ci, son procureur, à l'audition devant moi, stant limité à argumenter que la CISR a indûment refusé d'exercer sa compétence en regard de l'article 97 de la Loi.

[6]         Or, à ce sujet, il importe de reproduire l'extrait suivant de la décision en cause :

D'autre part, la demandeure déclare ne pas se sentir en sécurité en raison des actes terroristes perpétrés en Israël. Ici, la demandeure n'est pas spécifiquement visée par ces actions, mais c'est l'ensemble de la population en Israël qui est exposée au risque que constitue le terrorisme. Les dispositions de l'article 97(1)b) précisent que la protection est limitée aux personnes qui sont exposées à un risque auquel les autres personnes dans le pays ne sont généralement pas exposées.

Enfin, la demandeure allègue que sa vie serait menacée en cas de retour en Israël du fait qu'elle ne parle pas l'hébreu et qu'elle ne pourrait survivre loin de sa famille. Le pouvoir de considérer les motifs humanitaires revient au ministre. Le tribunal n'a pas la juridiction de se prononcer sur une telle demande.

[7]         Bien qu'il puisse parfois exister des circonstances qui constituent à la fois des motifs humanitaires et une menace à la vie ou au risque énoncés à l'article 97 de la Loi, il importe de lire l'extrait ci-dessus de la décision de la CISR dans le contexte de la preuve au dossier et de la conclusion expresse de ce tribunal à l'effet que la demanderesse n'est pas « personnellement visée par les dispositions des articles 96 et 97 . . . » . Ainsi, il est manifeste de la décision que le tribunal a entendu exercer sa compétence en regard de l'article 97 de la Loi. Reste à savoir si cet exercice est manifestement déraisonnable.


[8]         Or, l'avocat de la demanderesse lui-même a reconnu la faiblesse de sa preuve en regard du risque ou de la menace décrits à l'article 97 de la Loi. Pour ma part, je ne décèle aucun élément de preuve sérieux d'un tel risque ou d'une telle menace. Par contre, une lecture des notes sténographiques contenues aux pages 127 et 133 du dossier du tribunal laisse clairement voir que le tribunal s'est penché sur les allégations de la demanderesse pour conclure à des motifs humanitaires plutôt qu une situation prévue à l'article 97 de la Loi. Les motifs de la CISR étant lus dans leur juste contexte, non seulement ce tribunal a-t-il effectivement exercé sa compétence en regard de l'article 97 de la Loi, mais a-t-il en outre raisonnablement jugé que les circonstances décrites par la demanderesse ne constituaient pas une situation couverte par la protection offerte sous lgide de cette disposition législative, qu'il s'agissait plutôt de motifs humanitaires qu'il revenait au ministre dvaluer. Comme l'a décidé la Cour d'appel fédérale dans M.C.I. c. Ranganathan, [2001] 2 C.F. 164, aux pages 171 et 172 :

[17]      Deuxièment, il s'ensuit une certaine confusion en brouillant la distinction entre les revendications du statut de réfugié et les demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire. Il s'agit là de deux procédures qui correspondent à des considérations et à des objectifs différents. Comme le juge Rothstein l'a déclaré dans Kanagaratnam [(1994), 83 F.T.R. 131], à la page 133 :

Bien que, dans le sens le plus général, la politique canadienne en matière de statut de réfugié se fonde peut-être sur des considérations humanitaires, cette terminologie dans la Loi sur l'immigration et les procédures suivies par les agents sous le régime de cette loi a pris une connotation particulière. La question des considérations humanitaires est normalement soulevée après qu'il a été déclaré qu'un requérant n'est pas un réfugié au sens de la Convention. L'omission par le tribunal d'examiner des considérations humanitaires dans sa décision en matière de statut de réfugié au sens de la Convention ntait pas une erreur.

[9]         Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[10]       Je ne vois pas ici matière à certification, aucune question d'importance générale, d'ailleurs, n'ayant été proposée.

                                                                     

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 1er octobre 2004


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-8131-03

INTITULÉ :                                                       LEYKA ALSHYNETSKY c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 31 août 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 1er octobre 2004

COMPARUTIONS :

Me Michel Le Brun                                          POUR LA DEMANDERESSE

Me Suzon Létourneau                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michel Le Brun                                               POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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