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Date : 19980507

Dossier : T-309-95

Entre :

                                      AVANT-GARDE ENGINEERING (1994) INC.

                                                                                                                               Demanderesse

                                                                         - ET -

                                        GESTION DE BREVETS FRACO LIMITÉE

                                                                                                                                  Défenderesse

                                                                         - ET -

                                    LES PRODUITS DE FORME FRACO LIMITÉE

                                                                                                                                  Défenderesse

                                                                         - ET -

                                                 COMMISSAIRE DES BREVETS

                                                                                                                                   Mis-en-cause

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RICHARD:

GENÈSE DE L'INSTANCE

[1]         Il s'agit d'une instance en contrefaçon de brevet. La déclaration présentée par Avant-Garde Engineering (1994) Inc. (Avant-Garde), en date du 25 janvier 1995, sollicite ce qui suit :

Plaintiff therefore claims:

a)          A declaration that Canadian Letters Patent no. 1,304,109 and the claims thereof are valid and subsisting and the property of Plaintiff and that Defendants have infringed claims 1, 2, 13, 15 thereof;


b)          An interlocutory and permanent injunction restraining the Defendants, their directors, officers, shareholders, employees, agents, all those in privy with or under the control of the Defendants as well as any persons having cognizance of such order, from directly or indirectly infringing Canadian Letters patent no. 1,304,109;

c)          Delivery up or destruction of all components and apparatus in possession or control of the Defendants, which would offend in any manner such Orders, as shall be made pursuant to the claims of the Plaintiff herein;

d)          Damages for infringement or an accounting of profits of the Defendants, as Plaintiff may elect after an inquiry is made as to the respective amounts thereof;

e)          Pre-judgment and post-judgment interest on all sums found by this Honourable Court to be payable to Plaintiff herein at a rate at least as great as one percent (1%) over prevailing bank interest rates;

f)           An order to strike application for Canadian Patent no. 2,099,958;

g)          Costs of this action, including costs of expertise;

h)          Such further and other relief as Plaintiff may be entitled to and that to this Honourable Court may seem just.

[1]         Dans leur défense et demande reconventionnelle, les défenderesses nient la contrefaçon de brevet et allèguent l'invaliditédu brevet 1,304,109.

[2]         Plus précisément, les défenderesses énoncent ce qui suit :

Le brevet en cause et chacune des revendications 1, 2, 13 et 15, sont nulles et de nul effet pour les motifs suivants:

a)          la plate-forme mobile décrite dans le brevet n'a pas été inventée par la personne dont le nom apparaît sur la page frontispice du brevet en cause. Il en va de même de chacune des revendications 1, 2, 13 et 15;

b)          le brevet en cause ne décrit aucune invention. Aucune des revendications 1, 2, 13 et 15 ne définit une invention;

c)          chacune des revendications 1, 2, 13 et 15 du brevet en cause vise une juxtaposition d'éléments et non pas une combinaison d'éléments;


d)          la matière définie dans ces revendications avait été décrite dans chacun des brevets ou publications suivants, lesquels avaient été publiés plus de deux ans avant le dépôt au Canada de la demande de brevet ayant donné lieu au brevet en cause:

I            Brevets Américains:

Numéro 3,324,616                 Best

Numéro 4,293,054                 Pieri

Numéro 4,294,332                 Ready

II            Brevets français publiés sous les numéros suivants:

Numéro 625,646                    Kolb

Numéro 1,465,517                 Richier

Numéro 2,355,764                 Potain

III           Publications:

-            Page publicitaire de la société italienne Safi intitulée "SAFI PONTEGGI AUTOSOLLEVANTI-PIATTAFORMA AUTOSOLLEVANTI MODELLO ZENITH";

-            Brochure publicitaire de la société suédoise Malmquist intitulée "MALMQUIST HIGH CLIMBERS";

-            Page de catalogue de la société Hek concernant la plate-forme mobile MS 3000;

-            Brochure publicitaire de la société italienne Ponteggi Dalmine s.p.a. intitulée "APPARECCHIATURE ELETTROMECCANICHE DI SOLLEVAMENTO-NUOVE DIMENSIONI DELL'ESPERIENZA";

-            Brochure publicitaire intitulée "MORGIEN-TOWER SCAFFOLDING";

-            Dépliants publicitaires de la société italienne Safi intitulés:

i)           "SAFIPONTEGGI AUTOSOLLEVANTI-MODELLO ZENITH";

ii)          "PONTEGGIO MODELLO ZENITH", et

iii)         "SAFI PONTEGGI AUTOSOLLEVANTI-PONTEGGIO MODELLO JOLLY";

-            Dépliant publicitaire de la société italienne Piat, intitulé "NUOVA PIAT SRL-PONTEGGIO ELETTRICO MOD. 506/2500";


-            Dépliant publicitaire de la société italienne VAE s.r.l. intitulé "VAE NENETA ATTREZZATURE EDILI";

e)          la matière définie dans le brevet en cause n'est pas brevetable au motif qu'elle était évidente par rapport à l'état des connaissances de l'homme de l'art, au moment où la prétendue invention a été faite par la personne dont le nom apparaît sur le brevet en cause. Il en va de même pour la matière définie dans chacune des revendications 1, 2, 13 et 15, lesquelles sont nulles. [...]

f)           le brevet en cause est nul en ce qu'il n'est pas conforme à l'article 34 de la Loi sur les brevets (S.R., 1985, c. P-4), notamment en ce que le breveté n'a pas particulièrement indiqué et distinctement revendiqué la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention, et en ce que les revendications n'exposent pas distinctement et en termes explicites, les choses ou combinaisons que la demanderesse, défenderesse-reconventionnelle considère comme nouvelles et dont elle revendique la propriété ou le privilège exclusif;

g)          chacune des revendications 1, 2, 13 et 15 du brevet en cause est nulle en ce que chacune d'elles est ambiguë;

h)          les revendications 1, 2, 13 et 15 du brevet en cause sont nulles en ce qu'elles sont plus larges que le mémoire descriptif et par conséquent, chacune d'elles englobe plus de matière que ce qui était légalement possible de protéger en vertu de la Loi sur les brevets;

i)           chacune des revendications 1, 2, 13 et 15 du brevet en cause est nulle pour absence d'utilité;

[3]         Les défenderesses sollicitent ce qui suit :

A)         ACCUEILLIR la défense des défendeurs;

B)         REJETER l'action de la demanderesse;

Le tout avec entiers dépens, y compris les frais d'expertise.

Sur la demande reconventionnelle:

A)         ACCUEILLIR la demande reconventionnelle des défenderesses, demanderesses-reconventionnelles;

B)         DÉCLARER les revendications 1, 2, 13 et 15 du brevet en cause nulles et de nul effet;


C)         ÉMETTRE une ordonnance d'injonction permanente enjoignant à la demanderesse, défenderesse-reconventionnelle, soit AVANT-GARDE ENGINEERING (1994) INC., tant par elle-même que par le biais de ses officiers, administrateurs, actionnaires, agents, ou autres représentants, ainsi qu'à Jean Robillard, d'immédiatement cesser de faire quelque représentation fausse ou trompeuse que ce soit concernant les activités ou produits des défenderesses, demanderesses-reconventionnelles GESTION DE BREVETS FRACO LTÉE et LES PRODUITS FRACO LTÉE, incluant le fait que ces produits ou activités pourraient constituer une violation de quelque brevet que ce soit appartenant à AVANT-GARDE ENGINEERING (1994) INC. ou à Jean Robillard.

Le tout avec entiers dépens, y compris les frais d'expertise.

[4]         L'action contre AndréSt-Germain qui figurait dans leur demande initiale ainsi que la demande de rayure de la demande de brevet canadien 2,099,958 ont étéabandonnées par la demanderesse lors de l'audition de la cause.

[5]         La demanderesse a choisi de solliciter compensation par comptabilisation des profits des défenderesses.

FAITS

[6]         Les faits qui ont menéà cette instance sont décrits par M. Jean G. Robillard, représentant de la demanderesse.

[7]         L'échafaudage hydraulique qui fait l'objet du brevet 1,304,109 a étéinventépar Jean St-Germain, à la demande et avec la participation de son frère AndréSt-Germain. Jean St-Germain, avec l'appui de son frère, a fait les démarches auprès d'un agent de brevet afin de faire breveter l'échafaudage hydraulique.

[8]         Le 3 novembre 1989, pendant la période oùla demande de brevet canadien était encore pendante, Jean St-Germain a vendu, à la compagnie Les Échafaudages Hydro-Mobile Inc. (Hydro-Mobile), tous ses droits et intérêts dans le brevet canadien à être émis[1].


[9]         De 1987 à avril 1991, AndréSt-Germain était actionnaire majoritaire, administrateur et président d'Hydro-Mobile. Le 24 avril 1991, il a démissionnéde ses fonctions d'administrateur et de président d'Hydro-Mobile et vendu ses actions à Jean St-Germain qui les a immédiatement revendu à Diane Sarazin et Jean Robillard, cédant ainsi tous ces droits et intérêts dans le brevet 1,304,109.

[10]       A l'automne 1991[2], Hydro-Mobile, à son tour, a cédé et vendu à la compagnie Avant-Garde Engineering Inc. tous ses droits et intérêts dans le brevet canadien[3].

[11]       Le 23 juin 1992, le brevet canadien ayant pour titre « échafaudage hydraulique » fut émis sous le no 1,304,109 au nom d'Avant-Garde Engineering Inc., le tout comme il appert sur la copie du brevet.

[12]       Malgréla vente de ses droits et intérêts dans le brevet, AndréSt-Germain a manifestél'intention d'utiliser un système de levage hydraulique sur échafaudage. Suite à une discussion avec Jean Robillard, AndréSt-Germain a abandonnéce projet afin de poursuivre la création d'un système de levage utilisant des chaînes et palans, ou câbles et treuils manuels[4].

[13]       Vers le mois de décembre 1993, Jean Robillard a eu connaissance de contrefaçon possible par la compagnie Les Produits de forme Fraco Limitée (Fraco). Cette dernière a fabriqué, installéet louédes échafaudages hydrauliques au Complexe Guy Favreau à Montréal[5].

[14]       Le 12 décembre 1994, Avant-Garde Engineering (1994) Inc. a achetétous les droits appartenant à Avant-Garde Engineering Inc.. Avant-Garde assume maintenant la commercialisation des échafaudages hydrauliques conçus selon les caractéristiques décrites dans le mémoire descriptif du brevet '109.

[15]       La preuve au dossier révèle que la défenderesse, Gestion de Brevets Fraco Ltée, n'a aucune activité. Elle n'est que titulaire des brevets qui sont émis pour les inventions réalisées par AndréSt-Germain et elle perçoit des royautés de Fraco, puis d'une autre sociétédu nom de 3100-1241 Québec Inc.

[16]       L'autre défenderesse, Fraco, s'occupe de faire fabriquer les échafaudages en question, d'en faire la promotion, et de les vendre.

[17]       La société3100-1241 Québec Inc. faisant affaires sous la raison sociale "Les Échafaudages Fraco" est incorporée depuis la fin de l'année 1993 et s'occupe de louer les échafaudages fabriqués par ou pour le compte de Fraco. Elle est une filiale à 100 pour-cent de cette société.

[18]       Les activités de Fraco ou de la société3100-1241 Québec Inc., ne se limitent pas au Canada.

INTERPRÉTATION DU BREVET

[19]       On doit d'abord procéder à l'interprétation du brevet 1,304,109.

[20]       Le brevet divulgue ce qui suit :

DOMAINE DE L'INVENTION

L'invention se rapporte aux échafaudages et, plus particulièrement, à un échafaudage agencé de façon à être installé le long d'un mur d'édifice pour être utilisépar des ouvriers lors de l'installation d'un revêtement sur ce mur, par exemple un revêtement de briques.

ÉTAT DE LA TECHNIQUE

Les échafaudages conventionnels du type mentionné ci-haut consistent habituellement en des organes de cadre détachables disposés de façon à être manipulés par un ou deux hommes et à être reliés les uns au-dessus des autres pendant que les hommes travaillent en progressant vers le haut le long des organes d'échafaudage élevés. [...]

L'on a récemment introduit sur le marché un agencement d'échafaudage constitué d'une paire de poteaux, réalisés en tronçons modulaires et lesquels doivent être chacun élevé à la hauteur souhaitée par des moyens dispendieux, tels qu'une grue à flèche allongée. [...]

BUTS DE L'INVENTION

Le but général de l'invention est de prévoir un échafaudage plus particulièrement destiné à être installé de façon adjacente à un mur d'édifice, qui contourne les désavantages mentionnés ci-haut en ce qu'il a des poteaux et une plateforme de travail susceptible de supporter une lourde charge, y compris une quantité suffisante de matériau [sic] de revêtement de mur, et en ce que des moyens de force soulèvent la plateforme par les poteaux qui sont constitués d'organes modulaires susceptibles d'être installés par un ouvrier sur la plateforme alors que celle-ci est en train d'être soulevée.

Un autre but de la présente invention est de prévoir un échafaudage tel que ci-haut décrit, ayant des moyens permettant à un ouvrier sur la plateforme d'installer des attaches pour les poteaux et des tiges d'attache à partir des poteaux vers le mur d'édifice pour stabiliser les poteaux alors que la plateforme est en train d'être soulevée et pour permettre l'installation de l'échafaudage à une distance suffisante du mur d'édifice pour dégager les balcons et autres qui peuvent faire saillie du mur de l'édifice.


Un autre but de la présente invention réside en des moyens nouveaux pour soulever et descendre la plateforme et sa charge le long des poteaux.

Un autre but de la présente invention réside en ce que l'on prévoit des prolongements de plateforme qui peuvent être fixée à la plateforme de travail elle-même pour s'allonger de façon adjacente au mur d'édifice, malgré le contour inégal dudit mur.

Un autre but de la présente invention est de prévoir un échafaudage tel que décrit ci-haut, qui puisse être installé très rapidement et qui permette le revêtement de mur de façon beaucoup plus rapide par rapport à ce qu'on peut obtenir avec les structures d'échafaudage connues.

SOMMAIRE DE L'INVENTION

Selon l'invention, l'on prévoit un échafaudage comprenant une base, une paire de poteaux espacés fixés à et faisant saillie de ladite base, chaque poteau formé de tronçons modulaires de poteau, des moyens d'attaches pour fixer de façon amovible et successive lesdits tronçons de poteaux au dessus les uns des autres, lesdits poteaux définissant des moyens de palier sensiblement équidistants, une plateforme de travail entourant lesdits poteaux et susceptible d'être soulevée et abaissée par rapport auxdits poteaux, une paire d'organes d'ancrage portés de façon pivotante par ladite plateforme de façon adjacente à chaque poteau, et engageable alternativement et successivement avec lesdits moyens de palier pour suspendre ladite plateforme de travail à partir desdits poteaux à des niveaux différents, au moins un organe d'ancrage de ladite paire étant un organe commandé par force pouvant s'allonger et se rétracter le long desdits poteaux par rapport à ladite plateforme de travail selon une course au moins égale à l'espacement vertical entre les moyens de palier adjacents, ladite plateforme pouvant s'élever et se descendre par lesdits organes pouvant s'allonger, des moyens de contrainte associés auxdits organes d'ancrage pour causer l'engagement automatique desdits organes d'ancrage avec lesdits moyens de palier lorsque ladite plateforme est soulevée ou abaissée, et l'autre organe desdites paires engageant alternativement lesdits moyens de palier pour suspendre ladite plateforme lorsque celle-ci est soulevée ou abaissée par les organes pouvant s'allonger desdites paires, lesdits tronçons de poteaux étant disposés de façon à être fixés ou enlevés par un ouvrier sur ladite plateforme sur ou à partir des tronçons du poteau fixé le plus élevé lorsque ladite plateforme est au niveau général desdits tronçons de poteau fixéle plus élevé.

[...]

Préférablement, un circuit d'alimentation hydraulique est reliéauxdits vérins hydrauliques; et des moyens de niveau pour contrôler ledit circuit d'alimentation hydraulique sont prévus, ledit circuit d'alimentation hydraulique et lesdits moyens de niveau étant installés sur ladite plateforme et étant accessibles à un ouvrier sur ladite plateforme.

[...]

[21]       La particularitéessentielle de cet échafaudage est le système de levage à vérins hydrauliques qui permet à la plate-forme de travail d'être soulevée ou abaissée par l'engagement automatique d'organes d'ancrage. Les organes d'ancrage peuvent s'allonger grâce à un circuit d'alimentation hydraulique reliéà un vérin hydraulique à double action qui pivote à une extrémitéde la plate-forme.

[22]       Les dessins suivants illustrent la réalisation de l'invention. Ces coupes verticales au travers un poteau et au travers la plate-forme de travail montrent divers organes pour soulever et abaisser la plate-forme le long du poteau. Elles montrent aussi les positions successives prises par les organes.

[23]       La figure sept représente les moyens pour suspendre la plate-forme à partir de chaque poteau ainsi que pour soulever ou abaisser la plate-forme le long des poteaux.


[24]       La figure huit représente la plate-forme soulevée le long du poteau. La barre de guidage coulisse le long de la barre transversale ou du cran plus élevésuivant, de façon à se dégager lorsque la plate-forme s'élève.


[25]       La figure neuf représente le crochet supérieur qui peut être libéréen tirant vers l'extérieur la barre de guidage lorsque le cran est dégagé.


ANALYSE DES REVENDICATIONS

[26]       La revendication 1 du brevet 1,304,109 se lit comme suit :


Un échafaudage comprenant une base, une paire de poteaux espacés fixés à et faisant saillie de ladite base, chaque poteau forme de tronçons modulaires de poteau, des moyens d'attaches pour fixer de façon amovible et successive lesdits tronçons de poteaux les uns au-dessus des autres, lesdits poteaux définissant des moyens de palier sensiblement équidistants, une plateforme de travail entourant lesdits poteaux et susceptibles d'être soulevés et abaissés par rapport auxdits poteaux une paire d'organes d'ancrage portés de façon pivotante par ladite plateforme de façon adjacente à chaque poteau, et engageable alternativement et successivement avec lesdits moyens de paliers pour suspendre ladite plateforme de travail à partir desdits poteaux à des niveaux différents, au moins un organe d'ancrage de ladite paire étant un organe commandé par la force pouvant s'allonger et se rétracter le long desdits poteaux par rapport à ladite plateforme de travail pour une course au moins égale à l'espacement vertical entre les moyens de palier adjacents, ladite plateforme pouvant slever et descendre par lesdits organes pouvant s'allonger des moyens de contraintes associés auxdits organes d'ancrages pour causer l'engagement automatique desdits organes d'ancrage avec lesdits moyens de palier lorsque celle-ci est soulevée ou abaissée par les organes pouvant s'allonger desdites paires, lesdits tronçons de poteaux étant disposés de façon à pouvoir être fixés ou enlevés par un seul ouvrier sur ladite plateforme sur ou à partir des tronçons du poteau fixe le plus élevé lorsque ladite plateforme est au niveau général desdits tronçons de poteau fixe le plus élevé.

[27]       Les dessins suivants illustrent la revendication 1 de l'invention.

[28]       La figure deux est une vue en élévation d'extrémitéavec la plate-forme de travail pratiquement au niveau du sol.


[29]       La figure trois est une vue en élévation de côtéde l'échafaudage.

[30]       La figure dix est une coupe verticale au travers un poteau et au travers la plate-forme de travail montrant les divers organes pour soulever et abaisser la plate-forme le long du poteau. Lorsque la plate-forme ne fonctionne pas, elle est suspendue de façon sécuritaire.


[31]       La revendication 2 se lit comme suit :

Un échafaudage tel que défini à la revendication 1, caractériséen ce que chaque tronçon de poteau comprend un cadre de treillis de section quadrangulaire formant des organes de coin longitudinaux interreliés par des barres transversales qui constituent lesdits moyens de paliers; et en ce que ledit organe pouvant s'allonger comprend un vérin hydraulique à double action pivotéà une extrémitéà ladite plateforme et ayant une tige de piston allongée à partir de son extrémitéextérieur et formant à son extrémitéextérieure une partie engageant une barre transversale.

[32]       Les dessins suivants illustrent la réalisation de l'invention. Ces coupes verticales au travers un poteau et au travers la plate-forme de travail montrent divers organes pour soulever et abaisser la plate-forme le long du poteau. Elles montrent aussi les positions successives prises par les organes.


[33]       La figure sept représente les moyens pour suspendre la plate-forme à partir de chaque oteau ainsi que pour soulever ou abaisser la plate-forme le long des poteaux.


[34]       La figure huit représente la plate-forme soulevée le long du poteau. La barre de guidage coulisse le long de la barre transversale ou du cran le plus élevésuivant, de façon à se dégager lorsque la plate-forme slève.

[35]       La figure neuf représente le crochet supérieur qui peut être libéréen tirant vers l'extérieur la barre de guidage lorsque le cran est dégagé.


[36]       La revendication 13 se lit comme suit :

Un échafaudage tel que défini à la revendication 2, comprenant au surplus un circuit d'alimentation hydraulique reliéauxdit vérins hydrauliques ; des moyens de niveau pour contrôler ledit circuit d'alimentation hydraulique et lesdits moyens de niveau étant installés sur ladite plateforme et étant accessibles à un ouvrier sur ladite plateforme.

[37]       La figure neuf, telle que représentée ci-dessus, représente le crochet supérieur qui peut être libéréen tirant vers l'extérieur la barre de guidage lorsque le cran est dégagé.


[38]       La figure 11 représente une coupe verticale au travers un poteau et au travers la plate-forme de travail montrant divers organes pour soulever et abaisser la plate-forme le long du poteau. L'abaissement de la plate-forme est réalisédeux crans à la fois. De façon à dégager le crochet supérieur d'un cran qui viendrait dans le chemin, après avoir légèrement soulevéla plate-forme de sorte que le crochet dégage le cran, et après avoir tirésur la barre de guidage, une plaque est temporairement suspendue des crans pour que le crochet engage le cran. Pendant cette étape d'abaissement, le levier est actionnépour permettre le dégagement du crochet le plus inférieur. Les deux crochets les plus inférieurs peuvent être interreliés d'un poteau à l'autre, de sorte qu'un bras ou levier à simple action puisse faire fonctionner les deux crochets inférieurs.


[39]       La revendication 15 se lit comme suit :

Un échafaudage tel que défini à la revendication 2, caractérisé en ce que ladite plateforme de travail comprend un cadre de dessous solidairement rigide avec celle-là et comprenant au surplus des roulements de guidage portés en paires verticalement espacées par ladite plateforme de travail et par ledit cadre de dessous et en contact de roulement avec lesdits organes de coin pour stabiliser ladite plateforme de travail par rapport auxdits poteaux.

[40]       La figure cinq représente une coupe verticale au travers un poteau et au travers la plate-forme de travail. La figure six représente une coupe en plan prise le long de la ligne 6-6 de la figure cinq. La plate-forme de travail est guidée le long du poteau par deux jeux de rouleaux à rebord de guidage qui engagent les organes angulaires aux quatres coins de chaque poteau, un jeu de niveau de la plate-forme de travail et l'autre jeu de rouleaux à rebords est portépar le cadre de dessous verticalement en dessous du premier jeu de rouleaux, de façon à mieux stabiliser transversalement la plate-forme de travail.


[41]       Je conclus que la particularitéessentielle du brevet '109 est le système de levage à vérins hydrauliques. C'est un échafaudage qui permet à la plate-forme de travail d'être soulevée ou abaissée par l'engagement automatique d'organes d'ancrage. Les organes d'ancrage peuvent s'allonger grâce à un circuit d'alimentation hydraulique reliéà un vérin à double action qui pivote à une extrémitéde la plate-forme.

[42]       L'invention consiste en des poteaux, des moyens de paliers équidistants, une plate-forme de travail susceptible d'être soulevée ou abaissée, et une paire d'organes d'ancrages pouvant s'allonger. L'organe pouvant s'allonger comprend un vérin hydraulique à double action, ayant une tige allongée et une partie engageant une barre transversale. Les moyens de niveau installés sur la plate-forme de travail sont accessibles par un ouvrier. La plate-forme est stabilisée par des roulements de guidage.

PRINCIPES JURIDIQUES

Présomption de validité

[43]       Les défenderesses allèguent l'invaliditédu brevet 1,304,109 et la demanderesse allègue que le brevet '109 était valide à la date de sa délivrance, qu'il est en vigueur et toujours valide.

[44]       Les principes juridiques directeurs sont énumérés par M. le juge Décary dans la décision de la cour d'appel fédérale Diversified Products[6].

[45]       En vertu du paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets[7], un brevet délivré est prima facie présumé valide. La présomption de validité s'applique à moins que la partie qui conteste le brevet ne réussisse à convaincre le tribunal de l'invalidité de celui-ci[8].

[...] [L]a description la plus exacte de la présomption est celle que le juge Pratte a évoqué dans l'arrêt Rubbermaid[9] :

Il est clair cependant que cet article « ne vise que la charge de la preuve et non le degré de preuve. Il indique quelle partie a la charge de satisfaire la Cour et non le degré de la preuve que celle-ci doit apporter » : Blyth c. Blyth, [1966] 1 All W.R. 524 à la p. 535, Lord Denning. De plus, lorsque la partie qui attaque la validité du brevet a présenté des éléments de preuve, la Cour, en examinant ceux-ci aux fins de déterminer s'ils établissent la nullité du brevet, ne doit pas tenir compte de la présomption légale de créé par l'article 47 est facile ou difficile à renverser; dans certains cas, les circonstances peuvent être telles que la présomption puisse être facilement repoussée, tandis que dans d'autres, ils peuvent être très difficiles, sinon impossible, d'y arriver.

Évidence

[46]       M. le juge Décary a écrit que la Loi sur les brevets ne renferme aucune disposition précise concernant l'inventivitéou l'apport inventif mais il a étéjugéet il n'est plus contestéque par l'utilisation des mots « invention » et « inventeur » dans l'ensemble de la Loi, l'inventivitéou l'apport inventif est requis en vue de l'obtention d'un brevet valide. Il est bien établi qu'une simple « parcelle d'inventivité » est suffisante pour appuyer la validitéd'un brevet. Les tribunaux ont choisi de définir le « manque d'inventivité » plutôt que l' « inventivité » et l'ont appelée « évidence » . La créativitépeut exister avec la facilitéet la simplicité.

[47]       Dans l'arrêt Diversified Products[10], M. le juge Décary a examiné différents facteurs pour déterminer l'inventivité, dont les suivants :


a)          le dispositif est nouveau et supérieur à ce qui était disponible jusqu'alors ;

b)          depuis lors, il a été largement utiliséde préférence à d'autres dispositifs ;

c)          les concurrents ainsi que les experts dans ce domaine n'avaient jamais songé à la combinaison ;

d)          la première publication a causél'étonnement ;

e)          le succès commercial.

[48]       Même si pris isolément, aucun de ces facteurs ne détermine nécessairement la question de l'évidence, il est possible d'examiner leur effet cumulatif.

Contrefaçon

[49]       L'article 42 de la Loi sur les brevets se lit comme suit :

42. Tout brevet accordé en vertu de la présente loi contient le titre ou le nom de l'invention avec renvoi au mémoire descriptif et accorde, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, au brevetéet à ses représentants légaux, pour la durée du brevet à compter de la date où il a été accordé, le droit, la facultéet le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d'autres, pour qu'ils l'exploitent, l'objet de l'invention, sauf jugement en l'espèce par un tribunal compétent.

[50]       Un brevet est considérécomme contrefait si un appareillage fabriqué, utiliséou vendu sans l'autorisation du breveté, ou une méthode mise en oeuvre sans l'autorisation de celui-ci se lit sur l'une quelconque des revendications du mémoire descriptif du brevet. Ainsi, si les diverses caractéristiques structurelles d'un appareil sont utilisées ou commercialisées sans l'autorisation du titulaire du brevet, dans au moins une des revendications du brevet, une telle fabrication, vente ou commercialisation constitue un acte de contrefaçon pouvant donner lieu à un recours.


[51]       L'appréciation de la contrefaçon est habituellement élargie par les tribunaux de façon à couvrir les équivalents techniques. Ainsi, si un élément d'un appareil brevetén'est pas complètement éliminémais simplement substituépar un équivalent technique évident pour tout spécialiste dans le domaine auquel appartient l'invention, on considérera qu'il y a toujours contrefaçon. De plus, si des éléments non absolument nécessaires sont supprimés ou d'autres sont ajoutés, on considérera qu'il y a la encore contrefaçon. Dans un tel cas, il n'y aura pas de contrefaçon littérale de l'invention revendiquée, mais contrefaçon en substance de celle-ci.

ANALYSE

Validitédu brevet

Preuve

[52]       Sur la question d'invalidité, Fraco se fonde sur la preuve de M. Franceshinis et M. Lespérance.

M. Franceshinis

[53]       M. Carlos Franceshinis est, depuis 1992, un homme d'affaires et l'un des principaux actionnaires de la compagnie Les Produits de forme Fraco Limitée. Il occupe le poste de vice-président de cette compagnie et agit également comme représentant technique.


[54]       De 1963 à 1967, M. Franceshinis a fait des études universitaires à l'École Polytechnique de Turin en génie électro-technique. Pendant ses études il s'intéressait au travail du marbre, des produits à base de marbre et de ciment, et à la construction de la machinerie de marbrerie. M. Franceshinis a créé une entreprise d'importation et de vente de matériaux de revêtements de sols et de murs en Belgique, travaillé à Kinshasa au Zaïre où il s'est occupé de l'implantation d'une usine de fabrication de produits à base de marbre et de ciment et s'est occupé de la gestion d'une usine de marbrerie et de ciment en Italie. En 1981, il a fondé la société Franceshinis Limitée, une entreprise spécialisée dans l'importation de produits et machinerie pour chantiers de construction tels que : des grues auto-montantes, des excavatrices tout-terrain, des malaxeurs à mortier et des pompes à béton. Depuis les neuf dernières années, les systèmes d'échafaudages de chantier de construction sont devenus une de ses principales préoccupations d'affaires. La société Franceshinis Limitée a entrepris des démarches auprès d'éventuels clients canadiens pour présenter des échafaudages mobiles fabriqués en Europe.

[55]       M. Franceshinis, témoigne de l'évidence relativement à une douzaine de grues à système de levage sur crémaillère à moteur électrique et deux brevets français, Richier 1,465,517 et Potain 2,355,764.

[56]       M. Franceshinis témoigne que les grues Haeck, Malmquist, Ready, Delmine, Pieri, Morgen, Zenith et Nuovo-Piat sont des systèmes de levage à moteur électrique sur crémaillère, ou par câbles. De plus, il conclut que les brevets Richier et Potain sont des systèmes de grues à tour, et non des échafaudages.

Q          L'onglet 24 sous la cote D-34. [Est-ce que vous pouvez commenter de quoi il s'agit et d'ou vient ce document ?]

R          Un brevet d'invention d'un procédé d'élevage de tour, de grues à tour, et on emploie, ici aussi, le système hydraulique, toujours le système avec pistons hydrauliques qui sont employés depuis longtemps dans l'élevage d'éléments.

M. Lespérance

[57]       M. Lespérance est un ingénieur enregistré comme agent de brevet au Canada depuis 1956, et aux États-Unis depuis 1958. Il a acquis sa formation comme agent de brevet chez Robic et Bastien de 1948 à 1958. En 1958, il s'est établi à son compte.

[58]       M. Lespérance connaît le brevet '109 étant donné qu'il avait personnellement préparé et déposé la demande de brevet ayant été mandaté à l'époque par Jean St-Germain, l'inventeur. Sa signature apparaît au bas des dessins faisant partie du brevet '109.

[59]       M. Lespérance témoigne aussi à l'effet que les brevets Richier et Potain ne sont pas des échafaudages mais bien des systèmes de grues à tour.


Q          Mais je comprends que ce n'est pas un système d'échafaudages ?

R          Ce n'est pas un système d'échafaudages, mais c'est ...

Q          Alors Potain n'est pas un système d'échafaudage ?

R          Non, non, c'est un système de grues à tour, comme on en voit partout. Mais le système pour soulever la tour intérieure est un système hydraulique à vérins comme dans le brevet Avant-Garde.

[...]

Q          Je comprends qu'il ne s'agit pas là [Richier] non plus d'un système d'échafaudages mais bien de ...

R          C'est toujours une grue à tour, mais le système hydraulique utilisé depuis longtemps, les grues à tour, a été installé sur l'échafaudage du brevet Avant-Garde. Et si on lit la revendication 7, la première revendication, tout ce qui a rapport au système de levage, ça se lit sur le système Potain et Richier.

[60]       M. Lespérance souligne que les vérins des brevets Richier et Potain poussent, contrairement à ceux du brevet 1,304,109 qui tirent.

Conclusion


[61]       Puisque la particularité essentielle du brevet 1,304,109 est le système de levage à vérins hydrauliques ; que c'est un échafaudage qui permet à la plate-forme de travail d'être soulevée ou abaissée par l'engagement automatique d'organes d'ancrage ; que les organes d'ancrage peuvent s'allonger grâce à un circuit d'alimentation hydraulique relié à un vérin à double action qui pivote à une extrémité de la plate-forme ; que l'invention consiste en des poteaux, des moyens de paliers équidistants, une plate-forme de travail susceptible d'être soulevée ou abaissée, et une paire d'organes d'ancrages pouvant s'allonger ; que l'organe pouvant s'allonger comprend un vérin hydraulique à double action, ayant une tige allongée et une partie engageant une barre transversale ; que les moyens de niveau installés sur la plate-forme de travail sont accessible par un ouvrier ; et que la plate-forme est stabilisée par des roulements de guidage ; je conclus que l'objet du brevet '109, le système de levage à vérins hydrauliques sur échafaudage possède des propriétés inattendues et valables que ne possèdent pas les grues à tour ayant un système de levage sur crémaillère à moteur électrique et les systèmes de levage de grues à tour, les brevets Richier et Potain. L'invention visée par le brevet '109 n'a pas été divulguée dans les brevets Richier et Potain.

[62]       De plus, aucun des brevets américains ou français, aucune des publications énumérées par les défenderesses dans leur défense et demande reconventionnelle, en date du 27 avril 1995, indépendamment, ne divulgue ni ne propose l'échafaudage tel que décrit dans le brevet '109 ou dans les revendications du brevet.

[63]       Je constate aussi que les éléments de preuve soumis dans le cadre de la présente demande établissent que l'échafaudage hydraulique a eu un succès sur le plan commercial et qu'il a étélargement utiliséparticulièrement parce qu'il permet le soulèvement et l'abaissement de la plate-forme de travail[11].

[64]       L'allégation d'invalidité de la demanderesse sur l'évidence est rejetée. En particulier :

a)          malgré qu'André St-Germain affirme avoir conçu l'échafaudage, la preuve au dossier établit que son frère Jean St-Germain est l'inventeur et que la demanderesse est le propriétaire du brevet ;

b)          chacune des revendications 1, 2, 13 et 15 du brevet en cause ne vise pas une juxtaposition d'éléments mais bien une combinaison d'éléments ;


c)          la matière définie dans ces revendications n'avait pas été décrite dans aucun des brevets ou publications énumérées par les défenderesses dans leur défense et demande reconventionnelle, en date du 27 avril 1995, lesquels avaient été publiés plus de deux ans avant le dépôt au Canada de la demande de brevet ayant donné lieu au brevet en cause ;

d)          la matière définie dans le brevet en cause est brevetable puisqu'elle n'était pas évidente par rapport à l'état des connaissances de l'homme de l'art, au moment où l'invention a été faite par la personne dont le nom apparaît sur le brevet '109. Il en va de même pour la matière définie dans chacune des revendications 1, 2, 13 et 15, lesquelles sont valides ;

e)          le brevet '109 est valide et conforme à l'article 34 de la Loi sur les brevets, notamment en ce que le breveté a particulièrement indiqué et distinctement revendiqué la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention, et en ce que les revendications exposent distinctement et en termes explicites, les choses ou combinaisons que la demanderesse, défenderesse-reconventionnelle considère comme nouvelles et dont elle revendique la propriété ou le privilège exclusif ;

f)           chacune des revendications 1, 2, 13 et 15 du brevet '109 est valide en ce que chacune d'elles n'est pas ambiguë ;

g)          les revendications 1, 2, 13, et 15 du brevet en cause ne sont pas nulles en ce qu'elles ne sont pas plus larges que le mémoire descriptif et par conséquent, chacune d'elles n'englobe pas plus de matière que ce qui était légalement possible de protéger en vertu de la Loi sur les brevets.


h)          chacune des revendications 1, 2, 13 et 15 du brevet '109 n'est pas nulle pour absence d'utilité.

Contrefaçon

Preuve de la demanderesse

[65]       Avant-Garde allègue que la revendication 1 du brevet 1,304,109 se lit mot pour mot sur les échafaudages Fraco.

[66]       Tous les éléments structurels récités dans la revendication se retrouvent dans l'échafaudage Fraco : une base, des poteaux fixés verticalement sur la base et constitués de tronçons assemblés à l'aide de moyens d'attache, une plate-forme coulissante sur les poteaux, des barres définissant des paliers horizontaux équidistants, des tiges pivotantes ainsi que des vérins hydrauliques avec crochets.

[67]       Les trois différences mineures ne modifient pas le principe de base de la revendication et de l'invention du brevet '109. Premièrement, dans l'échafaudage Fraco, c'est la gravitéet un ressort de rappel qui permettent aux tiges pivotantes et aux crochets fixés à la glissière d'engager en permanence les barres formant les paliers. Deuxièmement, malgréque l'échafaudage Fraco compte un, deux ou trois poteaux, une personne versée dans ce métier aurait pu aisément concevoir, avec sa seule expertise dans le domaine, une plate-forme plus petite utilisant un seul poteau, ou une plate-forme beaucoup plus grande utilisant trois poteaux ou plus. Troisièmement, dans l'échafaudage Fraco, les poteaux également en tronçons sont de l'ordre de dix pieds de long et peuvent être manipulés par une seul ouvrier sur la plate-forme. Il est évident que tout spécialiste dans le domaine pourrait utiliser de longs tronçons soutenus par une grue ou un autre moyen semblable montéou non sur une plate-forme, sans que cela ne modifie ou n'altère la substance de cette revendication.

[68]       Avant-Garde allègue que la structure des tronçons de poteaux de son échafaudage, est identique à celle observable sur l'échafaudage Fraco. Dans l'échafaudage Fraco, il y a présence d'au moins un vérin hydraulique à double action, dont la structure et l'opération est identique à ceux décrit dans la revendication 2 du brevet '109.

[69]       Avant-Garde allègue que les détails du circuit d'alimentation tels que décrit à la revendication 13 du brevet '109 sont identiques à ceux du circuit d'alimentation dans l'échafaudage Fraco.

[70]       Avant-Garde allègue la contrefaçon de la revendication 15. Cependant aucune preuve n'est présentée par les témoins.

Selon Avant-Garde, si un élément d'un appareil breveté n'est pas complètement éliminé mais simplement substitué par un équivalent technique évident pour tout spécialiste dans le domaine auquel appartient l'invention, le tribunal doit considérer qu'il y a toujours contrefaçon. Si des éléments non absolument nécessaires sont supprimés, ou d'autres sont ajoutés, le tribunal doit la aussi conclure qu'il y a contrefaçon. Dans un tel cas, il n'y a pas contrefaçon littérale de l'invention revendiquée mais contrefaçon en substance.

Preuve des défenderesses

[71]       Fraco allègue que le système hydraulique de levage de la plate-forme de travail de l'échafaudage Fraco ne s'adresse pas aux mêmes utilisations que le système hydraulique de levage de la plate-forme de l'échafaudage Hydro-Mobile. Puisque la plate-forme de travail est complètement détachable, elle n'est pas reliée au reste du système.


[72]       Fraco allègue que ni l'une ni l'autre des revendications 1, 2, 13 et 15 du brevet 1,304,109 ne correspond à l'échafaudage Fraco. Le dispositif proposédans le brevet n'est pas un échafaudage mais une plate-forme d'une construction particulière, tandis que l'échafaudage Fraco est d'une conception modulaire moderne, très versatile.

[73]       Fraco allègue que les produits sont complémentaires au lieu d'être concurrents. L'échafaudage Fraco est plus versatile et adaptable que le produit faisant l'objet du brevet. Fraco est en mesure de répondre à des appels d'offre pour lesquels Avant-Garde ne peut puisque son échafaudage moins versatile serait sans utilité.

[74]       Étant donnéla protection conférée par le brevet '109 et tous les autres brevets qui sont antérieurs à son dépôt, Fraco allègue que les revendications du brevet doivent être interprétées de façon littérale et non selon la doctrine des équivalents mécaniques. Selon Fraco, l'idée générale d'un échafaudage motoriséétait connu avant le dépôt du brevet '109. De plus, le système de levage à vérins hydrauliques fonctionnait sur le même principe que le système de levage du brevet '109 et était connu pour des applications analogues.

[75]       Toute interprétation large des revendications 1, 2, 13, et 15 du brevet rendrait les revendications de brevets antérieurs sujettes à une contestation de validité.

[76]       En droit canadien, le monopole concédépar un brevet est défini dans les revendications seulement. Fraco allègue qu'il appartient au tribunal d'interpréter les revendications en suivant certaines règles d'interprétation dont les suivantes.

a)          Les revendications s'adressent aux personnes spécialisées dans le domaine auquel appartient l'invention. Le tribunal doit donc tenir compte des connaissances que possédait un spécialiste au moment de l'émission du brevet.


b)          Les revendications constituent une partie intégrale du brevet et doivent donc être lues dans le contexte du brevet et non pas comme si il s'agissait d'un document distinct. Par contre, bien qu'il soit permis de référer au texte du mémoire descriptif pour comprendre le sens des mots et des expressions qui apparaissent dans les revendications du brevet, il n'est pas nécessaire de le faire lorsque les mots sont clairs et ne présentent aucune ambiguïté. Il n'est pas permis d'utiliser le mémoire descriptif pour changer le sens des revendications.

c)          Enfin, le tribunal doit interpréter les revendications d'un brevet avec un esprit ouvert cherchant à comprendre.

[77]       Ayant déterminéla signification des revendications, le tribunal doit ensuite considérer le produit des défenderesses et le comparer à ce qui est défini dans chacune des revendications. Lorsque le produit des défenderesses reprend tous et chacun des éléments mentionnés dans la revendication, il y a contrefaçon de la revendication. La contrefaçon d'une seule revendication du brevet suffit.

[78]       Lorsque le tribunal conclu qu'il y a contrefaçon même en l'absence de correspondance parfaite entre ce qui est mentionnédans une revendication et le produit des défenderesses, il y a violation par la substance. Cette théorie doit être écartée lorsque les différences entre la revendication et le produit des défenderesses sont significatifs. Lorsqu'il y a des différences significatives, il n'y a pas contrefaçon.

Preuve

[79]       En l'espèce, la preuve de la demanderesse repose sur les affidavits et témoignages de M. Allard et M. Robillard.


M. Allard

[80]       Avant-Garde présente la preuve experte d'un ingénieur mécanique, membre de la Corporation des ingénieurs de la province du Québec depuis 1971, M. Louis Allard. Président et ingénieur chez Louis-L. Allard & AssociéInc., il fournit des services de conception mécanique d'équipements de manutention depuis plus de dix ans. Il a également occupéle poste de directeur d'ingénierie pendant une période de dix ans pour le groupe Équifab Inc. et pendant une période de six ans pour Rader Canada Inc. Ces deux cabinets concevaient et fabriquaient des équipements de manutention pour des alumineries, carrières, mines, installations portuaires, scieries et moulins de papier.

[81]       Suite à une étude comparative entre les mécanismes de levage et de déploiement des échafaudages de la demanderesse et l'équivalence décrite et illustrée dans la demande canadienne de brevet Fraco, 2 ,099,953, il affirme que du point de vue mécanique, les deux machines présentent des aspects identiques sur les éléments fondamentaux.

Q          Alors, pour la présentation de ce rapport, la préparation de ce rapport [Rapport d'expert de M. Louis R. Allard en date du 30 octobre 1997], monsieur Allard, quelles démarches avez vous faites ?

R          Je me suis rendu chez Avant-Garde Engineering, à leur atelier de l'Assomption, le dix-huit (18) septembre. J'ai pris connaissance, j'ai reçu des documents à ce moment-là , les trois (3) copies de brevet puis l'application de brevet canadien 1 304 109, qui est le brevet d'Avant-Garde Engineering, ainsi que les brevets: 5 368 125 et l'application de brevet 2 099 958.

Q          Alors, les deux (2) autre brevets réfèrent à quoi, monsieur Allard ?

R          Les deux (2) autre brevets relèvent également de systèmes d'échafaudages.

Q          Ce que je présente à la Cour, c'est un cahier dans lequel se trouvent les trois (3) brevets: le brevet 1 304 109, le brevet américain de Fraco 5 368 125 et la demande de brevet canadien 2 099 958.

[...]

Q          Monsieur Allard, nous en étions à ces documents. Avez-vous pris connaissance des différents brevets ?


R          J'ai pris connaissance du document 1 304 109 sur place parce qu'il y avait sur place un échafaudage Hydro-Mobile. Alors, ça m'a permis... suite à la lecture du document, j'ai vérifié les différents points pour m'assurer que je comprenais bien comment fonctionnait le mécanisme.

Q          Alors, à titre d'expert, monsieur Allard, pourriez-vous expliquer à la Cour qu'est-ce couvrent ces brevets ?

R          En fait, dans ces brevets, ces trois (3) brevets-là font une description d'échafaudages. [...].

[82]       L'affidavit de M. Allard se lit comme suit :

6.          J'ai fait la lecture à mon cabinet, des documents, brevets et applications suivant [sic] :

-            Platform raising system in scaffoldig [sic] U.S. Patent

# 5,368,125 Nov. 29, 1994[12]

-            Platform raising system in scaffoldig [sic] Canadian application

# 2,099,953 1994/10/21

7.          Les descriptions et illustrations expliquent et détaillent, dans les brevets, les principes et méthodes appliquées pour réaliser les besoins suivants sont identiques et font partis des revendications de chacun des trois documents :

7-a       La stabilité verticale des tours par contreventements et ancrages fixés à un mur adjacent ;

7-b       Le déplacement vertical de la plate-forme par l'assistance de vérins hydraulique, de crochets pivotants et d'échelons équidistants fixés aux tours ;

7-c        Le verrouillage de la plate-forme de travail aux tours par des jeux de loquets ;

7-d       Le débrayage manuel des loquets à l'aide de leviers pour permettre la descente de la plate-forme ;

7-e       L'assistance d'une unité de puissance hydraulique entraînée par un moteur à combustion interne pour alimenter les vérins.

8.          Suite à mes lectures et l'observation de l'Hydro-Mobile d'Avant-Garde, j'ai dénoté les similarités qui suivent entre ces derniers documents et les revendications du brevet # 1,304,109 puisque dans les deux cas, il s'agit :

8-a       Une plate-forme autoportante pendu par des crochets et loquets articulés à des échelons équidistants fixés à des tours fixés ;


8-b       Les tours sont déstabilisées horizontalement par un mûr adjacent à l'aide d'encrages et des contreventements ;

8-c        Le déplacement vertical réciproque de la plate-forme par rapport à la tour à l'aide de vérins à double action fixés :

-            D'une part à la plate-forme par un pivot à l'extrémité cylindrique du vérin ;

-            D'autre part aux échelons de la tour par des crochets articulés retenus à l'extrémité de la tige du vérin ;

8-d       Les roulements de guidage fixés à la plate-forme permettant le mouvement réciproque vertical et la stabilité de cette dernière par rapport aux tours ;

8-e       Le jeu de loquets dont l'ouverture est guidée par les échelons en mouvement ascendant de la plate-forme. La fermeture des loquets contre les échelons est assistée par des ressorts ;

8-f         Le jeu de loquets devant être libéré manuellement par système de levier afin de permettre la descente de la plate-forme ;

8-g       La plate-forme est retenue en position de travail par les loquets ;

8-h        L'unité de puissance hydraulique incluant une pompe entraînée par un moteur à combustion interne ;

8-i         La pompe alimente, en fluide hydraulique, les vérins à double action afin d'engendrer les mouvements verticaux de la plate-forme ;

8-j         L'unité de puissance est montée sur la partie mobile de l'échafaudage.

M. Robillard

[83]       M. Jean G. Robillard est un homme d'affaires, représentant dûment autoriséde la compagnie demanderesse.

[84]       Dans son affidavit, M. Robillard affirme que les échafaudages Fraco copient et contrefont à plusieurs égards les échafaudages protégés par le brevet 1,304,109.

[85]       Lors de son témoignage, M Robillard affirme que Jean St-Germain est l'inventeur de l'échafaudage.

[86]       Lors de son témoignage, M. Robillard divulgue ce qui suit :

Q          Et l'aspect spécifique de ce brevet ?

R          L'aspect spécifique de ce brevet, c'est le système de levage alternatif hydraulique.

Q          Qui est composé de quoi ?

R          Principalement, on a un système d'alimentation hydraulique qui est l'unité de puissance qui... dans notre cas, c'est mû par un moteur à essence. Ensuite, on parle de cylindres hydrauliques qui sont fixés d'une part à la plate-forme et d'autre part dont la tête munie d'un crochet vient s'amarrer dans la tour pour qu'en refermant le cylindre la plate-forme soit soulevée.

Alors tout le système est porté par la plate-forme, se déplace avant la plate-forme. C'est un système d'une très grande simplicité, qui est semblable un peu à un mouvement qu'on pourrait faire dans un gymnase sur des barres parallèles: en s'accrochant les bras à une des barres et en comprimant les bras, on pourrait se relever et si on imagine qu'on pourrait une fraction de temps s'accrocher au menton, en ré-allongeant les bras on irait rechercher une nouvelle barre.

Alors, c'est la simplicité du système alternatif hydraulique d'Hydro-Mobile. Et c'est un système qui est absolument simple à fabriquer mais qui est d'une grande fiabilité.

[...]

Q          Etes-vous en mesure de dire à la Cour si ce système existait sur des échafaudages avant le vôtre ?

R          Ce système n'existait pas sur des échafaudages avant la venue d'Hydro-Mobile.

Q          Vous avez dit que vous avez eu l'occasion de voir les machines des défendeurs. A quelles occasions ?

R          Lors de visites dans plusieurs régions au Canada et surtout aux États-Unis, j'ai pu voir et observer aussi près que je suis aujourd'hui de la Cour, les machines de Fraco, à quelques pieds de distance, en examiner chacune des facettes.

[87]       M. Robillard est d'avis que l'on retrouve sur l'échafaudage Fraco toutes les composantes principales du système de levage Hydro-Mobile dans tous ces éléments précis. Son témoignage se lit comme suit :

Q          Voulez-vous prendre la photographie suivante ? Alors, pouvez-vous décrire à la Cour la photographie ?

[...]


R          Alors, ce sont trois (3) photos qui ont été prises à Ville Saint-Michel sur le systèmes de Fraco qui avaient été démantelés et prêts à être transférés sur un nouveau chantier. Alors, ce qu'on voit ici sur la photo numéro 6, on distingue très bien un levier de contrôle hydraulique avec des boyaux.

Q          Où est-ce qu'ils se trouvent ?

R          Ils se trouvent dans une partie triangulaire du garde-tour. Au centre, on voir de chaque côté il y a une partie en forme de triangle qui ressemble un peu à un signal de danger qu'on pose sur la route. Alors il y a une partie triangulaire à l'intérieur de laquelle on distingue une valve de contrôle hydraulique. Évidemment, pour quelqu'un qui est pas habitué, il va dire: bien oui, on va utiliser l'expression c'est des "hoses" puis un levier. En fait, les composantes hydrauliques ont certaines caractéristiques qui les rendent faciles à identifier. Ca c'est un premier point. On distingue déjà la présence du contrôle hydraulique.

Q          Est-ce qu'on a une date rattachée à ça ?

R          Ca, c'est des photos qui ont été prises à la fin de ... septembre-octobre quatre-vingt-douze (1992).

Q          A quel endroit ?

R          A ville Saint-Michel, sur la boulevard Gouin. La rue Saint-Michel arrête au boulevard Gouin.

Pièces numéro P-6, P-7 et P-8: Photos des systèmes Fraco prises en automne 1992 à Ville Saint-Michel.

Alors, la deuxième photo, on voit beaucoup mieux ... (interrompu)

Q          La deuxième c'est donc P-7 ?

R          La P-7, on voit beaucoup mieux le mécanisme de contrôle, c'est-à -dire la valve. On voit également... vers le centre de la photo, on voit un ressort qui est à toutes fins pratiques plaqués comme du chrome, en fait qui est recouvert de zinc; alors, ça c'est le ressort de rappel qui force l'application du crochet de la tour.

Parce que dans le cas de l'échafaudage Fraco comme le cas de l'échafaudage Mobile, à mesure que le système monte, il y a une forme sur le crochet qui le force à dévier pour libérer le passage du barreau.


Alors, ce qu'on voit ici, c'est le mécanisme de tension qui permet de garder le crochet en contact avec la tour. Et on revoit évidemment le système de contrôle. A gauche, au milieu de la page, on voit le cylindre. C'est la première fois qu'on voit le cylindre. Puis complètement an centre de la photo, on voit également le cylindre. En fait, sur certaines photos on a même pu lire le modèle le modèle du cylindre qui était utilisé.

Sur la photo numéro 8, là on voit carrément bien au milieu de chacun des trois systèmes qui est posé sur la remorque, on voit carrément bien le cylindre, qui pivote au bout du cylindre et qui est maintenant en contact sur la tour. Alors, là on retrouve toutes les composantes principale [sic] du système de levage d'Hydro-Mobile.

Q          Le système de levage, vous parlez du système de levage d'Avant-Garde ?

R          D'Avant-Garde, de l'échafaudage Hydro-Mobile , qui est la marque de commerce du produit d'Avant-Garde Engineering.

Alors, la photo suivante est un peu moins importante. C'est la photo 9: on voit ici les barres de retenue, qui remplacent ce que j'ai décrit tout à l'heure comme étant le menton qui permettrait de se ré-allonger les bras pour retenir la plate-forme hissée pendant un cycle d'extension de cylindres.

[...]

Q          On a constaté qu'entre les tours il y avait une plate-forme ?

R          La plate-forme.

Q          Est-ce que c'est le terme exact ?

R          Oui, on parle en français et en anglais de plate-forme. C'est plate-formes-là ont des longueurs différentes, des largeurs différentes. Et dans les deux cas, la larguer des plate-formes peut-être augmentée en étirant des longrines -- en anglais, on utilise le mot "out-rigger". Et ça permet à la plate-forme d'épouser la forme du bâtiment. C'est-à -dire comme à des longrines à des distances disons de quatre (4) pieds, on a une longrine différente à chaque quatre pieds, ça permet en sortant des longrines de longueur différentes de venir épouser la forme du bâtiment s'il y a une saillie, s'il y a un balcon, s'il y a une fenêtre intérieure ou s'il y a un côté d'ascenseur ou un côté d'escalier.

Alors, on parvient, même en ayant une forme qui est quasi linéaire même si la ligne est courbe, d'aller chercher des encombrements différents avec des longrines.

La plate-forme repose sur des tours. Elle s'allonge en longueur et elle s'allonge à l'avant habituellement avec des longrines qui permettent d'épouser la forme. Et les deux (2) plates-formes permettent de travailler à l'arrière, c'est-à -dire qu'on peut travailler des deux côtés de la plate-forme dans les deux cas.


Q          Donc, on a les tours, on a une plate-forme. Et quel est l'autre élément qui est important ?

R          L'élément qui devient important à ce moment-là , c'est de faire monter cette plate-forme-là . Alors, le fond de l'invention d'Hydro-Mobile, c'était de combiner à cette plate-forme-là qu'on veut faire monter en translation verticale, de combiner un système énergétique qui soit simple, fiable et autonome. Alors, c'est le système hydraulique.

Q          Je vais prendre le cahier.

-- Dans la liste de pièces qui a été produite sous P-3, Monsieur le Juge, le gros cahier, au dernier onglet, on retrouve le brevet canadien d'Avant-Garde Engineering. --

Q          Vous avez les brevets ?

R          Oui.

Q          Pourriez-vous expliquer à la Cour ou décrire à la Cour le système de levage auquel vous faites référence ?

R          Alors, sur la figure 7 au brevet, on voit une coupe du système de levage de la tour et de la plate-forme. Alors, la plate-forme, c'est l'élément numéro 46 -- on voit le petit 46 au milieu à droite -- alors ça c'est la plate-forme et on n'en voit qu'une partie, une partie de la structure.

La partie immédiatement en dessous, qu'on pourrait retrouver sous la cote 88, c'est ce qu'on appelle le garde-tour. Le garde-tour, c'est toute la structure principale qui est l'endroit où le système de levage est placé. C'est comme une cage, si on veut, qui a des amarrages assez forts pour permettre des... où les efforts peuvent être concentrés pour permettre d'appliquer toute la charge de la plate-forme à cet endroit-là et de venir faire porter la plate-forme par le cylindre.

Alors, le cylindre, c'est la pièce numéro 106. Alors, le cylindre est accroché au garde-tour de la plate-forme au point 110. Alors, il y a un pivot qui est placé là pour relier le cylindre à la structure elle-même du garde-tour.

On voit la tige du cylindre, qui est la pièce numéro 112, qui se déploie vers le haut; et l'extrémité 118 du crochet numéro 116 en haut à droite, elle, vient s'accrocher dans un échelon de la tour.


Alors, une fois que le crochet qui est accroché dans l'échelon de la tour, comme j'ai expliqué tout à l'heure dans les barres parallèles dans le gymnase, en se refermant le cylindre qui est accroché à la tour, qui repose au sol, vient se fermer et on voit que la plate-forme qui est solidaire du bas du cylindre va s'élever; et à ce moment-là , il y a deux (2) systèmes de crochets: le crochet numéro 84... en fait, il y a deux (2) crochets numéro 84, un en haut et un en dessous, qui eux viennent supporter la plate-forme pendant un autre cycle.

Q          C'est ce qu'on voit dans la figure numéro 8, ce que vous venez d'expliquer, quand la plate-forme se déplace ?

R          Oui. En fait, dans la figure numéro 8, on voit que c'est le stage où il y a effectivement la compression. Alors, la compression du cylindre commence à lever la plate-forme et on voit le crochet 84 dans les deux cas qui, avec l'organe de dégagement qui est une pièce inclinée qui fait soit partie du crochet ou qui y est soudée, dégage le crochet pour permettre le passage outre des échelons.

Alors, le crochet chaque fois va se retirer d'une façon systématique et temporaire pour venir chaque fois se ré-appuyer sur la machine et s'engager dans l'échelon. Le crochet du bas, c'est simplement un élément de sécurité qui évite d'avoir à bloquer la machine avec des moyens externes pendant le travail, comme l'exige la loi.

LA COUR:

Q          Donc, le système hydraulique, si j'ai compris, c'est pour soulever la plate-forme ?

R          C'est exactement ça.

Q          Et quand on ajoute des éléments à la tour... (interrompue)

R          Quand on ajoute des éléments à la tour... (interrompu)

Q          ...on fait ça de quelle façon ?

R          Dans le cas d'Hydro-Mobile, le plus souvent on va prendre deux (2) personnes puis on va mettre la tour sur... la section de tour dépasse la plate-forme d'environ dix (10), douze (12) pouces, donc c'est facile pour l'ouvrier de les placer par-dessus. Dans certains cas, comme les gros chantiers comme à Grondines, comme à Texas Instruments, on assemblait quatre (4) longueurs de tour au sol, on soulevait avec une grue, on déposait sur le dessus. Mais ça, le mécanisme de placement, c'est au choix. Si on dit que... (interrompu)

Q          C'est seulement pour une explication là .

R          Oui.

Q          Je voulais m'assurer que je comprends bien de la façon que c'est assemblé, c'est tout.


R          C'est ça. C'est qu'à mesure qu'on avance on installe des tours pour les besoins, mais dans certains cas, comme on a vu, on déplace les tours toutes installées sur la plate-forme pour permettre de passer d'un point A à un point B lorsque les travaux sont complétés, on déplace tout simplement tout le système avec les tours puis on vient l'installer à côté.

Me ELBAZ:

Q          En prenant la figure 2, monsieur Robillard, voulez-vous expliquer à la Cour ce que vous vouliez dire tout à l'heure par les longrines ?

R          En prenant la figure 2, on voit que l'ouvrier qui est placé sur la longrine inférieure, qui est la pièce numéro 54... en fait la pièce numéro 52, pardon, alors à la hauteur du maçon, où il se travaille, on peut sortir les longrines; de façon standard, on peut les sortir de cinq (5) pieds, mais on va jusqu'à huit (8) pieds ou plus. Alors, les longrines permettent à l'ouvrier de se rapprocher de son travail. Parce qu'il est interdit de laisser un espace plus grand que trente (30) pouces entre la surface de travail puis l'endroit où l'ouvrier est appuyé. Alors, sur la longrine, on place des madriers -- pourquoi du bois et pas de l'acier comme la plate-forme: parce qu'on peut placer les madriers en nombre et en largeur désirés pour permettre d'accommoder la largeur de la plate-forme.

Et juste au-dessus, on voit encore une fois au point 52: il y a des longrines supérieures qui, elles, permettent de rapprocher la matière première, donc pour éviter que l'ouvrier soit obligé de se déplacer pour aller chercher son matériau si la longrine inférieure est allongée de façon excessive.

Q          Et quel est le moyen d'accès pour l'ouvrier à la plate-forme ?

R          La différence de hauteur entre les deux (2) plates-formes est au maximum de deux (2) pieds selon la loi.

Q          Comment accède-t-il à la plate-forme ?

R          Ah, il y a plusieurs moyens d'accès: soit par l'édifice s'il va sortir par les fenêtres, soit par des cages d'escaliers qu'on installe complètement à côté, soit par un système d'échelles qui s'applique à la tour et qui permet alors de grimper.

Me ELBAZ:

Q          Est-ce que c'est votre témoignage devant la Cour que le système de levage que vous venez de décrire se retrouve dans la machine Fraco ?

R          Dans tous ces éléments précis.

[88]       En l'espèce, la preuve des défendeurs repose sur les affidavits et témoignages de M. Rainville, M. Franceshinis, M. Lespérance, et M. AndréSt-Germain.

M. Rainville

[89]       M. Armand Rainville est un homme d'affaires, actionnaire et président de Maçonnerie Rainville Inc.. Il est aussi président de deux compagnies filiales : Rainville & Frères Inc., et Briques Atout Inc.. Maçonnerie Rainville Inc. et Briques Atout Inc. sont actionnaires de la compagnie Les Produits de formes Fraco Limitée. M. Rainville est administrateur de Fraco depuis 1986, et président depuis 1993. Il a étéà l'emploi de Rainville & Frères Inc. depuis 1971 en tant que journalier, briqueteur et maçon.

[90]       M. Rainville est d'avis que les produits sont complémentaires au lieu d'être concurrents, puisque l'échafaudage Fraco est plus versatile et adaptable que le produit faisant l'objet du brevet. Fraco est en mesure de répondre à des appels d'offre pour lesquels Avant-Garde ne peut puisque son échafaudage moins versatile serait sans utilité.

M. Franceshinis

[91]       M. Franceshinis est d'avis que le brevet 1,304,109 a au moins quatre éléments essentiels. Premièrement, des poteaux constitués de tronçons légers manipulés à partir de la plate-forme de travail. Deuxièmement, une géométrie générale qui comporte une base portante, deux poteaux fixés sur la base et une plate-forme de travail portée par les poteaux. Troisièmement, la plate-forme de travail entoure les deux poteaux. Quatrièmement, le système de hissage de la plate-forme de travail utilise deux vérins hydrauliques montés sur une plate-forme près des poteaux destinés à suspendre la plate-forme aux barreaux des poteaux, et des verrous pivotés sur la plate-forme à proximitédes poteaux.

[92]       De plus, pour les ouvrages s'élevant à plus de deux ou trois étages, il faut prévoir des barres stabilisatrices entre les poteaux et les liens muraux.


M. Lespérance

[93]       Étant donnéla protection conférée par le brevet '109 et tous les autres brevets qui sont antérieurs à son dépôt, M. Lespérance est d'avis que les revendications du brevet '109 doivent être interprétées de façon littérale au lieu de selon la doctrine des équivalents mécaniques. L'idée générale d'un échafaudage motoriséétait connu avant le dépôt du brevet '109. De plus, le système de levage à vérins hydrauliques fonctionnait sur le même principe que le système de levage du brevet '109 et était connu pour des applications analogues.

[94]       La revendication 1 du brevet 1,304,109 ne définit pas l'échafaudage Fraco puisque dans celui-la, il n'y a pas une paire de poteaux espacés fixés à une base. Chaque poteau a sa propre base. De plus, la plate-forme de travail dans le mémoire descriptif du brevet '109 entoure complètement les poteaux, tandis que celle de l'échafaudage Fraco entoure seulement un, deux ou trois cotés d'un poteau. Puisque la plate-forme du brevet '109 entoure les poteaux, les tronçons de poteaux doivent être fixés au fur et à mesure de la montée de la plate-forme parce qu'il faut attacher les poteaux au bâtiment. Cette procédure n'est pas absolument nécessaire dans l'échafaudage Fraco qui permet l'installation d'un poteau complet et de l'attacher au bâtiment. Finalement, les organes d'ancrage dans le brevet '109 sont portés par la plate-forme, tandis que dans l'échafaudage Fraco, les organes d'ancrage sont portés par le manchon extérieur.

[95]       La revendication 2 du brevet '109 spécifie que le vérin hydraulique à double action a une tige de piston allongée formant à son extrémitéextérieure une partie engageant une barre transversale. Les crochets de l'échafaudage Fraco sont pivotés au manchons extérieurs, et la tige de piston de chaque vérin hydraulique ne forme pas à son extrémitéextérieure une partie de crochet engageant une barre transversale.

[96]       La revendication 13 du brevet '109 n'est pas identique à l'échafaudage Fraco puisque cette dernière ne possède pas de moyens de niveaux pour contrôler le circuit d'alimentation hydraulique.

[97]       La revendication 15 du brevet n'est pas contrefaite puisque la plate-forme de l'échafaudage Fraco ne comporte pas un cadre de dessus et des roulements de guidage en paires verticalement espacés par la plate-forme de travail et par le cadre de dessous et en contact de roulement avec les organes de coin afin de stabiliser la plate-forme de travail.

[98]       Cependant, lors de son contre-interrogatoire, M. Lespérance divulgue ce qui suit :

Q          J'aimerais prendre maintenant la pièce 26, D-26. Vous avez décrit, vous avez dit que, ça, c'était le détail...?

R          De la partie principale de la machine Fraco, c'est le garde-tour. C'est lui qui assure la stabilité des plate-formes qui sont attachées, soit en porte-à -faux ou en pont, et qui transmet donc les charges à la tour bien lentement, est là pour supporter tout l'ensemble du système.

Q          Dans cette photographie ou ce dessin qui est produit sous la cote D-26, est-ce que vous pouvez voir le système de levage ?

R          Il y a le système de levage avec des crochets et puis des vérins hydrauliques.

Q          Je vais vous lire quelque chose :

« Un vérin hydraulique à double action (..) à une extrémitéà ladite plate-forme. Il y a une tige de piston... »

Est-ce que vous pouvez indiquer la tige de piston ?

R          Ici.

Q          « ... formant à son extrémitéextérieure une partie engageant une barre transversale. »

Est-ce que vous pouvez nous l'indiquer également.

R          Est-ce que vous pouvez me répéter, s'il vous plaît.

Q          « Formant à son extrémité extérieure une partie engageant une barre transversale » .


R          Qui devrait être le crochet.

Q          C'est ça.

« Ledit vérin est pilotéà son extrémitéinférieure qui s'allonge vers le haut de celle-ci, et ladite tige de piston est inclinée vers le haut, vers ledit poteau. »

R          C'est ça.

Q          Savez-vous, monsieur, que je viens de vous lire la page 5 du brevet 1, 304, 109 ?

R          Oui. Seulement, il y a la grande différence que dans...

M. St-Germain

[99]       M. AndréSt-Germain est le fondateur de Les Produits de formes Fraco Limitée. Il a travailléà titre d'apprenti-maçon pendant cinq ans pour ensuite devenir contre-maître. Àl'âge de 27 ans, il a commencéà travailler à son propre compte comme entrepreneur en maçonnerie sous la raison sociale d'AndréSt-Germain. Cette entreprise faisait de la maçonnerie pour les bungalows et des entrepôts.

[100]    L'affidavit de M. St-Germain se lit comme suit :

27.        Lorsque j'ai conçu cet échafaudage [l'échafaudage Fraco], je suis complètement reparti à zéro. Mon but était de faire un échafaudage multi-fonctions qui pourrait-être utilisé par plusieurs corps de métier et dans plusieurs situations et de façon à ce que la personne utilisant cet échafaudage n'ait pas à s'occuper de son installation. De plus, je voulais un système qui, une fois installé, puisse monter et descendre librement sans que l'on ait à modifier la structure sur le site. J'avais également en tête le marché européen qui nécessite un produit pouvant être utilisé dans un espace plus restreint et pouvant avoir plusieurs planchers de travail. Bref, j'ai conçu le produit que j'avais depuis longtemps suggéré lorsque j'étais chez Hydro-Mobile, et auquel le conseil d'administration s'était toujours opposé.

[...]

41.        Ayant moi-même conçu le système breveté Hydro-Mobile appartenant aujourd'hui à la demanderesse et l'ayant utilisé à plusieurs reprises, je suis en mesure d'en connaître les inconvénients majeurs qui sont les suivants (pour les fins de la compréhension je référerai aux figures du brevet canadien no 1,304,109) :


a)          instabilité résultant des charges latérales. Si on place une charge excessive sur un côté, la plate-forme peut se soulever du coté opposé et sortir de la colonne, d'où risque d'effondrement. Ceci est dû au fait que les tronçons des colonnes sont ajoutés en hauteur au fur et à mesure et que parfois la plate-forme est tout près de l'extrémité des colonnes ;

b)          l'échafaudage Hydro-Mobile possède une base portante étendue (environ 130 pieds carrés) ; advenant un affaissement du sol, dû au gel, à la surcharge, à la pluie, etc. la base portante perd son assiette horizontale ce qui risque de déséquilibrer tout l'échafaudage ;

c)          il faut enlever les liens muraux (liens qui attachent les poteaux au mur, voir figure 1, numéro 76 du brevet) pour descendre la plate-forme car celle-ci entoure les colonnes (voir la figure 4 du brevet), une opération laborieuse et inutile et qui empêche, à toutes fins pratiques, d'abaisser la plate-forme une fois que les deux colonnes sont complètement installées. Ceci réduit grandement l'utilité de ce produit ;

d)          chaque colonne du produit Hydro-Mobile est modulaire et les tronçons des colonnes sont seulement retenues l'une à l'autre par goupilles. Ceci laisse beaucoup de jeu aux joints. Ainsi, les colonnes ne sont pas très stables [...] ;

e)          les colonnes Hydro-Mobile ne sont pas rattachées au mur au-dessus de la plate-forme, d'où l'instabilité du dernier tronçon de chaque colonne (voir figure 1 du brevet) ;

f)           la plate-forme Hydro-Mobile, à l'époque du moins, ne pouvait pas monter au-delà de 300 pieds (30 étages) de haut ;

g)          il peut y avoir danger d'écrasement ou chute lorsque le système de sécurité ne peut retenir la plate-forme avenant décrochage du système de levage Hydro-Mobile lors de la descente (en référence de la figure 9 du brevet ; le système de sécurité 90 peut en effet ne pas retenir la plate-forme car son extension 98 peut "rebondir" sur les colonnes et ne jamais "s'accrocher" si la personne responsable ne suit pas bien les instructions). J'ai moi-même été témoin d'un tel incident.

42.        De son coté, l'échafaudage de Fraco possède plusieurs avantages par rapport au produit Hydro-Mobile dont les principaux sont les suivants :

a)          le système Fraco est installé par des ouvriers spécialisés, à l'aide d'un grue et la tour est érigée à l'avance sur toute sa longueur, et non pas en sections. Par conséquent, les journaliers des autres corps de métier n'ont pas à s'occuper de l'installation des échafaudages, ni enlever et remettre les liens muraux, entretoises ou autres. [...] ;

b)          une fois installé, le pont de travail de l'échafaudage Fraco peut être monté et descendu aussi souvent que désiré et ce sans avoir à enlever les liens muraux ;


c)          il faut 2 hommes pour ériger chaque tronçon de colonne sur les échafaudages Hydro-Mobile car chaque tronçon pèse environ 150 livres. Avec le système Fraco, cette main d'oeuvre n'est pas requise une fois la plate-forme installée car la tour est installée d'avance avec une grue, d'où économie de main-d'oeuvre et donc argent ;

d)          le pied d'appui de la tour du système Fraco a un encombrement réduit d'environs dix-huit pieds carrés et on peut même le réduire jusqu'à deux pieds carrés si la résistance du sol à la compression le permet (comme sur le roc), comparativement à quatre points d'appui de 4 pieds carrés chacun pour le produit Hydro-Mobile. [...] ;

e)          le système Fraco (à l'époque du moins) pouvait monter jusqu'à environs 510 pieds (50 étages), comparativement à 300 pieds pour Hydro-Mobile;

f)           le système Fraco peut s'approcher à 1.5 pied du mur tandis que le produit Hydro-Mobile requiert 5 pieds ;

g)          les extensions ou longerons du système Fraco peuvent s'ajouter des deux cotés car il n'y a qu'une tour alors qu'avec le produit Hydro-Mobile, on ne peut le faire que d'un seul coté de chaque colonne ;

h)          le système Fraco peut être installé dans un puits d'ascenseur, tandis que la base du produit Hydro-Mobile est trop large ;

i)           pour ce qui est du transport, on remarque qu'une remorque ne peut transporter, qu'une seul plate-forme Hydro-Mobile de 24' alors qu'elle peut transporter trois unités Fraco incluant les tours. [...] ;

j)           finalement, pour ce qui est de l'entreposage, étant donné l'élimination des cales (pièces qui stabilisent les colonnes entre elles), des entretoises de 50% des colonnes (le système Fraco n'a qu'une tour par rapport à deux colonnes pour le produit Hydro-Mobile) et étant donné le fait qu'ils ne reposent que sur un pied d'environ dix-huit (18) pieds carrés au plus, les échafaudages Fraco nécessitent moins d'espace pour être entreposés. [...] De plus, avec le système Fraco, il n'y a pas de pièces qui traînent sur le chantier une fois la tour installée (avec Hydro-Mobile, il faut garder une provision de tronçons de colonnes, cales, entretoises, etc. pour les installer au fur et à mesure que la plate-forme monte) ;

k)          le système Fraco peut comporter un deuxième plancher de travail lequel est situé sous le premier, ce qui est impossible à faire avec le produit Hydro-Mobile.

43.        Bref, le système Fraco est beaucoup plus évolué que le système Hydro-Mobile et est beaucoup plus près de ce que l'on retrouve aujourd'hui en Europe.

[101]    Cependant, lors de son contre-interrogatoire, M. St-Germain divulgue ce qui suit :


Q          Pour les photos D-43 et D-44 que vous avez produites, Monsieur St-Germain, pouvez-vous dire à la Cour quel était le système de levage que vous avez utilisé pour commencer, s'il vous plaît ?

R          C'est un système avec des cylindres.

Q          Des vérins et des crochets ?

R          Oui, comme on a parlé à matin.

Q          Et sur les photos D-10 et D-11, le projet...

R          Bécancour.

Q          Oui, Bécancour-Petressa, pouvez-vous indiquer à la Cour où sont les amarres à trois points dont on parlait depuis hier ?

R          Elles sont parmi les (...), vous en voyez ici, vous en voyez là . Puis là , il y a en autre plus haut - on ne le voit pas parce qu'il est trop haut - puis on le voit très bien à deux places, ici à droite.

Q          Et est-ce qu'on voit également très bien le système de levage hydraulique ?

R          Le système de levage, on ne le voit pas.

Q          Non ? C'est parce qu'il y a un crochet ici après le...

R          Le système de levage est à l'intérieur du garde-tour.

Q          Est-ce qu'il n'est pas ici ?

R          Non, ça, c'est le moteur.

Q          O.K. Mais c'est bien un sytème hydraulique qui a aidé cette machine à remonter ?

R          Bien, le système hydraulique, il est en bas, mais les cylindres sont en haut.

Q          Ça va, je n'ai pas d'autres questions.

CONCLUSION


[102]    Je conclus que tous les éléments structurels récités dans les revendications 1, 2 et 13 du brevet '109 se retrouvent dans l'échafaudage Fraco : une base, des poteaux fixés verticalement sur la base et constitués de tronçons assemblés à l'aide de moyens d'attache, une plate-forme coulissante sur les poteaux, des barres définissant des paliers horizontaux équidistants, des tiges pivotantes ainsi que des vérins hydrauliques avec crochets.

[103]    Je suis d'accord avec la partie demanderesse que les trois différences mineures ne modifient pas le principe de base de la revendication et de l'invention du brevet '109. Premièrement, dans l'échafaudage Fraco, c'est la gravitéet un ressort de rappel qui permettent aux tiges pivotantes et aux crochets fixés à la glissière d'engager en permanence les barres formant les paliers. Deuxièmement, malgréque l'échafaudage Fraco compte un, deux ou trois poteaux, une personne versée dans ce métier aurait pu aisément concevoir, avec sa seule expertise dans le domaine, une plate-forme plus petite utilisant un seul poteau, ou une plate-forme beaucoup plus grande utilisant trois poteaux ou plus. Troisièmement, dans l'échafaudage Fraco, les poteaux également en tronçons sont de l'ordre de dix pieds de long et peuvent être manipulés par une seul ouvrier sur la plate-forme. Il est évident que tout spécialiste dans le domaine pourrait utiliser de longs tronçons soutenus par une grue ou un autre moyen semblable montéou non sur une plate-forme, sans que cela ne modifie ou n'altère la substance de cette revendication.

[104]    Les deux produits sont des échafaudages hydrauliques. Ils ont conséquemment les mêmes fonctions. Le nombre de poteaux, les bases variantes, la façon dont la plate-forme de travail entoure les poteaux, et les différences mineures dans le système de hissage de la plate-forme n'ont aucun effet sur la façon dont l'échafaudage fonctionne. Le but de l'échafaudage hydraulique est l'abaissement et la montée de la plate-forme de travail au moyen d'un système de levage à vérins hydrauliques.

[105]    Selon une interprétation téléologique plutôt que littérale des revendications du brevet[13], le système de levage à vérins hydrauliques qui permet à la plate-forme de travail d'être soulevée ou abaissée par l'engagement automatique d'organes d'ancrage est le même dans les deux échafaudages.

[106]    Selon une interprétation des revendications qui vise à comprendre la nature véritable de l'invention, la revendication 1 décrit les éléments structurels de l'échafaudage qui se retrouvent également dans l'échafaudage Fraco. Les trois différences mineures ne modifient pas le principe de base de la revendication et de l'invention du brevet 1,304,109. Il est évident que tout spécialiste dans le domaine pourrait faire ces modifications sans que cela ne modifie ou n'altère la substance de la revendication.

[107]    La revendication 2 décrit un système de levage avec au moins un vérin hydraulique à double action. La structure et l'opération de celui-ci est le même que celui observable chez Fraco.

[108]    Les détails du circuit d'alimentation décrit dans la revendication 13 sont les mêmes que ceux du circuit d'alimentation dans l'échafaudage Fraco.

[109]    Chacune des variantes de l'échafaudage Fraco concerne des caractéristiques non essentielles des revendications et n'ont aucun effet sur la façon dont la revendication fonctionne.

[110]    Le breveténe voulait pas exclure des variantes de la portée de l'invention revendiquée. Les exigences relatives n'étaient pas conçues par le brevetécomme des limitations essentielles à l'invention. Les variations utilisées étaient bien connues des personnes versées dans l'art, et elles constituent par conséquent des variantes évidentes.


[111]    L'allégation des défenderesses selon laquelle l'échafaudage Fraco ne contrefait pas le brevet '109 n'est pas fondé. La preuve établit qu'il y a contrefaçon du brevet '109.

[112]    Les échaffaudages des défenderesses contreviennent aux revendications 1, 2, et 13 du brevet '109.

[113]    En conséquence, la demande en vue d'obtenir une injonction permanente est accueillie.

[114]    La demande de destruction de tous les systèmes de levage à vérins hydrauliques de tous les appareils en possession ou sous le contrôle des défendeurs est accordée, mais elle est toutefois déférée jusqu'à l'écoulement de la période de demande d'appel[14].

[115]    La demanderesse a élu de demander la comptabilisation des profits. Ce calcul sera fait suite à une enquête par un protonotaire ou par un juge désignépar le juge en chef adjoint.

[116]    Les dépens, y compris les frais d'expertise, à être fixépar un officier taxateur, sont adjugés en faveur de la demanderesse et de la défenderesse de la demande reconventionnelle.

[117]    Il s'ensuit que la demande reconventionnelle des défenderesses est rejetée avec dépens.


                                                                                                  __________________________

                                                                                                                                                    Juge                 

Ottawa (Ontario)

Le 7 mai 1998


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DE LA COUR:                        T-309-95

INTITULÉ:                                     AVANT-GARDE ENGINEERING (1994) INC. c. GESTION DE BREVETS FRACO LIMITÉE ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :            MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :          LES 24, 25 ET 26 NOVEMBRE 1998 MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE RICHARD J.

EN DATE DU 7 MAI 1998

COMPARUTIONS

ARMAND ELBAZ, JULIE PARENT                                     POUR LA DEMANDERESSE ET MARIE-CLAUDE BLONDEAU

RÉGINALD GAGNONPOUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

DUBÉ. ELBAZ                                                                        POUR LA DEMANDERESSE MONTRÉAL (QUÉBEC)

BERNARD, ROY, GAGNON                                                POUR LES DÉFENDERESSES LONGUEIL (QUÉBEC)



[1]            La demande de brevet a aussi été déposée devant le Commissioner of Patents and Trademarks des États-Unis. Ce brevet, ayant pour titre Scaffolding, a été émis le 7 mars 1989.

[2]            L'acte de vente est en date du 31 octobre 1991, et l'acte de cession est en date du 4 décembre 1991.

3            Hydro-Mobile est aussi le nom de l'échafaudage hydraulique produit et vendu par Avant-Garde en vertu du brevet 1,304,109.

4            Un treuil manuel ou palan, c'est un monte-charge, un tambour sur lequel est enroulé un câble d'acier ou une chaîne. Le monte-charge ou tambour est actionné par une boîte à engrenages qui permet la démultiplication de l'effort. Ainsi la poulie principale est tournée par un câble d'acier ou une chaîne qui est continue sur le câble d'acier ou d'entraînement. Ces systèmes peuvent être mûs par des sources variables, telles que l'électricité, le système hydraulique, ou le système à vapeur. Le brevet 1,304,109 n'utilise ni un système de levage à chaînes et à palans, ni un système à câbles et treuils manuels.

[5]            Le 4 février 1993, suite à la commercialisation d'un échafaudage hydraulique par Fraco, le prédécesseur de la demanderesse, Avant-Garde Engineering Inc. ainsi qu'une société liée du nom Les Échafaudages Hydro-Mobile Inc. intentaient contre Fraco, une action en injonction permanente et en contrefaçon du brevet 1,304,109. Cette action n'a par la suite jamais procédé.

[6]            Tye-Sil Corp. c. Diversified Products Corp. (1991), 35 C.P.R. (3e) 350 ; 125 N.R. 218 (C.A.F.).

[7]            L.R.C. 1985, c. P-4.

[8]            Supra, note 6.

[9]            Rubbermaid (Canada) Ltd. c. Tucker Plastic Products Ltd. (1972), 8 C.P.R. (2e) 6 à la p. 14 (C.F. 1ière instance).

[10]          Supra, note 6.

[11]          Diversified Products, supra note 6.

[12]          Le brevet américain 5,368,125 est identique au brevet canadien 1,304,109.

[13]          Voir : Free World Trust et al. c. Électro SantéInc. (27 octobre 1997), Québec 200-09-000642-931, (C.A.).

[14]          Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp., [1988] 2 F.C. 233 (C.A.).


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