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     Date : 19980526

     Dossier : T-280-97

ENTRE :

     CLEAR SKY ENTERPRISES LIMITED,

     demanderesse,

     et

     564649 ALBERTA LTD.,

     défenderesse.

Audience tenue sur dossier suivant la règle 369, le 26 mai 1998.

Jugement rendu à Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 mai 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

Date : 19980526


Dossier : T-280-97

ENTRE :

     CLEAR SKY ENTERPRISES LIMITED,

     demanderesse,

     et

     564649 ALBERTA LTD.,

     défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE PROTONOTAIRE

JOHN A. HARGRAVE

[1]      La demanderesse exploite le Red Bull Restaurant, qui a été ouvert en 1973 ou peut-être même avant et qui se trouve sur la Yellowhead Highway, à Radisson (Saskatchewan). Dans sa déclaration, elle revendique une marque de commerce reconnue en common law et une marque de commerce en instance aux termes de l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce et reproche à la défenderesse 564649 Alberta Ltd., qui a récemment ouvert un restaurant sur la Yellowhead Highway à Lloydminster, de s'être rendue coupable de contrefaçon en exploitant ledit restaurant sous le nom commercial de Red Bull Steak & Grill.

[2]      Après avoir fait parvenir par l'entremise de ses avocats une mise en demeure restée sans réponse, la demanderesse a engagé la présente action en février 1997 et signifié une déclaration à Arisdidis Zannis, président de 564649 Alberta Ltd., le 8 avril de la même année. La demanderesse demande maintenant un jugement par défaut lui accordant une injonction, des dommages-intérêts exemplaires et des frais.

[3]      La demanderesse n'a pris aucune mesure en l'espèce au cours de la période d'environ 13 mois qui s'est écoulée entre la signification de la déclaration et le dépôt de la présente requête. Selon les Règles de la Cour fédérale qui étaient en vigueur jusqu'au 25 avril 1998, la demanderesse aurait été tenue de signifier à la défenderesse un avis d'intention de procéder aux termes de la règle 331(A), comme l'explique l'arrêt Canada c. Kulyk (1995) 88 F.T.R. 211. Les nouvelles Règles de la Cour fédérale ne renferment pas de disposition équivalente. La demanderesse a donc droit à une réparation et il est évident qu'elle a droit à une injonction. J'en arrive maintenant aux dommages-intérêts.

[4]      La demanderesse a, au moyen d'une preuve indépendante par affidavit, établi de façon convaincante qu'elle a perdu une clientèle bien établie par suite de la confusion entre ses activités et celles de la défenderesse et du fait que celle-ci offrait un service à la clientèle moins attrayant. L'avocat propose un montant de 12 500 $ à titre de dommages-intérêts exemplaires. Pour fixer le montant de dommages-intérêts à accorder en l'espèce, il est nécessaire d'examiner deux questions : d'abord, l'opportunité d'octroyer des dommages-intérêts exemplaires et, en second lieu, le montant de dommages-intérêts à accorder au titre de la perte de clientèle.

[5]      Les dommages-intérêts exemplaires constituent une mesure non pas compensatoire, mais plutôt punitive ou dissuasive : voir, par exemple, l'arrêt Lubrizol Corporation c. Compagnie pétrolière impériale Ltée (1996), 197 N.R. 241, aux pages 253 et suivantes. Cette mesure dissuasive ou punitive est imposée lorsque la mauvaise conduite du défendeur est si malveillante, opprimante et abusive qu'elle choque le sens de dignité de la Cour : voir, par exemple, l'arrêt Hill c. Église de scientologie de Toronto (1995), 2 R.C.S. 1130, à la p. 1208, décision que les juges d'appel Stone et Linden ont citée dans l'arrêt Lubrizol.

[6]      Même si la norme de preuve relative à la détermination des dommages-intérêts exemplaires correspond au fardeau de preuve applicable en matière civile, cette décision " ...doit toujours se faire après mûre réflexion et [...] le pouvoir discrétionnaire de les accorder doit être exercé avec une très grande prudence " : Vorvis c. Insurance Corporation of British Columbia , [1989] 1 R.C.S. 1085, aux p. 1104 et 1105. Les montants accordés doivent être raisonnables, car, de façon générale, les tribunaux canadiens ont accordé des montants relativement peu élevés à titre de dommages-intérêts punitifs : voir les arrêts Lubrizol (précité), à la page 255, et Vorvis (précité), à la page 1131. Toutefois, avant d'examiner la question des dommages-intérêts exemplaires, il faut fixer le montant à accorder au titre des dommages-intérêts généraux, de sorte que la Cour puisse vérifier si ce montant est suffisant : arrêt Lubrizol (précité), p. 255, et arrêt Lishman c. Erom Roche Inc. (1986), 111 F.T.R. 44, p. 56, décision rendue par le juge Rothstein, de la Section de première instance.

[7]      Dans l'arrêt Lubrizol, la Cour a souligné que les Règles de la Cour fédérale n'exigeaient pas que les dommages-intérêts exemplaires soient plaidés de façon spécifique (p. 249). De la même façon, il n'est pas nécessaire que les dommages-intérêts généraux soient demandés de façon spécifique : Association olympique canadienne c. National Gym Clothing Ltd. (1985), 2 C.P.R. (3d) 145, p. 150 (C.F. 1re inst.). En l'espèce, même si aucun montant n'est spécifiquement demandé à titre de dommages-intérêts généraux, la demanderesse énonce dans sa déclaration les allégations essentielles relatives au préjudice qu'elle a subi. J'examinerai donc d'abord la question des dommages-intérêts généraux.

[8]      Il est difficile de fixer le montant à accorder au titre des dommages-intérêts. Cependant, la Cour doit faire de son mieux à l'aide des renseignements dont elle dispose : Alliance de la fonction publique du Canada c. Le personnel du fonds non public des Forces canadiennes (1996), 199 N.R. 81, à la p. 97, décision du juge Hugessen, de la Cour d'appel fédérale.

[9]      Je pourrais être tenté d'accepter le montant que l'avocat a proposé au titre des dommages-intérêts, soit 12 500 $, car il est probable que la demanderesse a subi un préjudice par suite de la baisse d'achalandage et de la perte de clientèle. Cependant, la demanderesse a également attendu plus d'un an avant de demander un jugement par défaut après la date où elle aurait pu le faire. Ce retard indique à mon avis que la baisse d'achalandage et la perte de clientèle n'ont pas été aussi importantes que ce à quoi la demanderesse s'attendait lorsqu'elle a constaté pour la première fois que la défenderesse faisait affaires sous son nom commercial. J'exercerai donc mon pouvoir discrétionnaire pour fixer à 10 000 $ le montant à accorder au titre des dommages-intérêts généraux.

[10]      La preuve ne révèle à mon avis aucune mauvaise conduite malveillante, opprimante ou abusive qui justifierait l'octroi de dommages-intérêts exemplaires. Il est indubitable que la défenderesse a poursuivi les activités de contrefaçon qui lui sont reprochées après avoir reçu la mise en demeure de l'avocat et qu'elle a ignoré les procédures déposées en l'espèce. C'était peut-être là un comportement téméraire, mais il ne choque pas le sens de dignité de la Cour. Toutefois, il y a lieu de prendre en compte les agissements de la défenderesse au moment d'adjuger les frais.

[11]      Dans son mémoire, l'avocat de la demanderesse demande des frais procureur-client. Cependant, dans la déclaration, il est simplement question de frais, tout comme dans l'avis de requête. Les frais procureur-client sont généralement accordés lorsque l'une des parties s'est conduite de façon répréhensible, scandaleuse ou outrageante : voir, par exemple, l'arrêt Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, p. 146. En ignorant la mise en demeure de l'avocat de la demanderesse ou encore la présente action, la défenderesse a-t-elle agi de façon répréhensible, scandaleuse ou outrageante? La réponse est négative. Toutefois, il y a lieu d'accorder les frais prévus au Tarif B, non pas comme s'il s'agissait d'une cause appartenant à la classe moyenne, mais plutôt d'une instance appartenant à l'une des catégories supérieures. Il ne convient pas en l'espèce de consacrer plus de temps et d'argent à la taxation des frais et débours. Par conséquent, les frais et débours sont taxés au montant de 2 000 $.

                             John Hargrave

                                     PROTONOTAIRE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 26 mai 1998

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Section de première instance

     Date : 19980526

     Dossier : T-280-97

ENTRE :

CLEAR SKY ENTERPRISES LIMITED,

     demanderesse,

et

564649 ALBERTA LTD.,

     défenderesse.



MOTIFS DU JUGEMENT

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-280-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          CLEAR SKY ENTERPRISES LIMITED C. 564649 ALBERTA LTD.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :          26 mai 1998

                         Audience sur dossier suivant la règle 369

MOTIFS DU JUGEMENT DU :          protonotaire John A. Hargrave

EN DATE DU :                  26 mai 1998

A COMPARU :

Me Randy T. Klein                  pour la demanderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MacDermid Lamarsh

Avocats

905, 201 - 21st Street East

Saskatoon (Saskatchewan)              pour la demanderesse

S7K 0B8

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