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                                                                                                                                 Date : 20050509

                                                                                                                           Dossier : T-1997-01

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 646

ENTRE :

                                                  ASTRAZENECA CANADA INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                SANTÉ CANADA, LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

INTRODUCTION

[1]                AstraZeneca demande le contrôle jugdiciaire de la décision du ministre de divulguer, suite à une demande d'accès à l'information, certains renseignements liés à une présentation supplémentaire de drogue nouvelle (PSND) relative à des comprimés de LOSEC MUPS (magnésium d'oméprazole).


[2]                La présente cause a été plaidée en même temps que les causes [2005] CF 645 (T-1633-01) et [2005] CF 647 (T-754-02). Les mêmes questions de base ont été débattues et tranchées dans les motifs de la décision rendue dans la cause [2005] CF 645.

[3]                Les questions de base soulevées sont les suivantes :

(1)         la décision était nulle puisque la personne qui l'a prise n'avait pas la compétence pour ce faire;

(2)         en dépit du fait que la plupart des renseignements qui seraient divulgués sont publics et généralement connus, la compilation qu'en a fait AstraZeneca est unique et confidentielle;

(3)         la divulgation de la façon dont AstraZeneca a obtenu l'approbation réglementaire donne des renseignements de grande valeur a un compétiteur quant au processus réglementaire et à ce qui lui permettrait d'obtenir des approbations réglementaires plus rapidement.

[4]                Comme ces questions ont été tranchées dans [2005] FC 645, les motifs de cette décision sont adoptés en l'espèce. Les présents motifs, qui suivent dans l'ensemble le fil des plaidoiries orales, traiteront de questions spécifiques à la présente demande.


LES FAITS

[5]                Le médicament connu sous le nom de LOSEC MUPS est une marque nominale dont l'ingrédient actif est le magnésium d'oméprazole. Il fait partie d'un groupe de médicaments connus comme inhibiteurs de pompe à protons dont on vante la capacité de réduire la sécrétion d'acide gastrique.

[6]                Le processus d'approbation du LOSEC MUPS a été similaire à celui adopté pour le médicament LOSEC, auquel renvoie la décision [2005] CF 645, sauf que le 24 décembre AstraZeneca a présenté, sous son ancien nom, une PSDN pour le LOSEC avec magnésium d'oméprazole comme ingrédient actif, sous un nouveau format, soit un système de pillules à unités multiples (SPUM) de 10 mg et 20 mg. AstraZeneca a obtenu l'avis de conformité applicable le 11 juillet 2000.

[7]                Le 16 mai 2001, le coordonnateur de l'accès à l'information à Santé Canada a reçu une demande d'accès à l'information relative à :

[TRADUCTION] Tous renseignements, incluant les documents, les dossiers, les demandes, la correspondance et tous les documents à l'appui sur support papier, informatique ou autre, relatifs à la demande par ASTRAZENECA CANADA INC., son prédécesseur ou toutes compagnies affiliées, visant à obtenir la permission de mettre en marché au Canada le médicament composé de magnésium d'oméprazole dans un système de pillules à unités multiples, parfois connu par son nom de propriétaire LOSEC MUP.


[8]                La demande a été traitée pratiquement comme la demande de renseignements portant sur le LOSEC, en ce qu'elle a été renvoyée à la SEISP (Section de l'évaluation de l'information scientifique et de propriété) pour que cette dernière y récupère les documents, en évalue la pertinence et émette une recommandation.

[9]                La SEISP a identifié et examiné les documents sollicités. Elle a également examiné les observations qu'AstraZeneca a faites en vertu de l'article 28 et a recommandé que les documents ne soient pas soustraits à la divulgation puisqu'une part importante des renseignements qui faisaient l'objet d'une objection pouvait être consultée dans la monographie de produit (MP), dans des publications ou dans d'autres sources et qu'elle est généralement connue dans l'industrie ou n'est pas confidentielle.

[10]            Bien que le coordonnateur de l'accès à l'information et son adjointe aient examiné les dossiers ainsi que la recommandation de divulguer les renseignements, AstraSeneca se plaint du fait que la lettre qui l'a informée de la décision de divulguer les renseignements était signée uniquement par la coordonnatrice adjointe de l'accès à l'information. C'est cette décision qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire.

[11]            AstraZeneca a classifié les documents qui font l'objet du litige en 13 catégories que voici :

1.      Catégorie 1 : renseignements qui consistent en des références à des demandes ou des produits autres que les LOSEC MUPS.

2.      Catégorie 2 : renseignements qui consistent en toutes les références directes et indirectes aux préparations des LOSEC MUPS qui n'ont pas reçus d'approbation réglementaire, ainsi que tous les renseignements qui permettraient de tirer une inférencee exacte à cet égard (par ex. les références à des médicaments utilisés à des fins de comparaison).


3.      Catégorie 3 :renseignements qui contiennent des références :

(I)     à la composition quantitative des produits en oméprazole ou en magnésium d'oméprazole;

(ii)    aux procédés de fabrication des produits et aux protocoles des études de validation;

(iii) aux spécifications et aux méthodes d'essai pour les substances et les produits médicamenteux, notamment les références au type de méthode et à la validation pertinente de la méthode;

(iv) aux normes relatives à l'excipient;

(v)    à la synthèse de la substance médicamenteuse;

(vi) à tout renseignement qui permettrait de tirer une inférence exacte quant à ce qui précède.

4.      Catégorie 4 : renseignements qui contiennent des références à la demande réglementaire présentée par AstraZeneca, à ses stratégies de marketing, soit notamment la façon dont elle a été en mesure d'obtenir l'approbation réglementaire et de commercialiser ses produits.

5.      Catégorie 5 comprend les renseignements non publiés relatifs :

(I)     aux méthodologies;

(ii)    aux données relatives à la sécurité (dont celles qui portent sur des évènements indésirables);

(iii) à la dissolution et à la dispersion des données;

(iv) à tout autre renseignement scientifique fourni à Santé Canada qui n'est ni publié ni public.

6.      Catégorie 6 : renseignements relatifs aux noms des enquêteurs ainsi que les références à des manufacturiers tiers et toute référence à AstraZeneca lorsque cela permettrait de révéler le nom des produits qu'elle fabrique;

7.      Catégorie 7 : renseignements qui constituent des références à des études relatives à des préparations non commercialisées (par ex, les numéros de référence 6, 7 et 8). (des numéros de référencee sont attribués aux études qui figurent dans le résumé du C & M. Ainsi, à titre d'exemple,le numéro de référence 1 renvoie à la première étude qui y est décrite)

8.      Catégorie 8 : renseignements qui consistent en des références à des codes de tests et d'études internes confidentiels d'AstraZeneca;


9.      Catégorie 9 : renseignements qui consistent en des références aux plans de développement d'AstraZeneca et qui incluent quelque description que ce soit de dossiers internationaux non approuvés;

10.    Catégorie 10 : renseignements qui consistent en des références à des impuretés (notamment des renseignement qui révèlent directement l'existence des impuretés) et à des limites;

11.    Catégorie 11 : renseignements qui consistent en de l'information relative aux études de stabilité, notamment les méthodes d'analyse, les limites et les résultats de ces dernières ainsi que les conclusions qui en ont été tirées.

12.    Catégorie 12 : comprend les renseignements relatifs aux spécifications quant à l'emballage, aux formats d'emballage non commercialisés et aux étiquettes proposées pour des produits non commercialisés.

13.    Catégorie 13 : renseignements qui comprennent toutes les ébauches de la monographie de produit ainsi que les renseignements qui permettent de tirer une inférence exacte à cet égard (par ex. les commentaires de l'évaluateur).

N.B. Les documents visés par la catégorie 2 ne sont plus en litige, selon l'information fournie oralement à la Cour le vendredi 19 novembre 2004.

ANALYSE

     La décision est nulle

[12]            Il ressort de la meilleure preuve fondée sur le témoignage de la coordonnatrice adjointe de l'accès à l'information quant à la pratique habituelle de l'unité que, le coordonnateur de l'accès à l'information a examiné non seulement les documents, mais également les recommandations et qu'il a pris la décision finale quant à la divulgation des dossiers. Par conséquent, la personne qui jouissait de la compétence requise a pris la décision visée par le contrôle judiciaire. Ainsi, la décision ne peut être déclarée nulle pour ce motif.


[13]            Selon AstraZeneca, l'information est technique et personne mis à part les employés de la SEISP ne pourrait prendre une décision éclairée à cet égard. Elle se plaint donc du fait que la décision a en fait prise par cette section. Pour les motifs rendus dans [2005] CF 645, et me fondant plus particulièrement sur les conclusions de la Cour d'appel dans Cyanamid Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être social) (1992), 45 C.P.R.(3d) 390 (C.A.F.), cette objection est rejetée.

     Exemption relative à certains documents

[14]            Si la décision n'est pas nulle, AstraZeneca soutient que les renseignements retranchés et qui doivent être divulgués sont exemptés en vertu des alinéas 20(1)a), b) et c) de la Loi. La demanderesse n'a pas fait valoir d'argument significatif quant à l'alinéa 20(1)a).

[15]            Comme je l'ai indiqué précédemment, les arguments principaux qu'a fait valoir AstraZeneca ont été tranchés par la décision [2005] CF 645. La présente cause, tout comme les deux décisions connexes, est suffisamment semblable à celle rendue dans Cyanamid Canada, précitée, pour qu'il soit possible d'en disposer en se reportant aux conclusions de la Cour d'appel qui figurent aux pages 403 et 404 de cette décision. La Cour d'appel, qui commente à la fois la divulgation de renseignements et l'argument supplémentaire de l'avantage conféré par la divulgation de ce type de renseignements a conclu :

Les droits au secret et à la confidentialité se sont étients lorsque la monographie du produit a été communiquée; de toute évidence, tout préjudice ou avantage découle nécessairement de cette communication même.


L'appelante soutient subsidiairement qu'en vertu de l'alinéa 20(1)c), bien que les renseignements soient accessibles au public, ils ne peuvent être obtenus d'une source unique. Toutefois, si l'accès était accordé en vertu de la Loi, l'auteur de la demande en tirerait profit puisqu'il n'aurait à consacrer ni temps ni argent pour recueillir ces renseignements auprès de plusieurs autres sources publiques, et il pourrait constituer un meilleur tableau d'ensemble, au détriment de l'appelante. Cet argument ne me convainc pas. Encore une fois, les seuls renseignements en litige sont contenus dans la monographie du minocin. L'appelante elle-même a rendu ces renseignements accessibles au public en communiquant ce document. À mon avis, elle n'a tout simplement pas démontré que la communication des mêmes renseignements en vertu des dispositions de la Loi lui causerait un préjudice accru.

[16]            Les paragraphes suivants contiennent les conclusions spécifiques de notre Cour quant à la catégorie de documents nommée.

[17]            Catégorie 1: les documents renvoient à la PDN qui constitue le document central sur lequel se fonde la PSDN de MUPS. Non seulement les renseignements se rapportent-ils à la demande d'accès à l'information, mais ils sont de notoriété publique et font partie du domaine public puisqu'ils ont été rendus publics par AstraZeneca dans la monographie de produit.

[18]            Catégorie 3: il s'agit en grande partie, dans ce cas, de renseignements quantitatifs. Les changements véritables aux spécifications ainsi que les renseignements relatifs au traitement ont été exemptés. Ce qui reste est connu ou a été divulgué dans le brevet lui-même.

[19]            Catégorie 4: il s'agit ici principalement de la documentation de présentation réglementaire. Le défendeur a exempté les renseignements qu'AstraZeneca n'a pas rendus publics dans sa monographie de produit. Les noms de personnes ne divulguent rien qui soit de nature confidentielle ou préjudiciable. L'argument principal invoqué par AstraZeneca porte sur le préjudice concurrentiel dans une « vue d'ensemble » , un argument qui a été expressément rejeté dans Cyanamid Canada, précité, à la page 403.


[20]            Catégorie 5: selon la première objection, la divulgation de données relatives à la sécurité et plus particulièrement au type d'étude, pourrait causé des dommages. En revanche il est connu qu'il est impératif de conduire une étude de ce type et les renseignements qui s'y rapportent se trouvent dans la monographie de produit. En outre, les effets indésirables du médicament révélés par les études font partie du domaine public par le truchement de la monographie de produit. Le seul effet indésirable qui ne figure pas dans la monographie de produit a été exempté.

[21]            Catégorie 6: AstraZeneca s'oppose à la divulgation de ces renseignements parce qu'ils révèlent les activités qui ont court dans ses usines. Il s'agit de renseignements quant aux noms des compagnies et quant à ce qu'elles font. Ces renseignements sont facilement accessibles. Pour que les compagnies puissent s'adonner à ces activités, Santé Canada délivre des permis - les renseignements quant aux permis peuvent être consultés sur le site internet de Santé Canada. En conséquence, tous ces renseignements font partie du domaine public d'une manière ou d'une autre.

[22]            Catégorie 7: le ministre a exempté les sujets non commercialisés. Ce qui reste est constitué majoritairement d'études requises pour satisfaire les exigences relatives à la monographie de produit. Les résultats des études figurent dans la monographie de produit. Il est généralement connu dans l'industrie que ces études ont été faites.

[23]            Catégorie 8: les codes seraient le fruit d'un système de numérotation interne à Santé Canada. AstraZeneca n'a pas produit suffisamment d'éléments de preuve quant à la façon dont ces renseignements sont susceptibles d'être utilisés ni quant au préjudice qui pourrait en résulter.


[24]            Catégorie 9: AstraZeneca n'a pas produit suffisamment d'éléments de preuve pour démontrer la confidentialité ou le préjudice sauf en ce qui a trait aux parties des dossiers 183 et 244 qui sont en litige et que Santé Canada consent désormais à exempter.

[25]            Catégorie 10: la question des renseignements relatifs aux impunités est la même que celle relative aux « effets indésirables » visés par la catégorie 5. Ce qui n'a pas été divulgué dans la monographie de produit a été exempté.

[26]            Catégorie 11: les analyses de stabilité sont exigées par les directives de Santé Canada. En conséquence, leur existence est de notoriété publique. Les renseignements concernant les moments où les analyses ont débuté ne révèlent aucun renseignement confidentiel, tout particulièrement en raison du fait qu'il n'y a pas de date de fin des tests. Il n'y a aucune preuve de préjudice matériel.

[27]            Catégorie 12: certains de ces renseignements relatifs à l'emballage soit sont divulgués dans la monographie de produit soit font partie du domaine public. Dans la mesure où des formats d'emballage non commercialisés et des étiquettes proposées ne sont pas publics, AstraZeneca n'a pas démontré qu'ils étaient de nature confidentielle au sens de l'alinéa 20(1)b) ou que leur divulgation causerait un préjudice matériel.


[28]            Catégorie 13: quant aux commentaires de l'examinateur, la Cour a décrit précédemment les circonstances et les limites pertinentes quant à la divulgation de ces renseignements. Le ministre a exempté les renseignements contenus dans l'ébauche des monographies de produits qui ne figurent pas la monographie de produit finale.

CONCLUSION

[29]            Pour ces motifs, la présente demande est rejetée avec dépens.

[30]            La Cour souhaite reconnaître les efforts des deux avocats dans les trois causes et souligner le travail sérieux accompli par madame Lacombe alors qu'elle vivait une perte personnelle.

                                                                                                                      (s) « Michael L. Phelan »         

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1997-01

INTITULÉ :                                                    ASTRAZENECA CANADA INC. c. SANTÉ CANADA, LE MINISTRE DE LA SANTÉ et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 15 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 9 MAI 2005

COMPARUTIONS :

J. Sheldon Hamilton

Denise L. Lacombe                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Sadian Campbell

Derek Edwards                                                                         POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Mr. John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                       POUR LES DÉFENDEURS                

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