Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision





Date : 19990820


Dossier : IMM-3721-98



OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 20 AOÛT 1999.


EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :



ABDUL RAFI MIR,


demandeur,



et



LE MINISTRE,


défendeur.



O R D O N N A N C E

     Pour les motifs exposés dans mes motifs d"ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                     " Max M. Teitelbaum "

                                         J.C.F.C.



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 19990820


Dossier : IMM-3721-98



ENTRE :



ABDUL RAFI MIR,


demandeur,



et



LE MINISTRE,


défendeur.



MOTIFS D"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 2 juillet 1998, dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) a dit que le demandeur, un citoyen du Pakistan, n"est pas un réfugié au sens de la Convention au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l"immigration (la Loi).


LES FAITS

[2]      Le demandeur est né à Sehdary (Pakistan). Il est arrivé au Canada le 6 juin 1996 et il a revendiqué le statut de réfugié le 2 juillet 1996. La Commission a conclu qu"il n"était pas un réfugié au sens de la Convention. Le demandeur a fondé sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention sur ses opinions politiques. Il soutient appartenir au Jammu and Kashmir People"s National Party (le Parti).

[3]      Selon la Commission, le demandeur exploitait une entreprise de vente de vêtements à Deona Mundi (Gujerat). En 1980, il est déménagé à Azad Kashmir et il a fondé une entreprise à Bagh, avant de déménager à Garhi, en 1994, pour y fonder une autre entreprise.

[4]      L"épouse et les enfants du demandeur, à l"époque où la Commission a pris sa décision, se trouvaient à Deona Mundi.

[5]      Le demandeur soutient qu"en 1991, il est devenu membre du Parti. Il dit qu"au " milieu " de 1994, il est devenu organisateur pour la région de Bagh et qu"il est devenu organisateur pour la région de Garhi en décembre 1994.

[6]      Le demandeur prétend qu"il s"est impliqué au sein du Parti de mars à novembre 1995 (voir la décision de la Commission, à la page 1). Il fait valoir que le Hizbul Mujahidin (le HM) l"a accusé d"être un agent du gouvernement indien. En conséquence, il a été battu et sa boutique a été pillée.

[7]      Le 24 décembre 1995, le demandeur dit qu"il se cachait à la ferme avicole de son cousin lorsque des membres du HM s"y sont rendus. Il a été kidnappé. Le demandeur et son cousin ont cependant pu s"échapper.

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[8]      Dans sa décision, la Commission dit :

[TRADUCTION] Pour étayer sa prétention qu"il appartient au JKPNP, le revendicateur a produit une carte de membre et une lettre datée du 25 juillet 1996, lesquelles ont été examinées par les services de renseignements d"Immigration Canada, en même temps que la carte d"identité du revendicateur. L"expert a conclu que la carte d"identité était " probablement authentique " [en français dans le texte], alors que la carte de membre " peut être un document de fantaisie " [en français dans le texte]et la lettre est " probablement un document de fantaisie " [en français dans le texte]. Dans chaque cas, l"expert a précisé qu"il ne possédait aucun spécimen de comparaison. Néanmoins, dans les deux cas où l"expert a conclu que le document pouvait être " de fantaisie " [en français dans le texte], il a donné les motifs étayant cette conclusion.
L"avocate du revendicateur a soutenu que les compétences de l"expert n"avaient pas été établies, qu"il n"était pas un expert de la politique pakistanaise, et que l"absence d"un document de comparaison limitait la valeur de l"expertise. L"agent chargé de la revendication, par contre, a indiqué que l"expert avait examiné de nombreux documents pour le compte du tribunal, dont plusieurs provenaient du Pakistan. Le tribunal a également examiné les originaux des documents pour mieux comprendre les conclusions de l"expert. Bien que l"expert puisse ne pas être un expert de la politique pakistanaise, il est certainement un expert pour ce qui est des modes d"impression, de la typographie et du type de papier utilisés. Le tribunal a donc décidé de se fier dans une certaine mesure sur les rapports de l"expert, en ayant à l"esprit qu"elle ne disposait d"aucun document de comparaison.
Selon l"expert, la carte de membre du JKPNP, qui a été imprimée par photocopie en couleur, a fait l"objet d"un mode de production trop onéreux pour produire en masse des documents de cette nature et, pour cette raison, il doute sérieusement de l"authenticité de la carte. Le tribunal ne conclurait pas à l"absence d"authenticité de la carte en se fondant exclusivement sur cette expertise. Le revendicateur a donné un témoignage détaillé en ce qui concerne sa carte de membre. Il connaissait bien le contenu et l"aspect de la carte. Son avocate a soutenu que cela indiquait que la carte était authentique. Le tribunal n"est pas disposé à tirer cette conclusion : cela indique tout au plus que le revendicateur a très bien étudiée la carte, soit parce qu"il l"avait en sa possession depuis longtemps, soit parce qu"il l"avait faite contrefaire. La carte, qui fait mention de sa date de délivrance, soit le 11 août 1995, mentionne que l"adresse du revendicateur se trouve au bazar principal de Bagh. Cela contredit son témoignage selon lequel il a déménagé de Bagh à Gahri en décembre 1994 et il est devenu organisateur de la région de Gahri à cette époque. En outre, la carte mentionne " Bagh " sous la rubrique " place if (sic) issue ". Le revendicateur a expliqué que cette erreur typographique était une erreur. Le fait que la carte mentionnait la ville de Bagh contredit également le témoignage du revendicateur selon lequel la carte a été délivrée à Rawalpindi et remplie par un commis de bureau à cet endroit. Si le problème eut été le seul fait que la carte mentionnait la ville de Bagh au lieu de Gahri, le tribunal aurait peut-être été disposé à accepter l"explication du revendicateur qu"il n"avait pas encore signalé son changement d"adresse au parti. Néanmoins, compte tenu de tous les éléments susmentionnés, le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que la carte de membre du JKPNP du revendicateur n"est pas authentique.
La lettre datée du 7 juillet 1996 mentionne également que le revendicateur vit à Bagh. Les remarques déjà faites sur cette question s"appliquent. L"expert doutait sérieusement de l"authenticité de ce document pour les raisons suivantes : il s"agissait d"une photocopie en couleur, un moyen de reproduction très onéreux, l"en-tête n"était qu"en anglais, le papier était plus épais que le papier dont on se sert normalement pour une lettre devant être pliée dans une enveloppe, et les dimensions du papier correspondaient au papier de type nord-américain et non à celui de type européen, dont on se sert au Pakistan. Se fondant sur son expertise spécialisée, le tribunal est d"accord avec l"avocate du revendicateur que le fait que l"en-tête n"était qu"en anglais n"indique pas que le document n"a pas été produit au Pakistan. Le tribunal a également constaté dans d"autres dossiers du Pakistan que du papier épais était utilisé. Néanmoins, le tribunal est d"accord avec l"expert que le papier utilisé au Pakistan n"a pas les mêmes dimensions que celui dont on se sert en Amérique du Nord. Le tribunal conclut donc, selon la prépondérance des probabilités, que la lettre du JKPNP n"est pas authentique.

[9]      La Commission a conclu que le demandeur [TRADUCTION] " n"a pas établi selon la prépondérance des probabilités qu"il appartient au JKPNP".

LA QUESTION LITIGIEUSE

[10]      La principale question litigieuse que soulève la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la Commission pouvait se fonder sur le rapport de l"" expert " en ce qui concerne l"authenticité de la carte de membre et de la lettre que le demandeur a soumises en plus de sa carte d"identité.


L"ANALYSE

[11]      Dans la présente demande de contrôle judiciaire, je dois déterminer si, compte tenu de la preuve dont disposait la Commission, il était raisonnable de conclure que, de l"avis de la Commission, les documents, selon la prépondérance des probabilités, n"étaient pas authentiques.

[12]      J"ai lu toutes les observations écrites et entendu les plaidoiries.

[13]      Je suis convaincu que la Commission pouvait accepter l"avis de l"expert en ce qui concerne les documents.

[14]      J"aurais peut-être tirer une autre conclusion, mais il ne m"appartient pas de substituer mon opinion à celle de la Commission.

[15]      Les documents ont été examinés par les services de renseignements canadiens. Il se peut que l"agent des services de renseignements canadiens n"était pas un expert de la politique pakistanaise, mais cela ne l"empêchait pas de donner son avis sur les documents qu"il devait examiner.

[16]      En ce qui concerne la question de savoir si la personne qui a examiné les documents est un expert ou non, je peux simplement dire que la Commission a considéré, comme il lui était loisible de faire, que cette personne était un expert (voir les pages 145 à 154 du dossier du tribunal, qui contiennent le rapport de l"expert).

[17]      Outre sa conclusion relative à l"authenticité des documents produits, la Commission a également douté de la crédibilité du demandeur pour ce qui est de son implication au sein du Parti.

[18]      Je ne vois aucune raison d"intervenir en ce qui concerne la décision de la Commission.

LA CONCLUSION

[19]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[20]      Aucune question à certifier n"a été proposée.

                                 " Max M. Teitelbaum "

                                     J.C.F.C.



Ottawa (Ontario)

Le 20 août 1999.




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                      IMM-3721-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              ABDUL RAFI MIR c. MCI


LIEU DE L"AUDIENCE :                  MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L"AUDIENCE :                  le 2 juin 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :                      20 août 1999


ONT COMPARU :


Claudette Menghile                              POUR LE DEMANDEUR

Lisa Maziade                                  POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Claudette Menghile

Montréal (Québec)                              POUR LE DEMANDEUR


M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                      POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.