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     IMM-3602-97

Entre

     BEHBOUD SAADATKHANI,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

         Que la version révisée ci-jointe de la transcription des motifs d'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience, tenue à Toronto (Ontario) le 22 octobre 1998, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                             F.C. Muldoon

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

Le 22 décembre 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet


     IMM-3602-97

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

ENTRE

     BEHBOUD SAADATKHANH,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

    

AUDIENCE TENUE DEVANT : Monsieur le juge Muldoon

AUDIENCE TENUE À :          330, av. University, 8e étage, salle                      d'audience 1, Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      Le 22 octobre 1998

GREFFIER :              Sandra McPherson

STÉNOGRAPHE :              Robert Dudley, CVR

VOLUME :                  EXTRAIT


ONT COMPARU :

    

MAX CHAUDHARY              pour le demandeur

JEREMIAH EASTMAN          pour le défendeur


     INDEX DES PROCÉDURES

     Pages

MOTIFS DU JUGEMENT........                              1-9

     Motifs

         LE JUGE : Eh bien, dans l'examen de la décision de la SSR, la Cour est convaincue qu'au moins elle n'est pas fondée. On pourrait aller plus loin et dire que la Cour est convaincue qu'elle est fondée. Il y a eu discussion de la décision apparemment non publiée de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Jian Yu Yang c. M.E.I, dossier A-185-92, en date du 25 janvier 1995, une décision très brève, et peut-être c'est là le seul vice de la décision. Il y est dit :

         [TRADUCTION] "...L'appelant n'a pas réussi à nous persuader que la Commission (la SSR s'entend) avait agi de façon abusive en mettant en doute la plausibilité du compte rendu, par le revendicateur, du principal incident qu'il invoque à l'appui de sa demande. Si la Commission ne croit pas que cet incident principal est survenu, comme c'est clairement le cas, les autres erreurs reprochées à la Commission n'ont aucune pertinence...".

J'interprète, et quiconque en prend connaissance devra interpréter, cela comme signifiant les autres erreurs reprochées à la Commission en l'espèce. Il y a eu discussion entre la Cour et l'avocat du défendeur, et la Cour a dit que si les autres erreurs reprochées étaient toutes des erreurs, si la SSR n'avait pas à juste titre décidé quelque chose d'autre, elle n'aurait probablement pas dû...la Cour ne devrait pas avoir confiance en une telle décision. Mais tel n'était pas le cas en l'espèce. Il s'agissait d'une question théorique. L'espèce persuade la Cour que la SSR a à juste titre statué sur tous les autres points.

         Les questions de crédibilité ont été discutées en certains détails pour déterminer si les conclusions de la SSR étaient abusives. Le tribunal a rejeté les revendications de la famille pour défaut de crédibilité dans leur récit. La SSR a relevé plusieurs inconsistances, Me Eastman a parlé de huit, et des invraisemblances qui, à elles seules, peuvent ne pas vicier les revendications de la famille mais qui le font si elles sont considérées en concert.

         Le changement de récit concernant l'urgence, question de vie et de mort, d'obtenir des médicaments pour sa femme, était d'une importance capitale, compte tenu du formulaire de renseignements personnels, pour le témoignage devant la SSR. Et, il est vrai qu'aucune explication crédible, vraisemblable n'a été donnée, parce qu'il s'agit d'un changement capital. Lorsqu'on agit pour sauver la vie d'une femme bien aimée, pour trouver un médicament, on n'a pas le loisir de s'arrêter pour participer à une manifestation. Et, bien entendu, l'humanité générale pourrait dicter que vous conduisiez la personne blessée à l'hôpital, mais on n'a pas ce temps parce qu'il existe une autre vie, plus importante, qui est en danger. Mais, ce n'est pas quelque chose au sujet duquel on commet une erreur. Ce n'est pas quelque chose... et la Commission en a effectivement tenu compte et de façon sérieuse d'ailleurs.

         Le tribunal a jugé qu'il était invraisemblable que le demandeur s'arrête pour participer à une manifestation, passant environ de 35 à 40 minutes avant de se rendre au bazar pour obtenir le médicament si nécessaire à la sa femme. Son témoignage ne correspondait pas, bien entendu, à son FRP. Dans ce dernier, il a dit que c'était urgent et que la vie de sa femme était en danger. Dans son témoignage, il a nié toute idée d'urgence.

         Le tribunal a jugé son témoignage de vive voix incompatible avec l'état de sa femme décrit dans le FRP. Il a expliqué que le FRP contenait une erreur, mais que ce n'était pas une erreur importante. Mais l'idée d'urgence a été mentionnée deux fois dans le FRP, comme M. Bubrin, membre de la SSR l'a souligné. Donc, il n'est pas question de mauvaise interprétation ou d'erreur. On a mentionné deux fois que c'était urgent.

         Le tribunal a fait état de la preuve documentaire concernant la date et l'heure des événements dans la manifestation. Cette preuve contredit apparemment le témoignage du demandeur. Le tribunal a conclu que le présumé comportement du revendicateur consistant à se joindre à la manifestation était invraisemblable. Il ne savait pas qui avait organisé la manifestation ni le but de celle-ci, sauf à dire que c'était une manifestation contre un gouvernement imprévoyant pour des choses qui manquaient, et c'était une manifestation à caractère économique. Mais, bien entendu, dans le cas du comportement d'un gouvernement, et particulièrement d'un gouvernement totalitaire, théocratique, une manifestation économique est de nature politique.

         Le demandeur a dit qu'il s'était joint à la foule en raison de sa frustration causée par sa recherche infructueuse quant à l'exécution de l'ordonnance, et de sa colère contre le gouvernement. C'était cela? Était-il certain qu'il allait obtenir de façon imminente ce médicament de quelqu'un au bazar?

         Le tribunal n'a pas cru son mobile, étant donné son témoignage selon lequel l'état de sa femme n'était pas dangereux, c'est-à-dire son témoignage de vive voix, il allait chercher le médicament et les pharmacies étaient fermées à cause de la saison des vacances, et non à cause du gouvernement.

         Le tribunal a douté de la vraisemblance de la revendication du demandeur même si ce dernier avait été politiquement inactif depuis 1979, qui est l'année de la révolution islamique, il s'était joint à une manifestation au sujet de laquelle il ne savait rien, dans un pays répressif où de sérieuses conséquences étaient possibles.

         Cela a conduit le tribunal à conclure que le récit du demandeur ne sonnait pas juste.

         La principale raison invoquée par la SSR pour étayer sa décision défavorable sur la revendication du demandeur est le défaut de crédibilité. Le tribunal a apprécié le témoignage quant à la cohérence, au caractère rationnel, au bon sens, et elle a expliqué les motifs de sa décision. La SSR a cité plusieurs exemples dans lesquels elle a trouvé des invraisemblances et des inconsistances dans le témoignage du demandeur. Elle a noté la différence entre le témoignage de vive voix du demandeur et son FRP écrit concernant la gravité de l'état de sa femme après l'intervention chirurgicale, ainsi qu'il a été mentionné. Le tribunal a jugé le témoignage incompatible avec la tentative du demandeur de trouver le médicament requis, tentative dont il a dit qu'elle l'avait amené à se sentir si frustré et fâché qu'il ne pouvait laisser passer l'occasion de se joindre à une manifestation au sujet de laquelle il ne savait pas grand-chose à ce moment-là. Le tribunal a expressément conclu que la participation du demandeur à la manifestation était peu vraisemblable.

         La preuve documentaire notée par le tribunal contredisait la version du demandeur de la manifestation relativement à la date et à l'heure de celle-ci. Dans l'arrêt Aguebor c. MEI, (1994) 160 N.R. 315, le juge Décary s'est prononcé au nom de la Cour,

         "...Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire."

         Les conclusions quant à la crédibilité relèvent complètement du tribunal, et doivent faire l'objet d'une déférence considérable à l'occasion du contrôle judiciaire. On ne saurait y toucher du moment qu'elles sont raisonnables et étayées par le dossier. On pourrait dire, par contraste, que ce matin il y avait une affaire dans laquelle les conclusions de crédibilité tirées par le tribunal étaient si déraisonnables que la Cour les a annulées, même si la décision reposait sur la crédibilité. Mais dans cette affaire, l'avocat du demandeur, cela dépend de l'affaire que vous avez, a pu démolir chacune des conclusions. Il les a anéanties et il a démontré qu'elles n'étaient pas raisonnables.

         Tel n'est pas le cas de l'espèce. En l'espèce, la SSR a exercé sa compétence lorsqu'elle a tiré des conclusions de non-crédibilité à l'égard de la revendication du demandeur. Ces conclusions ont été dûment notées et énumérées dans les motifs du tribunal. L'incident central, c'est-à-dire la participation du demandeur à la manifestation, n'a pas été cru par le tribunal de la SSR, bien que celui-ci ait effectivement noté que cette manifestation particulière avait en fait eu lieu.

         Les conclusions du tribunal sont raisonnables, et elles sont étayées par le dossier. Ainsi donc, les conclusions tirées par la SSR quant à la crédibilité et à la vraisemblance donnent lieu au rejet de la revendication du demandeur. C'est à regret que la Cour va rejeter la demande. Il n'existe aucune question grave à certifier.

         Et la Cour a une autre chose à ajouter : De l'avis de la Cour, aucune partie n'a à être mécontente des efforts de son avocat. L'avocat doit accepter l'affaire telle qu'elle est. Parfois, l'avocat est presque persuasif en surmontant les difficultés, mais, en fin de compte, pour une cause difficile à défendre, il n'y peut rien. Je n'ai jamais vu une affaire qui est si claire. Peut-être s'agit-il d'une exagération, mais il s'agissait d'une affaire claire, à mon avis, et l'avocat du demandeur a fait de son mieux pour la mener à bien, mais, en fin de compte, la demande d'annulation de la décision de la SSR doit être rejetée.

         Y a-t-il des questions? Merci. La séance de la Cour va être levée.

---L'ajournement a eu lieu à 16 h 25.

    

Je certifie que ce qui précède est une transcription aussi fidèle et exacte que possible des procédures tenues en l'espèce devant moi le 22 octobre 1998.

             Certifié conforme

                

                     Robert Dudley

                     Sténographe judiciaire

    

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-3602-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Behboud Saadatkhani. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 22 octobre 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :              Le juge Muldoon

EN DATE DU                      22 décembre 1998

ONT COMPARU :

    Max Chaudhary              pour le demandeur
    Jeremiah Eastman              pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Max Chaudhary                       pour le demandeur
    Toronto (Ontario)
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur
            
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