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Date : 20021114

Dossier : IMM-2204-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1184

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                          AMARVIR SINGH REKHI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas (l'AV), un représentant du défendeur. L'AV a rendu une décision refusant la demande de résidence permanente au Canada du demandeur.


LA QUESTION EN LITIGE

[2]                 Est-ce que l'AV a effectué des évaluations déraisonnables, non justifiées par les éléments de preuve dont il disposait, relativement à l'un ou l'autre des facteurs pour lesquels des points d'appréciations sont obtenus?

[3]                 La réponse à cette question est affirmative pour les motifs suivants.

LE CONTEXTE

[4]                 Le demandeur est un citoyen de l'Inde. Il a été reçu en entrevue au Haut-Commissariat du Canada à New Delhi par l'AV Jean Pacheco. Lors de l'entrevue, il a été question des antécédents professionnels du demandeur comme technicien en génie électronique dans le but d'en faire l'évaluation par rapport à la définition de ce métier dans la Classification nationale des professions (CNP). L'AV a, entre autres choses, demandé au demandeur de décrire une journée normale de travail et il lui a posé des questions de base en français. Le demandeur et le défendeur ne s'entendent pas relativement à plusieurs des incidents qui se sont produits au cours de l'audience. Il en sera question dans la section concernant les observations des parties.

LA DÉCISION EN CAUSE

[5]                 Les points d'appréciation accordés pour chacun des critères de sélection énoncés dans le Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement) ont été énumérés de la manière suivante :


Facteur                                                                               Points

Âge (30)                                                                                         10

Demande professionnelle                                                               00

FEF/F.P.S. (formation professionnelle spécialisée)                       15

Expérience                                                                                      00

E.R. (emploi réservé)                                                                      00

Facteur démographique                                                                 08        

Études                                                                                            13        

Anglais                                                                               09

Français                                                                                          00

Personnalité                                                                                     03

Total                                                                                                58

[6]                 La lettre indiquait que le nombre minimum de points requis pour se qualifier était de 65 et que le demandeur n'avait donc pas réussi à se qualifier. L'AV a déclaré dans la lettre que le demandeur n'était pas en mesure de démontrer qu'il avait de l'expérience dans son métier, qu'il avait un emploi réservé au Canada ou qu'il était prêt à travailler dans une « profession désignée » . C'est pour ces motifs qu'aucun point n'a été accordé pour le facteur demande professionnelle.

LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES


[7]                 Les paragraphes 8(1) et 11(1) du Règlement sont pertinents. Le document intitulé A Description of Relevant Passages mentionne ces paragraphes du Règlement, de même que l'alinéa 10(1)b). Le paragraphe 9(4) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), y est également mentionné. Il faut aussi noter les paragraphes 6(1) et 8(1). Par conséquent, ils sont également reproduits ci-dessous.

Le Règlement


8. (1) Sous réserve de l'article 11.1, afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge, à l'exception d'un parent, d'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller et d'un immigrant qui entend résider au Québec, pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant ou, au choix de ce dernier, son conjoint :

8. (1) Subject to section 11.1, for the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependants, other than a member of the family class, a Convention refugee seeking resettlement or an immigrant who intends to reside in the Province of Quebec, will be able to become successfully established in Canada, a visa officer shall assess that immigrant or, at the option of the immigrant, the spouse of that immigrant

a) dans le cas d'un immigrant qui n'est pas visé aux alinéas b) ou c), suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I;

[...]

(a) in the case of an immigrant, other than an immigrant described in paragraph (b) or (c), on the basis of each of the factors listed in column I of Schedule I;

[...]

10. (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (1.2) et de l'article 11, lorsqu'un parent aidé présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'aux personnes à sa charge qui l'accompagnent si les conditions suivantes sont réunies :

[...]

10. (1) Subject to subsections (1.1) and (1.2) and section 11, where an assisted relative makes an application for an immigrant visa, a visa officer may issue an immigrant visa to the assisted relative and accompanying dependants of the assisted relative if [...]

b) dans le cas du parent aidé qui entend résider au Canada ailleurs qu'au Québec, sur la base de l'appréciation visée à l'article 8, le parent aidé obtient au moins 65 points d'appréciation [...].

(b) in the case of an assisted relative who intends to reside in a place other than the Province of Quebec, on the basis of an assessment made in accordance with section 8, the assisted relative is awarded at least 65 units of assessment [...].

11. (1) Sous réserve des paragraphes (3) et (5), l'agent des visas ne peut délivrer un visa d'immigrant selon les paragraphes 9(1) ou 10(1) ou (1.1) à l'immigrant qui est apprécié suivant les facteurs énumérés à la colonne I de l'annexe I et qui n'obtient aucun point d'appréciation pour le facteur visé à l'article 3 de cette annexe, à moins que l'immigrant :

11. (1) Subject to subsections (3) and (5), a visa officer shall not issue an immigrant visa pursuant to subsection 9(1) or 10(1) or (1.1) to an immigrant who is assessed on the basis of factors listed in column I of Schedule I and is not awarded any units of assessment for the factor set out in item 3 thereof unless the immigrant


a) n'ait un emploi réservé au Canada et ne possède une attestation écrite de l'employeur éventuel confirmant qu'il est disposé à engager une personne inexpérimentée pour occuper ce poste, et que l'agent des visas ne soit convaincu que l'intéressé accomplira le travail voulu sans avoir nécessairement de l'expérience; ou

(a) has arranged employment in Canada and has a written statement from the proposed employer verifying that he is willing to employ an inexperienced person in the position in which the person is to be employed, and the visa officer is satisfied that the person can perform the work required without experience; orb) ne possède les compétences voulues pour exercer un emploi dans une profession désignée, et ne soit disposé à le faire.

(b) is qualified for and is prepared to engage in employment in a designated occupation.


La Loi


6. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, tout immigrant, notamment tout réfugié au sens de la Convention, ainsi que toutes les personnes à sa charge peuvent obtenir le droit d'établissement si l'agent d'immigration est convaincu que l'immigrant satisfait aux normes réglementaires de sélection visant à déterminer s'il pourra ou non réussir son installation au Canada, au sens des règlements, et si oui, dans quelle mesure.

6. (1) Subject to this Act and the regulations, any immigrant, including a Convention refugee, and all dependants, if any, may be granted landing if it is established to the satisfaction of an immigration officer that the immigrant meets the selection standards established by the regulations for the purpose of determining whether or not and the degree to which the immigrant will be able to become successfully established in Canada, as determined in accordance with the regulations.

8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

8. (1) Where a person seeks to come into Canada, the burden of proving that that person has a right to come into Canada or that his admission would not be contrary to this Act or the regulations rests on that person.

9. (4) Sous réserve du paragraphe (5), l'agent des visas qui est convaincu que l'établissement ou le séjour au Canada du demandeur et des personnes à sa charge ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements peut délivrer à ce dernier et aux personnes à charge qui l'accompagnent un visa précisant leur qualité d'immigrant ou de visiteur et attestant qu'à son avis, ils satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements.

9. (4) Subject to subsection (5), where a visa officer is satisfied that it would not be contrary to this Act or the regulations to grant landing or entry, as the case may be, to a person who has made an application pursuant to subsection (1) and to the person's dependants, the visa officer may issue a visa to that person and to each of that person's accompanying dependants for the purpose of identifying the holder thereof as an immigrant or a visitor, as the case may be, who, in the opinion of the visa officer, meets the requirements of this Act and the regulations.


LES OBSERVATIONS DES PARTIES

Le demandeur

[8]                 Le demandeur prétend que la décision de l'AV est déraisonnable et que des facteurs pertinents n'ont pas été pris en compte.

[9]                 Le demandeur prétend que l'AV a ignoré ses antécédents professionnels. Il conteste la prétention de l'AV selon laquelle l'adjointe aux programmes au Haut-Commissariat, Mme Shalini Agrewal, n'a pu joindre personne chez son employeur d'alors pouvant parler de lui. Le demandeur affirme qu'un gestionnaire à son travail avait été contacté et que celui-ci avait écrit une lettre confirmant cette communication de la part du Haut-Commissariat du Canada.

[10]            L'AV n'a pas fait état des motifs pour lesquels il n'avait pas tenu compte des antécédents professionnels du demandeur avec les sociétés pour lesquelles il avait travaillé avant l'employeur où il travaillait à l'époque de sa demande.

[11]            Le demandeur conteste également la prétention de l'AV selon laquelle il avait simplement récité la description du CNP lorsqu'on lui avait demandé de décrire ses tâches. Le demandeur insiste sur le fait qu'il s'était préparé sans avocat en vue de l'entrevue et que jamais personne ne lui avait indiqué comment répondre aux questions lors de l'entrevue.

[12]            Selon le demandeur, il n'a jamais dit à l'AV que la présence de son frère au Canada constituait sa principale motivation pour venir au Canada.


[13]            Le demandeur conclut en contestant les conclusions de l'AV relativement à sa capacité de parler et de comprendre le français. Entre autres choses, il insiste sur le fait que le certificat qu'il a reçu de l'Alliance française est authentique et non fabriqué comme l'a prétendu l'AV.

Le défendeur

[14]            Le défendeur s'appuie en grande partie sur l'affidavit de l'AV, lequel se fonde principalement sur les notes que l'AV a entrées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI). L'AV soutient que le demandeur a simplement répété la description de travail contenue dans le CNP lorsqu'on lui a demandé de décrire ses tâches dans les entreprises pour lesquelles il avait travaillé. Il a fourni la même description lorsqu'on lui a demandé de décrire une journée normale de travail dans l'une de ces sociétés.

[15]            Une adjointe au Haut-Commissariat a tenté de communiquer avec l'une de ces sociétés au nom de l'AV, mais personne de cette société n'a été en mesure de lui parler relativement au demandeur. L'AV a également mis en doute l'authenticité des lettres fournies par le demandeur qui étaient censées provenir de ses employeurs. Ces facteurs ont mené à la conclusion qu'aucun point d'appréciation ne devait être accordé au demandeur pour l'expérience de travail.


[16]            L'AV a également noté que le demandeur éprouvait des problèmes avec le français. Il lui a accordé trois points pour la personnalité, en raison de l'absence de motivation et de connaissances sur le Canada de la part du demandeur, selon ce qu'a perçu l'AV lors de l'entrevue.

[17]            Le défendeur allègue que l'évaluation de zéro point relative à l'expérience de travail n'était pas déraisonnable. Cela se justifiait étant donné les réponses du demandeur et son incapacité à fournir des éléments de preuve relativement à ses antécédents. Il s'ensuit automatiquement qu'aucun point ne devait être accordé pour la catégorie demande professionnelle.

[18]            L'AV n'était pas tenu d'évaluer le demandeur en fonction d'une autre profession. L'AV n'a pas le devoir de chercher d'autres professions pour lesquelles le demandeur peut être qualifié.

[19]            Concernant leurs affidavits respectifs, le défendeur allègue que l'on devrait accorder plus de valeur à celui de l'AV, puisqu'il l'a préparé en se fondant sur les notes du STIDI prises au cours de l'entrevue. Le défendeur aborde ensuite la personnalité, notant que le demandeur n'avait pas démontré les qualités nécessaires afin d'obtenir plus de trois points d'appréciation. Il est en outre allégué qu'aucune erreur de droit n'a été commise à cet égard; cela relève du pouvoir discrétionnaire de l'AV et la Cour ne devrait pas intervenir à moins que le pouvoir discrétionnaire n'ait été clairement exercé de manière erronée.

[20]            Le demandeur doit faire plus que d'établir que la Cour aurait pu en venir à une conclusion différente de celle de l'AV; il doit exister une erreur de droit apparente au vu du dossier ou un manquement à l'obligation d'équité qui est appropriée à l'évaluation.

ANALYSE

La norme de contrôle

[21]            En général, la Cour n'interviendra pas à l'égard des évaluations d'un AV concernant un demandeur visant à obtenir la résidence permanente au Canada. Dans la décision Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 182 F.T.R. 251 (C.F. 1re inst.), la Cour a expliqué en résumé la norme de contrôle qui s'applique aux décisions des agents des visas. La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.) (QL), a noté le passage suivant de l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8 :

[...] C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. [...]


[22]            Selon l'opinion exprimée par le juge Reed dans le paragraphe 20 de la décision Liu, précitée, l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, lequel avait été rendu peu de temps avant l'audition de l'affaire Liu, n'a pas modifié cette règle :

À mon avis, l'arrêt Baker n'apporte pas de modification fondamentale pour ce qui est de la norme de contrôle applicable. Les juges majoritaires dans cet arrêt ont conclu qu'il convient d'adopter une démarche pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle applicable dans un cas donné, une démarche qui a été décrite dans plusieurs arrêts antérieurs de la Cour suprême. Cette démarche mène à soupeser un certain nombre de facteurs. [...]

[23]            Dans le cas d'un AV, les décisions sont hautement factuelles et presque entièrement dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de cet agent. Un barème a été établi pour l'attribution des points dans l'annexe I du Règlement dans le but d'en arriver à une certaine uniformité parmi les AV canadiens partout dans le monde. Cependant, c'est l'AV seul qui, pour la majeure partie, examine la preuve documentaire et qui parle au demandeur, observant ainsi l'aptitude à communiquer et le comportement du demandeur. Dans la mesure ou l'AV exerce son pouvoir discrétionnaire à l'intérieur du large éventail accordé aux AV, la Cour doit s'abstenir d'annuler la décision, à moins que l'AV ait agi de mauvaise foi ou qu'il ait basé sa décision sur des considérations inappropriées.

[24]            Les considérations factuelles en l'espèce : il y a au moins quelques-unes des évaluations faites par l'AV à l'égard du demandeur qui sont fondées sur des considérations qu'il avait le droit de prendre en compte. Le demandeur ne conteste pas le nombre de points d'appréciation qu'il a obtenus pour les facteurs âge, formation professionnelle spécialisée, pour le facteur démographique, l'âge, les études et l'anglais. Aucune observation n'a été formulée remettant ces facteurs en question.


[25]            Quant aux observations du demandeur concernant les points qu'il a obtenus pour le français, cette évaluation ne devrait pas être révisée. L'AV affirme que le demandeur ne pouvait pas répondre à des questions simples comme « Comment allez-vous? » et qu'il avait des difficultés à lire des passages en français ou à raconter son voyage dans cette langue. Cette évaluation devrait donc être maintenue.

[26]            Les principaux facteurs en litige sont les antécédents professionnels, la demande professionnelle et la personnalité. Ceux-ci font l'objet de l'analyse qui suit. Avant de les examiner, il est important de noter que les parties ne s'entendent pas sur la valeur qui devrait être donnée aux affidavits respectifs. Le défendeur fait remarquer que M. le juge Gibson de notre Cour a déclaré dans la décision Sehgal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 212, que, d'après lui, l'affidavit de l'AV l'emportait sur celui du demandeur en raison du fait que l'AV s'était préparé en se référant aux notes du STIDI prises lors de l'entrevue, alors que le demandeur avait été assermenté des mois après l'entrevue sans qu'il n'y ait de preuve que son affidavit était basé sur des notes prises le jour de l'entrevue.


[27]            Des documents démontrent cependant que l'AV a commis une erreur en ne prenant pas correctement en compte les éléments de preuve du demandeur en ce qui a trait à ses antécédents professionnels. En fait, le demandeur a donné des détails relativement à ses antécédents professionnels chez Telenet Services, Weigh Systems et Punwire. Dans les notes du STIDI, l'AV ne mentionne que Telenet Services.

[28]            Selon l'AV, lorsqu'on lui a demandé de définir ses tâches, le demandeur n'avait fait que réciter les critères contenus dans la description de la CNP.

[29]            En outre, l'affirmation de la part de l'AV selon laquelle quelqu'un avait indiqué au demandeur comment répondre est peu plausible compte tenu des circonstances. Dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur a affirmé qu'il ne pouvait pas retenir les services d'un avocat ni venir au Canada relativement à sa demande de contrôle judiciaire en raison d'un manque de fonds. Étant donné ces considérations et vu qu'il n'y a aucune allégation selon laquelle on aurait indiqué au demandeur comment répondre à l'une ou l'autre des questions ayant trait aux autres facteurs évalués, on ne peut raisonnablement écarter ses affirmations au sujet de ses antécédents professionnels en prétextant qu'on lui avait indiqué comment répondre.

[30]            De telles présomptions de la part de l'AV ont influencé le résultat de son évaluation relativement aux antécédents professionnels du demandeur. Les lettres de recommandation présentées par le demandeur à titre d'éléments de preuve de ses antécédents professionnels ont été rejetées comme n'étant pas authentiques. L'AV n'a aucunement mentionné dans sa lettre de refus adressée au demandeur, ou dans son affidavit, la raison pour laquelle il avait conclu que les lettres de recommandation n'étaient pas crédibles.


[31]            En ce qui a trait aux tentatives de téléphoner à l'employeur du demandeur, il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve quant aux numéros appelés et au nombre de fois qu'il y a eu des tentatives de communication. En outre, le demandeur a affirmé dans son affidavit que le gestionnaire de son lieu de travail avait confirmé, par lettre déposée dans le dossier, qu'il n'avait reçu qu'un seul appel. La Cour n'est pas sur le point d'exiger que des copies papier de tous les registres téléphoniques soient conservées comme preuve que les appels ont eu lieu, mais étant donné les allégations du demandeur, on s'attendrait à ce que le défendeur, s'il désirait contrer ces allégations, fournisse des éléments de preuve. Cela aurait été souhaitable nonobstant le fait que l'allégation du demandeur à cet égard soit effectivement fondée sur une preuve par ouï-dire.

[32]            En fin de compte, dans la mesure ou l'AV a écarté à tort des éléments de preuve qui lui avaient été présentés et qui auraient dû être pris en considération, il a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui, non seulement n'était pas justifiable, mais a causé un préjudice au demandeur. L'attribution des points à ces facteurs, ou la décision de ne pas en accorder, constituait par conséquent une erreur.


[33]            L'AV a, dans sa lettre de refus, fait référence à l'article 10.1. Cet article n'est pas pertinent à l'égard de la demande du demandeur en l'espèce; bien qu'il puisse avoir fait référence au fait que son frère vit au Canada, la preuve ne donne aucunement à penser qu'il cherchait à entrer au Canada pour y vivre avec l'aide de son frère. Il a formulé sa demande en tant que demandeur indépendant. Le demandeur nie énergiquement la déclaration de l'AV selon laquelle il aurait dit que le seul motif de sa venue au Canada était d'être avec son frère. Dans la mesure où l'AV a accordé trop d'importance à l'influence que la présence de son frère au Canada avait sur le demandeur, l'AV en est venu à une conclusion erronée.

[34]            Vu les considérations qui précèdent, les conclusions auxquelles l'AV en est arrivé et les moyens qu'il a pris pour y arriver étaient déraisonnables. La Cour est justifiée d'annuler cette décision et de renvoyer l'affaire à un AV différent pour que celui-ci procède à un nouvel examen.

[35]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à un AV différent pour qu'il procède à un nouvel examen.

[36]            Les parties n'ont pas soulevé de question grave de portée générale au sens de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Par conséquent, aucune question grave de portée générale ne sera certifiée.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                    La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.                    L'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il procède à un nouvel examen;

3.                    Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

                                                                                    « Michel Beaudry »            

                                                                                                             Juge                      

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-2204-01

INTITULÉ :                                           AMARVIR SINGH REKHI et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 3 octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                        Le 14 novembre 2002

COMPARUTIONS :

Jaswant Singh Mangat                         POUR LE DEMANDEUR

Michael Butterfield

Ministère de la Justice                          POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                                                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jaswant Singh Mangat                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


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