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     Date : 19981105

     Dossier : T-85-98

     T-86-98

     T-85-98

ENTRE :

     DAVID WILLIAM LORD,

     demandeur,

     - et -

     SERVICES CORRECTIONNELS DU CANADA,

     DIANE KNOPF, CHEF D'UNITÉ, BRENDA LAMB,

     CHEF D'UNITÉ et LE COMITÉ D'EXAMEN DES VISITES

     DE L'ÉTABLISSEMENT DE KENT,

     défendeurs.

     T-86-98

ET ENTRE :

     CORALEE REBECCA LORD,

     demanderesse,

     - et -

     SERVICES CORRECTIONNELS DU CANADA,

     DIANE KNOPF, CHEF D'UNITÉ, BRENDA LAMB,

     CHEF D'UNITÉ et LE COMITÉ D'EXAMEN DES VISITES

     DE L'ÉTABLISSEMENT DE KENT,

     défendeurs.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON

[1]      Les demandeurs, David Lord et Coralee Lord, sont le père et la soeur de Derik Lord qui était détenu à l'Établissement de Kent. La question en litige se rapporte à des visites familiales effectuées par David Lord et Coralee Lord. Le directeur d'établissement et le Comité d'examen des visites qui a tenu une audience le 11 juin 1997 ont suspendu les privilèges de visite des deux demandeurs à l'Établissement de Kent.

[2]      La demande de contrôle judiciaire soulève plusieurs questions, la principale étant celle de savoir s'il y a eu atteinte aux droits que la Charte garantit à David Lord et Coralee Lord du fait de la suppression de leurs privilèges de visite familiale. M. Lord a soutenu que les droits qui leur sont garantis par l'alinéa 2d) de la Charte avaient été violés en l'espèce.

[3]      Au début de l'audition de la demande de contrôle judiciaire, l'avocat des défendeurs a indiqué que la présente demande avait un caractère théorique. Il a mentionné qu'il y a environ sept mois, Derik Lord avait été transféré de l'Établissement de Kent à l'Établissement de Matsqui. Il a également déclaré, ce que M. Lord a reconnu, que M. Lord et sa fille peuvent effectuer ce qu'on appelle des visites spéciales, mais ne sont pas encore autorisés à effectuer des visites-contacts à l'Établissement de Matsqui. L'avocat des défendeurs soutient que M. Lord ne peut pas effectuer des visites-contacts à cause de ce qui s'est passé à l'Établissement de Kent.

[4]      À l'audience, j'ai statué que la demande de contrôle judiciaire était théorique. Bien que les demandeurs aient prétendu que les droits que leur garantit la Charte étaient encore violés parce qu'ils ont seulement des privilèges de visite spéciale et non des privilèges de visite-contact, j'ai déclaré que la Cour n'avait été saisie d'aucun dossier en fonction duquel elle pouvait connaître d'une demande de contrôle judiciaire concernant l'Établissement de Matsqui. J'ai indiqué à M. Lord qu'il faudrait qu'il présente une autre demande de contrôle judiciaire s'il était toujours d'avis qu'il y avait atteinte aux droits que lui garantit la Charte.

LE CARACTÈRE THÉORIQUE

[5]      La question du caractère théorique a été soulevée par l'avocat des défendeurs. M. Lord a soutenu qu'il y avait encore des questions que la Cour devrait examiner. Je ne suis pas de cet avis pour les motifs suivants.

[6]      Le juge Sopinka a traité la question du caractère théorique dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, à la page 353 :

     La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique.         

Le juge Sopinka a exposé la démarche que les tribunaux devraient suivre pour établir le caractère théorique aux pages 353 et 354 :

     En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. [...] Dans l'arrêt The King ex rel. Tolfree v. Clark, [1944] R.C.S. 69, [...] [l]e juge en chef Duff, au nom de la Cour, dit à la p. 72 :         
         [traduction] Il s'agit d'une de ces affaires où les circonstances auxquelles les procédures des tribunaux d'instance inférieure se rapportent et sur lesquelles elles sont fondées n'existent plus, le substratum du litige a disparu. Selon les principes reconnus, il n'est plus possible de connaître du pourvoi.                 

[7]      De toute évidence, une affaire qui a des répercussions constitutionnelles importantes ne devrait pas être examinée dans l'abstrait. Même si la question peut fort bien être importante pour les demandeurs, elle doit être examinée uniquement dans le contexte des faits pertinents, et ces faits n'ont pas été soumis à la Cour.

[8]      Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                 (S) " Howard I. Wetston "

                                         Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 5 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 3 novembre 1998

NUMÉRO DU GREFFE :                  T-86-98 et T-85-98

INTITULÉ :                          Lord

                             c.

                             Services correctionnels du Canada et autres
LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE WETSTON

en date du 5 novembre 1998

COMPARUTIONS :

     Coralee Lord                      en son nom personnel

     David Lord                      en son nom personnel

     Ron Yamanouchi                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Morris Rosenberg                  pour le défendeur

     Sous-procureur général

     du Canada

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