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Date : 20050520

Dossier : IMM-4292-04

Référence : 2005 CF 713

Ottawa (Ontario), le 20 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON                               

ENTRE :

                                                MURALITHARAN NADARAJAH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                       LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le 5 avril 2004, le représentant du ministre a statué que [traduction] « il n'y a pas suffisamment de preuves, selon la prépondérance de la preuve, pour conclure que M. Nadarajah serait exposé au risque d'être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités au sens de l'article 97 de la Loi [Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27] s'il était renvoyé au Sri Lanka » . Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de ladite décision.


CONTEXTE

[2]                M. Nadarajah - aussi appelé « Murali » - est né à Inuvil, Jaffna, au Sri Lanka, et est citoyen de ce pays. Il soutient qu'en 1984 il a été arrêté, détenu et torturé par l'armée du Sri Lanka qui cherchait à obtenir des renseignements au sujet des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET). Il a passé quelque deux ans dans des prisons et des camps de détention et il soutient avoir été battu et torturé pendant cette période. Lorsqu'il est tombé malade, on l'a hospitalisé et il a été par la suite reconnu coupable d'avoir omis de fournir des renseignements. Il a passé en tout 31 mois en prison.

[3]                Il est retourné à Jaffna, mais a été obligé de déménager trois fois et a finalement fui en Inde. Il a ensuite réussi à se rendre en Suisse, où il a vécu un certain nombre d'années. Au cours d'instances antérieures relatives à M. Nadarajah, il a été établi qu'au moment où il vivait en Suisse, il avait organisé des activités de financement et de propagande à l'appui des TLET. Il a quitté la Suisse après avoir subi un procès où on l'accusait d'être membre d'une organisation criminelle. Il a été acquitté. Il est allé résider en France et, en 1998, sous une fausse identité, il s'est rendu au Canada et y a demandé l'asile.


[4]                La Section du statut de réfugié (SSR) de l'époque a rejeté sa demande. En effet, elle avait établi que M. Nadarajah avait participé directement et sciemment à des crimes commis par les TLET en faisant du financement et de la propagande. Par conséquent, il a été exclu en vertu des alinéas Fa) et c) de l'article premier de la Convention relative au statut des réfugiés pour avoir participé à des crimes contre l'humanité et s'être rendu coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

[5]                Par la suite, la Section d'arbitrage a rendu une décision dans une enquête menée en vertu du paragraphe 27(6) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, maintenant abrogée, concernant les alinéas 27(2)g) et 27(2)a) relatifs à la disposition de non-admissibilité du sous-alinéa 19(1)f)(iii)b) de ladite loi. L'arbitre a conclu que M. Nadarajah fait partie d'une catégorie de personnes non admissibles parce qu'il est membre d'une organisation qui se livre au terrorisme. Aucun élément de preuve n'a convaincu le ministre que son admission ne nuirait pas à l'intérêt national.

[6]                Le 27 novembre 2002, M. Nadarajah a présenté une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR). Il a soutenu être menacé à la fois par les autorités du Sri Lanka et les TLET. Le gouvernement chercherait à l'interroger au sujet de son engagement important auprès des TLET. Quant à ces derniers, a-t-il soutenu avec insistance, ils cherchent à le tuer parce qu'ils le considèrent comme un traître. Il a présenté des documents décrivant la situation politique instable au Sri Lanka.


[7]                L'agent d'ERAR, qui a effectué l'examen initial, a conclu que M. Nadarajah n'avait pas réussi à démontrer qu'il existe des motifs sérieux de croire qu'il serait exposé au risque d'être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Le résultat de l'examen a été transmis à M. Nadarajah qui a été invité à formuler des commentaires au sujet d'erreurs ou d'omissions éventuelles. Il a profité de cette occasion. L'examen initial de l'agent d'ERAR et les commentaires de M. Nadarajah ont été transmis au représentant du ministre.

LA DÉCISION

[8]                Le représentant du ministre a conclu que M. Nadarajah ne serait pas menacé s'il retournait au Sri Lanka. À partir de la preuve documentaire, et malgré des violations isolées du cessez-le-feu entre les autorités du Sri Lanka et les TLET, le représentant a conclu que la situation au Sri Lanka s'est beaucoup améliorée.

[9]                En réponse à l'allégation de M. Nadarajah selon laquelle il serait tué par l'assassin appelé « Shukla » , le représentant du ministre a déclaré que si c'était le cas, M. Nadarajah aurait été tué pendant qu'il se trouvait en Suisse ou au Canada. En effet, pendant les nombreuses années qu'il a passées au Canada, il n'a pas cherché à obtenir la protection de la police canadienne contre cette menace.


[10]            Le représentant du ministre a estimé que l'allégation de M. Nadarajah selon laquelle il craint d'être persécuté par les TLET est [traduction] « fallacieuse » parce qu'il est lui-même un membre important de l'organisation. Les contrôles exercés sur la population tamoule à Colombo ne sont pas rigides au point d'équivaloir à des traitements cruels et inusités. De plus, selon le représentant, puisque M. Nadarajah occupe un poste important au sein des TLET, il est peu probable que la police ou l'armée du Sri Lanka compromette le processus de paix en le traitant de façon incorrecte.

[11]            Le représentant du ministre s'est grandement inspiré d'un jugement de la Cour européenne des droits de l'homme daté du 17 février 2004 (Thampibillai c. Pays-Bas, Cour européenne des droits de l'homme, n ° 61350/00) dans lequel la situation au Sri Lanka a fait l'objet d'un examen approfondi. Il a conclu que [traduction] « l'amélioration de la situation au Sri Lanka ne montre peut-être pas que l'ensemble du pays connaît la paix, mais ces changements sont l'indice de l'établissement imminent d'une solution durable » . Les violations des deux côtés [traduction] « ne montrent pas que le processus de paix a été irrévocablement rompu » . Par conséquent, M. Nadarajah n'avait pas réussi à démontrer, selon la prépondérance de la preuve, qu'il serait exposé à des risques. Le représentant a donc jugé qu'il n'était pas nécessaire d'aborder les actes qu'il avait commis ou le danger qu'il représentait pour la sécurité du Canada.

QUESTIONS EN LITIGE


[12]       Une bonne partie de l'argumentation dans les observations écrites a été consacrée à la question de la norme de preuve pertinente pour l'application de l'article 97 de la Loi. Depuis le dépôt des mémoires, l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2005), 329 N.R. 346 (C.A.F.), autorisation de pourvoi refusée, [2005] S.C.C.A. n ° 119, a été publié et a réglé la question. L'avocat de M. Nadarajah a donc abandonné cet argument à l'audience. Les autres arguments portaient sur trois allégations subtiles d'erreur, soit, précisément, que le représentant du ministre a erré :

a)          en concluant que M. Nadarajah ne serait pas menacé par les TLET,

b)          en contrevenant à l'équité procédurale par l'utilisation d'un jugement de la Cour européenne des droits de l'homme sans permettre à M. Nadarajah de fournir des observations au sujet du contenu de ce jugement,

c)          en omettant de faire la distinction entre le risque subi par les membres importants des TLET (par opposition aux membres ordinaires) après avoir conclu que M. Nadarajah est un membre important de ladite organisation.

LA NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE


[13]            Le juge Martineau a récemment approfondi la question de la norme de contrôle applicable aux décisions des agents d'ERAR dans Figurado c. Canada (Solliciteur général) 2005 C.F. 347. Il concluait, au paragraphe 51, que lorsque la décision est examinée « dans sa totalité » , la norme de contrôle applicable devrait être celle de la décision raisonnable. Cependant, lorsque l'agent d'ERAR tire une conclusion de fait, la Cour « ne devrait pas substituer sa décision à celle de l'agent ERAR sauf si le demandeur a établi que l'agent a tiré la conclusion de fait d'une manière abusive ou arbitraire et sans égard aux éléments de preuve dont il était saisi » . Le juge Mosley, dans Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 C.F. 437, a souscrit à l'analyse du juge Martineau, et j'entends faire de même. Par conséquent, la décision du représentant du ministre, à l'exception des conclusions de fait, sera soumise à un examen assez poussé.

ANALYSE

[14]            À mon avis, la décision, pour les motifs qui suivent, ne résiste pas à un examen assez poussé. La défaillance, grave, concerne le défaut du représentant du ministre de tenir compte des caractéristiques particulières de la situation personnelle de M. Nadarajah, des risques particuliers qu'il court en tant que membre important des TLET et du fait que cette information a été transmise aux autorités du Sri Lanka par l'intermédiaire des médias. Puisque la décision est fondamentalement viciée à cet égard, je n'aborderai que brièvement les autres erreurs alléguées.

RISQUE PROVENANT DES TLET


[15]            Le fondement de la décision du représentant du ministre posant que M. Nadarajah n'a pas à craindre les TLET est la conclusion selon laquelle il est un membre important et en vue des TLET venu au Canada afin de faire du recrutement pour l'organisation. M. Nadarajah soutient que sa présence au pays peut s'expliquer de deux façons. D'une part, il y a l'explication acceptée par le représentant du ministre. D'autre part, il y a l'explication selon laquelle il ne serait plus dans les grâces des TLET parce qu'il a été accusé de détournement de fonds et d'avoir eu une relation non appropriée. Il soutient que des preuves objectives soutiennent la seconde théorie. Selon M. Nadarajah, il ne convenait pas que le représentant du ministre choisisse une explication plutôt que l'autre sans motiver son choix, particulièrement compte tenu du fait que la SSR a accordé peu de poids à la preuve étayant l'explication acceptée par le représentant du ministre.

[16]            Je suis frappée par le fait que M. Nadarajah a un lourd fardeau de preuve à porter à l'égard de cet argument. En effet, le représentant du ministre a tiré une conclusion de fait en choisissant une explication plutôt que l'autre. Le représentant n'était pas lié par le poids que la SSR avait accordé aux mêmes éléments de preuve. En fait, l'arbitre a accordé beaucoup de poids à ces éléments de preuve. L'évaluation de l'agent d'ERAR, qui comprenait l'analyse complète des éléments de preuve concernant les activités de M. Nadarajah liées aux TLET à Toronto, avait été soumise au représentant du ministre. Les éléments de preuve à l'appui de cette conclusion qui avaient été transmis au représentant étaient non seulement nombreux, mais ils étaient aussi substantiels et convaincants. L'allégation de M. Nadarajah selon laquelle [traduction] « le fondement de cette conclusion est inconnu » est fallacieuse.

VIOLATION DE L'ÉQUITÉ PROCÉDURALE


[17]            M. Nadarajah soutient que le représentant du ministre a violé l'équité procédurale en s'appuyant sur le jugement Thampibillai, précité, sans que l'on lui donne la possibilité de répliquer. Il souligne que ce jugement a été rendu un an après la présentation de ses propres observations. Parce que le représentant s'est grandement appuyé sur ce jugement afin d'étayer la conclusion selon laquelle la situation s'était nettement améliorée au Sri Lanka, M. Nadarajah prétend que l'obligation d'agir équitablement aurait exigé que le document lui soit transmis avant et non après qu'une décision soit prise.

[18]            La norme de contrôle dont il a été question plus tôt ne s'applique pas en l'espèce parce que, de façon générale, une violation de l'équité procédurale vicie une décision. La détermination de cette question était régie par les principes formulés dans Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.). Le juge Décary, au paragraphe 26, établit clairement que le simple fait qu'un document soit devenu accessible après le dépôt des observations d'un demandeur ne signifie aucunement qu'il contient de l'information nouvelle ou que cette information est pertinente à l'égard de la décision. « [...] l'obligation de communiquer un document au demandeur se limite aux cas où un agent d'immigration s'appuie sur un document important postérieur aux observations et où ce document fait état de changements survenus dans la situation générale du pays qui risquent d'avoir une incidence sur sa décision. »


[19]            Il est clair que le représentant du ministre s'est appuyé sur le jugement Thampibillai de la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, près d'un tiers de la partie « justificative » de la décision du représentant est consacrée à une discussion de ce jugement. La question est cependant de savoir si le contenu du jugement concerne l'évolution de la situation générale dans le pays et si la décision était « accessible » . À mon avis, le jugement est un document public que l'on peut se procurer facilement en ligne. Même s'il est daté du 14 février 2004 (quelque neuf mois après la présentation des observations de M. Nadarajah le 10 mai 2003), les documents sur la situation du pays résumés dans le jugement ne sont pas postérieurs à la date de présentation des observations de M. Nadarajah, à une seule exception. En effet, le paragraphe 44 du jugement mentionne un document postérieur de 18 jours à la présentation des observations de M. Nadarajah. Le contenu de ce rapport ne contredit pas, directement ou indirectement, les autres rapports sur la situation du pays qui sont mentionnés dans le jugement.

[20]            En résumé, la situation du pays décrite dans Thampibillai, précité, était la même qui existait au moment où M. Nadarajah a présenté ses observations. Le seul document qui fait exception n'est pas une information suffisamment « inédite et importante » , au sens donné à ces termes dans Mancia, précité, pour que sa divulgation soit absolument nécessaire et que l'on donne à M. Nadarajah l'occasion de présenter des observations à ce sujet. Il n'y a donc pas eu violation de l'équité procédurale.

DÉFAUT D'ÉVALUER LES RISQUES VISANT LES MEMBRES IMPORTANTS DES TLET

[21]            M. Nadarajah allègue que le représentant du ministre a commis une erreur en concluant, sur la foi de son statut de membre important des TLET, qu'il ne court pas de risques accrus. Il évoque les documents annexés à son affidavit montrant que plusieurs articles ont été publiés à son sujet dans la presse du Sri Lanka. Dans un de ces articles, un responsable des services de sécurité du pays déclare que M. Nadarajah serait interrogé et détenu s'il revenait au Sri Lanka.

[22]            J'admets avec le défendeur que, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, je ne peux connaître des articles qui n'avaient pas été soumis au représentant du ministre; par conséquent, je n'en tiendrai pas compte. Cela dit, des articles incorporés aux observations de M. Nadarajah établissaient qu'il était connu des autorités du Sri Lanka, exposaient les traitements réservés par l'armée du Sri Lanka à des membres importants des TLET et traitaient de la fragilité du processus de paix.

[23]            Dans Thuraisingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 251 F.T.R. 282 (C.F.), la juge MacTavish a abordé la situation d'un demandeur connu des autorités sri-lankaises à cause de son appartenance présumée à une organisation criminelle au Canada. La GRC avait relié des membres importants de cette organisation aux TLET au Sri Lanka. La juge MacTavish a conclu que, pour cette raison, « à première vue [...] M. Thuraisingam court le risque d'être la cible des autorités sri-lankaises » . Au paragraphe 50, elle s'exprimait en ces termes :

Pour évaluer le risque que courrait M. Thuraisingham s'il était renvoyé au Sri Lanka, le délégué du ministre a examiné la situation générale des réfugiés tamouls qui retournent dans ce pays. Il a conclu que cette situation s'était grandement améliorée et que des mesures étaient prises afin de faciliter la vie des personnes expulsées qui reviennent au Sri Lanka. Il n'a pas pris en compte la situation particulière de M. Thuraisingam ou les risques précis que celui-ci courait d'être la cible des autorités sri-lankaises.

L'affaire a été renvoyée au représentant du ministre à des fins de réévaluation des risques.


[24]            Dans Thanabalasingham c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 C.F. 172, le juge Lemieux a statué que l'analyse du risque effectuée par le représentant du ministre était fondamentalement viciée. Il a noté que sa conclusion était la même que celle à laquelle en était arrivée la juge MacTavish. Selon lui, la lacune dans l'évaluation des risques « se rapporte au fait que la représentante du ministre n'a pas examiné les circonstances particulières de la situation personnelle du demandeur et au risque particulier résultant du fait qu'il était soi-disant le dirigeant d'un gang tamoul à Toronto. Ce gang aurait fourni du soutien aux TLET et ce renseignement avait été communiqué aux autorités sri-lankaises en raison de la couverture médiatique » . L'évaluation des risques a été annulée.

[25]            La seule distinction qui peut être établie entre la jurisprudence citée et la situation en l'espèce est que, sans doute, l'importance de M. Nadarajah comme membre des TLET est nettement plus grande que celle des demandeurs à l'égard desquels les juges MacTavish et Lemieux se sont prononcés. Dans la mesure où la décision viciée du représentant du ministre est concernée, j'estime que cette distinction est un facteur aggravant plutôt qu'atténuant. L'erreur dans la présente affaire est aggravée par le fait que le représentant du ministre s'est appuyé énormément sur le jugement de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans ce jugement, la Cour a conclu qu'il n'avait pas été établi que le demandeur [traduction] « est connu des autorités comme un partisan (présumé) des TLET et que, par conséquent, elles s'intéresseraient particulièrement à lui » (non souligné dans l'original).


[26]            Le représentant du ministre a mentionné pour la forme les [traduction] « nombreuses différences entre les circonstances de cette affaire et celles qui intéressaient M. Nadarajah » , mais n'a pas agi en conséquence. C'est particulièrement troublant lorsque l'on constate qu'au paragraphe 48 du jugement, la Cour mentionne la [traduction] « directive opérationnelle sur le Sri Lanka, émise le 23 juillet 2003 par le Immigration and Nationality Directorate (Asylum and Appeals Policy Directorate) du Home Office du Royaume-Uni » et évoque l'extrait suivant de ce rapport :

[TRADUCTION] Les autorités du Sri Lanka n'attacheront plus d'importance particulière aux personnes ayant offert un appui modeste aux TLET (p. ex. construire des tranchées, offrir nourriture et abri aux combattants des TLET), à celles qui n'ont pas de dossier de police ou criminel ou à celles qui ont été arrêtées dans le passé puis relâchées. Les personnes auxquelles les autorités pourraient continuer à s'intéresser sont celles [...] « qui sont recherchées de façon assez sérieuse » . Cela pourrait désigner les membres importants des TLET encore actifs et influents, et recherchés par les autorités.

[27]            À mon avis, il est incontestable que le profil que le représentant du ministre a tracé de M. Nadarajah correspond parfaitement à la dernière partie de l'extrait cité. Pourtant, le représentant n'en a pas tenu compte. Donc, en l'espèce, le problème ne vient pas du fait que l'agent ait préféré une preuve documentaire à l'autre. Si je fais erreur sur ce point, alors le problème vient de l'absence complète d'explications à cet égard.


[28]            En résumé, l'analyse des risques effectuée par le représentant du ministre ne s'appuyait pas sur la situation personnelle de M. Nadarajah. Le représentant a tiré la conclusion que M. Nadarajah était un membre important et en vue des TLET et que, à l'exception d'une autre conclusion évoquée dans le paragraphe suivant, il n'a pas tenu compte de cette conclusion et il ne l'a pas reliée aux rapports sur la situation dans le pays. Pour ces motifs, la décision ne résiste pas à un examen assez poussé et ne peut être maintenue. Ma conclusion aurait été la même si j'avais appliqué, à la demande du défendeur, la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable.

[29]            Une autre conclusion mérite que l'on s'y attarde. Dans la portion « justificative » des motifs, le représentant du ministre énonce ce qui suit : [traduction] « M. Nadarajah est un membre important des TLET; il serait difficile de donner foi à un risque de mauvais traitements de la part de la police ou de l'armée du Sri Lanka qui compromettraient le processus de paix » . Aucun des motifs ne justifie cette conclusion et je ne peux trouver non plus aucune preuve en ce sens dans le dossier. En l'absence d'une divulgation concernant le fondement ou la justification de cette conclusion, j'estime qu'elle a été tirée « d'une manière abusive ou arbitraire » .

[30]            La demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l'affaire sera renvoyée pour réévaluation des risques que courrait M. Nadarajah s'il était retourné au Sri Lanka. L'avocat n'a pas demandé qu'une question soit certifiée et je n'en certifie aucune.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée pour réévaluation.

            « Carolyn A. Layden-Stevenson »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4292-04

INTITULÉ :                                        MURALITHARAN NADARAJAH

                                                                                                                                  DEMANDEUR

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

DÉFENDEUR

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 12 MAI 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 20 MAI 2005

COMPARUTIONS:

Krassina Kostadinov                             POUR LE DEMANDEUR

John Loncar                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Waldman & Associates

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)                                  POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada        POUR LE DÉFENDEUR

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