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     Date : 19980831

     Dossier : IMM-4458-97

Entre

     DICK-CHONG LAM,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (texte révisé des motifs prononcés à l'audience

     à Toronto (Ontario), le mardi 25 août 1998)

Le juge ROTHSTEIN

[1]      Le demandeur avait demandé la résidence permanente au Canada avec pour profession envisagée celle de chef cuisinier en général (CCDP 6121-111). L'agente des visas chargée du dossier a conclu qu'il n'avait fait la preuve d'aucune formation ou expérience dans cette profession et n'était donc pas admissible à ce titre. Elle l'a ensuite évalué au regard de la profession de sous-directeur gérant de restaurant, pour laquelle il justifiait d'une formation. Il n'y avait cependant aucune demande pour cette profession, c'est pourquoi elle ne lui a attribué aucun point d'appréciation au titre du facteur professionnel.

[2]      La demande de résidence permanente a été rejetée sans qu'il y ait eu une entrevue. Le demandeur soutient qu'il avait droit à une entrevue afin d'être en mesure de donner à l'agente des visas des éclaircissements sur sa formation et son expérience de chef cuisinier. Cependant, sa demande de résidence permanente est fort claire. Il indiquait comme profession envisagée celle de chef cuisinier, et il n'y a dans la demande ou les pièces à l'appui rien qui prouve une formation ou expérience dans cette profession. Autrement dit, il n'y avait rien à éclaircir.

[3]      Au mieux, il doit vouloir dire que sa demande est ambiguë et que du moment qu'il indiquait, à titre d'antécédents professionnels, qu'il avait été gérant stagiaire et sous-directeur gérant chez McDonald's, l'agente des visas était tenue de vérifier, au moyen d'une entrevue, si ces emplois valaient formation et expérience de chef cuisinier. Pareil argument, s'il est fondé, donnerait l'avantage aux demandeurs de résidence permanente qui soumettent une demande ambiguë. Il ne saurait être acceptable.

[4]      Un agent des visas peut pousser ses investigations plus loin s'il le juge nécessaire. Il est évident qu'il ne peut délibérément ignorer des facteurs dans l'instruction d'une demande, et il doit l'instruire de bonne foi. Cependant, il ne lui incombe nullement de pousser ses investigations plus loin si la demande est ambiguë. C'est au demandeur qu'il incombe de déposer une demande claire avec à l'appui les pièces qu'il juge indiquées. Cette charge de la preuve ne se transfère pas à l'agent des visas, et le demandeur n'a aucun droit à l'entrevue pour cause de demande ambiguë ou d'insuffisance des pièces à l'appui.

[5]      Du fait qu'il n'a obtenu aucun point d'appréciation au titre du facteur professionnel, le demandeur ne s'est pas vu délivrer un visa d'immigrant sous le régime du paragraphe 11(2) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-122, modifié, mais il soutient que l'agente des visas a commis une erreur faute d'avoir exercé son pouvoir discrétionnaire conformément au paragraphe 11(3) du même règlement1. Cette dernière disposition ne dit pas dans quelles conditions l'agent des visas exerce le pouvoir discrétionnaire qui y est prévu. Rien ne l'empêche de l'exercer de son propre chef s'il le juge indiqué. Mais si c'est le demandeur qui veut qu'il l'exerce, il semblerait qu'il faut qu'il en fasse la demande sous une forme ou sous une autre. Bien qu'il n'y ait pas une formule réglementaire à employer, il devrait à tout le moins présenter quelques bonnes raisons pour soutenir que la décision relative aux points d'appréciation ne reflète pas ses chances d'établissement au Canada. Il n'y a eu aucune demande de ce genre en l'espèce.

[6]      Le demandeur soutient qu'il ne pouvait savoir qu'il devait demander l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) qu'une fois informé que sa demande avait été rejetée faute de points d'appréciation du facteur professionnel, d'où la nécessité d'une entrevue. Cet argument est cependant hors de propos. L'agent des visas n'est pas tenu de donner au fur et à mesure des bribes de décision et d'en informer le demandeur à chaque étape, même en cas d'entrevue. L'attribution des points d'appréciation est la méthode conventionnelle par laquelle il décide s'il y a lieu de délivrer le visa d'immigrant. Le paragraphe 11(3) représente l'exception. Dans le cas où le demandeur a des raisons de penser qu'il pourra s'établir avec succès au Canada, abstraction faite des points d'appréciation attribués, il peut faire part de ces raisons à l'agent des visas pour lui demander d'exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3). Faute de demande, celui-ci peut l'exercer de son propre chef, mais il n'y est nullement tenu. Comme noté supra, le demandeur n'en a pas fait la demande à l'agente des visas en l'espèce.

[7]      Le recours en contrôle judiciaire est rejeté.

[8]      L'avocat du demandeur propose que soient certifiées les questions suivantes :

     1. Si, lors de l'instruction " préliminaire " de la demande, l'agent des visas constate que la documentation jointe ne suffit pas pour prouver que le demandeur a les qualités requises pour l'exercice de la " profession envisagée ", peut-il sommairement rejeter la demande sans informer le demandeur qu'il n'aurait pas les qualités requises pour être évalué au regard de cette profession?         
     2. Dans le cas où il conclut, sans avoir communiqué avec le demandeur, que celui-ci ne satisfait pas aux critères de sélection prévus à l'alinéa 8(1)a), l'agent des visas commet-il une erreur faute d'avoir considéré l'application la disposition connexe, savoir le paragraphe 11(3), avant de rejeter la demande?         

L'avocat du demandeur n'a pu rien relever dans la Loi sur l'immigration à l'appui de l'argument que l'agent des visas doit communiquer au demandeur des bribes de décision au fur et à mesure pour lui permettre de faire valoir d'autres moyens, ou qu'il doit exercer de son propre chef le pouvoir discrétionnaire qu'il tient du paragraphe 11(3) du Règlement. Faute d'explication raisonnable de la part du demandeur que l'une ou l'autre question se prête à une argumentation sérieuse, ni l'une ni l'autre ne sera certifiée.

     Signé : Marshall E. Rothstein

     ________________________________

     Juge

Toronto (Ontario),

le 31 août 1998

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              IMM-4458-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Dich-Chong Lam

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :      Lundi 24 août 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROTHSTEIN

LE :                      Lundi 31 août 1998

ONT COMPARU :

M. Timothy E. Leahy              pour le demandeur

Mme Andrea M. Horton              pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Timothy E. Leahy                  pour le demandeur

Avocat

5075, rue Yonge, Bureau 408

North York (Ontario)

M. Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      11.(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), l'agent des visas ne délivre un visa en vertu des articles 9 ou 10 à un immigrant autre qu'un entrepreneur, un investisseur, un candidat d'une province ou un travailleur autonome, que si l'immigrant :          a) a obtenu au moins un point d'appréciation pour le facteur visé à l'article 4 de la colonne I de l'annexe I;          b) a un emploi réservé au Canada;          c) est disposé à exercer une profession désignée.
     11.(2) L'agent des visas peut          a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou          b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,      s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de s'établir avec succès au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

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