Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

        



Date : 20010212


Dossier : IMM-1958-00

     Référence neutre: 2001 CFPI 55

ENTRE:

     MAKAROV NIKOLAI

     Partie demanderesse

     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Partie défenderesse






     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS


[1]      Il s'agit d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Section du statut de réfugié [ci-après le "tribunal"] rendue le 16 mars 2000 selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.



FAITS

[2]      Le demandeur est un citoyen russe, âgé de 42 ans. Il allègue une crainte bien fondée de persécution en raison de sa religion baptiste.

[3]      La crainte de persécution du demandeur est basée sur des événements qui se seraient déroulés à Nijniy Novgorod alors que le demandeur était membre d'une église baptiste.

[4]      Un groupe non identifié, qui avait condamné la porte d'entrée de l'église où priaient les baptistes, aurait agressé les fidèles, à l'exception du revendicateur, pour avoir défoncé la porte et pénétré à l'intérieur pour prier. Les biens de l'église auraient été confisqués par les présumés agresseurs.

[5]      Alors qu'il se rendait à Moscou muni d'une lettre pour alerter les médias sur ces incidents, le demandeur aurait été agressé et on lui aurait arraché son porte-documents. Il aurait été blessé et se serait fracturé le pied. Le demandeur aurait par la suite été menacé au téléphone. Un procès pour la rétrocession du lieu de culte aurait eu lieu mais aurait tourné au désavantage des parties. À la veille du procès, le demandeur aurait été battu et sommé de déguerpir de Russie.


DÉCISION DU TRIBUNAL

[6]      Le tribunal a conclu que le demandeur n'était pas crédible.

[7]      Le tribunal a souligné le fait que le demandeur, qui se prétend être un adepte de la religion baptiste et prétend être venu au Canada pour fuir la persécution et pratiquer sa religion, fréquente actuellement l'église pentecôtiste à Montréal plutôt que l'église baptiste. Selon le tribunal, cette attitude démontre le peu de consistance de la foi baptiste du demandeur. Le tribunal n'a pas été convaincu que le demandeur a quitté son pays pour pratiquer en toute liberté sa religion, présumée.

[8]      Le tribunal a également noté que le demandeur, en réponse à la question 37 de son formulaire de renseignements personnels [ci-après "FRP"], a indiqué que ses présumés persécuteurs étaient des inconnus alors qu'il a donné une toute autre version devant le tribunal en prétendant qu'il s'agissait des membres d'un groupe fasciste dénommé Centre national russe. Le demandeur a expliqué cette omission par le fait qu'il avait essayé de donner les informations les plus courtes possibles sur son FRP. Le tribunal a rejeté cette explication et a indiqué que cette omission majeure enlevait toute crédibilité à la revendication du demandeur.

[9]      De plus, le tribunal a souligné que la situation des baptistes en Russie n'était pas perçue par le demandeur lui-même comme étant une situation de persécution. Le demandeur a déclaré en témoignage oral:

     En Russie, il n'y a plus de persécution religieuse. Il existe trois religions officiellement reconnues : orthodoxe, juifs et islam (sic). Les autres religions ont plus ou moins de problèmes. il y a des émission baptistes à la télévision, il y a des cultes transmises à travers des canaux non payant accessibles à la population, en anglais avec une interprétation simultanée en russe.

[10]      Selon le tribunal, ces propos du demandeur sont corroborés par la preuve documentaire au dossier.

[11]      Le tribunal n'a donc pu conclure à l'existence de la persécution religieuse contre les baptistes en Russie. Le tribunal ne croit pas non plus que la confiscation de l'église par un groupe d'individus et le procès de rétrocession perdu devant un juge ait un lien avec une quelconque persécution religieuse.

[12]      Le tribunal a conclu que les éléments de preuve présentés étaient insuffisants pour permettre au tribunal de conclure à l'existence d'une possibilité raisonnable de persécution en cas de retour dans son pays.



PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[13]      Le demandeur allègue que son droit d'accès à un dossier complet et précis ainsi que son droit à une audition pleine et équitable ont été violés en raison de l'incapacité du tribunal de lui remettre les enregistrements de l'audience. En effet, l'audience n'a pu être enregistrée suite à une défaillance technique.

[14]      Le demandeur soutient donc que sa demande a été traitée de façon inéquitable vu l'absence des enregistrements et le fait que la décision a été prise seulement sur la base de notes sommaires prisent par les commissaires durant l'audience.

[15]      Le demandeur prétend également que le tribunal a erré en droit lorsqu'il a conclu que le demandeur n'était pas crédible.

[16]      Le demandeur soutient que le tribunal pouvait avoir un avis contraire à celui exprimé par le demandeur au sujet de l'ampleur de la persécution des adeptes baptistes en Russie mais que cela ne pouvait pas fonder une conclusion de non-crédibilité à l'encontre du demandeur qui exprimait une crainte subjective de persécution. Le demandeur allègue que lorsqu'un requérant jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu'elles le sont, à moins qu'il n'existe des raisons d'en douter.

[17]      Le demandeur soutient que le tribunal a erré en considérant que le demandeur s'est reconverti parce qu'il a fréquenté quelques fois l'église pentecôtiste à Montréal. Le demandeur soutient que le tribunal a erré en ne considérant pas son explication. En effet, le fait que le demandeur a fréquenté l'église pentecôtiste qui offrait des cultes en russe alors que l'église baptiste n'offrait que des cultes en anglais, langue que le demandeur ne comprend pas, ne change en rien les convictions du demandeur et sa foi baptiste. De plus, le demandeur soutient que son attitude est tout à fait justifiable pour quelqu'un qui vient d'un ancien pays communiste où il n'y avait pas d'encadrement spécial pour chaque communauté religieuse.

[18]      Le demandeur allègue également que le tribunal a erré en concluant que le demandeur n'était pas crédible parce qu'il avait indiqué sur son FRP que ses présumés persécuteurs étaient des inconnus alors que dans son témoignage il a indiqué que les persécuteurs étaient membres d'un groupe fasciste dénommé Centre national russe.

[19]      Selon le demandeur, il a expliqué clairement dans son témoignage que le fait que les agresseurs faisaient partie d'un groupe fasciste ou non ne représentait pas un élément décisif qui devait être mentionné dans son FRP.

[20]      Le demandeur soutient également que le tribunal a erré en droit en concluant qu'il n'y avait pas de persécution religieuse en Russie, en présentant la preuve documentaire de façon tronquée et de façon à ne pas refléter la réalité.

[21]      Selon le demandeur, le fait de transmettre un culte a la télévision ne peut pas être interprété comme une preuve éloquente et décisive supportant la conclusion du tribunal au sujet du manque de persécution religieuse contre les baptistes en Russie.

[22]      Le demandeur soutient que le tribunal a erré en écartant les trois certificats médicaux délivrés par divers hôpitaux russes qui lui ont été soumis en preuve. Ces certificats corroboraient le témoignage du demandeur. Le tribunal a donc erré en les ignorant complètement.



PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR

[23]      Le défendeur soutient pour sa part que le tribunal n'avait aucune obligation légale de conserver un compte rendu intégral de ses audiences et que l'absence de transcription ne peut être invoquée comme motif d'annulation de la décision.

[24]      Le défendeur prétend que le tribunal était justifié de conclure à l'absence de crédibilité du demandeur, compte tenu de ses omissions et contradictions majeures dans son témoignage et de son comportement.

[25]      Le défendeur allègue que le tribunal était justifié de conclure que le demandeur n'avait pas une crainte de persécution puisqu'il a fréquenté l'église pentecôtiste à Montréal. Le défendeur soutient que le tribunal pouvait valablement se fonder sur un comportement jugé incompatible avec une crainte de persécution pour rejeter la demande de réfugié.

[26]      Le défendeur soutient également que tous les événements clés d'une revendication doivent être répertoriés dans le FRP d'un demandeur du statut de réfugié et que le tribunal n'a pas erré en reprochant au demandeur d'avoir omis un fait important dans son FRP.

[27]      De plus, le défendeur rappelle que le tribunal peut accorder plus de foi à la preuve documentaire ou à certains de ses éléments qu'au témoignage d'un demandeur.

[28]      Le défendeur souligne que le fait que le tribunal n'ait pas mentionné un élément de preuve n'est pas indicatif du fait qu'il ne l'a pas considéré. D'après le défendeur, les conclusions du tribunal s'appuient entièrement sur la preuve et ont été tirées conformément aux principes établis par la jurisprudence.

QUESTIONS EN LITIGE

[29]      1.      Le principe de justice naturelle a-t-il été violé par la non disponibilité des rubans d'enregistrement de l'audience?
     2.      Le tribunal a-t-il erré en concluant que le demandeur n'était pas crédible?

ANALYSE

1.      Le principe de justice naturelle a-t-il été violé par la non disponibilité des rubans d'enregistrement de l'audience?

[30]      Dans l'affaireZeeshan Ahmed c. M.C.I. , [2000] A.C.F. no 739 (C.F. 1ère inst.), le juge Dawson a expliqué le critère a appliquer lors de la non disponibilité de l'enregistrement d'une audience:

     La jurisprudence a établi qu'en l'absence d'une exigence de la loi portant sur l'enregistrement, la Cour doit déterminer si le dossier dont elle dispose lui permet de statuer convenablement sur la demande de contrôle judiciaire. Si c'est le cas, l'absence d'une transcription ne violera pas les règles de justice naturelle. (Voir Ville de Montréal c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301, [1997] 1 R.C.S. 793.)
     En l'instance, la législation ne prévoit pas le droit à un enregistrement. Par conséquent, la question à trancher est celle de savoir si le dossier soumis à la Cour lui permet de statuer convenablement sur la demande de contrôle judiciaire. S'il y a une vraie possibilité que le demandeur n'obtiendra pas un examen approprié de sa demande par suite de l'absence d'une transcription, il y a lieu d'ordonner une nouvelle audition de son affaire.

[31]      La cause en l'espèce porte sur la question de crédibilité du demandeur. Afin de déterminer si l'absence d'une transcription compromet la possibilité pour le demandeur d'avoir un contrôle judiciaire approprié de la décision du tribunal, je dois examiner les questions soulevées par le demandeur.

2.      Le tribunal a-t-il erré en concluant que le demandeur n'était pas crédible?

[32]      Le demandeur allègue que le tribunal a erré en concluant qu'il s'était reconverti parce qu'il a fréquenté quelques fois l'église pentecôtiste à Montréal. Le demandeur s'est expliqué sur ce fait mais le tribunal n'a pas accepté son explication.

[33]      À ce sujet, la transcription de l'audience n'aurait pu être utile puisque les parties sont d'accord sur ce qui a été dit lors de l'audience. En effet, dans sa décision, le tribunal reconnaît que le demandeur a fourni comme explication de son comportement religieux le fait que l'on prêche de la même façon à l'église pentecôtiste qu'à l'église baptiste et que l'on s'exprime en russe à l'église pentecôtiste. Cette même explication est d'ailleurs reprise par le demandeur dans son affidavit et son mémoire. De plus, le demandeur ne soutient pas que le tribunal a mal interprété son explication. Plutôt, ce qui est allégué par le demandeur est que le tribunal a erré en n'acceptant pas son explication.

[34]      La question sur laquelle je dois me pencher est donc de savoir si le tribunal a erré en n'acceptant pas l'explication du demandeur.

[35]      Dans Razm c. M.C.I., [1999] A.C.F. no 373 (C.F. 1ère Inst.), le juge Lutfy a indiqué le critère de contrôle relativement à une conclusion d'un tribunal au sujet de la crédibilité d'un témoignage:

     Il est reconnu, et de fait il est maintenant de droit constant, que la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Étant donné que les motifs de la décision qu'elle a rendue au sujet de la crédibilité doivent être énoncés en des termes clairs et explicites, cette cour n'interviendra que dans des circonstances exceptionnelles.

[36]      Le demandeur doit donc démontrer que la conclusion du tribunal était manifestement déraisonnable.

[37]      À cet effet, le demandeur s'appuie sur l'extrait suivant intitulé Les religions dans le monde: L'état des religions, qui expliquerait, à son avis, son comportement:

     L'Union des baptistes-chrétiens évangéliques. Cette organisation est composée de quatre communautés évangéliques: les baptistes et les chrétiens évangéliques, les plus nombreux, les pentecôtistes et les mennonites. Initialement opposées entre elles, ces communautés ont été associées après la guerre sur la crête de la vague d'union patriotique et mènent une existence tolérée. Implantées dans les couches humbles de la société, en particulier chez les ouvriers, elles sont faiblement encadrées et de longues prières collectives constituent l'essentiel de leur pratique religieuse.

[38]      Le demandeur soutient qu'il est tout à fait justifiable pour quelqu'un qui vient d'un ancien pays communiste où il n'y avait pas d'encadrement spécial pour chaque communauté religieuse de fréquenter quelques fois une église pentecôtiste où les cultes sont tenus en russe. Cette fréquentation ne change pas du tout les convictions du demandeur ni sa foi baptiste.

[39]      Le défendeur soutient pour sa part que le tribunal peut se fonder sur un comportement jugé incompatible avec une crainte de persécution pour rejeter sa demande. À l'appui de cette assertion, le défendeur cite l'affaire Safakhoo c. M.C.I., [1997] A.C.F. no 440 (C.F.1ère Inst.) dans laquelle le juge Pinard a indiqué:

     La jurisprudence de la présente Cour établit qu'une conduite incompatible avec une crainte raisonnable d'être persécuté peut à bon droit être invoquée par la Commission pour rejeter une revendication du statut de réfugié (voir par exempleCabellero et al. c.M.E.I. (1993), 154 N.R. 345, page 346 (C.A.F.)).

[40]      Je dois cependant admettre qu'il me semble exagéré de prétendre que le fait que le demandeur ait fréquenté une église pentecôtiste à Montréal soit une indication du peu de consistance de la foi baptiste du demandeur et une indication qu'il n'a pas quitté son pays pour pratiquer en toute liberté sa religion. Cette conclusion semble surtout exagérée à la lumière des explications du demandeur que seule l'église pentecôtiste offrait des cultes en russe et qu'il ne comprenait pas les cultes offerts en anglais par l'église baptiste puisqu'il ne parle pas l'anglais. De plus l'extrait documentaire intitulé Les religions dans le monde, met en lumière le fait qu'il existe une organisation composée des communautés baptistes et pentecôtistes, établissant ainsi un lien entre ces communautés religieuses et pouvant expliquer le commentaire du demandeur à l'effet que l'on prêche de la même façon à l'église pentecôtiste.

[41]      À mon avis, il était déraisonnable de la part du tribunal de conclure que ce comportement du demandeur montrait le peu de consistance de sa foi baptiste et qu'il n'a pas quitté son pays pour pratiquer en toute liberté sa religion.

[42]      En ce qui concerne l'omission du demandeur d'indiquer l'affiliation des agresseurs à une organisation fasciste, le tribunal a rejeté l'explication du demandeur à l'effet qu'il avait essayé de donner les informations les plus courtes possibles sur son FRP. Le tribunal a conclu que cela enlevait toute crédibilité à la revendication du demandeur.

[43]      À ce sujet, le demandeur soutient qu'il a témoigné clairement que le fait que les agresseurs fassent partie d'un groupe fasciste ou non ne représentait pas un élément décisif qui devait être mentionné dans son FRP.

[44]      Le demandeur soutient que le tribunal aurait dû tenir compte de son explication et qu'il a commis une erreur de droit en concluant que l'omission enlevait toute crédibilité à la revendication du demandeur. Je suis d'avis que la transcription n'est pas nécessaire pour répondre à cette question.

[45]      Le défendeur cite l'affaire Basseghi c. M.E.I., [1994] A.C.F. no 1867 (C.F. 1ère Inst.) dans laquelle le juge Teitelbaum a conclu:

     Il n'est pas inexact de dire que les réponses fournies dans un FRP devraient être concises, mais il est inexact de dire que ces réponses ne devraient pas contenir tous les faits pertinents. Il ne suffit pas à un requérant d'affirmer que ce qu'il a dit dans son témoignage oral était un développement. Tous les faits pertinents et importants devraient figurer dans un FRP. Le témoignage oral devrait être l'occasion d'expliquer les informations contenues dans le FRP.

[46]      En l'espèce, est-ce qu'il était manifestement déraisonnable de la part du tribunal de conclure que l'omission, dans son FRP, du nom du groupe fasciste qui a attaqué la communauté religieuse à laquelle appartenait le demandeur enlevait toute crédibilité à la revendication du demandeur? Était-ce un fait pertinent qui aurait dû figurer dans le FRP du demandeur?

[47]      Je ne crois pas que l'omission de la part du demandeur d'indiquer le nom du groupe qui aurait attaqué les adeptes baptistes alors qu'ils priaient soit une omission majeure telle que qualifiée par le tribunal. Je ne crois pas non plus que cette omission enlève toute crédibilité à la revendication du demandeur.

[48]      Je dois admettre cependant que cette omission puisse avoir une certaine influence sur un tribunal quant à la crédibilité d'un témoin, lorsque ajouté à d'autres omissions ou contradictions apparaissant dans le témoignage d'un demandeur. Cependant, de là à rendre cette omission responsable de la non crédibilité entière d'une revendication, cette conclusion est déraisonnable. Le fait pertinent et important était que le demandeur s'était fait attaqué par un groupe alors qu'il priait. Le nom du groupe qui a attaqué le demandeur venait plutôt expliquer l'information contenue dans le FRP. Cette information ne contredit pas le témoignage du demandeur dans son FRP.

[49]      Le demandeur soutient également que le tribunal a erré en concluant que le demandeur ne perçoit pas la situation des baptistes en Russie comme une situation de persécution. Le demandeur allègue que sa perception a toujours été que la persécution existe et qu'elle est plus présente aux niveaux locaux. Le fait de transmettre un culte à la télévision ne peut être interprété comme une preuve éloquente et décisive du manque de persécution religieuse contre les baptistes en Russie.

[50]      Sur ce point, il aurait pu être utile d'avoir la transcription, afin d'évaluer exactement l'opinion du demandeur à ce sujet. Cependant, je ne peux conclure que le demandeur n'obtiendra pas un examen approprié de sa demande en raison de l'absence de cette transcription. En effet, même si le tribunal a erré dans son interprétation du témoignage du demandeur, le tribunal s'est également appuyé sur la preuve documentaire au dossier qui supporte la conclusion du tribunal à l'effet qu'il n'y a pas de persécution religieuse contre les baptistes en Russie.

[51]      Le tribunal peut accorder plus de foi à la preuve documentaire ou à certains de ses éléments qu'au témoignage d'un demandeur. Tel qu'il fut indiqué par le juge Pinard dans l'affaire Mamontov et als. c. M.C.I., [1998] A.C.F. no 815 (C.F. 1ère Inst.):

     Depuis l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans Zhou c. M.E.I. (18 juillet 1994), A-492-91, la jurisprudence de cette Cour est constante à l'effet qu'il est habituellement loisible à la Section du statut de réfugié d'accorder plus de poids à la preuve documentaire soumise par l'agent d'audience qu'au témoignage d'un requérant. En effet, dans cette affaire, Monsieur le juge Linden a écrit ce qui suit:
         We are not persuaded that the Refugee Division made any error that would warrant our interference. The material relied on by the Board was properly adduced as evidence. The Board is entitled to rely on documentary evidence in preference to that of the claimant. There is no general obligation on the Board to point out specifically any and all items of documentary evidence on which it might rely. The other matters raised are also without merit. The appeal will be dismissed.

[52]      Ainsi, à la lumière de la preuve documentaire, je ne peux conclure que le tribunal a erré lorsqu'il a conclu a l'absence de persécution religieuse des baptistes en Russie. Il ne faut pas oublier que le demandeur doit établir qu'il a une crainte subjective d'être persécuté et que cette crainte doit également être objectivement justifiée (Voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689). Cette conclusion du tribunal en l'espèce était justifiée et raisonnable à la lumière de la preuve qui était devant celui-ci.

                        

[53]      En ce qui concernent les certificats médicaux présentés par le demandeur, il est bien établi que le tribunal n'a pas à mentionner chaque élément de preuve. Le tribunal n'a pas mis en doute cette partie du témoignage du défendeur et je ne peux présumer que le tribunal n'a pas considéré cette preuve parce qu'il ne l'a pas mentionnée dans sa décision.

[54]      Dans Florea v. Canada (M.E.I), [1993] F.C.J. No.598 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a indiqué:

     The fact that the Division did not mention each and every one of the documents entered in evidence before it does not indicate that it did not take them into account: on the contrary, a tribunal is assumed to have weighed and considered all the evidence presented to it unless the contrary is shown. As the tribunal's findings are supported by the evidence, the appeal will be dismissed.

[55]      Dans Cepeda-Gutierrez v.Canada (M.C.I) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F.1ère Inst.), le juge Evans explique:

     In my view, the evidence was so important to the applicant's case that it can be inferred from the Refugee Division's failure to mention it in its reasons that the finding of fact was made without regard to it. This inference is made easier to draw because the Board's reasons dealt with other items of evidence indicating that a return would not be unduly harsh. The inclusion of the "boilerplate" assertion that the Board considered all the evidence before it is not sufficient to prevent this inference from being drawn, given the importance of the evidence to the applicant's claim.

[56]      En l'espèce, je ne peux accepter que le tribunal ait erré en ne mentionnant pas les certificats médicaux du demandeur. En effet, la preuve n'était pas essentielle à la conclusion du tribunal puisque le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas de possibilité raisonnable de persécution en raison de la preuve documentaire versée au dossier. Ainsi, la mention des certificats n'aurait pas modifié la conclusion du tribunal relativement à la possibilité raisonnable de persécution.

[57]      Les erreurs commises par le tribunal sont-elles suffisantes pour exiger l'intervention de la Cour?

[58]      Bien que ma conclusion ait été que le tribunal avait commis des erreurs déraisonnables en concluant que le demandeur n'était pas crédible parce qu'il avait fréquenté l'église pentecôtiste et parce qu'il avait omis d'indiquer le nom du groupe qui avait attaqué les adeptes baptistes en Russie, je ne crois pas que ces erreurs soient suffisantes pour exiger l'intervention de la Cour.

[59]      En effet, malgré ces erreurs, le tribunal a conclu que de façon objective le demandeur n'a pu démontrer une possibilité raisonnable de persécution. Cette conclusion est supportée par la preuve et n'est pas entachée d'erreurs. Par conséquent, l'intervention de cette Cour n'est pas nécessaire et la présente requête est rejetée.

[60]      Les parties n'ont soumis aucune question pour certification.





                         Pierre Blais

                         Juge

OTTAWA, ONTARIO

Le 12 février 2001

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.