Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 19990617


Dossier : IMM-3589-98

 

ENTRE :

GNANASAKUNTHALA MYILVAGANAM,

demanderesse,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW :

[1]               La demanderesse est une citoyenne du Sri Lanka âgée de 64 ans. Elle dit craindre avec raison d’être persécutée dans le nord du Sri Lanka par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (ci-après LTTE) et à Colombo par la police sri-lankaise. Sa demande a été rejetée par la Section du statut de réfugié (ci-après SSR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le 25 juin 1998.

[2]               La demanderesse s’est vu refuser sa demande en raison de l’évaluation défavorable de sa crédibilité par la SSR et de la conclusion de l’existence d’une possibilité de refuge intérieur à Colombo.

[3]               Je suis du même avis que l’avocat de la demanderesse : l’évaluation de la crédibilité de la demanderesse par la SSR est entachée de vices rédhibitoires.

Crédibilité - les postes de contrôle

[4]               À l’audience, la demanderesse a témoigné qu’elle s’est enfuie d’un camp de réfugiés de Mankulam à Colombo. Selon un document soumis à la SSR, le trajet nécessite le passage à un poste de contrôle des LTTE à Omanthai et à un poste de contrôle de l’armée sri-lankaise à Thandikulam. Il n’y a pas de carte au dossier qui permet de comprendre la géographie de la région.

[5]               Selon la SSR, la preuve de la demanderesse alléguait que le poste de contrôle des LTTE était à Thandikulam. De fait, elle a dit que le poste de contrôle de l’armée était à Thandikulam. Elle a dit qu’ils sont partis de Mankulam en autobus pour se rendre à Thandikulam, mais que l’autobus s’est arrêté à un poste de contrôle des LTTE à moins d’un mille du poste de contrôle de l’armée sri-lankaise et qu’ils ont dû marcher un mille. Elle a dû passer les deux postes de contrôle. On lui a demandé si elle avait passé le poste de contrôle d’Omanthai, et elle a répondu qu’elle ne connaissait pas cet endroit.

[6]               La preuve de la demanderesse portant sur l’emplacement du poste de contrôle de l’armée n’est pas incompatible avec la preuve documentaire. Les deux situent le poste de contrôle de l’armée à Thandikulam, et la demanderesse a dit que le poste de contrôle des LTTE était à une distance d’un mille du poste de contrôle de l’armée.

[7]               Je suis du même avis que l’avocat de la demanderesse : cet aspect de la décision de la SSR reposait sur une interprétation erronée de la preuve de la demanderesse et ne peut être maintenu.

Crédibilité - l’acte de naissance du fils de la demanderesse

[8]               Il est difficile d’interpréter les commentaires de la SSR portant sur l’acte de naissance du fils de la demanderesse. Elle est arrivée au Canada seule, et elle a présenté ses propres pièces d’identité. L’identité et la nationalité de la demanderesse ne sont pas contestées. Il n’y a pas de raison pour laquelle elle aurait montré l’acte de naissance de son fils aux autorités à son arrivée au Canada, ou fait référence à ce document dans son formulaire de renseignements personnels.

[9]               Apparemment, l’acte de naissance de son fils est écrit en cinghalais, ce qui n’est pas la langue de la demanderesse. La SSR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité, fondée sur la preuve que la demanderesse a présentée à l’audience selon laquelle l’acte de naissance était dans sa valise au moment de son arrivée au Canada, et qu’elle ne l’avait pas montré aux autorités de l’immigration ou n’y avait pas référé dans son formulaire de renseignements personnels. Fonder une conclusion quant à la crédibilité sur les réponses qu’elles a données n’a pas de sens, puisque ces réponses sont conformes à ce que l’on aurait pu s’attendre qu’elle fasse avec l’acte de naissance de son fils.

[10]           La conclusion défavorable que la SSR a tirée en se fondant sur l’acte de naissance du fils de la demanderesse est manifestement déraisonnable et ne peut être maintenue.

Crédibilité - les photocopies de documents

[11]           La SSR a remarqué que la demanderesse était incapable d’expliquer les actes de son agent qui avait fourni des photocopies incomplètes de certains documents. Il n’y a aucune raison pour laquelle le fait pour elle d’être dans l’ignorance sur ce point devrait entacher sa crédibilité.

Possibilité de refuge intérieur

[12]           Les conclusions erronées qu’a tirées la SSR sur la crédibilité ont contribué de façon significative à sa conclusion de l’existence d’une possibilité de refuge intérieur, parce que cela l’a menée à douter de la véracité du récit de la demanderesse de son arrestation par la police sri-lankaise à Colombo.

[13]           L’avocat de la demanderesse a également allégué que la SSR aurait dû prendre en considération des motifs d’ordre humanitaire en évaluant le caractère raisonnable d’une possibilité de refuge intérieur. Il plaide que Colombo ne constitue pas une possibilité de refuge intérieur raisonnable pour la demanderesse, vu son âge et le fait qu’elle ait de la famille au Canada contrairement à Colombo. À cet égard, il renvoie à la décision Ramanathan c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (19 août 1998), IMM-5091-97, dans laquelle le juge Cullen a statué que l’on ne doit pas mettre de côté les motifs d’ordre humanitaire quand on évalue la question d’une possibilité de refuge intérieur.

[14]           L’avocat du ministre plaide que la décision Ramanathan n’est pas compatible avec l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706. Je ne suis pas de cet avis. L’arrêt Rasaratnam énonce seulement qu’une possibilité de refuge intérieur existe s’il n’est pas déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, que le requérant s’en prévale. La question de savoir quels sont les facteurs que l’on doit prendre en considération quand on évalue s’il est raisonnable pour un citoyen donné du Sri Lanka de chercher refuge à Colombo reste donc entière.

Décision

[15]           La décision de la SSR est annulée. La demande de statut présentée par la demanderesse est renvoyée devant la SSR afin d’être réexaminée par un tribunal différent. La présente affaire ne se prête pas à la certification d’une question.

« Karen R. Sharlow »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 17 juin 1999.

 

 

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :

IMM-3589-98

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

GNANASAKUNTHALA MYILVAGANAM

 

-et-

 

LE MINISTRE

DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE MERCREDI 16 JUIN 1999

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :

le juge sharlow

 

 

EN DATE DU :

JEUDI 17 JUIN 1999

 

 

 

 

ONT COMPARU :

Francis L. Xavier

 

Pour la demanderesse

 

 

 

Marissa Beata Bielski

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Francis L. Xavier

Avocat

2401, avenue Eglinton Est

Pièce 210

Scarborough (Ontario)

M1K 2M5

 

Pour la demanderesse

 

 

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.