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Date : 20050210

Dossier : IMM-9459-03

Référence : 2005 CF 221

Toronto (Ontario), le 10 février 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                      MOHAMMED FORHAD HASSAN MAKSUD

                                           (Alias MD. FORHAD HASSA MAKSUD)

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                M. Maksud est citoyen du Bangladesh. Il prétend que, dans son pays, il est exposé à un risque de persécution et de préjudice en raison des ses opinions politiques, plus précisément de son affiliation avec la Ligue Awami (la Ligue). Il est arrivé au Canada le 4 août 2002. Le 12 novembre 2003, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SPR) a conclu que M. Maksud n'était ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger. Il me demande d'accueillir sa demande de contrôle judiciaire et d'annuler la décision de la Commission.

[2]                Dans ses motifs, la SPR a fait état des conclusions suivantes :

·            en ce qui concerne l'identité du demandeur, elle convient qu'il est citoyen du Bangladesh;

·            le demandeur a été victime d'actes de harcèlement et d'extorsion, mais ils ne lui ont pas causé de préjudice grave par le passé;

·            la preuve indique que, vu les antécédents du demandeur, le risque de subir un préjudice grave en raison de son soutien politique de faible importance à la Ligue n'est, au plus, qu'une simple possibilité;

·            la crainte du demandeur de rentrer dans son pays n'est pas fondée et sa demande doit donc être rejetée.            

[3]                Le demandeur conteste cette décision pour plusieurs motifs. Je suis d'avis qu'il n'est pas nécessaire d'examiner toutes les erreurs alléguées. La Commission n'a pas fait référence aux nombreux éléments de preuve figurant dans la partie narrative du Formulaire sur les renseignements personnels (FRP) et cela suffit pour renvoyer l'affaire pour nouvelle décision.


[4]                De prime abord, cette décision semble solide et concise, mais complète. La Commission a fait un pronostic des risques auxquels serait exposé à l'avenir le demandeur d'après son analyse des incidents survenus par le passé. La Commission a précisément conclu que M. Maksud avait été ciblé en raison du fait que son soutien à la Ligue était connu, qu'il avait été victime d'actes d'extorsion et que, en conséquence, il avait perdu son contrat commercial. La Commission était d'avis que ces incidents ne constituaient pas un préjudice grave ou de la persécution. Les antécédents de M. Maksud ne correspondaient pas à ceux du groupe de personnes qui, selon la preuve documentaire, continuaient à avoir des problèmes.

[5]                Le demandeur affirme que la Commission a formulé cette conclusion sans tenir compte des éléments de preuve qui étaient au c_ur de sa demande. Plus précisément, il attire l'attention de la Cour sur la partie narrative de son FRP et il dit que la Commission a fait abstraction des éléments de preuve y figurant. Comme la SPR semble avoir accepté les éléments de preuve produits et qu'elle n'a pas formulé de conclusion défavorable sur le plan de la crédibilité, les éléments de preuve figurant dans le FRP doivent être considérés comme véridiques. Par conséquent, la conclusion selon laquelle les incidents survenus par le passé constituent un pronostic de risque est manifestement déraisonnable.

[6]                Le défendeur soutient que, même en l'absence de conclusion défavorable concernant la crédibilité, cela ne veut pas forcément dire que le demandeur a prouvé qu'il craint avec raison d'être persécuté. À cet égard, j'abonde dans le sens du défendeur, mais je ne crois pas que les choses soient aussi simples. Il faut tenir compte de l'exposé circonstancié du FRP.


[7]                En l'espèce, cet exposé est très long : il compte quelque quinze pages, dont cinq sont consacrées à un certain nombre d'agressions, menaces, menaces de mort et actes de violence dont aurait été victime le demandeur. Il allègue aussi que les menaces de mort persistent et que des membres de sa famille se font toujours demander avec insistance où il se trouve. Ce sont les « hommes de main » du Parti nationaliste du Bangladesh (PNB) et de l'Équipe d'action rapide (ÉAR) qui sont responsables.

[8]                La difficulté provient du fait que rien n'indique que la SPR a pris en compte ces éléments de preuve. Il était, certes, loisible à la Commission de ne pas ajouter foi aux dires du demandeur, mais elle ne l'a pas fait. Puisqu'elle avait conclu que M. Maksud avait été visé pour des motifs politiques et puisqu'elle n'avait pas constaté qu'il n'était pas digne de foi, je suis d'avis que la Commission devait faire état de ces éléments de preuve et formuler des observations. La SPR aurait pu rejeter les éléments de preuve produits, mais elle ne pouvait pas en faire abstraction, parce qu'ils étaient au coeur de la demande d'asile. Si elle n'a pas ajouté foi aux éléments de preuve, elle devait le dire sans ambiguïté. Dans les circonstances, il faut tenir pour acquis que la Commission a pris sa décision sans tenir compte des éléments de preuve et que celle-ci est donc manifestement déraisonnable.

[9]                La demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Les avocats n'ont pas proposé de question à certifier et les faits n'en soulèvent aucune.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour qu'il rende une nouvelle décision. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                             « Carolyn Layden-Stevenson »                 

                                                                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                                     IMM-9459-03

INTITULÉ :                                                    MOHAMMED FORHAD HASSAN MAKSUD

(alias MD. FORHAD HASSA MAKSUD)

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO ( ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 9 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNNCE :                          LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 10 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Leigh Salsberg

POUR LE DEMANDEUR

Angela Marinos

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.                                            

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR


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