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Date : 20060216

Dossier : T-283-05

Référence : 2006 CF 210

Toronto (Ontario), le 16 février 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

PFIZER CANADA INC.

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit du contrôle d'une décision par laquelle le ministre a rejeté un nouvel argument présenté par Pfizer touchant l'interprétation de l'alinéa 4(2)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement AC). Il s'ensuit du refus opposé par le ministre en vertu de l'article 3 du Règlement AC que, le brevet canadien 2296726 (le brevet 726) ne remplissant pas les conditions de l'alinéa 4(2)b), il n'est pas considéré comme admissible à l'inscription au registre des brevets.

[2]                Les parties s'entendent sur le fait que le critère applicable au contrôle du refus du ministre est celui de la décision correcte. Par conséquent, la question à trancher dans la présente espèce est celle de savoir si l'interprétation donnée par le ministre de l'alinéa 4(2)b) est juste.

[3]                L'alinéa 4(2)b) fait partie d'un régime réglementaire exhaustif qui comprend le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, et le Règlement AC. Le juge McGillis a proposé, aux paragraphes 36 à 46 de la décision Merck & Co. et al. c. Canada (Procureur général) et al., [1999] A.C.F. no 1825, une vue d'ensemble de ce régime, que nous reproduisons en appendice au présent exposé des motifs. Les articles 3 et 4 du Règlement AC, ainsi que certaines définitions de son article 2, revêtent une importance particulière dans la présente demande. Pour la commodité du lecteur, nous avons aussi reproduit ces dispositions en appendice, de même que l' « Avis à l'industrie » en date du 3 juin 2004, auquel se réfèrent les témoins experts de Pfizer aussi bien que du ministre, ainsi qu'on le verra plus loin.

I.           La nature du présent différend

[4]                La décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire met en jeu trois objets - le NORVASC, le CADUET et le brevet 726 -, qui présentent un élément commun : le bésylate d'amlodipine.

[5]                Le 26 juin 1992, Pfizer a obtenu un avis de conformité pour le médicament NORVASC, dont l'usage dans le traitement de l'hypertension essentielle légère à modérée a été approuvé : NORVASC contient de l'amlodipine, sous forme de bésylate d'amlodipine. Le 9 décembre 2003, Pfizer a déposé une présentation de drogue nouvelle pour le médicament CADUET, qui est un agent cardiovasculaire destiné aux patients jugés à risque à cause de leur hypertension : CADUET renferme du bésylate d'amlodipine combiné à de l'atorvastatine calcique. Le brevet 726 protège les compositions pharmacothérapeutiques combinant deux principes actifs, le bésylate d'amlodipine et une statine, la statine étant choisie parmi un groupe formé de la fluvastatine, de la rivastatine ou de la simvastatine, et un véhicule ou diluant pharmaceutiquement acceptable. Il importe de noter que, comme l'indique la lettre de rejet du Ministre citée ci-dessous, le brevet 726 mentionne expressément qu'il n'inclut pas l'association amlodipine et avorstatine calcique.

[6]                Le différend qui oppose Pfizer et le ministre découle du fait que Pfizer a essayé, sous le régime du paragraphe 4(1) du Règlement AC, d'ajouter le brevet 726 aux listes de brevet relatives au NORVASC aussi bien qu'au CADUET.

            A. La thèse de Pfizer

[7]                Dans une lettre en date du 7 octobre 2004, Pfizer a présenté l'argumentation suivante à l'appui de sa position selon laquelle le brevet 726 devrait être inscrit au registre à l'égard du NORVASC aussi bien que du CADUET :

[traduction]

1.             Le brevet 726 est admissible à l'inscription au registre des brevets selon la jurisprudence de la Cour fédérale.

Le paragraphe 4(2) du Règlement prévoit les conditions auxquelles est subordonnée l'inclusion dans la liste de brevets soumise à l'égard d'une drogue qui fait l'objet d'une présentation réglementaire. Aux termes de l'alinéa 4(2)b), le brevet doit comporter « une revendication pour le médicament en soi ou ou une revendication pour l'utilisation du médicament » . Le sens de cette disposition a été clarifié par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Eli Lilly c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 3 CF 140 (Eli Lilly).

Eli Lilly portait sur l'inscription d'un brevet au registre à l'égard du Tazidime, drogue pour laquelle un avis de conformité avait été délivré et dont le principe actif est la ceftazidime. Le brevet en question revendiquait la ceftazidime pentahydratée, combinée à certains ingrédients non médicinaux empêchant la dégradation du produit. Le ministre de la Santé avait radié le brevet du registre au motif que le Tazidime ne contenait pas ces ingrédients non médicinaux. La Cour d'appel fédérale lui a ordonné de réinscrire le brevet au registre.

La principale question à trancher dans Eli Lilly était celle de savoir si le brevet en cause pouvait être considéré comme comportant une revendication pour le médicament en soi. La Cour a statué que tout brevet comportant une revendication pour la ceftazidime en soi ou pour une formulation dont la ceftazidime était le principe actif entrait dans le champ d'application de l'alinéa 4(2)b). Or, comme le brevet en question comportait des revendications pour une formulation dont la ceftazidime était le principe actif, il était admissible à l'inscription au registre. La Cour a rejeté l'argument du ministre selon lequel l'invention divulguée dans le brevet devait être d'une façon ou d'une autre incluse ou incorporée dans le Tazidime.

Le raisonnement de l'arrêt Eli Lilly a été suivi dans GlaxoSmithKline Inc. c. Apotex Inc. [2003] C.F. 1055 (Glaxo). Dans cette dernière affaire, il s'agissait de savoir si des brevets revendiquant le médicament chlorhydrate de paroxétine de forme anhydre et ses utilisations pouvait être inscrit au registre à l'égard du PAXIL, drogue pour laquelle un AC avait été délivré et dont le principe actif est le chlorydrate de paroxétine semi-hydraté. GlaxoSmithKline soutenait que ces brevets devaient être inscrits au registre au motif que le chlorhydrate de paroxétine semi-hydraté est équivalent à la forme anhydre. La Cour a accepté la thèse de GlaxoSmithKline et a statué que les brevets étaient admissibles à l'inscription au registre en dépit des différences séparant les principes actifs. Elle a rejeté l'argument d'Apotex selon lequel les brevets en question se rapportaient à un médicament différent.

Se fondant sur le raisonnement adopté dans Eli Lilly et dans Glaxo, Pfizer soutient que le brevet 726 est admissible à l'inscription au registre à l'égard du NORVASC. Ce brevet comporte des revendications pour des formulations dont le bésylate d'amlodipine est un principe actif, ainsi que des revendications pour l'utilisation de telles formulations dans le traitement de certaines affections. Le point de savoir si l'invention divulguée dans le brevet 726, relatif à une thérapie combinée, est réalisée dans le NORVASC est, sauf révérence, dénué de pertinence s'agissant de décider si ce brevet devrait ou non être inscrit au registre à l'égard de cette drogue.

2.             Un fabricant de drogues génériques peut demander l'approbation d'une PADN portant sur un produit combiné en utilisant le NORVASC comme produit de référence.

Pfizer est préoccupée par le fait qu'un fabricant peut déposer une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) relativement à un produit combiné contenant du bésylte d'amlodipine et faire valoir une comparaison avec tout ou partie des renseignements sur l'innocuité et l'efficacité contenus dans la présentation du NORVASC. Si le brevet 726 n'est pas inscrit au registre, le fabricant n'aura pas à prendre ce brevet en compte pour recevoir l'approbation réglementaire sous le régime du Règlement.

Dans une PADN, le fabricant compare sa drogue générique avec un produit de référence canadien (c'est-à-dire la drogue de l'entreprise innovatrice) et doit établir que celle-là est bioéquivalente à celui-ci. Les études de biodisponibilité et de bioéquivalence nécessaires pour obtenir l'approbation d'un produit combiné sont des études où les paramètres pharmacocinétiques de chacun des médicaments que prévoit le document de Santé Canada intitulé « Avis à l'industrie : Exigences en matière de bioéquivalence applicables aux médicaments combinés » , en date du 3 juin 2004, établissent la nécessité de telles comparaisons. Ce document précise que, pour les produits combinés, « les paramètres pharmacocinétiques à mesurer et à signaler sont ceux qui seraient normalement exigés pour chaque médicament si chacun était le seul ingrédient de la forme pharmaceutique » [non souligné dans l'original].

En conséquence, Pfizer soutient avoir inclus à bon droit le brevet 726 dans sa liste, puisqu'il est loisible à un fabricant de déposer une PADN relative à un produit combiné contenant du bésylate d'amlodipine où il ferait valoir une comparaison avec tout ou partie des renseignements sur l'innocuité et l'efficacité contenus dans la présentation du NORVASC.

3.             L'objet du Règlement est d'empêcher la contrefaçon directe ou indirecte de brevet, et cette fin serait remplie par l'inscription du brevet 726.

Dans Eli Lilly, la Cour a reconnu que l'objet du Règlement est de réduire au minimum les risques de contrefaçon de brevet. Elle a conclu que l'interprétation d'Eli Lilly « offre au moins la possibilité de prévenir la contrefaçon du brevet 969, alors que l'interprétation du ministre ne peut avoir ce résultat » [non souligné dans l'original].

En parlant de la « possibilité de prévenir la contrefaçon » , la Cour faisait allusion à la possibilité qu'un fabricant puisse obtenir l'approbation d'une version bioéquivalente à une formulation approuvée qui contreferait le brevet. La Cour, dans sa décision, a souscrit à l'argument avancé par Eli Lilly :

[...] l'interprétation du ministre irait à l'encontre des objectifs du Règlement sur les MB (ADC). Il est théoriquement possible qu'un fabricant de drogues génériques produise une drogue consistant en une formulation de ceftazidime et de lactose amorphe qui soit bioéquivalente à Tazidime (même si elle n'était pas exactement identique à Tazidime parce que Tazidime ne contient pas de lactose amorphe). Un tel produit pourrait contrefaire le brevet 969. Si l'on ne permet pas que le brevet 969 reste dans les listes de brevets pour Tazidime, Eli Lilly sera privée de son droit de demander au tribunal d'interdire la délivrance de l'avis de conformité pour la nouvelle drogue jusqu'à l'expiration du brevet 969. Si cela se produisait, on se trouverait à avoir empêché le Règlement sur les MB (ADC) de s'appliquer de la manière prévue.

Comme on l'a vu plus haut, il est concevable qu'un fabricant compare au NORVASC un produit combiné qui contreferait le brevet 726. Le refus d'inscrire celui-ci au registre irait à l'encontre de l'objet du Règlement, qui est d'empêcher la contrefaçon de brevet et d'aviser les tiers de l'existence de brevets s'appliquant au produit. Tant qu'un tel scénario reste « théoriquement possible » , le brevet 726 devrait rester admissible à l'inscription afin que Pfizer soit protégée contre sa contrefaçon.

[...]

[Souligné dans l'original.]

(Dossier de Pfizer, volume 2, onglet 3, pages 44 à 46.)

            B. Le rejet du ministre

[8]                Par lettre en date du 17 janvier 2005, le ministre a rejeté l'argument de Pfizer dans les termes suivants :

[traduction]

[...]

                Objet :     Listes de brevets - brevet canadien 2296726

                NORVASC - bésylate d'amlodipine

                en comprimés de 2,5, de 5 et de 10 mg

                Présentations 093100 et 093913

                CADUET - bésylate d'amlodipine/atorvastatine calcique

                en comprimés de 5/10, 5/20, 5/40, 5/80, 10/10, 10/20, 10/40 et 10/80 mg

                Présentation 088557

[...]

                Vous avez avancé dans vos observations un certain nombre d'arguments à l'appui de la thèse que le brevet canadien 2296726 (brevet 726) est admissible à l'inscription au registre des brevets à l'égard de chacune des présentations citées en objet. J'ai le regret de vous informer que, après examen de vos arguments, la Direction des produits thérapeutiques (DPT) reste d'avis que le brevet 726 n'est pas admissible à l'inscription au registre dans le présent cas.

                Le brevet 726, intitulé « Thérapie combinée » , revendique une composition pharmaceutique associant l'amlodipine (ou un de ses sels d'addition acides) et une seule statine choisie dans le groupe formé de la fluvastatine, de la rivastatine et de la simvastatine. Pour sa part, NORVASC a comme seul ingrédient médicinal le bésylate d'amlodipine. Quant au médicament CADUET, la DPT considère que l'ingrédient médicinal est une association de bésylate d'amlodipine et d'atorvastatine calcique. En dépit de ces différences, vous soutenez que les conditions de l'alinéa 4(2)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) se trouvent néanmoins remplies pour ce qui concerne le brevet 726, au motif que ce brevet comporte des revendications pour une composition dont le bésylate d'amlodipine forme un élément. Vous faites valoir que, comme le bésylate d'amlodipine est le principe actif du NORVASC, et un élément du principe actif du CADUET, l'inscription du brevet 726 au registre se justifie à l'égard de ces deux drogues.

                Vous avez invoqué, dans votre argumentation à l'appui de l'inscription du brevet 726 au registre, l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) [2003] 23 C.P.R. (4th) 289. Selon vous, l'interprétation donnée par la Cour d'appel fédérale des termes « revendication pour le médicament » dans cet arrêt peut être invoquée à l'appui de la thèse qu'un brevet qui comporte une revendication pour une combinaison d'ingrédients médicinaux est admissible à l'inscription au registre à l'égard d'un produit ne contenant qu'un seul élément de la combinaison brevetée.

                Pour ce qui concerne votre recours à l'arrêt Eli Lilly, la DPT pense que cette affaire diffère du cas qui nous occupe sous au moins deux rapports importants. Premièrement, dans l'affaire Eli Lilly, il n'était pas contesté que le médicament contenu dans la formulation revendiquée (soit la ceftazidime) correspondait précisément au médicament contenu dans la drogue à l'égard de laquelle Eli Lilly souhaitait faire inscrire son brevet. Or, il n'en va pas ainsi dans le présent cas. Comme je le disais dans ma lettre précédente, la principale objection de la DPT est que le médicament revendiqué dans le brevet 726 ne correspond ni au médicament contenu dans la drogue CADUET ni au médicament contenu dans la drogue NORVASC.

                Deuxièmement, la Cour d'appel, dans l'arrêt Eli Lilly, est aussi arrivée à la conclusion qu'il serait possible pour un fabricant de génériques d'élaborer un produit mettant en oeuvre la formulation revendiquée dans le brevet en cause et de demander ensuite l'approbation de cette formulation en se fondant sur la démonstration de sa bioéquivalence à la formulation de la drogue commercialisée par Eli Lilly. Le fait que cela fût théoriquement possible semble avoir joué un rôle important dans la décision rendue en fin de compte par la Cour, comme quoi le brevet en cause était admissible à l'inscription à l'égard du produit commercialisé. Cependant, le raisonnement de la Cour d'appel sur ce point ne peut être appliqué au cas qui nous occupe. La DPT ne permettrait pas à un fabricant de génériques qui proposerait un produit contenant du bésylate d'amlodipine combiné à de la fluvastine, de la rivastatine ou de la simvastatine, d'utiliser le CADUET ou le NORVASC comme produit de référence canadien dans le cadre d'une présentation abrégée de drogue nouvelle. Les différences séparant, d'une part, le médicament revendiqué dans le brevet 726, et d'autre part, le médicament contenu dans le CADUET ou le NORVASC, sont telles que les deux produits ne seraient pas considérés comme des équivalents pharmaceutiques au sens de l'article C.08.001.1 du Règlement sur les aliments et drogues.

Touchant le CADUET, je note aussi que l'exposé de l'invention du brevet 726 contient de nombreux passages indiquant que la portée de ce brevet ne va pas jusqu'à inclure une combinaison de bésylate d'amlodipine et d'atorvastatine calcique. On lit par exemple ce qui suit à la page 25 de la partie de l'exposé intitulée [traduction] « Description détaillée de l'invention » :

[traduction] Il est cependant à noter que l'atorvastatine et les sels pharmaceutiquement acceptables de celle-ci échappent à la portée du présent exposé.

Cette déclaration semble conforme à la position de la DPT selon laquelle les compositions pharmaceutiques revendiquées dans le brevet 726 doivent être considérées comme des médicaments différents de la combinaison de bésylate d'amlodipine et d'atorvastatine calcique présente dans le CADUET.

                Pour ces raisons, et pour celles exposées dans ma lettre précédente, la DPT reste d'avis que le brevet 726 ne comporte pas de revendication pour le médicament bésylate d'amlodipine/atorvastatine calcique ou son utilisation, ni pour le médicament bésylate d'amlodipine ou son utilisation, comme l'exige l'alinéa 4(2)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). En conséquence, en vertu du paragraphe 3(1) du même règlement, le brevet 726 ne sera inscrit au registre des brevets au titre d'aucune des présentations de drogue citées en objet.

[...]

(Dossier de Pfizer, volume 2, onglet 3, pages 49 à 51.)

II.         L'interprétation donnée par le ministre de l'alinéa 4(2)b) est-elle juste?

[9]                Cet alinéa est libellé comme suit :

LISTE DE BREVETS

[...]

4. (2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

[...]

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

[...]

PATENT LIST

[...]

4. (2) A patent list submitted in respect of a drug must

[...]

(b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;

[...]

[10]            L'élément central de l'argumentation opposée par Pfizer à l'interprétation que donne le ministre de l'alinéa 4(2)b) est sa propre interprétation de la décision majoritaire rendue dans l'affaire Eli Lilly. Se fondant sur cet arrêt, Pfizer soutient qu'un brevet revendiquant une composition qui contient deux principes actifs peut être inscrit au registre à l'égard d'un produit qui ne contient qu'un seul de ces principes actifs.

[11]            Autrement dit, Pfizer affirme que, même si le brevet 726 revendique la protection d'une combinaison de deux médicaments, soit le bésylate d'amlodipine et une seule statine choisie dans le groupe formé de la fluvastatine, de la rivastatine et de la simvastatine, il peut être inscrit au registre au titre de la drogue NORVASC, qui ne contient quant à elle qu'un seul médicament, le bésylate d'amlodipine. Conformément à la même logique, Pfizer soutient en outre que le brevet 726 peut être inscrit au registre à l'égard de la drogue CADUET, qui contient une combinaison de deux médicaments, soit le bésylate d'amlodipine et l'atorvastatine calcique. Le bésylate d'amlodipine est donc le facteur commun sur lequel se fonde l'argumentation de Pfizer à l'appui de l'inscription au registre au titre des deux drogues.

[12]            Comme l'indique la lettre de rejet, le point de vue du ministre est que la situation qui a donné lieu à l'arrêt Eli Lilly doit être distinguée de celle qui fait l'objet de la présente espèce. Pour les motifs exposés ci-dessous, je souscris à ce point de vue.

[13]            Pfizer formule son interprétation de l'arrêt Ely Lilly dans le passage suivant de la lettre de demande citée plus haut :

La principale question à trancher dans Eli Lilly était celle de savoir si le brevet en cause pouvait être considéré comme comportant une revendication pour le médicament en soi. La Cour a statué que tout brevet comportant une revendication pour la ceftazidime en soi ou pour une formulation dont la ceftazidime était le principe actif entrait dans le champ d'application de l'alinéa 4(2)b). Or, comme le brevet en question comportait des revendications pour une formulation dont la ceftazidime était le principe actif, il était admissible à l'inscription au registre. La Cour a rejeté l'argument du ministre selon lequel l'invention divulguée dans le brevet devait être d'une façon ou d'une autre incluse ou incorporée dans le Tazidime.

[Non souligné dans l'original.]

[14]            Les paragraphes suivants de l'arrêt Eli Lilly, en particulier le paragraphe 27, sont les plus pertinents touchant l'argumentation de Pfizer :

2    Toutes les revendications du brevet 969 visent la ceftazidime pentahydratée associée à du lactose amorphe. La ceftazidime est un antibiotique. Selon la divulgation contenue dans le brevet 969, la ceftazidime pentahydratée est une forme utile de la ceftazidime pour les formulations pharmaceutiques. Avant la divulgation contenue dans le brevet 969, les formulations connues de la ceftazidime pentahydratée tendaient à se dégrader, entraînant la formation de polymères à poids moléculaire élevé, qui cause la toxicité. L'invention divulguée par le brevet 969 donne une formulation de ceftazidime pentahydratée avec du lactose amorphe. L'incorporation du lactose amorphe évite le problème de toxicité en supprimant la formation de polymères.

3 Eli Lilly a trouvé une autre solution au problème de toxicité découlant de la dégradation de la ceftazidime pentahydratée. Son autre solution ne fait pas l'objet du brevet. Eli Lilly la garde plutôt comme un secret de fabrique. En employant cette autre solution, Eli Lilly a élaboré six drogues à base de ceftazidime. En 1990 et 1992, Eli Lilly a obtenu des avis de conformité pour ces six drogues en vertu du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870. Quatre de ces drogues sont vendues en diverses formes posologiques sous le nom commercial de Tazidime et deux autres sont vendues en diverses formes posologiques sous le nom commercial Tazidime Add-Vantage (collectivement, « Tazidime » ). Tous ces produits sont des poudres solubles, destinées à être reconstituées pour obtenir une solution qui sera administrée par injection.

4    Le 8 avril 1993, Eli Lilly a présenté une liste de brevets en vertu du paragraphe 4(1) du Règlement sur les MB (ADC) pour chacun de ses produits Tazidime. Chaque liste de brevets énumère plusieurs brevets, dont le brevet 969. Le brevet 969 a été inscrit au registre des brevets lorsque les listes ont été déposées. Toutefois, il a été radié le 6 juillet 2000, à la suite d'une décision du ministre consignée dans une lettre à Eli Lilly datée du 8 juin 2000. L'appelante a demandé le contrôle judiciaire de la décision du ministre. Sa demande a été rejetée et elle interjette appel devant la Cour.

[...]

24    Selon la preuve, la ceftazidime est un antibiotique. Le lactose amorphe ne possède pas de propriétés médicinales, mais empêche la ceftazidime de devenir toxique en se dégradant. Une formulation de ceftazidime et de lactose amorphe qui fait l'objet de l'une des revendications du brevet 969 serait considérée comme un « médicament » au sens où ce terme est défini à l'article 2 du Règlement sur les MB (ADC) : Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 62 C.P.R. (3d) 58 (C.F. 1re inst); confirmée par (1996), 67 C.P.R. (3d) 25 (C.A.F.). Toutefois, il me semble que la ceftazidime seule correspond également à la définition du « médicament » .

25    Le juge a fait le raisonnement que la ceftazidime, puisqu'elle est toxique en soi, n'est pas destinée à servir et ne peut servir au traitement d'une maladie ou d'un désordre. Je ne puis souscrire à cette conclusion. Un antibiotique ne cesse pas d'être un antibiotique simplement parce qu'il ne peut être utilisé dans l'organisme sans effet nuisible tant qu'il n'est pas combiné avec une substance qui l'empêche de devenir toxique en se dégradant. Il s'ensuivrait que, pour l'application du Règlement sur les MB (ADC), la ceftazidime est un médicament, qu'elle soit formulée ou non avec le lactose amorphe.

26    Il s'ensuivrait également que, pour paraphraser le paragraphe 4(1), Eli Lilly qui a obtenu un avis de conformité pour une drogue, Tazidime, qui contient un médicament, la ceftazidime, peut soumettre une liste de brevets à l'égard de la drogue. Toutefois, le paragraphe 4(1) n'indique pas quels brevets Eli Lilly a le droit d'inclure dans la liste de brevets. Cette question se décide sur le fondement des alinéas 4(2)b) et 4(7)b).

27    Selon l'alinéa 4(2)b), la liste de brevets soumise à l'égard de Tazidime peut comprendre tout brevet qui comporte « une revendication pour le médicament en soi » . Le terme « médicament » à l'alinéa 4(2)b) doit avoir la même signification qu'au paragraphe 4(1). S'il en est ainsi, dans le cas d'une liste de brevets soumise à l'égard de Tazidime, tout brevet qui comporte une revendication pour la ceftazidime en soi, ou une revendication pour une formulation dans laquelle la ceftazidime est l'ingrédient médicinal actif, correspond aux paramètres définis à l'alinéa 4(2)b).

[Non souligné dans l'original.]

28    Je n'ai pas besoin d'analyser les exigences de l'alinéa 4(7)b) de façon détaillée. Je crois comprendre que l'avocat du ministre n'a pas pris la position que le brevet 969 n'est pas « pertinent quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration » de Tazidime.

29    Sur le fondement de l'interprétation qui précède selon le sens ordinaire et grammatical du Règlement sur les MB (ADC), le brevet 969 devrait pouvoir être inclus dans les listes de brevets pour Tazidime. C'est l'interprétation qu'il y a lieu d'adopter à moins qu'on puisse raisonnablement prêter au texte du Règlement sur les MB (ADC) une signification différente qui s'accorderait mieux avec l'objet du Règlement.

30    L'avocat du ministre a plaidé que le Règlement sur les MB (ADC) exige une relation, qu'il a appelée la « pertinence » , entre la drogue indiquée dans l'avis de conformité et le brevet que l'on veut inscrire dans le registre des brevets. Il a soutenu que cette relation fait défaut si l'invention divulguée dans le brevet n'est pas de quelque façon incluse ou appliquée dans la drogue. En l'espèce, par exemple, il n'est pas contesté que Tazidime n'utilise aucunement l'invention divulguée dans le brevet 969. C'est dans ce sens que l'avocat du ministre fait valoir que le brevet 969 n'est pas « pertinent » par rapport à l'avis de conformité pour Tazidime.

[...]

34    Je n'arrive pas à interpréter ces formulations de la manière préconisée dans l'argumentation du ministre. Le paragraphe 4(1) détermine les personnes qui peuvent présenter une liste de brevets, non ce que peut contenir une liste de brevets. De même, les mots soulignés de l'alinéa 4(7)b) ne décrivent pas une relation entre la drogue désignée dans l'avis de conformité et les brevets qui peuvent être inclus dans la liste de brevets. Plutôt « la drogue visée par la demande d'avis de conformité » est simplement Tazidime.

35    D'après Eli Lilly, l'interprétation du ministre irait à l'encontre du Règlement sur les MB (ADC). Il est théoriquement possible qu'un fabricant de drogues génériques produise une drogue consistant en une formulation de ceftazidime et de lactose amorphe qui soit bioéquivalente à Tazidime (même si elle n'était pas exactement identique à Tazidime parce que Tazidime ne contient pas de lactose amorphe). Un tel produit pourrait contrefaire le brevet 969. Si l'on ne permet pas que le brevet 969 reste dans les listes de brevets pour Tazidime, Eli Lilly sera privée de son droit de demander au tribunal d'interdire la délivrance de l'avis de conformité pour la nouvelle drogue jusqu'à l'expiration du brevet 969. Si cela se produisait, on se trouverait à avoir empêché le Règlement sur les MB (ADC) de s'appliquer de la manière prévue. Je note qu'un argument semblable a été accepté dans la décision Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (1999), 87 C.P.R. (3d) 271 (C.F. 1re inst.), mais seulement dans une remarque incidente, dans le contexte de la version du Règlement sur les MB (ADC) antérieure aux modifications de 1998.

36    En somme, il me semble que l'interprétation proposée par Eli Lilly devrait être préférée à celle qui est proposée par le ministre, pour deux raisons. D'abord, elle est plus conforme à la formulation du Règlement sur les MB (ADC). Ensuite, elle offre au moins la possibilité de prévenir la contrefaçon du brevet 969, alors que l'interprétation du ministre ne peut avoir ce résultat.

[15]            À mon sens, l'arrêt Eli Lilly est effectivement pertinent à l'égard de la décision qui fait l'objet du présent contrôle, mais seulement parce qu'il étaye l'argumentation du ministre touchant l'interprétation juste de l'alinéa 4(2)b).

[16]            Le recours à Eli Lilly comme précédent dans la présente espèce repose sur ce que voulait dire la juge Sharlow aux paragraphes 27 et 35. Cette dernière reconnaît dans son analyse que la formulation associant la ceftazidime et le lactose amorphe est considérée comme un « médicament » , mais, selon mon interprétation de sa décision, elle n'en formule pas moins sa conclusion en se fondant sur les prémisses que le médicament contenu dans la drogue Tazidime est la ceftazidime pentahydratée, que le médicament revendiqué par le brevet 969 est aussi la ceftazidime pentahydratée, et que le lactose amorphe entrant dans la composition revendiquée par le même brevet comme excipient ou substance neutre est sans rapport avec la question.

[17]            Par conséquent, je conclus que la juge Sharlow a examiné le médicament contenu dans la drogue, l'a comparé à celui revendiqué dans le brevet 969 et, sachant que l'alinéa 4(2)b) exigeait qu'ils fussent un seul et même médicament pour que le brevet 969 puisse être inscrit au registre, est arrivée à la conclusion qu'ils étaient effectivement un seul et même médicament, à savoir la ceftazidime pentahydratée. Selon son analyse, comme l'excipient est considéré comme dénué de pertinence, il importe peu qu'il fasse partie de la formulation revendiquée dans le brevet 969 lorsqu'il s'agit de trancher la question de l'admissibilité de ce brevet à l'inscription au registre. Par conséquent, ainsi que l'écrivait la juge Sharlow au paragraphe 27, « tout brevet qui comporte une revendication pour la ceftazidime en soi, ou une revendication pour une formulation dans laquelle la ceftazidime est l'ingrédient médicinal actif, correspond aux paramètres définis à l'alinéa 4(2)b) » [non souligné dans l'original].

[18]            Pfizer essaie dans son interprétation d'étendre le champ d'application de l'arrêt Eli Lilly en employant des termes différents de ceux de la juge Sharlow. Je constate que l'emploi par cette dernière de l'article défini ( « l' » ) au paragraphe 27 limite l'application de sa décision au cas où l'on compare un médicament contenu dans une drogue au même médicament associé à un ou plusieurs excipients dans une formulation que revendique un brevet, c'est à dire au cas où la revendication porte sur une formulation dont le médicament est l'ingrédient médicinal actif. Cependant, comme il apparaît dans la partie interprétative de sa lettre de demande, Pfizer a remplacé l'article défini par un article indéfini ([traduction] « un » ). Pfizer interprète donc le paragraphe 27 comme s'appliquant au cas où l'on compare un médicament contenu dans une drogue au même médicament associé à un autre dans une formulation que revendique un brevet, c'est-à-dire au cas où la revendication porte sur une formulation où le médicament en question constitue un ingrédient actif.

[19]            Par conséquent, je ne puis souscrire à l'interprétation que Pfizer propose de l'arrêt Eli Lilly, d'où il suit que je rejette son argumentation touchant l'interprétation juste de l'alinéa 4(2)b).

[20]            Comme il ressort de la déclaration suivante à propos de la présente demande relative au brevet 726, le Ministre a interprété correctement, selon moi, l'alinéa 4(2)(b) dans sa lettre de rejet du 17 janvier 2005 :

[traduction] À prime abord, le brevet ne contient aucune revendication visant le bésylate d'amlodipine seul ou en association avec l'atorvastatine calcique. Le brevet dit très clairement que l' « invention » a trait à des combinaisons et à leurs utilisations; il exclut donc le bésylate d'amlodipine utilisé seul. De plus, les combinaisons en question excluent expressément l'atorvastatine. Si l'on se fonde uniquement sur le libellé exprès de la Loi, le brevet n'est pas admissible à l'inscription au Registre.

(Dossier du Ministre, p. 14, par. 37)

III.        L'inquiétude hypothétique de Pfizer

[21]            Pfizer avance dans sa lettre du 7 octobre 2004 un deuxième argument à l'appui de l'inscription au registre du brevet 726 :

[traduction] Pfizer est préoccupée par le fait qu'un fabricant peut déposer une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) relativement à un produit combiné contenant du bésylate d'amlodipine et faire valoir une comparaison avec tout ou partie des renseignements sur l'innocuité et l'efficacité contenus dans la présentation du NORVASC. Si le brevet 726 n'est pas inscrit au registre, le fabricant n'aura pas à prendre ce brevet en compte pour recevoir l'approbation réglementaire sous le régime du Règlement.

[22]            Le ministre, dans sa lettre de rejet, lui donne à cet égard l'assurance suivante :

[traduction] La DPT [Direction des produits thérapeutiques] ne permettrait pas à un fabricant de génériques qui proposerait un produit contenant du bésylate d'amlodipine combiné à de la fluvastine, de la rivastatine ou de la simvastatine, d'utiliser le CADUET ou le NORVASC comme produit de référence canadien dans le cadre d'une présentation abrégée de drogue nouvelle. Les différences séparant, d'une part, le médicament revendiqué dans le brevet 726, et d'autre part, le médicament contenu dans le CADUET ou le NORVASC, sont telles que les deux produits ne seraient pas considérés comme des équivalents pharmaceutiques au sens de l'article C.08.001.1 du Règlement sur les aliments et drogues.

Cependant, malgré cette assurance ferme qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter à ce sujet, Pfizer produit contre le ministre des témoignages d'expert tendant à prouver que, en fait, s'il se trouvait dans le cas hypothétique envisagé par elle, il n'agirait pas conformément à la garantie qu'il donne dans sa lettre.

[23]            La garantie du ministre repose sur son interprétation du Règlement sur les aliments et drogues. Pfizer conteste cette interprétation en se fondant sur des témoignages d'expert tendant à prouver que la pratique établie du ministre est contraire à ladite interprétation. Les témoins experts de Pfizer sont : Mme Sue Wehner, consultante ayant plus de 30 années d'expérience des questions relatives à la réglementation de l'industrie pharmaceutique, qui participe à l'établissement et au dépôt de présentations de drogue nouvelles et de présentations abrégées de drogue nouvelle dans de nombreux domaines de la recherche pharmaceutique depuis 1972; et Mme Myriam Antoun, chef du service de la réglementation des drogues chez Pfizer Canada Inc., chargée du dépôt de la présentation de drogue nouvelle relative au CADUET.

[24]            Les affidavits de Mmes Wehner et Antoun portent principalement sur deux aspects de la pratique du ministre : l' « Avis à l'industrie » en date du 3 juin 2004 (l'Avis), reproduit à l'annexe du présent exposé; et la procédure d'approbation de la drogue CADUET.

[25]            Pour ce qui concerne le premier aspect, Pfizer invoque le témoignage de Mme Wehner, étayé par celui de Mme Antoun. Les paragraphes suivants de l'affidavit de Mme Wehner se révèlent à cet égard d'une importance particulière :

[traduction]

Les produits pharmaceutiques combinés

16.           Est dit combiné le produit pharmaceutique qui contient au moins deux principes actifs. Le CADUET est un produit pharmaceutique réunissant deux principes actifs, soit le bésylate d'amlodipine et l'atorvastatine calcique.

17.           On peut lire le passage suivant à propos des produits combinés dans un Avis à l'industrie de Santé Canada : « [...] pour tous les produits combinés devant faire l'objet d'études de biodisponibilité comparatives, les paramètres pharmacocinétiques à mesurer et à signaler sont ceux qui seraient normalement exigés pour chaque médicament si chacun était le seul ingrédient de la forme pharmaceutique [...] » . Cet Avis est reproduit en annexe B.

18.           Comme Santé Canada évalue séparément les principes actifs du produit combiné, il lui faut des renseignements comparatifs sur la biodisponibilité (ou la bioéquivalence) de chacun de ces principes actifs par rapport aux renseignements correspondants sur chacun des produits de référence canadiens que contient le produit combiné.

Opinion

19.           Me fondant sur mon expérience et mon interprétation de la procédure réglementaire, je pense que si une entreprise qui souhaiterait vendre un produit pharmaceutique combiné contenant du bésylate d'amlodipine et de la simvastatine déposait une présentation de drogue pour ce produit, Santé Canada exigerait d'elle qu'elle établisse sa bioéquivalence au produit de référence NORVASC (bésylate d'amlodipine) et fasse renvoi aux renseignements sur l'innocuité et l'efficacité du NORVASC déjà communiqués par Pfizer. Santé Canada exigerait aussi que l'entreprise en question démontre la bioéquivalence de son produit au produit de référence ZOCOR (simvastatine) et fasse renvoi aux renseignements sur l'innocuité et l'efficacité du ZOCOR déjà communiqués par Merck. Si j'étais chargée d'établir la présentation d'un produit combiné contenant du bésylate d'amlodipine et de la simvastatine, je fonderais cette présentation sur les deux produits de référence canadiens NORVASC et ZOCOR.

20.           La présentation de tout produit combiné contenant du bésylate d'amlodipine et de la simvastatine doit être basée sur les présentations du NORVASC (par Pfizer) et du ZOCOR (par Merck), qui sont les deux produits de référence canadiens pertinents. En faisant renvoi à la présentation du NORVASC par Pfizer pour obtenir l'approbation d'un produit combiné, le fabricant de celui-ci gagnerait autant qu'un fabricant de génériques à déposer une PADN portant sur un produit générique de bésylate d'amlodipine qui ferait renvoi au NORVASC.

(Dossier de Pfizer, volume 1, onglet 2, pages 13 et 14.)

Donc, comme il apparaît aux paragraphes 17 et 18 de son affidavit, l'opinion de Mme Wehner est fondée sur son interprétation de l'Avis.

[26]            Dans le cadre de la présente demande, le ministre a clarifié la signification de l'Avis et, en fait, les motifs de nature réglementaire qui l'ont amené à rejeter l'argument de Pfizer fondé sur l'inquiétude hypothétique exposée plus haut. Ces éclaircissements se trouvent dans l'affidavit de Mme Elizabeth Bowes, gestionnaire, Brevets et liaison, au Bureau des médicaments brevetés et de la liaison de la Direction des produits thérapeutiques, qui propose les observations suivantes :

[traduction]

Le dépôt d'une PADN portant sur un produit combiné

33.           Le fabricant de génériques qui déposerait une PADN relative à une drogue contenant deux ingrédients médicinaux serait tenu, en vertu de l'alinéa C.08.002.1(1)a) du Règlement sur les aliments et drogues, de démontrer que cette drogue générique est « un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien » . L'expression « équivalent pharmaceutique » reçoit la définition suivante à l'article C.08.001 : « S'entend d'une drogue nouvelle qui, par comparaison à une autre drogue, contient les mêmes quantités d'ingrédients médicinaux identiques, sous des formes posologiques comparables, mais pas nécessairement les mêmes ingrédients non médicinaux. » Par conséquent, le fabricant de génériques qui propose un produit combiné doit le comparer à un produit de référence canadien contenant les deux mêmes ingrédients médicinaux.

34.           L' « Avis à l'industrie » de la DPT, en date du 3 juin 2004 (reproduit en annexe P), est une mise à jour des lignes directrices de 1992 sur la biodisponibilité et la bioéquivalence pour les produits combinés. Le Rapport C, qui fait partie de ces lignes directrices, est reproduit en annexe Q. Il est à noter que les lignes directrices de 1992 sont antérieures aux dispositions du Règlement sur les aliments et drogues portant sur la présentation abrégée de drogue nouvelle (qui datent du 16 août 1995). L'Avis porte que les produits combinés de type 2, c'est-à-dire destinés à produire un effet synergique, doivent satisfaire aux mêmes paramètres de biodisponibilité que les produits de type 1 (à action non synergique).

35.           Comme il est précisé dans l'Avis, chaque ingrédient médicinal du produit combiné doit être conforme aux paramètres pharmacocinétiques. Ces paramètres sont recensés à la page 9 du Rapport C. L'Avis reste muet sur le choix du produit de référence et n'autorise pas un fabricant de génériques qui associerait deux drogues distinctes en un produit combiné à demander un AC à l'égard de celui-ci au moyen d'une présentation abrégée de drogue nouvelle.

36.           Par conséquent, ni la réglementation applicable ni aucune autre politique de Santé Canada n'accréditent l'hypothèse de la demanderesse selon laquelle un fabricant de génériques pourrait copier une combinaison d'amlodipine et d'une autre statine dont l'utilisation n'aurait pas été auparavant approuvée.

(Dossier de Pfizer, volume 2, onglet 4, pages 64 et 65.)

[27]            Me fondant sur la preuve de Mme Bowes, je n'accorde aucun poids aux opinions des experts de Pfizer touchant le premier aspect de la pratique du ministre, au motif que ces opinions reposent sur une interprétation erronée de l'Avis.

[28]            Pour ce qui concerne le deuxième aspect, soit la procédure d'approbation de la drogue CADUET par le ministre, Pfizer invoque les déclarations suivantes de Mme Antoun :

[traduction]

LES PRÉSENTATIONS DE PRODUITS COMBINÉS

17.           Me fondant sur mon expérience relative à la présentation du CADUET et sur l'Avis à l'industrie, je crois comprendre que le fabricant qui souhaiterait déposer une présentation de produit combiné contenant du bésylate d'amlodipine et de la simvastatine, par exemple, ferait renvoi, aux fins de comparaison, aux renseignements contenus dans les présentations du NORVASC (bésylate d'amlodipine) et du ZOCOR de Merck (simvastatine). Je crois comprendre que des renseignements semblables à ceux auxquels la présentation du CADUET faisait renvoi seraient invoqués aux fins de comparaison dans la présentation du produit combiné contenant du bésylate d'amlodipine et de la simvastatine. En particulier, je crois comprendre que la présentation du produit combiné proposerait une comparaison et un renvoi aux présentations du NORVASC et du ZOCOR aux fins d'établir la bioéquivalence sur la base des caractéristiques pharmaceutiques.

18.           Par conséquent, le fabricant qui agirait ainsi gagnerait beaucoup de temps et économiserait beaucoup d'argent dans l'élaboration de la présentation de son produit combiné.

[Non souligné dans l'original.]

(Dossier de Pfizer, volume 2, onglet 3, page 25.)

[29]            Je n'accorde aucun poids aux déclarations de Mme Antoun, au motif que j'accepte l'argument, avancé au cours de l'audience par l'avocat du ministre, selon lequel la [traduction] « présentation du CADUET » invoquée par Mme Antoun n'est pas pertinente : cette présentation était une présentation de drogue nouvelle, et non une présentation abrégée de drogue nouvelle comme dans le cas hypothétique envisagé par Pfizer. L'avocat du ministre a expliqué cette distinction dans les termes suivants :

[traduction]

[Avec le brevet 726,] nous n'avons pas du tout affaire au même genre de présentation que celle que déposerait un fabricant de génériques : il ne s'agit pas [...] [dans le cas du CADUET] d'une présentation abrégée de drogue nouvelle, mais bien d'une présentation de drogue nouvelle [...] Par conséquent, la question de savoir si les deux produits étaient des équivalents pharmaceutiques ne s'est pas posée. Pas plus que celle de savoir s'ils contenaient les mêmes quantités d'ingrédients médicinaux identiques, puisque la présentation en cause était une présentation de drogue nouvelle.

Si Pfizer avait essayé de faire ce que ferait un fabricant ordinaire de génériques, c'est-à-dire d'utiliser le Norvasc comme produit de référence canadien dans une présentation abrégée de drogue nouvelle, on ne l'y aurait pas autorisée. Mais ce qu'elle proposait en réalité, c'était une présentation de drogue nouvelle, où elle ne pouvait compter que sur elle-même pour démontrer l'innocuité et l'efficacité de la drogue Caduet.

On l'a autorisée à utiliser les mêmes études que celles qui avaient servi relativement à l'amlodipine contenue dans le Norvasc, et à l'atorvastatine présente dans le Lipitor. Les propriétaires de ces deux drogues lui avaient permis d'utiliser les mêmes études pour établir l'innocuité et l'efficacité de sa drogue.

Mais c'est là une démarche très différente de celle qui consisterait à utiliser une drogue comme produit canadien de référence ou à poser qu'une drogue contient des ingrédients médicinaux identiques à ceux de l'autre drogue et dans les mêmes quantités.

(Transcription, pages 124 et 125.)

[30]            Il s'ensuit que je souscris à la thèse du ministre selon laquelle l'inquiétude hypothétique de Pfizer n'est pas fondée.

ORDONNANCE

En conséquence, la présente demande est rejetée.

Les dépens, taxables selon le colonne III du tarif B, sont adjugés au ministre.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


ANNEXE

I.                      Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité),

DORS/93-133

DÉFINITIONS

2. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.

[...]

« médicament » Substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes. (medicine)

[...]

« revendication pour le médicament en soi » S'entend notamment d'une revendication, dans le brevet, pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes du procédé de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes. (claim for the medicine itself)

« revendication pour l'utilisation du médicament » Revendication pour l'utilisation du médicament aux fins du diagnostic, du traitement, de l'atténuation ou de la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes. (claim for the use of the medicine)

[...]

REGISTRE

3. (1) Le ministre tient un registre des renseignements fournis aux termes de l'article 4. À cette fin, il peut refuser d'y ajouter ou en supprimer tout renseignement qui n'est pas conforme aux exigences de cet article.

(2) Le registre est ouvert à l'inspection publique durant les heures de bureau.

(3) Aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 n'est consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel il a été soumis.

(4) Pour décider si tout renseignement fourni aux termes de l'article 4 doit être ajouté au registre ou en être supprimé, le ministre peut consulter le personnel du Bureau des brevets.

LISTE DE BREVETS

4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).

(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue;

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

c) une déclaration portant, à l'égard de chaque brevet, que la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste;

d) la date d'expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;

e) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.

(4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe (2).

(5) Lorsque la première personne soumet, conformément au paragraphe (4), une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets, elle doit indiquer la demande d'avis de conformité à laquelle se rapporte la liste ou la modification, en précisant notamment la date de dépôt de la demande.

(6) La personne qui soumet une liste de brevets doit la tenir à jour mais ne peut ajouter de brevets à une liste que si elle le fait en conformité avec le paragraphe (4).

(7) La personne qui soumet une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets aux termes des paragraphes (1) ou (4) doit remettre une attestation portant que :

a) les renseignements fournis sont exacts;

b) les brevets mentionnés dans la liste ou dans la modification sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité.

INTERPRETATION

2. In these Regulations,

"claim for the medicine itself" includes a claim in the patent for the medicine itself when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed or by their obvious chemical equivalents; (revendication pour le médicament en soi)

"claim for the use of the medicine" means a claim for the use of the medicine for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof; (revendication pour l'utilisation du médicament)

[...]

"medicine" means a substance intended or capable of being used for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof; (médicament)

[...]

REGISTER

3. (1) The Minister shall maintain a register of any information submitted under section 4. To maintain it, the Minister may refuse to add or may delete any information that does not meet the requirements of that section.

(2) The register shall be open to public inspection during business hours.

(3) No information submitted pursuant to section 4 shall be included on the register until after the issuance of the notice of compliance in respect of which the information was submitted.

(4) For the purpose of deciding whether information submitted under section 4 should be added to or deleted from the register, the Minister may consult with officers or employees of the Patent Office.

PATENT LIST

4. (1) A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug.

(2) A patent list submitted in respect of a drug must

(a) indicate the dosage form, strength and route of administration of the drug;

(b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;

(c) contain a statement that, in respect of each patent, the person applying for a notice of compliance is the owner, has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list;

(d) set out the date on which the term limited for the duration of each patent will expire pursuant to section 44 or 45 of the Patent Act; and

(e) set out the address in Canada for service on the person of any notice of an allegation referred to in paragraph 5(3)(b) or (c), or the name and address in Canada of another person on whom service may be made, with the same effect as if service had been made on the person.

(3) Subject to subsection (4), a person who submits a patent list must do so at the time the person files a submission for a notice of compliance.

(4) A first person may, after the date of filing of a submission for a notice of compliance and within 30 days after the issuance of a patent that was issued on the basis of an application that has a filing date that precedes the date of filing of the submission, submit a patent list, or an amendment to an existing patent list, that includes the information referred to in subsection (2).

(5) When a first person submits a patent list or an amendment to an existing patent list in accordance with subsection (4), the first person must identify the submission to which the patent list or the amendment relates, including the date on which the submission was filed.

(6) A person who submits a patent list must keep the list up to date but may not add a patent to an existing patent list except in accordance with subsection (4).

(7) A person who submits a patent list or an amendment to an existing patent list under subsection (1) or (4) must certify that

(a) the information submitted is accurate; and

(b) the patents set out on the patent list or in the amendment are eligible for inclusion on the register and are relevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug in respect of which the submission for a notice of compliance has been filed.


II.         Merck & Co. et al. c. Canada (Procureur général) et al.,

[1999] A.C.F. no 1825

[36]    Dans le cadre du Règlement sur les aliments et drogues, un fabricant de médicaments doit convaincre le ministre de l'innocuité et de l'efficacité d'une drogue nouvelle avant de la vendre sur le marché canadien. Dans la partie C du Règlement sur les aliments et drogues, au titre 8 intitulé « Drogues nouvelles » , différentes obligations sont imposées au fabricant de médicaments qui demande l'autorisation de vendre une drogue nouvelle au Canada afin de s'assurer que le ministre dispose d'assez de renseignements pour évaluer les exigences prépondérantes d'innocuité et d'efficacité1.

[37]    En vertu du paragraphe C.08.002(1) du Règlement sur les aliments et drogues, nul ne peut vendre ou annoncer une drogue nouvelle à moins que, notamment, le fabricant de cette drogue nouvelle n'ait déposé une présentation de drogue nouvelle ou une présentation abrégée de drogue nouvelle jugée satisfaisante par le ministre et qu'un avis de conformité n'ait été délivré à cet égard. Le paragraphe C.08.002(2) précise les renseignements et le matériel qu'il faut inclure dans une présentation de drogue nouvelle afin de permettre au ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle. En vertu du paragraphe C.08.002(3), le ministre a le pouvoir discrétionnaire d'exiger du fabricant d'un nouveau médicament qu'il fournisse des renseignements et du matériel additionnels lorsqu'il le juge nécessaire pour évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle.

[38]    Le paragraphe C.08.002(1) précise les exigences à satisfaire pour remplir une présentation abrégée de drogue nouvelle. En particulier, cette présentation peut être déposée par un fabricant lorsque la drogue nouvelle est un équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien ou est un bioéquivalent de celui-ci, lorsque la voie d'administration de la drogue nouvelle est identique à celle du produit de référence canadien et lorsque les conditions thérapeutiques relatives à la drogue nouvelle figurent parmi celles qui s'appliquent au produit de référence canadien. Les paragraphes C.08.002.1(2) et (3) suivent le même cadre général que l'article C.08.002 traitant d'une présentation de drogue nouvelle et prévoient respectivement le dépôt de renseignements et de matériel obligatoires ainsi que de renseignements et de matériel requis à la discrétion du ministre afin de permettre à ce dernier d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle. Les expressions « produit de référence canadien » et « équivalent pharmaceutique » employées à l'article C.08.002.1 sont définies à l'article C.08.001.1 comme suit :

C.08.001.1 Les définitions qui suivent s'appliquent au présent titre.

" équivalent pharmaceutique " S'entend d'une drogue nouvelle qui, par comparaison à une autre drogue, contient les mêmes quantités d'ingrédients médicinaux identiques, sous des formes posologiques comparables, mais pas nécessairement les mêmes ingrédients non médicinaux. (pharmaceutical equivalent )

" produit de référence canadien " Selon le cas :

a) une drogue pour laquelle un avis de conformité a été délivré aux termes de l'article C.08.004 et qui est commercialisée au Canada par son innovateur;

b) une drogue jugée acceptable par le ministre qui peut être utilisée pour la détermination de la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas

échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, lorsqu'une drogue pour laquelle un avis de conformité a été délivré aux termes de l'article C.08.004 ne peut être utilisée à cette fin parce qu'elle n'est plus commercialisée au Canada;

c) une drogue jugée acceptable par le ministre qui peut être utilisée pour la détermination de la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas

échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, par comparaison à une drogue visée à l'alinéa a). (Canadian reference product) ...

C.08.001.1 For the purposes of this Division,

"Canadian reference product" means

(a) a drug in respect of which a notice of compliance is issued pursuant to section C.08.004 and which is marketed in Canada by the innovator of the drug,

(b) a drug, acceptable to the Minister, that can be used for the purpose of demonstrating bioequivalence on the basis of pharmaceutical and, where applicable, bioavailability characteristics, where a drug in respect of which a notice of compliance has been issued pursuant to section C.08.004 cannot be used for that purpose because it is no longer marketed in Canada, or

(c) a drug, acceptable to the Minister, that can be used for the purpose of demonstrating bioequivalence on the basis of pharmaceutical and, where applicable, bioavailability characteristics, in comparison to a drug referred to in paragraph (a); (produit de référence canadien)

"pharmaceutical equivalent" means a new drug that, in comparison with another drug, contains identical amounts of the identical medicinal ingredients, in comparable dosage forms, but that does not necessarily contain the same non-medicinal ingredients; ...

[39]    Le paragraphe C.08.004(1) exige qu'après le dépôt par le fabricant des renseignements requis, le ministre délivre un avis de conformité lorsqu'une présentation de drogue nouvelle, une présentation abrégée de drogue nouvelle ou un supplément à l'une de ces présentations satisfait aux exigences de l'article correspondant du Règlement sur les aliments et drogues.

[40]    Cependant, avant de délivrer un avis de conformité en vertu du paragraphe C.08.004(1) du Règlement sur les aliments et drogues, le ministre doit déterminer si l'article 7 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) empêche de le faire.

[41]    Il est important de souligner au départ que l'article 2 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) définit l'expression « avis de conformité » comme suit :

2. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement. ...

"avis de conformité" Avis délivré au titre de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues. (notice of compliance) ...

2. In these Regulations, ...

"notice of compliance" means a notice issued under section C.08.004 of the Foods and Drug Regulations; (avis de conformité) ...

[42]    La définition de l'expression « avis de conformité » contenue à l'article 2 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) intègre donc par renvoi l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues, qui exige que le ministre délivre un avis de conformité en réponse à une présentation de drogue nouvelle, une présentation abrégée de drogue nouvelle ou un supplément à l'une de ces présentations lorsque le fabricant de la drogue nouvelle s'est conformé à certaines conditions prescrites.

[43]    Dans Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129, à la page 144, le juge Iacobucci, au nom de la Cour, a approuvé le résumé général qui a ainsi été fait du cadre législatif du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) :

     Le nouveau régime d'ADC est résumé avec clarté dans l'extrait suivant des motifs rédigés par le juge Teitelbaum dans l'affaire Glaxo Wellcome Inc. c. Canada (Le Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 75 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.), aux pages 131 et 132 :

    Le ministre délivre un avis de conformité, lequel autorise officiellement la vente d'un médicament, après que le fabricant de ce médicament a rempli deux conditions. La première condition concerne la sécurité et l'efficacité générales du médicament (voir l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. 1978, ch. 870). La seconde condition concerne la non-contrefaçon par le fabricant du médicament de certains brevets incorporés dans le médicament. Cette seconde condition plutôt inattendue qui se rapporte au brevet a été créée après que des changements eurent été apportés au régime d'octroi de licences obligatoires. Auparavant, le fabricant de médicaments génériques qui détenait une licence obligatoire pouvait obtenir du breveté la fourniture sous licence d'une certaine quantité du médicament breveté. La procédure de délivrance de l'avis de conformité ne se préoccupait alors pas de questions de contrefaçon de brevet. Toutefois, par suite de l'abolition du régime d'octroi de licences obligatoires décrétée par la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets [...] (la « Loi sur les brevets » ), le régime d'obtention d'un avis de conformité a également été modifié. Les fabricants de médicaments génériques qui cherchent à obtenir un avis de conformité doivent maintenant déposer ce qu'on appelle un avis d'allégation, conformément à l'article 5 du Règlement.

                [...]

    De fait, aux termes du paragraphe 5(3) du Règlement, dans un « avis d'allégation » , le fabricant du médicament générique, « la seconde personne » , indique qu'il respecte les brevets incorporés dans le médicament qu'il fabrique. Aux termes de l'article 4 du Règlement, le propriétaire du brevet ou le titulaire d'une licence, habituellement le fabricant d'un médicament d'origine comme les requérantes, soumet une liste des brevets qui comportent des revendications pour le médicament en soi ou des revendications pour l'utilisation du médicament. Aux termes de l'article 3 du Règlement, le ministre inscrit les listes de brevets dans un registre appelé « registre des brevets » .

[44]    À l'article 2 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), la « première personne » est définie comme « la personne visée au paragraphe 4(1) » . Cette disposition prévoit :

4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7) .

4. (1) A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug.

L'article 2 définit la « seconde personne » comme « la personne visée au paragraphe 5(1) » .

[45]    Le paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) renferme les exigences qui doivent être remplies pour déclencher l'application du règlement. Le paragraphe 5(1) dispose :

5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et souhaite en faire la comparaison, ou faire renvoi, à une autre drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue :

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

   (i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,

   (ii) le brevet est expiré,

   (iii) le brevet n'est pas valide,

   (iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

5. (1) Where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug and wishes to compare that drug with, or make reference to, another drug that has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each patent on the register in respect of the other drug,

(a) state that the person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that

   (i) the statement made by the first person pursuant to paragraph 4(2)(c) is false,

   (ii) the patent has expired,

   (iii) the patent is not valid, or

   (iv) no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed.

[46]    En vertu de l'article 7 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), il est interdit au ministre de délivrer un avis de conformité à une seconde personne dans certaines circonstances prescrites. En particulier, pour les besoins de la présente instance, l'alinéa 7(1)b) interdit au ministre de délivrer un avis de conformité jusqu'à « la date à laquelle la seconde personne se conforme à l'article 5 » . Autrement dit, lorsque les dispositions du paragraphe 5(1) s'appliquent, une interdiction expresse prévue par la loi empêche le ministre de délivrer un avis de conformité tant que la seconde personne (habituellement le fabricant générique) ne s'est pas conformée aux exigences du paragraphe 5(1). Le paragraphe 7(1) dispose :

7. (1) Le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :

a) [Abrogé, DORS/98-166, art. 6]

b) la date à laquelle la seconde personne se conforme à l'article 5;

c) sous réserve du paragraphe (3), la date d'expiration de tout brevet inscrit au registre qui ne fait pas l'objet d'une allégation;

d) sous réserve du paragraphe (3), la date qui suit de 45 jours la date de réception de la preuve de signification de l'avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c) à l'égard de tout brevet inscrit au registre;

e) sous réserve des paragraphes (2), (3) et (4), la date qui suit de 24 mois la date de réception de la preuve de présentation de la demande visée au paragraphe 6(1);

f) la date d'expiration de tout brevet faisant l'objet d'une ordonnance rendue aux termes du paragraphe 6(1).

   ...

7.(1) The Minister shall not issue a notice of compliance to a second person before the latest of

(a) [Repealed, SOR/98-166, s. 6]

(b) the day on which the second person complies with section 5,

(c) subject to subsection (3), the expiration of any patent on the register that is not the subject of an allegation,

(d) subject to subsection (3), the expiration of 45 days after the receipt of proof of service of a notice of any allegation pursuant to paragraph 5(3)(b) or (c) in respect of any patent on the register,

(e) subject to subsections (2), (3) and (4), the expiration of 24 months after the receipt of proof of the making of any application under subsection 6(1), and

(f) the expiration of any patent that is the subject of an order pursuant to subsection 6(1).

   ...

Les autres parties de l'article 7 ne sont pas pertinentes quant à la présente instance.

__________________________________

1 Le sens de l'expression « drogue nouvelle » est déterminé par renvoi à la définition de l'expression « drogue nouvelle » contenue à l'article C.08.001 du Règlement sur les aliments et drogues et à la définition du mot « drogue » à l'article 2 de la Loi sur les aliments et drogues. Pour les fins de la présente instance, il est inutile de se reporter à ces dispositions.


III.        Avis à l'industrie


Exigences en matière de bioéquivalence applicables aux médicaments combinés

Le 3 juin 2004

Notre référence : 04-111053-848

Le présent avis est le deuxième d'une série d'avis que la Direction des produits thérapeutiques (DPT) publie en vue de la mise à jour de ses lignes directrices sur l'évaluation de la biodisponibilité et de la bioéquivalence (Conduite et analyse des études de biodisponibilité et de bioéquivalence - Partie A : Formes pharmaceutiques orales de médicaments à effets systémiques, 1992 (Ligne directrice A); Partie B : Formes pharmaceutiques à libération modifiée, 1996 (Ligne directrice B)). On propose également de procéder de cette façon pour certaines des questions non réglées relevées dans le Rapport sur la biodisponibilité des formes pharmaceutiques orales, à libération non modifiée, de médicaments à effets systémiques présentant une pharmacocinétique complexe ou variable (Rapport C), publié en décembre 1992 par le Comité consultatif d'experts sur la biodisponibilité.

Le présent avis vise à énoncer les exigences de la DPT ayant trait aux produits combinés.

À la section 1.3 de la Ligne directrice A, les produits combinés sont mentionnés parmi la liste des exceptions possibles qui nécessitent de modifier la ligne directrice.

Dans le Rapport C, un produit combiné est défini comme étant un produit qui renferme deux ingrédients actifs ou plus. On y établit une distinction entre les produits qui renferment des médicaments ayant chacun une action bien déterminée (type 1) et ceux destinés à produire un effet synergique (type 2).

Selon les recommandations formulées, les produits combinés de type 1 devaient satisfaire aux normes habituellement prescrites pour chaque médicament, comme si le produit ne renfermait que ce médicament.

Quant aux produits combinés de type 2, ils devaient satisfaire à des critères additionnels, qui sont fonction des rapports des concentrations de chaque médicament et des rapports des surfaces sous la courbe (SSC) des médicaments.

Le présent avis vise à clarifier le fait que, pour tous les produits combinés devant faire l'objet d'études de biodisponibilité comparatives, les paramètres pharmacocinétiques à mesurer et à signaler sont ceux qui seraient normalement exigés pour chaque médicament si chacun était le seul ingrédient de la forme pharmaceutique, tel que décrit dans les lignes directrices actuelles et les énoncés de politique de la DPT.

Nous rappelons que le présent avis vise les études de biodisponibilité (bioéquivalence) comparatives portant sur des produits combinés. D'autres travaux sont réalisés sur les exigences relatives aux associations en proportion fixe, en particulier dans les présentations de drogues nouvelles.

Pour toute question ou précision concernant le présent avis, veuillez communiquer avec les :

Renseignements du Bureau des politiques
Courriel : policy_bureau_enquiries@hc-sc.gc.ca
Téléphone : (613) 946-9491
Télécopieur : (613) 941-1812

http://www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/prodpharma/applic-demande/guide-ld/bio/index_f.html


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-283-05

INTITULÉ :                                        PFIZER CANADA INC.

demanderesse

                                                            et

                                                            LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 30 JANVIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                       LE 16 FÉVRIER 2006

COMPARUTIONS :

Peter Wilcox

Alisse Houweling

POUR LA DEMANDERESSE

F.B. (Rick) Woyiwada

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

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