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Date : 20000515


Dossier : IMM-5182-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 MAI 2000

DEVANT : LE JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE :


DUC CUONG DAN


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




ORDONNANCE


     Le demandeur ayant présenté une requête en vue de faire réexaminer, conformément aux règles 369 et 397, le rejet par la Cour, le 11 février 2000, d'une demande d'autorisation en vue du contrôle judiciaire;

     Les observations écrites des parties ayant été examinées;

     CETTE COUR ORDONNE QUE :

     La requête visant au réexamen soit rejetée.


                             « Allan Lutfy »

                                     J.C.A.

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.




Date : 20000515


Dossier : IMM-5182-99

ENTRE :


DUC CUONG DAN


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY



[1]      Le demandeur sollicite le réexamen de l'ordonnance par laquelle j'ai rejeté, le 11 février 2000, la demande qu'il avait présentée en vue d'obtenir l'autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d'appel de l'immigration avait confirmé le refus de l'agent des visas de faire droit à la demande de résidence permanente qu'il avait parrainée à titre de conjoint. La personne pour laquelle la résidence permanente était demandée est la mère de l'enfant canadien du demandeur. La mère et l'enfant résident tous les deux au Vietnam.

[2]      Il a été statué sur la demande d'autorisation sans comparution en personne, conformément au paragraphe 82.1(4) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. Conformément à la pratique de cette cour, l'ordonnance par laquelle il a été statué sur la demande d'autorisation a été rendue sans que des motifs soient prononcés. De plus, conformément à l'article 82.2 de la Loi, le jugement sur une demande d'autorisation est sans appel.

[3]      Le demandeur agit pour son propre compte. Il a demandé que la décision à l'égard de la requête soit prise sur la base de ses prétentions écrites.

[4]      La règle 397 prévoit qu'un avis de la requête visant au réexamen doit être donné dans les dix jours après que l'ordonnance a été rendue. La requête en réexamen du demandeur n'a pas été présentée dans le délai imparti. Le protonotaire à qui le dossier de la requête avait été renvoyé par le greffe a donné la directive suivante :

     [TRADUCTION]
         Pourriez-vous informer M. Dan que je sympathise avec sa situation, à savoir le fait qu'il a présenté une requête en réexamen après l'expiration du délai imparti de dix jours alors notamment que la Cour en a pris cinq pour lui envoyer par la poste l'ordonnance défavorable qui avait été rendue. Toutefois, le seul recours dont il dispose est une requête visant à l'obtention d'une prorogation du délai dans lequel le réexamen peut être demandé.
         En présentant une requête en prorogation de délai, en vertu de la règle 397, M. Dan devra établir :
     1.      que dès le moment où il a reçu le certificat d'ordonnance, il avait l'intention de demander un réexamen; des explications doivent être fournies pour justifier le retard;
     2.      qu'il existe une cause défendable à soumettre au juge aux fins du réexamen;
     3.      que le retard ne cause aucun préjudice à l'autre partie.
         Pareille requête peut être présentée un lundi, soit le jour prévu pour les requêtes.

[5]      Le demandeur a immédiatement présenté une requête en prorogation de délai. Le défendeur a contesté la prorogation du délai; l'affaire a été entendue en présence des parties devant le protonotaire qui avait donné la directive.

[6]      Le protonotaire a ordonné la prorogation du délai de signification et de présentation de la requête visant au réexamen. Je suis maintenant chargé de régler au fond la requête en réexamen en ma qualité de juge ayant rendu l'ordonnance par laquelle la demande d'autorisation a été rejetée.

[7]      Le paragraphe 397(1) permet à une partie de demander à la Cour, telle qu'elle était constituée au moment où l'ordonnance a été rendue,

d'en examiner de nouveau les termes, mais seulement pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

a) l'ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier;

b) une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.

reconsider its terms on the ground that



(a) the order does not accord with any reasons given for it; or


(b) a matter that should have been dealt with has been overlooked or accidentally omitted.

Le libellé de cette règle et celui de son prédécesseur, la règle 337(5) des anciennes Règles de la Cour fédérale, C.R.C. 1978, ch. 663, sont à peu près identiques.
[8]      Dans cette instance, étant donné qu'aucun motif n'était joint à l'ordonnance par laquelle la demande d'autorisation était rejetée, l'alinéa 397(1)a) ne s'applique pas.
[9]      Il s'agit donc de savoir si je dois réexaminer les dispositions de mon ordonnance pour le motif qu'une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement. Tel est le critère énoncé à l'alinéa 397(1)b).
[10]      Les motifs de l'ordonnance du protonotaire sont clairs. En premier lieu, le protonotaire dit que le demandeur a donné des explications complètes au sujet de la raison pour laquelle il avait légèrement tardé à présenter la requête. Le protonotaire a ensuite examiné « l'oubli » , au sens de l'alinéa 397(1)b), qui a été commis dans cette instance :
[3]      En examinant cet aspect, soit celui d'une question qu'on a oublié ou omis accidentellement de considérer, je dois avoir à l'esprit qu'un réexamen ne constitue pas une occasion de produire de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments, en l'espèce pour des motifs d'ordre humanitaire. Pour obtenir un réexamen, il doit y avoir des circonstances extraordinaires : voir par exemple Vinogradov c. M.E.I. (1994), 77 F.T.R. 296 (C.F. 1reinst.). Dans le cas où l'affaire ne comporte pas de telles circonstances, le demandeur doit assumer les conséquences de ses omissions.
[4]      En l'espèce, il y a une circonstance extraordinaire. Elle est fondée sur le principe que l'avocat [TRADUCTION] « ... doit porter à l'attention de la cour tous les précédents pertinents, qu'ils soient favorables ou non à la partie qu'il représente » : Halsbury, 4thEdition, revised, à la page 324. En outre, [TRADUCTION] « ... dans les affaires au civil, l'avocat doit veiller à ce que la cour soit informée de toutes les décisions pertinentes qu'il connaît, qu'elles soient favorables ou non à sa thèse; ... » (ibid., à la page 377). En fait, il incombe à la Cour de porter à l'attention de l'avocat tout précédent qu'on a oublié de mentionner : voir par exemple Glebe Sugar Refining Co. v. Trustees of Port and Harbours of Greenock [1921] 2 A.C. 66 (C.L.), aux pages 71 et 78.
[...]
[6]      Vu l'absence de toute considération de l'intérêt et du bien-être de l'enfant de la part de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, voire l'absence totale de toute considération, de la part de quiconque, de l'intérêt de Khanh Tu, j'ai renvoyé l'avocat à l'arrêt Baker c. La Reine, [1999] 2 R.C.S. 817. [...] Les parties auraient dû faire part à la Cour, pour fins d'examen, du fait qu'on a accordé très peu d'importance à l'intérêt de l'enfant canadien, Khanh Tu Dan. Monsieur Dan, bien qu'il ne soit pas un plaideur, semble avoir fait un travail minutieux malgré son manque de connaissances, dont le fait qu'il ne connaît pas les règles de pratique et de procédure de même que le droit en matière d'immigration. Son omission est malheureuse. Cependant, l'avocate du défendeur aurait dû aborder l'arrêt Baker.[Je souligne.]

[11]      Dans l'arrêt Boateng c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990), 11 Imm. L.R. (2d) 9 (C.A.F.), le juge Mahoney a exprimé son avis au sujet du but de la règle qui s'applique aux requêtes en réexamen : [TRADUCTION] « Cette règle vise un oubli de la part de la Cour plutôt qu'un oubli commis par une partie. »

[12]      Dans la décision Chin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 69 F.T.R. 77, le juge Reed a examiné le but de la requête en réexamen et a dit ce qui suit (au paragraphe 6) : « La règle 337(5) prévoit la procédure suivant laquelle la Cour peut procéder à un nouvel examen de ses ordonnances lorsqu'elle fait un oubli. Elle n'autorise pas la Cour à réexaminer les conclusions qu'elle a tirées de la preuve [...] » .

[13]      De même, dans la décision Vinogradov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 77 F.T.R. 296, le juge MacKay a fait remarquer ce qui suit, au paragraphe 2 :

Aux termes de la règle 337(5) des Règles de la Cour fédérale, une partie peut, dans les dix jours du prononcé d'un jugement ou dans tel délai prorogé que la Cour peut accorder, demander un nouvel examen des termes du prononcé, mais seulement lorsque le prononcé ne correspond pas aux motifs donnés ou lorsqu'on a négligé ou accidentellement omis de traiter une question dont on aurait dû traiter.

[14]      Plus récemment, dans la décision Meikle c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 820 (QL) (1re inst.), le juge suppléant Heald a réitéré ce que le juge Mahoney avait dit dans l'arrêt Boateng en faisant remarquer ce qui suit (au paragraphe 2) : « Par ailleurs, je crois que la règle 397 envisage le cas d'un oubli de la part de la Cour, et non d'une partie. »

[15]      Enfin, dans la décision Archibald c. Canada (1998), 144 F.T.R. 260, le juge Muldoon a examiné la jurisprudence concernant l'ancienne règle 337(5) et la nouvelle règle 397(1), et a conclu ce qui suit (au paragraphe 8) : « La Règle 337(5), communément qualifiée de « règle de l'omission » , vise à permettre à la Cour de réexaminer les termes du prononcé de son jugement lorsque la Cour, et non les parties, a commis une erreur quelconque. » Dans la règle 337(5), le mot « prononcé » était employé à la place du mot « ordonnance » figurant dans la règle 399 actuelle.

[16]      Je souscris entièrement à ces décisions uniformes concernant le but de la règle 397. À mon avis, l'oubli ou l'omission involontaire doit figurer dans les dispositions de l'ordonnance plutôt que dans les prétentions que les parties ont présentées à la Cour avant que l'ordonnance soit rendue.

[17]      En prorogeant le délai de présentation de la requête en réexamen, le protonotaire a parlé de l'oubli des parties, qui avaient omis de mentionner les intérêts de l'enfant canadien du demandeur et la décision importante rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker. Comme l'a dit le protonotaire : « Son omission est malheureuse. Cependant, l'avocate du défendeur aurait dû aborder l'arrêt Baker. » Comme je l'ai déjà dit, le fait que les parties ont omis de mentionner la jurisprudence applicable n'est pas une considération pertinente lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a eu oubli ou omission involontaire au sens de la règle 397(1)b). En outre, en l'absence de motifs joints à l'ordonnance par laquelle la demande d'autorisation est rejetée, il est difficile de comprendre comment le demandeur pourrait établir qu'il n'a pas été tenu compte de la décision rendue dans l'affaire Baker, qui avait été portée à la connaissance du public environ six mois plus tôt.

[18]      La règle 397 protège le caractère définitif d'une ordonnance judiciaire tout en permettant son réexamen lorsqu'une question qui aurait dû être traitée dans l'ordonnance a été oubliée ou omise involontairement. Le demandeur a omis d'établir que pareille question avait été oubliée ou omise involontairement dans la présente instance. Par conséquent, la requête en réexamen sera rejetée.

[19]      L'ordonnance du protonotaire avait pour effet de proroger le délai de présentation de la requête en réexamen. Ce faisant, le protonotaire a apparemment, dans les motifs de l'ordonnance, attribué au mot « oubli » figurant dans la règle 397(1)b) un sens fort différent de celui que j'attribue à ce mot. Je regrette toute confusion que ces avis divergents peut causer dans l'esprit du demandeur, qui est un profane. Toutefois, il n'y a pas de contradiction entre les dispositions de l'ordonnance visant simplement à proroger le délai et les dispositions de l'ordonnance par laquelle j'ai rejeté la requête visant au réexamen de l'affaire au fond.

[20]      Dans la décision Capelos c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 43 F.T.R. 280, le juge Reed a fait remarquer qu'il serait pratique et normal que le même officier de justice statue sur la demande de prorogation de délai et sur la demande de réexamen :

     J'ai examiné la question de savoir si le juge qui a rendu la première décision, dont on demande un nouvel examen, doit ensuite se prononcer sur la prorogation de délai. La règle 337(5) ne le prévoit pas expressément. À mon avis, ce n'est que le nouvel examen de la décision qui relève de la Cour, telle qu'elle est constituée au moment du prononcé; la règle ne prévoit pas que la décision de prolonger ou non le délai imparti doit être rendue par la Cour « telle qu'elle est constituée au moment du prononcé » . Dans la plupart des cas, il est probablement plus pratique et normal que le même juge rende les deux décisions.

La remarque du juge Reed est particulièrement pertinente lorsque, dans une demande visant à l'obtention de l'autorisation en vue du contrôle judiciaire d'une décision rendue dans le domaine du droit de l'immigration ou du droit des réfugiés, l'ordonnance est rendue sans que des motifs soient prononcés.


                             « Allan Lutfy »

                                 J.C.A.

Ottawa (Ontario)

le 15 mai 2000.


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-5182-99


INTITULÉ DE LA CAUSE :      DUC CUONG DAN c. MCI

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES


MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge en chef adjoint Lutfy en date du 15 mai 2000



ARGUMENTATION ÉCRITE :

Duc Cuong Dan          POUR SON PROPRE COMPTE

Kim Shane          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Duc Cuong Dan          POUR SON PROPRE COMPTE

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada         

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