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Date : 19990505


IMM-3193-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 5 MAI 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EVANS

E n t r e :

     PARVIN ADAMI,

     demanderesse,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     John M. Evans

    

     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.


Date : 19990505


IMM-3193-98

E n t r e :

     PARVIN ADAMI,

     demanderesse,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EVANS

A.      Genèse de l'instance

[1]      Parvin Adami est une citoyenne iranienne. Un agent des visas a refusé à Damas la demande de résidence permanente au Canada que Mme Adami avait présentée à titre d'immigrante indépendante faisant partie de la catégorie des ouvriers spécialisés. Mme Adami avait déclaré dans son formulaire de demande qu'elle avait l'intention d'exercer au Canada le métier de monteuse de lignes électriques et de câbles.

[2]      Dans la présente demande de contrôle judiciaire, l'avocat de Mme Adami demande à la Cour d'annuler la décision de l'agent des visas au motif qu'elle est entachée de deux erreurs de droit.

[3]      En premier lieu, l'agent des visas n'aurait pas évalué la demanderesse en fonction du métier secondaire d'électricienne industrielle, métier qui est inhérent à l'expérience professionnelle de Mme Adami. En second lieu, pour apprécier les qualités personnelles de la demanderesse dont il est question au facteur 9 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 [modifié], l'agent des visas a fait entrer en ligne de compte une considération non pertinente, en l'occurrence le fait que Mme Adami n'avait pas cherché à se perfectionner sur le plan professionnel ou à améliorer sa connaissance de l'anglais, facteurs expressément prévus ailleurs à l'annexe I.

B.      Contexte factuel

[4]      Mme Adami a obtenu un baccalauréat ès sciences en 1982 d'une université iranienne. Pendant 22 ans, elle a enseigné les mathématiques et l'électricité dans une école technique. Depuis 1982, elle travaille également à temps partiel comme chef de l'atelier électrique d'une entreprise de production. Dans ce dernier emploi, son atelier s'occupe de l'entretien et de la réparation de la machinerie électrique qu'utilise la société en question.

[5]      Il n'y a pas de demande en ce qui concerne la profession de professeur de matières techniques au Canada, et l'agent des visas a conclu que la profession de technologue en électricité correspondait davantage à l'expérience de la demanderesse que la profession qu'elle déclarait envisager d'exercer au Canada. La demanderesse a donc été évaluée en fonction de la profession de technologue en électricité.

[6]      La demanderesse a, lors de l'entrevue, déclaré à l'agent des visas que, si elle était admise au Canada, elle consacrerait sa première année à se familiariser avec la situation de l'emploi au Canada et à améliorer son anglais. Elle a ajouté qu'elle pensait ouvrir par la suite une école technique ou à lancer une entreprise de réparation électrique.

[7]      L'agent des visas a attribué à la demanderesse 69 points d'appréciation, c'est-à-dire seulement un point de moins que le minimum de 70 points normalement exigé pour une personne faisant partie de la catégorie de Mme Adami pour pouvoir obtenir un visa. L'agent a toutefois estimé qu'il n'y avait pas lieu en l'espèce d'exercer en faveur de la demanderesse le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement.

C.      Questions en litige et analyse

Première question

[8]      L'avocat de Mme Adami soutient que les agents des visas sont tenus, en raison de leur obligation d'agir avec équité, d'évaluer en profondeur les demandes dont ils sont saisis. Ils doivent donc évaluer le demandeur non seulement en fonction de la profession qu'il déclare envisager d'exercer au Canada, mais aussi en fonction de toute autre profession inhérente à son expérience professionnelle. L'avocat soutient qu'en l'espèce, l'agent des visas aurait dû évaluer Mme Adami en fonction de la profession d'électricienne industrielle, profession pour laquelle il existe une demande au Canada.

[9]      L'avocat invoque le jugement Hui c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F. 1re inst., IMM-3736-97, 24 septembre 1998). Dans des motifs très brefs, le juge Campbell a annulé le refus de l'agent des visas au motif que :

[...] l'agent des visas est clairement tenu d'apprécier d'autres professions inhérentes à l'expérience professionnelle de la demanderesse, de l'existence en l'espèce de la preuve abondante que la demanderesse a l'expérience professionnelle de comptable, je conclus qu'elle aurait dû être appréciée en tant que telle.

Il invoque également le jugement Parmar c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F. 1re inst., IMM-3177-96, 12 novembre 1997), dans lequel le juge McKay semble en être arrivé à une conclusion semblable.

[10]      La jurisprudence majoritaire de notre Cour définit toutefois plus étroitement cette obligation, de sorte que l'agent est uniquement tenu d'évaluer le demandeur en fonction de la profession au sujet de laquelle il a indiqué dans son formulaire de demande ou lors de son entrevue qu'il possédait les qualités requises et qu'il a l'intention d'exercer au Canada.

[11]      La décision de principe est l'arrêt Hajariwala c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 79 (C.F. 1re inst.), où, à la page 83, le juge en chef adjoint Jerome s'est penché sur la directive administrative qui oblige les agents des visas à évaluer les demandeurs en fonction d'autres professions " lorsqu'il sera possible que le requérant soit qualifié à l'égard d'autres professions et prêt à les exercer ". Voici les propos qu'il a ensuite tenus :

         Le passage qui précède m'apparaît constituer un énoncé très important du principe de l'équité fondamentale dans son application au requérant. L'avocat du requérant me demande de conclure que ce principe impose à l'agent des visas l'obligation de poser une appréciation à l'égard des professions inhérentes à l'expérience de travail du requérant qui pourraient être exercées en remplacement des professions alléguées mais qui ne se trouvent pas nécessairement mentionnées. Je ne suis pas prêt à aller aussi loin que cela, mais je conclus effectivement que l'agent des visas a certainement l'obligation de procéder à une telle appréciation lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le requérant sollicite une telle appréciation en indiquant dans sa demande les professions qu'il envisage subsidiairement.                 

[12]      Voici quelques décisions ultérieures dans lesquelles d'autres juges de notre Cour se sont ralliés à la décision du juge en chef adjoint Jerome de refuser d'imposer aux agents des visas l'obligation plus onéreuse que l'avocat de Mme Adami préconise en l'espèce : Tolentino c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (C.F. 1re inst., IMM-1614-94; 14 juin 1995), Khoja c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (C.F. 1re inst, IMM-998-96, 20 janvier 1997) et Mahrez c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F. 1re inst., IMM-2117-97, 25 mars 1997). Dans l'arrêt Gaffney c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1991), 12 Imm. L.R. (2d) 185, à la page 189 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale semble s'être également ralliée à ce point de vue.

[13]      Lorsque les faits de l'espèce l'exigent, il y a lieu de résoudre la confusion et les contradictions apparentes qui existent sur cette question dans la jurisprudence. Toutefois, même si un agent des visas peut, dans certaines circonstances, être tenu d'évaluer le demandeur en fonction d'une profession qu'il n'a pas expressément déclaré être intéressé à exercer au Canada, je suis d'avis, compte tenu de l'ensemble des faits portés à ma connaissance, qu'en l'espèce, l'agent des visas n'a pas manqué à son devoir d'agir avec équité en n'évaluant pas Mme Adami en fonction du métier d'électricienne industrielle.

[14]      Premièrement les fonctions exécutées par Mme Adami en tant que chef de l'atelier électrique de l'entreprise où elle travaillait à temps partiel ne correspondaient pas suffisamment aux fonctions de l'électricien électrique qui sont définies dans la Classification canadienne descriptive des professions. L'emploi qu'exerce présentement Mme Adami comporte surtout des fonctions de consultation et de supervision, tandis que la travail des électriciens électriques est beaucoup plus " pratique ".

[15]      Deuxièmement, on n'a soumis à l'agent des visas aucun élément de preuve permettant de croire que Mme Adami était intéressée à exercer au Canada la profession d'électricienne industrielle. Il semblerait que, compte tenu de ses années de scolarité et de son expérience de travail, Mme Adami serait beaucoup trop qualifiée pour le métier d'électricienne industrielle. Qui plus est, elle a déclaré à l'agent des visas, au cours de son entrevue, qu'elle était plutôt intéressée par l'enseignement technique et peut-être par le lancement d'une entreprise de réparation électrique.

[16]      Troisièmement, je tiens à signaler que l'agent des visas a effectivement évalué Mme Adami en fonction d'autres professions que celle qu'elle avait indiquée dans son formulaire comme étant la profession qu'elle envisageait d'exercer au Canada. L'agent des visas l'a d'ailleurs évaluée en fonction d'une profession qui, compte tenu de son expérience, convenait mieux que celle qu'elle avait désignée comme profession envisagée. La Classification canadienne descriptive des professions n'assimile pas le métier d'électricien industriel à une profession semblable à la profession envisagée par Mme Adami ou à la profession en fonction de laquelle l'agent l'a effectivement évaluée.

[17]      Dans ces conditions, l'agent des visas n'a pas manqué à son devoir d'examiner suffisamment en profondeur la demande de Mme Adami en n'évaluant pas celle-ci en fonction du métier d'électricienne industrielle.

Seconde question

[18]      Le second moyen qu'invoque la demanderesse pour contester la décision de l'agent des visas est que celui-ci s'est rendu coupable de " double calcul " dans son appréciation de la personnalité de Mme Adami (facteur 9 de l'annexe I).

[19]      L'agent des visas a attribué cinq points d'appréciation sur un total possible de dix points pour ce facteur. Pour conclure que la demanderesse avait des [TRADUCTION] " qualités personnelles moyennes ", l'agent des visas a déclaré :

[TRADUCTION]

Pour en arriver à cette conclusion, j'ai tenu compte du fait que vous n'avez effectué aucune démarche d'emploi au Canada et que vous avez démontré que vos connaissances du Canada et du marché du travail canadien sont limitées. J'ai également tenu compte du fait que vous n'avez pas fait récemment des efforts pour améliorer vos connaissances de l'anglais et que vous n'avez suivi aucun autre cours récemment.

[20]      À mon avis, il ressort à l'évidence de ces propos que l'agent examinait les qualités personnelles de motivation, d'initiative et de débrouillardise dont l'annexe I oblige les agents à tenir compte pour évaluer les qualités personnelles d'un demandeur. Ne commet pas d'erreur de droit l'agent des visas qui évalue ces qualités personnelles en tenant compte des efforts déployés ou non par le demandeur pour améliorer ses compétences linguistiques et professionnelles, même si le degré de scolarité, la formation et la connaissance de la langue sont expressément examinés sous d'autres rubriques de l'annexe I (voir, par exemple, le jugement Zhang c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, C.F. 1re inst., IMM-1679-99, 1er juin 1998) et, pour un examen de la jurisprudence pertinente, le jugement Barua c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, C.F. 1re inst., IMM-3152-97, 27 octobre 1998).

D.      Dispositif

[21]      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[22]      L'avocat de la demanderesse m'a demandé de certifier la question suivante en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration :

     Est-il interdit à l'agent des visas de tenir compte d'un facteur traité ailleurs dans l'annexe I du Règlement sur l'immigration lorsqu'il examine les qualités personnelles du demandeur ?         

[23]      J'ai décidé de ne pas certifier cette question parce qu'elle n'est pas soulevée par les faits et qu'elle ne permet donc pas de trancher le présent appel. J'en suis venu à la conclusion qu'en formulant des commentaires défavorables au sujet du défaut de la demanderesse de suivre des cours pour améliorer ses compétences linguistiques et professionnelles, l'agent des visas tenait de toute évidence compte de facteurs relevant des qualités personnelles, à savoir la motivation, l'esprit d'initiative et la débrouillardise. L'agent ne faisait pas un " double calcul " des compétences linguistiques et du niveau de scolarité de Mme Adami.

[24]      La décision que je rends en réponse à la présente demande de contrôle judiciaire ne soulève aucune autre question qui réponde aux critères qui doivent être respectés pour pouvoir certifier une question en appel.

OTTAWA (ONTARIO)      John M. Evans

    

Le 5 mai 1999.      J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-3193-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      PARVIN ADAMI
                     c.
                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :      16 AVRIL 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Evans le 5 mai 1999

ONT COMPARU :

Me Max Chaudhary                      pour la demanderesse
Me Marianne Zoric                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet de Me Chaudhary                  pour la demanderesse

North York (Ontario)

Me Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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