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Date : 19980311


Dossier : T-948-97

ENTRE :

     COOPER INDUSTRIES INC.,

     demanderesse,

     - et -

     CAPLAN INDUSTRIES INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

[1]      La défenderesse sollicite soit la tenue d'un contre-interrogatoire sur l'affidavit de documents de la demanderesse soit, subsidiairement, un affidavit de documents plus complet comprenant les documents relatifs à la demande de dommages-intérêts de la demanderesse et traitant des antériorités en ce qui concerne la validité du brevet en question, à savoir un mécanisme de blocage d'un ruban à mesurer de menuisier. D'après la demanderesse, la production de documents financiers relativement aux dommages-intérêts serait désormais non pertinente puisque la demanderesse a choisi de demander une reddition de comptes.

CONTEXTE

[2]      La demanderesse, qui est une société américaine détentrice d'un brevet relativement récent, au Canada et aux États-Unis, pour un mécanisme de blocage à lame à bascule d'un ruban à mesurer à ressort de rappel, allègue la contrefaçon et sollicite notamment une injonction ainsi qu'une reddition de comptes. La déclaration, qui a été déposée le 9 mai 1997, fait état d'un brevet canadien dont une copie a été déposée devant la Cour, conformément à la règle 700(2), ce même jour. Une déclaration modifiée a ensuite été déposée le 11 juillet 1997. Dans la défense et demande reconventionnelle du 25 juillet 1997, l'invalidité est alléguée et il est question de huit brevets antérieurs divulguant le mécanisme revendiqué par la demanderesse.

[3]      L'affidavit de documents de la demanderesse du 26 novembre 1997 divulgue le brevet canadien et le brevet américain ainsi que cinq autres documents, c'est-à-dire des ententes, des lettres et un mémoire, que la demanderesse croit pertinents.

[4]      La défenderesse n'a pas encore déposé séparément son affidavit de documents, mais l'affidavit a été fait sous serment a été versé comme pièce à un affidavit produit au soutien de la présente requête. Cet affidavit de documents divulgue 111 documents et liasses de documents, notamment 80 brevets et dessins de brevets.

[5]      La défenderesse croit que ce n'est que pour la forme que la demanderesse ne divulgue qu'un nombre restreint de documents. La défenderesse demande les documents de la demanderesse relatifs aux antériorités et comprennent des renseignements généraux sur les antériorités, que, à son avis, la demanderesse doit avoir ne serait-ce qu'en raison des demandes de brevets qu'elle a présentées au Canada et aux États-Unis. De tels documents, notamment les dossiers des demandes de brevet, qu'ils soient canadiens ou étrangers, peuvent être pertinents : Heffco c. Dreco Energy Services Ltd. (1995) 62 C.P.R. (3d) 81, à p. 85 (C.F.). La défenderesse cherche aussi à obtenir de la demanderesse des documents identifiant son produit et concernant les ventes de ses rubans à mesurer.

EXAMEN DE L'AFFAIRE

[6]      La demanderesse soutient qu'il n'y a pas d'autres documents à produire car, l'invention étant nouvelle et son brevet étant valide, il n'y a pas de dossier d'antériorité. Elle affirme qu'il en est ainsi même si elle peut avoir fourni des documents sur les antériorités au bureau américain des brevets, ce que confirme l'affidavit de la défenderesse : le bureau des examinateurs ayant accueilli son brevet, la demanderesse est d'avis que cela signifie que de tels documents ne sont pas pertinents. Si l'on suit ce raisonnement, l'examinateur du bureau américain des brevets semblerait avoir usurpé le rôle de la Cour qui est l'arbitre chargé ultimement de se prononcer sur la pertinence d'un document. La demanderesse soutient aussi que la plupart des documents relatifs aux antériorités, qui sont énumérés sur la page couverture du brevet américain, sont inclus dans l'affidavit de documents de la défenderesse et, par conséquent, qu'elle n'a pas besoin de les produire. Subsidiairement, la demanderesse fait valoir que les dossiers d'antériorité font partie du domaine public et, par conséquent, ne sont ni en sa possession ni sous sa garde.

[7]      Dans son interprétation des principes applicables à la production des documents, la demanderesse laisse de côté le principe fondamental suivant lequel la communication des documents est une question de pertinence et non de pouvoir discrétionnaire : c'est ce qu'exige clairement la règle 448(2)a) qui prévoit qu'un affidavit de documents doit contenir diverses listes " de tous les documents pertinents à l'affaire en litige " qui sont en la possession, sous l'autorité ou sous la garde d'une partie. Une partie à un litige est tenue de dresser la liste de tous les documents pertinents qu'elle a en sa possession, et elle doit même y inclure les documents qui n'ont pas à être produits : voir, par exemple, Skoye v. Bailey et al. [1971] 1 W.W.R. 144, à la p. 145 (C.A. Alb.) et Re/Max Real Estate (Edmonton) Ltd. v. Border Credit Union Ltd. [1988] 6 W.W.R. 146, une décision bien rédigée et exhaustive de M. Funduk de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta. En ce qui a trait à la production des documents, il ne suffit pas d'affirmer qu'un document n'a pas à être produit parce que l'autre partie l'a déjà obtenu d'une autre source : voir, par exemple, Canada Southern Petroleum Ltd. v. Amoco Canada Petroleum Co. Ltd. [1995] 5 W.W.R. 720, à la p. 723 (B.R. Alb.)

[8]      Si on examine maintenant brièvement la question de la production des documents traitant des dommages-intérêts, il convient de signaler que la demanderesse a choisi de ne pas continuer à demander des dommages-intérêts à titre de réparation. Elle a offert de modifier une nouvelle fois sa déclaration pour y radier, à l'alinéa 16c), sa demande de réparation sous la forme de dommages-intérêts. La défenderesse s'inquiète du fait qu'il serait néanmoins question de dommages-intérêts dans le corps même de la déclaration. Je crois que, comme solution de rechange à la production de ce que la demanderesse appelle des [TRADUCTION] " milliers de documents financiers ", la demanderesse ne devrait avoir aucune difficulté à modifier une nouvelle fois sa déclaration pour y supprimer tous les renvois aux dommages-intérêts. Il resterait alors, comme l'a souligné l'avocat de la demanderesse dans les lettres qu'il a échangées avec l'avocat de la défenderesse, une demande de réparation soit par voie de restitution des profits soit par voie de paiement d'un taux raisonnable de redevances.

[9]      Lorsqu'une partie sollicite la production d'autres documents, il doit y avoir des éléments de preuve permettant de croire que de tels documents sont disponibles, mais n'ont pas été produits : voir, par exemple, Liebmann c. Canada (1995) 87 F.T.R. 154, à la p. 157. En l'espèce, il est indubitable que la demanderesse a ou a eu des documents traitant des antériorités, qu'elle a rassemblés aux États-Unis et au Canada et qui peuvent vraisemblablement avoir un effet sur les connaissances générales sur les antériorités. Il est peu probable que la demanderesse ait des documents traitant de la question des profits de Caplan Industries Inc; toutefois, elle pourrait bien avoir des documents sur lesquels elle devrait s'appuyer pour déterminer un montant de redevances raisonnable. La demanderesse pourrait aussi avoir des documents traitant de la répartition, car dans le cas d'une reddition des profits, la demanderesse aurait droit à une indemnité fixée en fonction des bénéfices tirés par la défenderesse par suite de la contrefaçon, par comparaison aux bénéfices qu'elle aurait obtenus si elle avait commercialisé un ruban à mesurer non muni d'un mécanisme de blocage supposément contrefait. Il est évident que la demanderesse n'a pas déclaré certains documents, qui existent ou qui ont déjà existé, et que d'autres documents, qui existent probablement ou qui pourraient exister, peuvent avoir été retenus. La défenderesse a droit à une réparation.

[10]      Les catégories de documents qui n'ont pas été produits sont évidentes, notamment les documents traitant des antériorités, que la défenderesse ne nie pas avoir ou avoir déjà eu. Par conséquent, la tenue d'un contre-interrogatoire sur l'actuel affidavit de documents constituerait une réparation inefficace. Il y a lieu de produire un affidavit de documents plus complet.

CONCLUSION

[11]      La demanderesse n'a pas à produire des documents traitant uniquement des dommages-intérêts, dans la mesure où la déclaration sera modifiée dans les 30 jours pour y radier tous les renvois aux dommages-intérêts.

[12]      La demanderesse doit déposer un autre affidavit de documents plus complet, pour y inclure les documents relatifs aux antériorités au Canada et aux États-Unis, les documents généraux concernant les antériorités, les documents pertinents aux redevances et les documents pertinents à la répartition des profits par suite de l'ajout présumé du mécanisme de blocage de la demanderesse au ruban à mesurer de la défenderesse. L'affidavit doit être déposé dans les 30 jours. La demanderesse doit prendre connaissance des Règles de la Cour en ce qui concerne la production des documents, notamment les exigences relatives à la divulgation des documents que la demanderesse n'a plus et pour lesquels elle doit expliquer pourquoi elle ne les a plus et préciser l'endroit où ils se trouvent, et des documents pertinents qui sont en la possession, sous l'autorité ou sous la garde d'autres personnes qui ne sont parties à l'action, comme le prévoient les annexes de la formule prescrite pour l'établissement d'un affidavit de documents.

[13]      Cette production de documents est évidemment faite sous réserve du droit de la défenderesse de demander ultérieurement la tenue d'un contre-interrogatoire sur l'affidavit, advenant le cas où il serait possible de démontrer que celui-ci est insuffisant.

[14]      La défenderesse a droit aux dépens de la requête.

                             (Signé) " John A. Hargrave "

                                 Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

11 mars 1998

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :          T-948-97

INTITULÉ DE LA CAUSE : COOPER INDUSTRIES INC.,

     demanderesse,

     - et -

                 CAPLAN INDUSTRIES INC.,

     défenderesse.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :      26 janvier 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR RENDUS PAR LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE LE 11 MARS 1998

ONT COMPARU :

     Bruce Green          pour la demanderesse

     Paul Smith          pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Bruce Green          pour la demanderesse

     Oyen, Wiggs
     Paul Smith          pour la défenderesse

     Avocat

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