Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020319

Dossier : IMM-2582-01

TORONTO (ONTARIO), LE 19 MARS 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

                                            EDNA YAMILE GUERRERO CABARCAS

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                                     « W. P. McKeown »          

                                                                                                                                                                 Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020319

Dossier : IMM-2582-01

Référence neutre : 2002 CFPI 297

ENTRE :

                                            EDNA YAMILE GUERRERO CABARCAS

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 24 avril 2001, décision par laquelle la Commission avait jugé que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]                 Les points en litige sont les suivants :

          1)        La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de la motivation mixte des présumés persécuteurs?


          2)        La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant des conclusions de fait erronées à propos de l'absence d'activités politiques?

[3]                 La demanderesse prétendait craindre d'être persécutée par la guérilla des FARC et par l'ex-épouse de son ancien compagnon. La Commission a admis que la demanderesse était harcelée par l'ex-épouse de son ancien compagnon. Elle a aussi déclaré que :

... nous ne trouvons pas crédible la preuve de la revendicatrice selon laquelle elle serait aussi la cible de menaces des FARC, du fait de ses opinions politiques perçues.

[4]                 La demanderesse invoque l'affaire Shahiraj c. Canada (MCI), [2001] A.C.F. 734, pour affirmer qu'une motivation mixte du persécuteur, motivation qui englobe un motif prévu par la Convention, sera suffisante aux fins de la Convention. La demanderesse fait observer qu'elle a fait valoir devant la Commission que la Commission devrait tenir compte d'une motivation mixte, et cela avant même qu'une décision ne soit rendue dans l'affaire Shahiraj. Cependant, l'affaire Shahiraj s'appuie sur un arrêt de la Cour d'appel fédérale, Zhu c. MEI, [1994] A.C.F. no 80 (C.A.). Dans l'affaire Zhu, la Commission avait décidé que les actes du revendicateur étaient motivés davantage par l'amitié que par la motivation politique, et donc qu'aucun lien n'était établi. Dans la présente affaire, la Commission n'a pas comparé les deux motivations ni décidé qu'il n'y avait pas de lien. Elle a plutôt rejeté la preuve de la demanderesse selon laquelle elle était la cible des FARC en raison de ses opinions politiques supposées. La présente espèce se distingue de l'affaire Zhu et de l'affaire Shahiraj, dans lesquelles la Commission avait admis qu'il y avait à la fois une motivation criminelle et une motivation politique.


[5]                 La demanderesse dit que, dans l'examen des faits, la Commission semble avoir accepté la preuve se rapportant aux attaques de membres des FARC, mais n'a pas considéré qu'il y avait une motivation politique en plus de la motivation personnelle. Cependant, j'observe que la Commission emploie les mots « ont prétendu » lorsqu'elle se demande si les hommes qui ont attaqué la demanderesse et sa soeur étaient membres des FARC. La Commission a également indiqué que l'ex-épouse de l'ancien compagnon de la demanderesse avait de la famille dans les FARC. La Commission a fait observer que les difficultés de la demanderesse venaient exclusivement de l'ex-épouse parce que la demanderesse avait eu une liaison avec son mari.


[6]                 À mon avis, la Commission n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle n'a pas tenu compte de la motivation mixte des persécuteurs dans cette affaire. Il est clair en droit qu'une motivation mixte est suffisante si la motivation se rattache en partie à un motif prévu par la Convention, mais en l'espèce la Commission a minutieusement examiné la preuve et conclu avec raison que la motivation était uniquement le fait de la vengeance personnelle de l'ex-épouse. La preuve montre que l'ancien compagnon lui-même a admis que son ex-épouse avait des liens familiaux étroits avec certains membres des FARC et leur avait demandé de harceler la demanderesse. Je trouve également qu'il était loisible à la Commission de dire que les FARC n'auraient pas harcelé la demanderesse parce qu'elle occupait un poste de fonctionnaire répondant au téléphone ou parce qu'elle faisait un travail sans grande visibilité auprès d'un candidat politique. Il aurait été utile que la Commission indique qu'elle avait examiné l'argument de la motivation mixte, mais que cet argument n'était pas applicable en raison de ses conclusions. Cependant, je ne crois pas que l'absence d'une telle mention signifie que la Commission n'a pas envisagé la possibilité de l'existence d'une motivation mixte dans l'affaire dont elle était saisie.

[7]                 La demanderesse a aussi prétendu que la Commission a tiré plusieurs conclusions de fait erronées. La Commission a tiré une conclusion de fait erronée lorsqu'elle a déclaré :

Appelée à dire si elle a pris publiquement la parole au cours de réunions politiques, la revendicatrice a répondu que [l'ancien compagnon] et les contacts locaux du parti se chargeaient de le faire. Elle a ensuite indiqué avoir parlé aux jeunes, mais pas à titre public.

Les transcriptions indiquent clairement que la demanderesse parlait à des groupes de jeunes lors de réunions publiques. Les transcriptions ne renferment rien qui donne à entendre que ses interventions n'étaient pas publiques.

[8]                 La Commission a aussi rapporté incorrectement l'étendue de l'activisme social de la demanderesse lorsqu'elle a déclaré, à la page 6 :

La revendicatrice n'a aucun antécédent d'activisme social qui inciterait les FARC à la persécuter... Après sa période d'activisme universitaire, sa seule autre participation à des activités communautaires en Colombie a été sa participation à la campagne de [l'ancien compagnon]. Rien dans la preuve n'indique que l'un des neuf autres membres du comité de direction ait été ciblé par les FARC du fait de leur opinion politique.


La demanderesse a témoigné que ses activités se sont poursuivies après la campagne électorale. Il s'agissait d'activités consistant à tenter d'obtenir une aide juridique et une aide médicale et dentaire pour les parties de la population urbaine qui ne pouvaient s'offrir de tels services.

[9]                 À mon avis, ces deux erreurs de la Commission ne suffisent pas à justifier le renvoi de cette affaire à un tribunal différemment constitué. Les autres conclusions de la Commission étaient des conclusions qu'elle pouvait tirer, au vu de la preuve, et il était raisonnable pour la Commission de tirer des conclusions défavorables au vu des réponses incompatibles à la question de savoir si d'autres membres du groupe avaient des problèmes. La demanderesse a témoigné que le groupe avait reçu quelques appels, mais elle a dit ensuite que seules elle-même et sa soeur ainsi que son ancien compagnon étaient ciblés. Elle a d'abord indiqué que c'était à cause de leurs activités communautaires, mais elle a ensuite modifié sa réponse pour dire que c'était à cause de sa liaison avec son ancien compagnon. La Commission a aussi fait observer qu'elle n'était pas la seule bénévole de la campagne à offrir des avis juridiques aux démunis et, lorsqu'elle a été mise en présence de cette information et qu'on lui a demandé pourquoi elle était ciblée, elle a admis que c'était à cause de sa liaison avec l'ancien compagnon. La Commission arrive clairement à la conclusion que la seule personne responsable de tous les épisodes de harcèlement et de persécution qu'elle a vécus en Colombie était l'ex-épouse et que ce harcèlement et cette persécution « visaient à séparer la revendicatrice de » l'ancien compagnon. La revendicatrice elle-même a confirmé ce fait dans la partie narrative de son formulaire de renseignements personnels :


Lorsque je suis revenue à Bogota et que j'ai raconté l'incident [à mon ancien compagnon], il avait déjà parlé à sa femme qui lui avait appris qu'elle était responsable de tout. Elle lui a dit m'avoir prévenue de rester loin de lui, mais que, comme je n'obéissais pas, elle se préoccupait peu de blesser ma soeur, car elle me couvrait tout le temps.

[10]            Par conséquent, je suis d'avis qu'il n'y avait pas d'erreur sujette à révision dans les deux conclusions de fait erronées tirées par la Commission. La demande de contrôle judiciaire est rejetée. La demanderesse a soumis une question à certifier au regard de l'aspect de la motivation mixte, mais cette question ne dispose pas de la présente affaire puisque, au vu des faits, il n'y avait pas de motivation mixte.

                                                                                 « W. P. McKeown »          

                                                                                                             Juge                     

TORONTO (ONTARIO)

le 19 mars 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

No DU GREFFE :                                              IMM-2582-01

INTITULÉ :                                                        EDNA YAMILE GUERRERO CABARCAS

                                                                                              demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

  

DATE DE L'AUDIENCE :                             LE MERCREDI 13 MARS 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE McKEOWN

DATE DES MOTIFS :                                     LE MARDI 19 MARS 2002

  

ONT COMPARU :

M. Micheal Crane                                                                          pour la demanderesse

M. John Loncar                                                                              pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                                                  pour la demanderesse

Avocat

100-166, rue Pearl

Toronto (Ontario)

M5H 1L3

Morris Rosenberg                                                                           pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   Date : 20020319

                     Dossier : IMM-2582-01

ENTRE :

EDNA YAMILE GUERRERO CABARCAS

                                      demanderesse

- et -

    

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                              défendeur

                                                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                   

   
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.