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                                                                                                                                           Date : 20020715

                                                                                                                                       Dossier : T-193-02

                                                                                                           Référence neutre : 2002 CFPI 788

Ottawa (Ontario), le 15 juillet 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                                                 KYU-BOM HAHN,

                                                                JI-JON LEE (MÈRE)

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                       SA MAJESTÉ LA REINE du chef du CANADA

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

I.                      Il s'agit d'une requête datée du 13 mars 2002, dans laquelle on demande par écrit au nom de la défenderesse la mesure de redressement suivante :

(1) soit une ordonnance en vertu de l'article 221 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, ayant pour effet de radier la déclaration et de rejeter l'action avec dépens, au motif que la déclaration ne révèle aucune cause d'action valable, est frivole, vexatoire et scandaleuse et constitue un abus de procédure;

  

(2) soit, de manière subsidiaire, une ordonnance en vertu de l'article 8 des Règles de la Cour fédérale (1998) ayant pour effet de proroger jusqu'à 30 jours après la date du prononcé de l'ordonnance le délai pour signifier et produire une défense.

II.                   Il s'agit d'une demande en dommages-intérêts, d'un montant de 2 500 000 $ contre l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC), et d'un montant de 1 000 000 $ contre le ministre des Transports.

III.                 Le demandeur, Kyu-Bom Hahn, semble également plaider pour sa défunte mère, qui est identifiée à la partie II, paragraphe 1, de la déclaration :

[traduction]

(...) Chef de la famille de six membres (mère de 76 ans qui s'est donnée la mort pour protester contre la détention inhumaine et inconstitutionnelle imposée par le gouvernement canadien) (...)

La plaidoirie ne permet aucunement de déterminer si la demanderesse Ji-Jon Lee (la mère) est véritablement demanderesse dans le cadre de l'instance ou encore si son fils, le demandeur Kyu-Bom Hahn, a qualité pour représenter sa succession. La plaidoirie ne permet nullement d'établir, en outre, quelle cause d'action cette succession veut faire valoir, s'il en est, en l'absence de clairs faits substantiels venant étayer l'une quelconque des vagues allégations.


IV.              L'acte introductif d'instance du demandeur dans la présente action consiste en une déclaration de 9 pages, ce qui comprend la page type d'intitulé et un index, ainsi qu'en une annexe de 24 pages. Dans l'annexe figurent des éléments de preuve, comme des articles de journaux, les lettres adressées par le demandeur à l'ADRC et des lettres envoyées par Transports Canada à M. Hahn. Ces annexes constituent des éléments de preuve et sont d'une forme et d'une teneur d'une portée autres que celles d'une déclaration qu'on formule et fait valoir valablement en conformité avec les Règles de la Cour fédérale (1998).

V.                   La demande contre l'ADRC semble fondée sur « [traduction] la fabrication d'accusations par deux vérificateurs (et) la mise en prison et le placement dans un hôpital psychiatrique du demandeur » . La demande contre le ministre des Transports, d'après ce qu'on peut déduire de la plaidoirie du demandeur, semble pour sa part fondée sur son « [traduction] congédiement illégal alors qu'il occupait un poste au sein du gouvernement (à l'Aéroport international de Toronto (AIT)) » . On n'a pas fait valoir de faits substantiels à l'appui de ces vagues allégations, tant contre l'ADRC que contre le ministre des Transports.

VI.              Pour ce qui est du congédiement illégal, en particulier, il en est fait mention dans la plaidoirie, mais on ne fait pas valoir de faits substantiels en ce qui concerne tant le contrat de travail que le congédiement prétendument « illégal » . Le demandeur n'a pas démontré ce qui lui est arrivé ni de quelle manière le préjudice subi, s'il en est, est relié aux actions de la défenderesse.

VII.             La déclaration renferme essentiellement de simples énoncés de la nature d'assertions, conclusions et questions. Je reproduis certains paragraphes de la déclaration.

  

            ·           Au paragraphe 2, partie I, page 2, les demandeurs réclament ce qui suit :

[traduction]

                                             1 000 000 $ pour les demandeurs - pleurs, souffrances et épreuves de Canadiens, dommages, vie (1.D.), vie de la mère, du fait principalement de son congédiement par l'honorable ministre (Emploi) de nature discriminatoire (raciale), barbare, inhumaine et illégale, alors qu'il occupait un poste au sein du gouvernement, à l'Aéroport international de Toronto (AIT), auprès de l'autorité en matière d'évaluation des soumissions internationales visant des boutiques hors taxes de Transports Canada (superviseur, PM-4), poste obtenu en août 1978 au terme d'un processus de sélection à l'échelle du pays annoncé pendant plus de 10 mois, devant plus de 50 concurrents qualifiés.


            ·           Au paragraphe 3, partie I, page 3, les demandeurs réclament ce qui suit :

[traduction]

                                             3 500 000 $ (1.2) - une réclamation d'indemnités nettement inférieure à ce qui a été accordé (1 250 000 $) à M. Morin, un Canadien de race blanche qui n'a été détenu que 14 mois (pour plus de détails, se reporter à l'article du 25 janvier 1997 du Ottawa Citizen, à la page 10). Je suis un Canadien de couleur et j'ai été détenu illégalement pendant 8 ans (presque sept fois plus longtemps que M. Morin, un Canadien de race blanche). En outre, la vie de ma mère a été sacrifiée en raison de l'injustice barbare et inhumaine, de la détention inconstitutionnelle et de la destruction du fait du gouvernement canadien.

  

            ·           Au paragraphe 2, partie II, page 4, les demandeurs allèguent ce qui suit :

[traduction]

                                             Ils (l'honorable ministre du Revenu du Canada et l'honorable ministre des Transports du Canada) ont non seulement des obligations de nature constitutionnelle et démocratique, mais ils sont fortement rémunérés pour superviser les activités quotidiennes de leurs employés (deux vérificateurs de l'impôt (1.A-D) et directeur général, AIT, Transports Canada (2)), de la manière la plus efficace, civilisée, juste, humaine et constitutionnelle possible, dénuée de toute discrimination raciale. En d'autres termes, ils ne font pas que représenter Sa Majesté la Reine du chef du Canada, la défenderesse, et le gouvernement fédéral, mais ils ont des responsabilités à l'égard de chaque Canadien pour ce qui est de la liberté, des droits de la personne et constitutionnels, de la sécurité, de la justice, du bien-être et de l'emploi. SINON, pourquoi nous tous, chacun des Canadiens, payons-nous les impôts et élisons-nous et rémunérons-nous les ministres, le premier ministre, les juges de la Cour fédérale, les avocats du ministère de la Justice et les autres fonctionnaires?

  

            ·           Au paragraphe 2A, partie II, page 4, les demandeurs allèguent ce qui suit :

[traduction]

                                           Malheureusement, les défendeurs ne se sont pas acquittés de leurs fonctions rémunérées. C'est indirectement à cause d'eux, par conséquent, que je me suis trouvé en prison et dans un hôpital psychiatrique pendant huit ans et qu'a été détruit tout ce que j'avais bâti pendant toute une vie (1,2).

Ils sont responsables indirectement, en outre, de la mort de ma mère, une Canadienne âgée de 76 ans (1.D).

  

            ·           Au paragraphe 1D, partie V, page 6, les demandeurs déclarent ce qui suit :

[traduction]

Pendant ce différend (B,C), il ne s'agissait que de voeux pieux, de pratiques quotidiennes destructrices quant aux heures de travail pour les vérificateurs, MAIS il s'agissait pour notre famille de six membres de supplications, de cris, de pleurs et de requêtes ultimes mettant la vie en danger et angoissants.

  

            ·           Au paragraphe 2B, partie V, page 8, les demandeurs soutiennent ce qui suit :

[traduction]

Bien que je me sois acquitté, avec succès et fidèlement, des devoirs et responsabilités qui m'étaient délégués à titre de fonctionnaire auprès de AIT, faisant la navette chaque week-end entre Ottawa et Toronto, de septembre 1978 à octobre 1979, mon supérieur immédiat, M. L. Radizevicious, directeur du marketing chez AIT, a recommandé au sous-ministre qu'il soit mis fin à mon emploi, principalement pour dissimuler leurs critères d'évaluation pour les soumissions internationales visant des « boutiques hors taxes » et en raison de désaccords au sujet de mon poste et de mes cordes sensibles au plan politique.

  

VIII.          Le demandeur fait aussi les allégations suivantes dans sa déclaration :

(i)         un vérificateur fiscal lui a imposé illégalement de payer 73 986 $ de taxes;

(ii)        il a été mis en prison et placé dans un hôpital psychiatrique entre mai 1992 et mai 2000;

(iii)       on lui a injecté contre sa volonté des « [traduction] médicaments anormaux contre les troubles mentaux » .

Le demandeur ne fournit aucun détail ou précision quant à l'une ou l'autre de ces allégations.

IX.              La déclaration consiste en de nombreuses phrases sans lien entre elles et souvent incomplètes. Il n'y a aucun lien véritable entre les faits ou les détails énoncés qui conduise logiquement des assertions et conclusions jusqu'à la demande de dommages-intérêts. En bref, la déclaration est incohérente et, malgré un examen approfondi et une interprétation libérale, il est impossible d'établir ce qui est revendiqué contre la défenderesse. À mon avis, il n'est pas possible pour la demanderesse de faire valoir ses prétentions ni pour la Cour de procéder à l'examen de la cause.


X.                   Le demandeur n'a pas réussi à démontrer ce qui lui était arrivé ni de quelle manière le préjudice subi, s'il en est, est relié aux actions de la défenderesse. La déclaration, non seulement ne renferme pas un énoncé précis des faits substantiels, mais n'élucide pas les questions d'une manière permettant à la défenderesse de savoir la preuve qu'il lui faudra faire. Les prétentions vagues et non étayées que le demandeur fait valoir ne peuvent servir de fondement à nulle cause d'action permettant d'obtenir réparation en justice contre la défenderesse.

XI.              En conclusion, je suis convaincu que cette déclaration ne révèle aucune cause d'action valable et que le demandeur n'a pas la moindre possibilité d'avoir gain de cause.

XII.             Je conclus, en outre, que la déclaration devrait être rejetée au motif qu'elle est frivole, vexatoire et scandaleuse et qu'elle constitue un abus de procédure. La demande est préjudiciable, elle est futile et elle ne peut fonder un recours en justice à l'égard des faits allégués. Le ministère public ne peut répliquer à la demande telle qu'elle a été plaidée et la Cour ne pourrait contrôler le déroulement d'une telle action.

XIII.          J'en suis venu à la conclusion, en outre, que la déclaration est si fondamentalement viciée qu'il est impossible de la rendre acceptable au moyen de modifications.

XIV.          Dans la cause portant le n ° de dossier T-1626-01, le demandeur, M. Hahn, a formulé des allégations très semblables à celles qu'il fait dans la déclaration sous étude. Dans cette affaire, le protonotaire Aronovitch a conclu dans les motifs de son ordonnance en date du 29 janvier 2002 que la déclaration devait être rejetée au motif qu'elle était frivole, vexatoire et scandaleuse et qu'elle constituait un abus de procédure.


XV.            Bien que la déclaration en l'espèce ne soit pas identique à celle dans la cause n ° T-1626-01, il existe d'importantes similitudes entre les deux affaires. Je suis d'avis qu'il y a abus de procédure dans la mesure où le demandeur M. Hahn tente, sans autorisation de la Cour, de remettre en litige en l'espèce les mêmes questions que celles soulevées dans la cause n ° T-1626-01.

XVI.          Pour ces motifs, la demande sera rejetée dans sa totalité, sans autorisation de modifier.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La requête est accueillie.

2.         La demande est rejetée dans sa totalité, sans autorisation de modifier, et l'action est rejetée.

3.         La présente requête écrite ne requérant pas la comparution des parties, j'exerce le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré par l'article 400 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, et j'ordonne l'octroi de dépens de 250 $ en faveur de la défenderesse.

  

                                                                                                                             « Edmond P. Blanchard »            

                                                                                                                                                                 Juge                             

   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :

T-193-02

  

INTITULÉ :

Kyu-Bom Hahn et al. c. Sa Majesté la Reine

  

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

  

LE JUGE BLANCHARD

  

DATE DES MOTIFS ET DE L'ORDONNANCE :

  

LE 15 JUILLET 2002

  

OBSERVATIONS ÉCRITES :

M. KYU-BOM HAHN

Mme MONIKA LOZINSKA

   

POUR LE DEMANDEUR

POUR LA DÉFENDERESSE

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

KYU-BOM HAHN

Ottawa (Ontario)

MORRIS ROSENBERG

Sous-procureur général du Canada

   

POUR LE DEMANDEUR

  

POUR LA DÉFENDERESSE

  
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