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     Date: 20000327

     Dossier: T-126-00


Entre :

         RITA LAVOIE domiciliée au 4500, Promenade Paton #1205 à Chomedey, district de Laval, Province de Québec H7W 4Y6

     Demanderesse

     - et -

         SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA, sise au Complexe Favreau, Tour est, 9e étage, 200, boul. René Lévesque ouest à Montréal, district de Montréal, province de Québec H2Z 1Y4

     - et -

         LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA sise au 5, Place Ville-Marie, bureau #500 à Montréal, district de Montréal, province de Québec H3B 5E7

     - et -

         MICHEL CRETE, vice-président de la BDC secteur de Montréal, sise au 5, Place Ville-Marie, bureau #500 à Montréal, district de Montréal, province de Québec H3B 5E7

     - et -

         ALAIN BUNELLE, chef des ressources humaines à la BDC sise au 5, Place Ville-Marie, bureau #500 à Montréal, district de Montréal, province de Québec H3B 5E7

     Défendeurs





     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      Par leur requête, basée sur les règles 208, 221 et 359 des Règles de la Cour fédérale, les défendeurs demandent le rejet de la demande de contrôle judiciaire déposée par la demanderesse.

[2]      Les principes applicables à semblable requête sont énoncés dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc. et al., [1995] 1 C.F. 588, où Monsieur le juge Strayer, pour la Cour d'appel fédérale, a exprimé ce qui suit, à la page 597 :

         . . . le moyen direct et approprié par lequel la partie intimée devrait contester un avis de requête introductive d'instance qu'elle estime sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l'audition de la requête même. . . .

et à la page 600 :

         . . . Nous n'affirmons pas que la Cour n'a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d'autres règles en vertu de la Règle 5, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli [renvoi omis]. Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l'avis de requête.


[3]      Dans le présent cas, la demanderesse demande à cette Cour de forcer la Banque de développement du Canada (BDC), une défenderesse, à la réembaucher et demande à cette Cour de condamner les défendeurs à lui payer une indemnité pour tous les troubles et inconvénients causés par leur attitude.

[4]      La BDC est une corporation constituée en vertu de la Loi sur la Banque de développement du Canada, L.R.C., ch. B-9.9, (la Loi) et est inscrite à la partie I de l'annexe III de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, à titre de société d'État mère. La BDC a pour mission de "soutenir l'esprit d'entreprise au Canada en offrant des services financiers et de gestion et en émettant des valeurs mobilières ou en réunissant de quelque autre façon des fonds et des capitaux pour appuyer ces services" (paragraphe 4(1) de la Loi). À son article 10, la Loi octroie à la BDC le pouvoir d'employer les personnes et retenir les services de mandataires, de conseillers et d'experts qu'elle estime nécessaires à l'application de la Loi et à l'exercice de ses activités, la BDC pouvant fixer leurs conditions d'emploi ou d'exécution de services.

[5]      Dans Wilcox c. Société Radio-Canada, [1980] 1 C.F. 326, à la page 329, le juge en chef adjoint Thurlow s'est exprimé ainsi :

             Si je ne vois aucune raison de douter que les pouvoirs visés dans la définition de "office, commission ou autre tribunal fédéral" à l'article 2 ne sont pas limités aux pouvoirs dont la loi exige qu'ils soient exercés sur une base judiciaire ou quasi judiciaire, il me semble, d'autre part, que l'expression "une compétence ou des pouvoirs" se réfère à une compétence ou à des pouvoirs de caractère public au sujet desquels les brefs de prérogative, l'injonction et le jugement déclaratoire auraient été autrefois des moyens appropriés d'invoquer le droit de regard des cours supérieures. Je ne pense pas que cela comprenne les pouvoirs qu'une corporation ordinaire constituée en vertu d'une loi fédérale peut exercer à titre privé, et qui ne sont que des accessoires de sa personnalité juridique ou de l'entreprise qu'elle est autorisée à exploiter. Des résultats absurdes et très embarrassants découleraient d'une telle interprétation, et il ne me semble pas que telle ait été l'intention du législateur ni qu'il soit nécessaire d'interpréter ainsi l'expression dans le contexte dans lequel elle est utilisée.
             Il me semble également que si les pouvoirs de la défenderesse résultant de la Loi sur la radiodiffusion qui ont pour objet ses activités de radiodiffusion ne sont pas des pouvoirs visés par la définition, on serait encore moins fondé à conclure que celui d'engager des employés entre dans le cadre sémantique de celle-ci.


[6]      De toute évidence, cette Cour n'a pas compétence pour accorder à la demanderesse les remèdes qu'elle désire obtenir. Vu la définition d'"office fédéral" au paragraphe 2(1) de la Loi sur la Cour fédérale , L.R.C. 1985, ch. F-7, compte tenu de l'arrêt Wilcox, supra, le licenciement de la demanderesse par la BDC ne constitue pas une décision pouvant faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, la BDC n'ayant fait qu'exercer des droits de gestion qui sont normalement dévolus à tout employeur. De plus, le recours de la demanderesse n'est pas fondé sur une règle de droit fédérale ou une loi du Canada, mais plutôt sur le droit civil applicable dans la province de Québec, notamment les articles 2085 et suivants du Code civil du Québec. Ces motifs sont renforcés, en ce qui concerne la demande d'indemnités ou de dommages, par la nécessité d'exercer semblable recours par voie d'action, plutôt que par une demande de contrôle judiciaire.

[7]      En conséquence, la requête des défenderesses est accordée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas d'adjudication quant aux dépens, l'avocate des défendeurs ayant indiqué à l'audition qu'elle n'en réclamait pas.



                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 27 mars 2000



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