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Date : 19981019


T-2836-94

E n t r e :

     KEN STEPHAN WILLIAM FEGOL,

     demandeur,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

     DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE

     MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     défenderesse.

     MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS

L'OFFICIER TAXATEUR CHARLES E. STINSON

[1]      Le ministre du Revenu national (le ministre) a, dans le dossier GST-127-94, certifié, en vertu de l'article 316 de la Loi sur la taxe d'accise, que le demandeur devait la somme de 8 014,03 $, plus intérêts. Le ministre a obtenu un bref d'exécution à l'intention du shérif du district judiciaire de Winnipeg, au Manitoba. Le demandeur, qui était alors représenté par un avocat, a réclamé [TRADUCTION] " la restitution de ses biens meubles que la défenderesse a illicitement saisis " et, à titre subsidiaire, une indemnité. Le ministre a ensuite demandé un sursis d'instance et, à titre subsidiaire, la permission d'envoyer un avis de mise en cause au shérif. Aux termes d'une ordonnance datée du 1er novembre 1994, le juge Cullen a suspendu la requête du demandeur et a mis en cause le shérif adjoint James Douglas, sous réserve du droit de M. Fegol [TRADUCTION] " d'introduire une action et d'y désigner nommément le mis en cause en question ".

[2]      M. Fegol, toujours représenté par un avocat, a déposé dans le présent dossier une déclaration dans laquelle il désignait le shérif adjoint en question comme mis en cause, en plus d'y désigner Sa Majesté la Reine (Sa Majesté) comme défenderesse. Sa Majesté et le shérif adjoint ont tous les deux présenté une requête en comparution conditionnelle pour décliner la compétence de la Cour. Par ordonnance en date du 25 avril 1995, le protonotaire John A. Hargrave a rejeté la requête de Sa Majesté et statué que les dépens suivraient le sort de la cause. Il a toutefois accueilli la requête du shérif adjoint et a mis celui-ci hors de cause pour incompétence et lui a adjugé les dépens de la requête. Le 13 septembre 1996, le demandeur a déposé un avis de son intention d'agir en son propre nom. Aux termes de l'ordonnance rendue le 15 novembre 1996, et à la suite de l'avis de requête envoyé par l'avocat du demandeur, le protonotaire a permis à l'avocat de cesser d'occuper à la condition qu'il produise une preuve de la signification de l'avis de l'ordonnance. Cet avis a été donné le 2 décembre 1996. Aux termes d'un jugement en date du 31 mars 1998, le juge Campbell a condamné Sa Majesté à rembourser sans délai au demandeur la somme de 8 014,03 $, ainsi que les dépens de l'action sous le régime de la colonne V du tarif B. Dans les motifs qu'il a rédigés le même jour, le juge Campbell précise que la principale question qui était en litige au procès était celle de savoir si le demandeur pouvait se prévaloir de l'exonération dont bénéficie l'" équipement agricole " pour obtenir la mainlevée d'une saisie visant à compenser une dette fiscale impayée.

[3]      Dans le dossier T-2836-94, le demandeur a déposé un mémoire de dépens qui couvre les incidents survenus dans le dossier GST-127-94. En établissant la date de la taxation, j'ai fixé les échéances pour l'échange de documents. Le demandeur a produit des pièces à l'appui, mais pas sous la forme d'un affidavit. Il a en effet produit un document modifiant la rubrique " débours " de son mémoire des dépens. Il a produit de la correspondance portant sur les pourparlers entamés en vue d'un règlement. Il a produit également une cession d'une créance d'environ 10 000 $ qu'il a consentie à son avocat en règlement de ses honoraires professionnels. Finalement, il a produit le compte du 21 février 1995 de son avocat, ainsi que quelques reçus.

Thèse de Sa Majesté

[4]      Le paragraphe 1(4) du tarif B exige que le paiement des débours soit confirmé par affidavit ou par l'avocat qui comparaît lors de la taxation. Sa Majesté fait remarquer que le demandeur n'est pas autorisé à exercer comme avocat et elle affirme que les pièces qu'il a produites à l'appui sont donc insuffisantes. Il est difficile de répondre à un mémoire de dépens en l'absence d'affidavit. Suivant Sa Majesté, les modifications que le demandeur a effectuées dans ses pièces à l'appui signifient peut-être que certains frais n'ont pas été régulièrement portés à ma connaissance. On accuse Sa Majesté de mauvaise foi et on lui reproche de ne pas avoir précisé la référence des documents relatifs au règlement. Ces reproches ont empêché Sa Majesté de répondre correctement. L'officier taxateur ne devrait donc se fier aux pièces qui n'ont pas été versées au dossier. Par ailleurs, le demandeur doit confirmer que les débours se rapportent uniquement au dossier T-2836-94. Ce jugement fait l'objet d'un appel en instance et l'officier taxateur devrait suspendre le paiement des dépens en attendant l'issue de l'appel ou reporter le prononcé de sa décision pendant l'audition de l'appel. Par ailleurs, l'article 474 s'applique peut-être. Autrement dit, le mémoire des dépens peut être taxé et les dépens peuvent être liquidés, mais leur paiement peut être reporté à plus tard. Le juge Campbell n'a pas ordonné le paiement immédiat des dépens et l'officier taxateur a le pouvoir discrétionnaire d'établir le moment du paiement en délivrant un certificat suspendant le paiement des dépens pendant l'audition de l'appel interjeté dans le dossier

A-280-98.

[5]      Sa Majesté concède les sommes de 50 $, 100 $ et 30 $ respectivement qui sont réclamées pour le dépôt de la déclaration, de la demande d'instruction et de la requête en subpoena, de même que la somme de 17,50 $ (inscrite comme étant 17,45 $ dans le compte de l'avocat) pour QuickLaw. Comme le juge Campbell a expressément limité les dépens à ceux afférents à la présente action, empêchant ainsi tout réclamation dans le dossier GST-127-94, la somme de 181 $ réclamée pour les photocopies par son avocat dans son compte se rapporte peut-être irrégulièrement à l'instance relative à la TPS (dossier GST-127-94). Les dates indiquées dans ce compte pour les démarches entreprises permettent de penser que la plus grande partie de cette somme de 181 $ est liée au dossier relatif à la TPS. L'officier taxateur ne devrait accorder que la partie de la somme de 181 $ réputée applicable au dossier T-2836-94. Dans le premier mémoire de dépens, la somme de 240 $ était réclamée pour la photocopie et la reliure. Cette somme a été portée à 359,54 $ dans les pièces à l'appui. Le demandeur doit s'en tenir au premier montant. Sa Majesté reconnaît que la poursuite d'un procès nécessite de l'argent et elle laisse à l'officier taxateur le soin de taxer une somme qui peut dépasser 240 $ mais, vu les observations déjà formulées au sujet des délais dans le dossier GST-127-94, cette somme est inférieure à 359,54 $. La lecture des pages 9 à 14 des pièces à l'appui permet de conclure que le montant taxable s'élève à 319,98 $. M. Fegol est intervenu et a accepté ce montant. Les montants suivants sont par ailleurs douteux : 15 $ (ville de Winnipeg), 25 $ (ministre des Finances), 25 $ (frais du témoin Jim Douglas), 25 $ (frais du témoin Charlie Camara), 22 $ (signification de l'avis au shérif) et 2,50 (messagerie). La somme de 561,75 $ qui a été ajoutée dans les pièces à l'appui pour la transcription n'était pas autorisée par le jugement.

[6]      Les motifs de jugement (A-104-97) prononcés le 8 juin 1998 dans l'affaire Robert Lavigne c. Développement des ressources humaines et al. (C.A.F.) renferment une proposition qui bat en brèche les moyens tirés de la Charte :

                 La Cour conclut à l'unanimité qu'elle ne peut infirmer la décision dont est appel. Le juge des requêtes n'avait d'autre choix que de confirmer que les plaideurs qui ne sont pas avocats inscrits au Barreau n'ont pas droit aux honoraires d'avocat prévus aux Règles de la Cour fédérale, après avoir occupé avec succès pour eux-mêmes en justice. Dans le cadre du tarif B de ces Règles, un plaideur ne peut pas assurer un service à lui-même. Il n'est pas loisible à l'autorité judiciaire, qu'il s'agisse de la Section de première instance ou de la Cour d'appel, de déroger à un texte réglementaire.                 
                 La Cour reconnaît que l'appelant n'a pas tort de dire qu'il serait inique de dénier aux plaideurs qui ne sont pas avocats et qui n'ont pas les moyens de retenir les services d'un avocat, certains frais et dépens qui pourraient les dédommager du temps qu'ils ont dû consacrer à l'affaire et de la " connaissance du droit " qu'ils ont dû déployer pour se conformer aux Règles afin de saisir le tribunal de leurs prétentions. Nous ne sommes pas sûrs que la règle 400(4) actuelle (la règle 344(4) ancienne) ne puisse s'appliquer dans une certaine mesure pour faire, dans des cas exceptionnels, ce que l'équité pourrait dicter à cet égard. Il est cependant indéniable qu'une modification de la Loi ou des Règles serait nécessaire pour reconnaître expressément aux plaideurs qui ne sont pas avocats, le droit à tout ou partie des honoraires qui ont été jusqu'ici formellement réservés aux avocats.                 
                 Pour ce qui est de savoir si la règle, telle qu'elle est actuellement applicable en la matière, porte atteinte aux droits protégés par la Charte, en particulier à ceux qui sont visés aux articles 7 et 15, ainsi que le soutient l'appelant, nous concluons qu'il n'en est rien, ainsi qu'en a décidé d'ailleurs la Cour dans Rubin c. Canada (P.G.), [1990] 3 C.F. 642 [...].                 

En outre, depuis que, dans l'arrêt Solliciteur général du Canada c. Neil Anderson Davidson [1989] 2 C.F. 341, aux pages 345 et 346 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a confirmé qu'un avocat qui se représente lui-même à un procès n'a pas droit à des honoraires d'avocat pour le temps qu'il a consacré au procès, le plaideur non juriste est encore plus irrecevable à réclamer des honoraires pour le temps qu'il a consacré à l'affaire. Dans le jugement I.C.I. Americas Inc. et al. c. Sa Majesté la Reine et al., 48 F.T.R. 101 (C.F. 1re inst.), la Cour a confirmé que le plaideur non juriste ne peut réclamer que ses débours, mais pas d'honoraires pour le temps qu'il a consacré à l'affaire. Le fait que le demandeur doit environ 10 000 $ à son avocat n'est pas pertinent. Par une lettre datée du 26 août 1998, Sa Majesté a répliqué à la jurisprudence ci-après mentionnée que le demandeur a citée par la suite à l'audience qui s'est déroulée devant moi :

                 McBeth v. Governors of Dalhousie College & University(1986) 26 D.L.R. (4th) 320 (C.A.N.-É.)                 
                 Dans cette affaire, la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a examiné le principe de common law qui prévoit que les plaideurs non juristes n'ont droit à des dépens que s'ils sont tenus d'indemniser leur avocat. Se fondant sur un rapport de la Commission de réforme du droit de la Colombie-Britannique, la Cour a conclu que cette pratique était discriminatoire et qu'elle allait à l'encontre de l'art. 15 de la Charte. La thèse de Sa Majesté est que cet arrêt ne s'applique pas dans le cadre d'une taxation des dépens devant la Cour fédérale du Canada. La décision de principe de la Cour d'appel fédérale, l'arrêt Lavigne c. Sa Majesté la Reine et al. (A-1040-97 (T-1977-94) 8 juin 1998), énonce avec clarté l'état actuel du droit à la Cour fédérale du Canada. Dans l'arrêt Lavigne, la Cour d'appel fédérale a statué que, dans le cadre du tarif B de ces Règles, un plaideur ne peut pas assurer un service à lui-même. La Cour d'appel fédérale a également statué que le principe n'allait pas à l'encontre des articles 7 ou 15 de la Charte.                 
                 Rubin c. Canada [1990] 3 C.F. 642 (C.F. 1re inst.).                 
                 Dans cette affaire, le juge Strayer a statué que le principe suivant lequel les plaideurs non juristes n'ont pas droit aux frais prévus au tarif B n'allait pas à l'encontre des articles 7 ou 15 de la Charte. Aux pages 650 et 651, le juge Strayer précise bien qu'il tient compte de la décision McBeth. Il poursuit toutefois en déclarant que la Cour d'appel fédérale a rejeté la décision McBeth dans l'arrêt Davidson c. Canada, [1989] 2 C.F. 341. Dans l'arrêt Lavigne, la Cour d'appel fédérale s'est fondée sur le jugement Rubin.                 
                 Andrews c. The Law Society of British Columbia [1989] 1 R.C.S. 143.                 
                 Cette décision importante sur le champ d'application de l'art. 15 de la Charte a été appliqué dans le jugement Rubin et elle appuie la thèse de Sa Majesté suivant laquelle le principe suivant lequel les plaideurs non juristes n'ont pas droit aux frais prévus au tarif B ne contrevient pas à la Charte.                 
                 Davidson c. Canada [1989] 2 C.F. 341 (C.F. 1re inst.).                 
                 Dans ce jugement, la Section de première instance de la Cour fédérale a expressément refusé d'adopter le raisonnement suivi dans l'arrêt McBeth et a appuyé la thèse de Sa Majesté suivant laquelle le principe suivant lequel les plaideurs non juristes n'ont pas droit aux frais prévus au tarif B ne contrevient pas à la Charte.                 
                 Reekie c. Messervey [1990] 1 R.C.S. 219                 
                 Cet arrêt n'est pas pertinent à la présente instance.                 
                 Laufer c. Bucklaschuk (CI 88-01-28190, jugement rendu le 9 juin 1998) (C.B.R. Man.). Cette décision n'est pas pertinente à la présente instance. La question de la privation de la possibilité d'investir concernait le montant des dommages-intérêts non pécuniaires accordés au procès. Cette décision n'a rien à voir avec la question des dépens.                 

[7]      Les frais prévus à la colonne V sont réservés aux cas difficiles. Le juge de première instance a accordé un montant supérieur à celui qui est prévu habituellement sous la colonne III dans le cas d'un plaideur qui agit en son propre nom pendant une courte période. Le fait qu'au paragraphe [11] de ses motifs, Sa Seigneurie confirme un point litigieux tel que contesté indique que cette affaire n'était pas complexe. Ce fait est important, parce qu'il y avait peu de documents et que Sa Majesté a fait plusieurs aveux pour circonscrire le terrain du débat. Il résulte de cette absence de complexité et du libellé du paragraphe 400(3) et de l'article 409 des Règles que c'est la somme minimale prévue à la colonne V qui s'applique. S'il y a eu complexité, elle découle de la mise en cause du shérif adjoint, pas des points litigieux soulevés par Sa Majesté. Le jugement et les motifs ne permettent pas de penser que les frais prévus à la colonne V sont censés être une amende ou une sanction. Les lettres écrites sous toutes réserves qui font partie des pièces produites à l'appui ne sont d'aucun secours. Elles révèlent que le demandeur réclame 165 000 $. Par contraste, la somme accordée aux termes du jugement, 8 000 $ environ, est beaucoup moins élevée. Sa Majesté souhaite être raisonnable en ce qui concerne les débours, mais les honoraires doivent être légaux et se situer par conséquent dans la fourchette inférieure de la colonne V.

[8]      L'instance relative à la TPS possède son propre numéro du greffe. Sous le régime des anciennes Règles, il n'y avait aucune disposition qui permettait de convertir un avis de requête en déclaration. L'ordonnance du juge Cullen a mis un terme à l'instance relative à la TPS et n'empêche aucunement M. Fegol d'introduire une action distincte par voie de déclaration. Le demandeur ne peut toutefois proroger l'échéancier du jugement dans le dossier T-2836-94 pour inclusre des incidents se rapportant au dossier GST-127-94. La mise hors de cause du shérif adjoint dans le dossier T-2836-94 implique que la présente action est distincte de l'instance GST-127-94. En conséquence, les cinq premiers postes d'honoraires relatifs au travail effectué par l'avocat du demandeur dans le dossier GST-127-94 doivent être radiés. L'officier taxateur devrait donc accorder sept unités, soit le minimum prévu à la colonne V, sur les treize qui sont réclamées pour la préparation de la déclaration. Il faut clarifier les totaux de 13, 13 et 11 unités qui sont respectivement réclamés pour la préparation pour répondre à la requête de Sa Majesté et à la requête du mis en cause, qui visaient toutes les deux à obtenir une comparution conditionnelle, et pour la préparation d'un mémoire, parce que ces requêtes sont distinctes. Le protonotaire a siégé pendant deux heures le 25 avril 1995 pour les entendre, mais seulement une heure devrait être attribuée à la requête de Sa Majesté. Le premier poste relatif aux 13 unités concerne la préparation pour la requête de Sa Majesté en fonction d'une requête fixée au 14 mars 1995, mais reportée au 25 avril par lettre en date du 8 février 1995. Cette lettre, qui précédait de cinq semaines la date du 14 mars, implique qu'il n'y a eu aucune préparation, étant donné que l'avocat était déjà pris par une autre affaire. L'officier taxateur devrait donc rejeter les 13 unités en question. Le deuxième poste de 13 unités devrait aussi être refusé, parce qu'il porte sur la requête du mis en cause et qu'il ne fait pas partie d'une adjudication de dépens. Quant aux onze unités réclamées en fonction du montant maximal pour la préparation pour l'audition du 25 avril, l'officier taxateur devrait, toujours selon Sa Majesté, accorder 2,5 unités en partant du principe que le minimum de cinq unités prévus à la colonne V devrait être divisé par deux pour tenir compte de la préparation pour deux requêtes connexes.

[9]      Le demandeur réclame quatre heures à cinq unités l'heure pour la comparution du 25 avril englobant deux requêtes. Le procès-verbal de l'audience devrait confirmer que la Cour n'a pas siégé de 8 h à midi (il révèle qu'elle a plutôt siégé de 10 h 05 à 10 h 44). En conséquence, vu la fourchette d'une à cinq unités qui est prévue au tarif, l'officier taxateur devrait, suivant Sa Majesté, accorder une unité pour une heure pour les deux requêtes et diviser cette unité en deux de manière à attribuer 0,5 unité à la requête de Sa Majesté. Les quatre unités que l'avocat réclame pour ses déplacements pour l'audience du 25 avril signifient que l'avocat réclame 400 $ pour parcourir à pied les six coins de rue qui séparent son cabinet de la salle d'audience. Cette somme est injustifiée. Par ailleurs, la Cour n'a pas exercé le pouvoir discrétionnaire préalable exigé par l'article G24 du tarif B. Le nombre maximal de onze unités qui est réclamé au titre de l'enquête préalable, de l'affidavit et de l'affidavit complémentaire devrait donc être ramené au nombre minimal de cinq unités. L'affidavit, qui divulguait l'existence d'une quinzaine de documents, n'était pas complexe. L'affidavit complémentaire a été produit après que son avocat eut cessé d'occuper pour lui et n'avait peut-être pas été régulièrement versé au dossier. L'officier taxateur ne peut accorder le nombre maximal de cinq unités réclamé en vertu de l'article G27 pour les autres services, en l'occurrence la préparation et le dépôt de l'avis d'intention d'agir en son propre nom. De par sa nature même, ce document permet de penser que le demandeur agissait en son propre nom lorsqu'il l'a préparé et qu'il n'avait pas d'avocat inscrit au dossier. Il reste donc les postes numérotés 11 et 15 à 43 inclussivement, pour lesquels le demandeur réclame le maximum possible de 312 unités, qui ne peuvent être accordées à une partie qui agit en son propre nom. Si elles sont permises, l'officier taxateur devrait les approuver à la valeur minimale pour chaque fourchette.


Thèse du demandeur

[10]      L'appel porte notamment sur l'adjudication des dépens. Le fait que Sa Majesté ait, dans le dossier A-280-98, demandé un sursis d'exécution du jugement empêche l'officier taxateur de surseoir à l'instance en reportant à plus tard l'adjudication des dépens. Dans l'ordonnance du 10 juin 1998 par laquelle il a rejeté la requête, le juge J.T. Robertson a abordé la question. L'officier taxateur ne peut modifier sa décision. Le fait que, dans le mémoire qui a été soumis à Sa Seigneurie, on confirme la politique de report du paiement des dommages-intérêts et des dépens en attendant l'issue de l'appel permet également de conclure à l'incompétence de l'officier taxateur. Normalement, une transcription doit être présentée devant la Cour d'appel fédérale. En l'espèce, Sa Majesté n'a pas invoqué de moyens d'appel, ce qui empêche l'officier taxateur de se prononcer sur la préparation. La question était abordée dans la transcription. Pour ce qui est des frais de 181 $ réclamés pour les photocopies, l'action T-2836-94 n'aurait jamais été entamée n'eut été de l'instance GST-127-94 et de la mise en cause. Le demandeur a eu de la difficulté à obtenir les documents pertinents de son avocat après que celui-ci eut cessé d'occuper pour lui. La cession de créance déjà évoquée a compliqué encore davantage la situation. La fraction imputable au dossier GST-127-94 ne peut donc pas être estimée.

[11]      Les frais prévus à la colonne V supposent que Sa Majesté est condamnée à une amende ou à une peine même si la somme adjugée à l'issue du différend opposant les parties ne se chiffrait qu'à 8 014,03 $. Ces frais s'apparentent à des frais extrajudiciaires. Autrement, la Cour aurait accordé des frais sous le régime de la colonne III ou même de la colonne I en fonction de la participation d'un plaideur agissant en son propre nom. Les circonstances de la présente affaire correspondent aux " cas exceptionnels " auxquels la Cour fait allusion dans l'arrêt Lavigne , précité, et permettent peut-être d'accorder des honoraires à un plaideur non juriste. Il existe une certaine jurisprudence qui appuie l'idée que, si un tribunal comme le nôtre adjuge les dépens à un plaideur non juriste, ce dernier peut réclamer des honoraires pour le temps qu'il a consacré à l'affaire (M. Fegol n'avait pas de copies de ces décisions avec lui; je lui ai accordé une prorogation pour lui permettre de les soumettre). Par exemple, les cinq unités réclamées en vertu de l'article G27 pour perte de capacité de gain sont défendables en vertu d'un jugement par lequel la Cour du Banc de la Reine a accordé trois pour cent de cette perte. Il n'existe pas de règlement qui empêche un justiciable non juriste d'agir en son propre nom en justice.

[12]      Les démarches faites dans le dossier GST-127-94 faisaient partie intégrantes de celles qui ont été effectuées dans le dossier T-2836-94. Le demandeur soutient que ce n'est que justice que Sa Majesté soit condamnée à payer une partie de la somme de 10 000 $ cédée à son avocat. Le demandeur ajoute qu'il n'est peut-être pas indiqué d'accorder la valeur maximale de chaque fourchette, mais que les recherches montrent que, si le minimum était initialement réclamé, il ne serait pas possible par la suite de rajuster à la hausse ce montant devant l'officier taxateur. Il ressort de ses lettres en date du 19 janvier 1996 et du 7 août 1997 et des pièces à l'appui que Sa Majesté n'était pas de bonne foi. Cet aspect n'est pas abordé dans le jugement, mais il y ait fait allusion dans d'autres pièces versées au dossier de la Cour.

[13]      Il se peut que le protonotaire n'ait pas adjugé de dépens en ce qui concerne le shérif adjoint. Dans ses motifs du 1er mai 1995, il traite du rôle du shérif adjoint face à la Cour et à Sa Majesté. Il était nécessaire d'obtenir la transcription pour débrouiller cet aspect pour décider s'il y avait lieu d'interjeter appel. D'où le caractère " exceptionnel " de la présente affaire se soldant par une condamnation à des dépens punitifs. Le total de treize unités réclamées dans le dossier GST-127-94 pour la préparation d'une réponse à un avis de requête et pour la préparation d'une réponse à un avis de requête pourrait être ramené à sept unités dans chaque cas. Le nombre maximal de onze unités réclamées pour la préparation de l'audience présidée par le juge Cullen devrait être maintenu, en raison de la complexité et des débats qui se sont prolongés pendant plus de deux ans au sujet de la compétence du shérif. Une abondante correspondance a été échangée et il est arrivé que les faits pertinents ne soient connus que par la suite. Les vingt unités (quatre heures à cinq unités l'heure) qui sont réclamées dans le dossier GST-127-94 peuvent être ramenées à seize (quatre unités l'heure). Le demandeur ajoute que son avocat l'a facturé pour une demi-journée. Les quatre unités réclamées pour les déplacements effectués pour participer à l'audience présidée par le juge Cullen peuvent être ramenées à une unité. Le demandeur précise qu'il était également présent.

[14]      Le demandeur soutient que, dans le dossier T-2836-94, le maximum de treize unités qu'il réclame pour la déclaration devrait demeurer. Ce chiffre s'explique par plusieurs comparutions devant la Cour. Il ajoute que les treize unités qu'il réclame pour la préparation d'une réponse à la requête en sursis de Sa Majesté dont l'audition était fixée au 14 mars 1995 peut être ramenée à dix unités. La réponse ne visait pas la requête du shérif adjoint et elle concernait effectivement l'audition du 25 avril 1995. L'abondante jurisprudence et les démarches entreprises par Sa Majesté pour faire porter l'affaire devant un autre tribunal ont compliqué la situation. Le demandeur est d'accord pour que les treize unités qu'il réclame pour la préparation de sa réponse à la requête du mis en cause qui a été entendue le 25 avril soit ramenée à dix unités. Le protonotaire a fait remarquer que le shérif adjoint n'avait pas été constitué défendeur devant notre Cour. L'avocat du demandeur n'a pas relevé ce fait. Ainsi, suivant le demandeur, conformément aux motifs précités du protonotaire, la question de savoir si le shérif adjoint était un défendeur ou un mis en cause n'était qu'un détail technique. Le demandeur soutient donc que la maximum de vingt unités qu'il réclame pour la comparution du 25 avril devrait être maintenu. Les deux requêtes sont étroitement liées; elles sont complexes et techniques. Le paragraphe 2(2) du tarif interdit le fractionnement des unités. Le demandeur réclame une unité pour les déplacements effectués pour l'audition du 25 avril. Il ajoute que le nombre maximal de onze unités qu'il réclame au titre de la préparation du mémoire pour l'audition du 25 avril devrait être accordé pour les mêmes raisons, à savoir que les deux requêtes sont étroitement liées et qu'elles sont complexes et techniques. Suivant le demandeur, le nombre maximal de cinq unités qu'il réclame pour l'avis d'intention d'agir pour son propre compte devrait être maintenu. Ce genre d'incident se produit très souvent au cours d'un procès. Le demandeur fait valoir qu'il lui a fallu remonter son dossier sans pouvoir consulter les dossiers de son avocat. Il affirme donc que le nombre maximal de onze unités qu'il réclame pour l'affidavit et l'affidavit complémentaire qu'il a déposés devrait être accordé. Le greffe a fini par nous informer que ce dernier document avait été reçu.

Décision

[15]      Si l'instance GST-127-94 est indépendante de l'instance T-2836-94, le demandeur ne peut invoquer le jugement rendu en l'espèce pour réclamer ses frais. Si, en revanche, l'instance T-2836-94 est le prolongement du procès entamé dans le dossier GST-127-94, l'audience présidée par le juge Cullen était de nature interlocutoire. L'ordonnance de Sa Seigneurie est muette sur la question des dépens, de sorte que la Cour n'a selon toute vraisemblance pas exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 400(1) des Règles. Je ne suis investi d'aucun des pouvoirs énumérés au paragraphe 400(1) des Règles. La présente instance, qui a été introduite au moyen d'une déclaration, est incontestablement distincte de l'instance GST-127-94 pour ce qui est des dépens. Sinon, j'aurais appliqué le raisonnement suivi dans l'arrêt Byers Transport Limited c. Dorothy Kosanovich (A-333-94) rendu le 3 juin 1996 pour conclure que le jugement prononcé en l'espèce ne pouvait modifier le sort de la procédure interlocutoire qui se déroulait devant le juge Cullen. En conséquence, je radie les honoraires réclamés pour assister à l'audience qui s'est déroulée le 1er novembre 1994 dans le dossier GST-127-94, y compris les frais de déplacement.

[16]      L'article 474 des Règles énumère certaines conditions préalables. Elles ne me concernent pas en l'espèce. Le juge Robertson s'est prononcé sur la demande de sursis et notamment sur les dépens. Je n'ai pas compétence.

[17]      La jurisprudence citée par le demandeur ne permet pas de conclure que le principe historique de l'indemnisation sous forme de dépens a été modifié. En conséquence, toute spéculation sur la perte de capacité de gain qu'aurait subie un plaideur agissant en son nom propre donnerait manifestement lieu au paiement d'une somme qui n'équivaudrait pas à une indemnité pour le paiement effectif d'honoraires versés pour services rendus. La décision Laufer, précitée est particulièrement instructive à cet égard et nous rappelle la nécessité de ne jamais oublier le principe actuel à la base du principe de l'indemnisation sous forme de dépens. Dans la décision Laufer, le tribunal a fait ressortir ce principe en faisant entrer la perte de capacité de gain dans la catégorie des dommages-intérêts non pécuniaires et en l'examinant à part de la question des dépens, qu'il a abordé sous une rubrique distincte. M. Fegol peut être indemnisé pour tous les débours raisonnables qui peuvent être attribués au dossier T-2836-94, mais seulement en ce qui concerne les honoraires imputables à la période durant laquelle il était représenté par un avocat dans le dossier en question. Quant à l'objet visé par les frais prévus à la colonne V, une adjudication de dépens plus élevée peut comporter un aspect punitif, mais ce n'est pas là un facteur obligatoire. Ainsi, la faculté exprimée au paragraphe 400(3) et à l'alinéa 400(3)i) par l'expression " peut tenir compte de " n'est qu'un des facteurs possibles qui sont prévus à l'article 400 dans son ensemble.

[18]      Je ramène à dix les treize unités réclamées pour la déclaration, ce qui est généreux selon la lecture que je fais du dossier. Son avocat lui a demandé 175 $ l'heure et lui a facturé 3 325 $ pour tous les autres services rendus entre le 5 octobre 1994 et le 17 février 1995 dans les dossiers GST-127-94 et T-2836-94 (à l'exclusion de la demie-journée d'audition présidée par le juge Cullen). La déclaration déposée dans le dossier T-2836-94 est comprise dans ces chiffres. L'article 409 ne m'empêche pas de procéder à des rajustements pour m'assurer que la somme accordée ne dépasse pas l'indemnité. Les services en question se sont prolongés en partie le 2 novembre et le 1er décembre 1994. J'accorde dix unités pour la préparation pour répondre à la requête de la défenderesse qui a finalement été entendue le 25 avril 1995. Le demandeur a réclamé à tort cette somme en vertu de l'article 2 du tarif A au lieu de l'article 5 du tarif B. Je radie en entier les treize unités réclamées pour la préparation de la requête du mis en cause, au motif que les dépens de cette requête ont été adjugés au mis en cause. Pour ce qui est de la comparution de l'avocat à l'audience du 25 avril, j'accorde une heure à cinq unités l'heure. Il ressort du compte de l'avocat que les comparutions en question ont été facturées à un tarif global et, faute de pièces clarifiant la question, je n'interviens pas davantage.

[19]      Je refuse les quatre unités réclamées en vertu de l'article G24 pour les déplacements effectués pour se rendre à l'audience du 25 avril 1995. Il résulte du rapprochement de la définition des termes " Cour " et " officier taxateur " à l'article 2 et du libellé de l'article 405 des Règles que ces deux entités sont distinctes et indépendantes. En conséquence, l'officier taxateur n'exerce pas la " discrétion " prévue à l'article G24. Je refuse les onze unités réclamées en vertu de l'article E15 pour la préparation d'un mémoire pour l'audience du 25 avril 1995. Le demandeur a bel et bien préparé un mémoire de requête pour lequel il a été indemnisé en vertu de l'article B5 précité. Cet article porte sur la préparation d'observations écrites à la suite d'un procès ou d'une audience. Or, le demandeur n'a jamais effectué ce genre de travail. La somme réclamée en vertu de l'article G27 comprend non seulement son avis d'intention d'agir en son propre nom déposé le 13 septembre 1996, mais également la requête en cessation d'occuper déposée séparément par son avocat le 14 novembre 1996. L'ordonnance du 15 novembre 1995 par laquelle le protonotaire a autorisé la cessation d'occuper était muette au sujet des dépens. Quant à son propre document, la limite imposée aux honoraires que les plaideurs non juristes peuvent réclamer interdit l'attribution de quelque somme que ce soit en vertu de l'article G27. Pour ce qui est de l'article C7 (préparation de l'enquête préalable), j'accorde huit unités.

[20]      Le demandeur a inclus des honoraires se rapportant au dossier GST-127-94 dans son mémoire de dépens. Il l'a vraisemblablement fait pour les débours. Pour ce qui est des photocopies, j'accorde 300 copies à 25 cents la page, soit 75 $, conformément à la décision Byers Transport Limited, précitée. Je refuse la somme de 561,75 réclamée pour la transcription. Il n'y avait aucun élément pour en justifier la pertinence dans le dossier du procès. J'accorde 20 $ pour la signification au shérif adjoint. Le compte de l'avocat fait état de services se rapportant à la déclaration. C'est le jugement du juge Campbell, et non l'ordonnance du protonotaire, qui s'applique à ses frais de l'action par opposition aux frais de la requête. Je retranche 2,50 $ pour les frais de messagerie, étant donné qu'ils auraient facilement pu être appliqués à l'un ou l'autre dossier, ainsi qu'il ressort du compte de l'avocat. On peut en dire autant de la somme de 15 $ (ville de Winnipeg) et de la somme de 25 $ (ministre des Finances). Le compte de l'avocat ne fournit pas de précisions à leur sujet. La question du shérif adjoint a été soulevée de nouveau dans le dossier T-2836-94 et les frais en question se rapportaient probablement à des recherches ou à des copies. Je les accorde. J'accorde 25 $ pour Jim Douglas et Charlie Camara respectivement. Le premier a témoigné. Le second n'a pas témoigné, mais a fait, juste avant le procès, l'objet d'une altercation qui a donné lieu à l'ordonnance en date du 5 février 1998 par laquelle Mme le juge McGillis a autorisé la délivrance d'un bref d'assignation pour forcer leur comparution. Je reconnais que le demandeur a fait preuve de prudence en prenant des dispositions pour être présent même s'il n'a pas témoigné.

[21]      Je taxe à 4 004,48 $ le mémoire de frais de 47 714,29 présenté par le demandeur.

                                 (Signature) " Charles E. Stinson "

                                 Officier taxateur

Le 19 octobre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :      KEN STEPHAN WILLIAM FEGOL

                     - et -

                     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

No DU GREFFE :              T-2836-94

LIEU DE L'AUDIENCE :      Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :      21 août 1998

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS

DE L'OFFICIER TAXATEUR CHARLES E. STINSON

EN DATE DU :              19 octobre 1998

ONT COMPARU :

     Ken Stephan William Fegol          le demandeur,

                             pour son propre compte

     Perry Derksen (stagiaire)

     Duncan A. Fraser                  pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Me Morris Rosenberg                  pour la défenderesse

     Sous-procureur général du Canada

     Ottawa (Ontario)

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