Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050120

Dossier : IMM-5612-03

Référence : 2005 CF 66

Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

                                                                 DASHMIR ZYLI

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en conformité avec le paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 20 juin 2003, dans laquelle il a été décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. Le demandeur sollicite une ordonnance en vue d'annuler la décision de la Commission et de renvoyer sa demande pour nouvelle décision.


Contexte

[2]                Le demandeur, Dashmir Zyli, est un citoyen d'Albanie qui prétend craindre avec raison d'être persécuté par les autorités et les partisans du Parti socialiste du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social, à savoir sa famille.

[3]                Le demandeur est né dans le village d'Arrez e Madhe de la municipalité de Tepelena, en Albanie. Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur a affirmé que sa famille était persécutée depuis des générations à cause de ses opinions politiques. Pendant toute sa jeunesse, le demandeur a été exclu et maltraité à cause des opinions antigouvernementales imputées à sa famille.

[4]                Au début des années 1990, la famille du demandeur a été l'une des premières à se joindre au mouvement démocratique en Albanie. Ses frères aînés ont participé au mouvement étudiant et ils ont adhéré au Parti démocratique ou au Front national qui travaillaient ensemble contre le Parti socialiste.

[5]                Le demandeur allègue que, le 10 mai 1993, il est devenu membre du Front national et que, plus tard au cours de la même année, il a été élu au comité exécutif du parti pour la région de Tepelena.


[6]                En 1996, le demandeur s'est fait mieux connaître sur l'échiquier politique lorsqu'il s'est présenté, au demeurant sans succès, au poste de président de la commune pour le village de Luftinja.

[7]                Le demandeur allègue que le 3 juillet 1997, il a été arrêté par la police alors qu'il participait à un rassemblement politique pacifique à Tirana pour protester contre la fraude électorale perpétrée par le Parti socialiste. Il dit qu'il a été détenu pendant plusieurs heures et maltraité au poste de police de Tirana avant d'être relâché.

[8]                Le demandeur a dit que le 5 juillet 1997, lors d'une réunion des membres du Front national de l'Albanie du Sud, il a été nommé représentant de la région de Tepelena. Après la réunion, le demandeur affirme que lui et un autre membre de l'exécutif circulaient en taxi lorsque des hommes masqués ont commencé à tirer sur eux. Le chauffeur et les autres membres de l'exécutif ont été blessés. Le demandeur affirme que les hommes masqués les ont fait descendre tous les trois de la voiture, qu'ils les ont battus et qu'ils les ont laissés pour compte sur le bord de la route. Les hommes ont insulté le Front national et leur ont dit qu'ils n'allaient jamais réussir à former le gouvernement. Le demandeur a dit qu'il avait perdu connaissance pendant l'incident et qu'il s'était réveillé à l'hôpital de Tepelena où il est demeuré jusqu'au 11 juillet 1997 pour permettre aux coupures qu'il avait reçues à la tête de guérir.

[9]                Le demandeur allègue que le 14 septembre 1998, il a été détenu par la police après un rassemblement politique de protestation contre l'assassinat d'Azem Hajdari, qu'il a été détenu pendant trois jours, maltraité et accusé d'avoir participé à un coup d'État.

[10]            Le demandeur a également allégué qu'à plusieurs reprises, des hommes étaient venus chez lui, à sa recherche, et qu'ils avaient dit à sa mère que s'il continuait à participer aux activités du Front national, il serait abattu.

[11]            Le 10 septembre 1999, la police a arrêté le demandeur alors qu'il faisait des courses à Tepelena. Il a dit qu'après l'avoir détenu pendant quelques heures, la police lui a dit que s'il ne mettait pas fin à ses activités, il cesserait de vivre.


[12]            Dans l'exposé circonstancié de son FRP, le demandeur décrit un événement important qui aurait eu lieu le 1er octobre 2000. Le demandeur a été choisi par le Front national pour le représenter à la commission des élections municipales. Le demandeur a été envoyé au bureau de scrutin de Luftinja, Tepelena, où il a été déterminé, après le dépouillement du scrutin, que le candidat du Front national l'avait emporté. Les autres partis de droite ont reconnu la validité du résultat contrairement aux représentants du Parti socialiste. Le demandeur allègue que quelques minutes plus tard, les gardes armés qui se trouvaient à l'extérieur du bureau de scrutin sont entrés, ont commencé à tirer dans les murs, ont roué de coups les représentants des partis de droite, ont brûlé la boîte de scrutin du Front national et l'ont remplacée par une boîte du Parti socialiste. Le représentant du Parti socialiste n'a pas été blessé.

[13]            Le demandeur allègue qu'à la fin du mois d'octobre 2000, il a participé à une réunion générale du Front national et il a présenté un discours au cours duquel il a qualifié les membres du Parti socialiste de voleurs et de manipulateurs.

[14]            Le demandeur allègue que le 5 novembre 2000, des inconnus ont tiré des coups de feu sur sa maison au milieu de la nuit cassant ainsi toutes les fenêtres et endommageant les murs. Les tireurs auraient hurlé qu'ils allaient tuer tous les membres du Front national.

[15]            Craignant pour la sécurité de sa famille, le demandeur a affirmé qu'il avait quitté la maison pour se rendre chez son frère, à Tirana. Pendant qu'il y était, sa mère a dit que la police s'était rendue à Tepelena, à la résidence du demandeur, afin de le rechercher et qu'elle avait menacé de le retrouver et de le mettre en prison pour avoir participé à un coup d'État. Le demandeur et son frère ont discuté de la situation et ils ont décidé que le demandeur devait quitter immédiatement l'Albanie. Une entente a été conclue avec un passeur et le demandeur a quitté l'Albanie le 5 décembre 2000 et est arrivé au Canada le 11 décembre 2000. Il a revendiqué le statut de réfugié deux jours plus tard.

[16]            Le demandeur allègue que sa vie est menacée en Albanie par le gouvernement socialiste et les services secrets de police. Il a déclaré que sa participation au Front national et ses antécédents familiaux lui faisaient courir un risque et qu'il ne serait pas protégé s'il devait retourner en Albanie.

[17]            Le 11 mars 2003, la Commission a entendu la demande du demandeur.

Motifs de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section de la protection des réfugiés)

[18]            Dans la décision datée du 20 juin 2003, la Commission a décidé que le demandeur n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens de la LIPR.

[19]            La Commission a fondé sa décision défavorable sur le fait qu'elle était d'avis que le demandeur n'était pas crédible et qu'il n'avait fourni aucune preuve digne de foi qu'il craignait avec raison d'être persécuté en Albanie pour un motif retenu par la Convention.

[20]            La Commission a dit que pour prendre une décision, elle devait tenir pour avéré que les allégations d'un demandeur d'asile sont vraies à moins qu'il y ait une raison de douter de leur véracité. En l'espèce, la Commission a dit qu'elle avait des doutes concernant la véracité d'éléments importants de la demande.


[21]            Premièrement, la Commission a mentionné que pendant l'audience, le demandeur avait déclaré que sa mère lui avait dit que la police était venue le rechercher chez lui à deux reprises en décembre 2000, soit après son départ de l'Albanie. Cette information n'apparaît pas dans le FRP du demandeur, signé le 11 avril 2001. Lorsqu'on l'a interrogé au sujet de cette incohérence, le demandeur a expliqué que son FRP ne racontait que les événements qui s'étaient produits avant son départ de l'Albanie et pendant sa fuite. La Commission a jugé cette explication déraisonnable compte tenu de la consigne que donne le FRP et elle a conclu que le demandeur tentait de grossir l'intérêt que la police lui portait. La Commission a conclu que ce témoignage n'était pas crédible et l'a rejeté comme étant mensonger.


[22]            Deuxièmement, la Commission a conclu que les irrégularités du scrutin, ainsi que l'incident de violence décrit par le demandeur qui se serait produit le 1er octobre 2000, n'avaient pas eu lieu. La Commission a mentionné que selon la preuve documentaire, les élections locales tenues en octobre 2000 s'étaient déroulées de façon généralement convenable, même s'il y avait eu certaines irrégularités et tentatives d'intimidation à Himara et dans d'autres régions. La Commission a mentionné que le demandeur avait dit qu'il n'y avait aucun observateur international à Luftinja, le bureau de scrutin de Tepelena. Cependant, si l'incident décrit par le demandeur s'était réellement produit, on en aurait fait état dans l'un ou l'autre des documents. La Commission est arrivée à la conclusion que si un incident aussi grave s'était réellement produit, il aurait été signalé à cause de la participation de la communauté internationale, des organismes non gouvernementaux et des aspirations politiques des politiciens des autres partis. En outre, la Commission a conclu que les autres événements reliés à l'élection d'octobre 2000 ne s'étaient pas produits non plus, savoir le discours soi-disant politique du demandeur à la fin octobre 2000, les coups de feu tirés sur la maison du demandeur le 5 novembre 2000, ainsi que la descente de la police chez lui, en novembre 2000, après son départ pour Tirana.

[23]            La Commission a conclu que le demandeur n'avait pas présenté des éléments de preuve crédibles et fiables concernant les mauvais traitements qu'il aurait reçus à cause de ses activités politiques, ou pour toute autre raison, depuis 1999.

[24]            Puisque la Commission a accepté le témoignage du demandeur concernant son appartenance au Front national, elle a ensuite évalué la crainte d'être maltraité du demandeur, s'il était renvoyé en Albanie, afin de décider s'il s'agissait d'une crainte prospective bien fondée, selon un critère objectif.

[25]            Même si la Commission a constaté que divers incidents de harcèlement et de torture de la part de la police de membres de l'opposition s'étaient produits en 2000 et 2001, plusieurs rapports récents indiquent que la persécution politique a disparu ou que les incidents ont diminué de façon importante. En outre, la Commission a noté que la situation politique en Albanie est précaire mais plus stable et que les conditions du pays n'indiquent aucun rapport confirmé d'assassinat ou de personnes détenues pour des motifs strictement politiques.


[26]            En se fondant sur son analyse de cette preuve documentaire, la Commission a conclu que même si la police albanaise maltraitait certaines personnes, il n'y avait pas une possibilité sérieuse que le gouvernement socialiste ou la police persécute le demandeur s'il devait retourner en Albanie.

[27]            La Commission a conclu que le demandeur n'était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[28]            Il s'agit du contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

Observations du demandeur


[29]            Le demandeur prétend que la principale erreur commise par la Commission a été de conclure que son témoignage concernant les événements d'octobre et de novembre 2000 était faux. Il est vrai que la Commission peut tirer une inférence de l'absence de preuve documentaire concernant certains faits qu'on pourrait normalement s'attendre à y retrouver, mais le demandeur prétend qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que les irrégularités commises à Luftinja soient mentionnées en particulier. En outre, la preuve documentaire mentionnait divers incidents d'intimidation ainsi que d'autres irrégularités du scrutin sans mentionner précisément où ces irrégularités s'étaient produites. Compte tenu de cette preuve, ainsi que du profil politique du demandeur, ce dernier prétend qu'il était déraisonnable pour la Commission de ne pas croire que les événements de 2000 s'étaient produits tout simplement parce que la preuve documentaire ne mentionnait pas précisément ce bureau de scrutin.

[30]            Le demandeur prétend, en s'appuyant principalement sur le fait que la preuve documentaire corroborait la preuve du demandeur selon laquelle les observateurs internationaux n'étaient pas postés à tous les bureaux de scrutin, que la conclusion de fait tirée par la Commission n'est fondée sur aucune preuve, qu'elle n'est que de la conjecture ou n'est pas fondée sur la preuve dont la Commission était saisie.

[31]            Selon le demandeur, même si la preuve documentaire révèle que le pays se conforme de plus en plus aux normes internationales en matière d'élections démocratiques, elle établissait également l'inconduite de la police et la fraude électorale en 2001. Selon le demandeur, cette preuve révèle que le demandeur craint avec raison d'être persécuté s'il est renvoyé en Albanie.


[32]            Le demandeur a expliqué que l'exposé circonstancié de FRP ne mentionnait que les événements qui s'étaient produits avant son départ de l'Albanie et qu'il n'était donc pas raisonnable que la Commission tire une conclusion défavorable du fait qu'il avait omis d'alléguer que la police s'était rendue chez lui à plusieurs reprises et qu'elle l'avait menacé en décembre 2000 et en juin 2001. Le demandeur a souligné les termes du FRP qui invitent le demandeur d'asile à énumérer « tous les incidents importants qui vous ont amené à chercher protection à l'extérieur de votre pays de nationalité » . Le demandeur prétend que cela peut vouloir dire qu'il faut décrire les événements qui se sont produits avant la demande de protection ou de statut de réfugié plutôt que tous les événements qui se sont produits avant la signature du FRP.

[33]            Le demandeur a mentionné que la visite de la police de juin 2001 s'était produite après la signature de son FRP et que c'était encore plus déraisonnable que la Commission tire une conclusion négative du fait que le demandeur n'avait pas mentionné un événement futur dans son exposé circonstancié.

[34]            Le demandeur prétend que la Commission a tiré des conclusions négatives en matière de crédibilité d'une manière abusive puisqu'il avait mal compris les instructions du FRP. Le demandeur prétend également qu'il s'agit d'une erreur de droit qui justifie l'intervention de la Cour.

Observations du défendeur

[35]            Le défendeur prétend que la décision de la Commission n'était pas manifestement déraisonnable et que, par conséquent, la Cour ne doit pas la modifier.

[36]            Le défendeur prétend qu'il était raisonnable que la Commission tire une conclusion négative de l'omission, dans le FRP, de certaines allégations du demandeur. Le défendeur conteste l'interprétation que propose le demandeur des instructions qui accompagnent la question 37 du FRP et il prétend que non seulement le demandeur aurait pu modifier et améliorer son FRP, mais il était également représenté par un avocat et cela nuit à sa position sur cette question. En outre, le défendeur prétend qu'il était raisonnable que la Commission s'attende à ce que le demandeur mentionne ces incidents dans son FRP s'ils s'étaient réellement produits.

[37]            Le défendeur prétend qu'il est loisible à la Commission de tirer des conclusions négatives lorsque la preuve documentaire ne fait pas mention de renseignements qui devraient normalement s'y trouver. En l'espèce, le défendeur prétend que la Commission était justifiée d'accorder plus de poids au silence de la preuve documentaire qu'au témoignage du demandeur. Contrairement aux affirmations du demandeur, la preuve documentaire mentionne des incidents spécifiques d'irrégularités électorales, et par conséquent, selon le défendeur, il n'était pas manifestement déraisonnable que la Commission s'attende à ce que l'incident de violence décrit par le demandeur soit mentionné s'il s'était réellement produit.


[38]            Le défendeur prétend que la Commission pouvait raisonnablement décider que la crainte du demandeur n'était pas objectivement bien fondée à cause de la preuve disponible. Selon le défendeur, la conclusion de la Commission était raisonnable mais elle aurait pu tout aussi bien tirer raisonnablement une conclusion contraire. Comme tel, le défendeur prétend que l'intervention de la Cour n'est pas justifiée.

[39]            Le défendeur demande à la Cour de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

Question en litige

[40]            Le demandeur a-t-il établi que l'intervention de la Cour était justifiée?

Dispositions pertinentes de la LIPR

[41]            L'article 96 et le paragraphe 97(1) de la LIPR définissent les expressions « réfugié au sens de la Convention » et « personne à protéger » en ces termes :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

. . .

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

. . .

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Analyse et décision

[42]            Question préliminaire : norme de contrôle


La norme de contrôle qui s'applique à une décision de la Commission en matière de crédibilité est une norme qui exige beaucoup de retenue. Dans Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), le juge Décary a dit au paragraphe 4 :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire [...]

[43]           La norme de contrôle qui doit s'appliquer à la décision de la Commission en l'espèce est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[44]           Question en litige

Le demandeur a-t-il établi le fondement de l'intervention de la Cour?

Les arguments du demandeur sont fondés principalement sur trois aspects de la décision de la Commission. Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur parce qu'elle n'a pas cru son témoignage au sujet des incidents qui se seraient produits en octobre et novembre 2000 au motif que la preuve documentaire ne mentionnait pas les incidents qui se seraient produits au bureau de scrutin. Deuxièmement, le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a tiré une conclusion négative en se fondant sur les omissions de son FRP alors qu'il avait présenté une explication raisonnable. Troisièmement, la Commission a commis une erreur en concluant que sa crainte d'être persécuté n'était pas bien fondée selon un critère objectif.

[45]           Les événements d'octobre et novembre 2000

Dans son FRP, le demandeur a dit qu'il représentait le Front national lors du scrutin et que le candidat de son parti avait obtenu le plus grand nombre de votes. Le Parti socialiste n'a pas accepté ce résultat et, quelques minutes plus tard, les gardes armés qui se tenaient à l'extérieur du bureau de scrutin sont entrés, ont tiré sur les murs, ont roué de coups les représentants des partis de droite, ont brûlé la boîte de scrutin du Front national et l'ont remplacée par une boîte du Parti socialiste. Le représentant du Parti socialiste n'a pas été maltraité. Le demandeur a également dit qu'il avait prononcé un discours à la fin d'octobre dans lequel il critiquait le Parti socialiste et, qu'en novembre 2000, des inconnus avaient tiré sur sa maison pendant la nuit et qu'ils avaient dit qu'ils allaient tuer tous les membres du Front national.

[46]           La Commission a conclu aux pages 5 et 6 de sa décision :


De plus, j'estime non crédible l'allégation selon laquelle les gardes du bureau de scrutin de Luftinja, Tepelena, à la fin du jour des élections, soit le 1er octobre 2000, aient battu les représentants des partis non socialistes, brûlé la boîte de scrutin du Front national et l'aient remplacée par une boîte du Parti socialiste. Les observateurs internationaux ont estimé que les élections d'octobre 2000 se sont déroulées de façon généralement convenable, non sans noter toutefois qu'il fallait corriger des déficiences importantes. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a conclu qu'en dépit de certaines irrégularités et de quelques tentatives d'intimidation, les élections ont été généralement valides. Les documents comprennent une description des événements à Himara où se sont produites de graves irrégularités, dont l'intimidation des membres de la Commission électorale et la destruction d'une boîte de scrutin. Mais ils ne disent rien de ce qui s'est passé au bureau de scrutin du demandeur. Ce dernier a expliqué qu'aucun observateur international n'était présent à ce bureau. Outre le demandeur, d'autres représentants des partis de la droite étaient présents, prétend-on. Étant donné la participation de la communauté internationale et des ONG, et les aspirations politiques des politiciens des partis non socialistes, j'estime raisonnable de penser que si l'incident décrit par le demandeur s'était réellement produit, on en aurait fait état dans l'un ou l'autre des documents. J'en arrive à la conclusion que, selon la prépondérance des probabilités, les prétendues irrégularités commises aux élections du 1er octobre 2000 au bureau de scrutin de Luftinja, Tepelena ne se sont pas produites. De plus, j'estime que, selon la prépondérance des probabilités, les autres événements reliés à cet incident n'ont pas eu lieu non plus. Il s'agit du discours du demandeur au rassemblement du Parti du front national à la fin d'octobre 2000, de l'incident du 5 novembre 2000 durant lequel des inconnus auraient tiré sur sa maison et menacé de tuer tous les membres du Front national, et de la descente de la police chez lui en novembre 2000 après son départ pour Tirana.

[47]            Dans Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no114 (C.A.), le juge Hugessen a dit :

[...] La « présomption » selon laquelle le témoignage sous serment d'un requérant est véridique peut toujours être réfutée et, dans les circonstances appropriées, peut l'être par l'absence de preuves documentaires mentionnant un fait qu'on pourrait normalement s'attendre à y retrouver.

[48]            Le demandeur prétend que les documents mentionnaient les irrégularités d'une manière générale sans préciser le lieu où ces incidents s'étaient produits et qu'aucun représentant international ne se trouvait à son bureau de scrutin; par conséquent, on ne pouvait s'attendre à ce que les incidents qu'il a mentionnés soient signalés.

[49]            La décision de la Commission, sur ces points, ne m'apparaît pas manifestement déraisonnable. La Commission avait le droit, dans ces circonstances, de tirer des conclusions défavorables et de rejeter le témoignage du demandeur. Les incidents signalés par le demandeur étaient graves et plusieurs autres représentants des parties étaient également présents. À cause de la gravité des incidents et du fait que les représentants politiques avaient tout intérêt à les signaler, la décision de la Commission de ne pas reconnaître que les incidents avaient eu lieu est une conclusion qu'elle pouvait raisonnablement tirer.

[50]            Omissions du FRP

Le demandeur n'a pas mentionné les événements qui se sont produits après son départ de l'Albanie dans son FRP (que la police est venue le chercher à deux reprises en décembre 2000 après son départ d'Albanie). Le demandeur, qui était représenté par un avocat, n'a pas déposé un FRP modifié, comme il avait le droit de le faire, pour y ajouter ces renseignements. Il a mentionné les visites de décembre 2000 pour la première fois dans son témoignage oral. La Commission n'a pas accepté l'explication du demandeur selon laquelle il n'avait indiqué que les événements qui s'étaient produits jusqu'à ce qu'il quitte l'Albanie et elle a conclu que son témoignage concernant les visites de décembre 2000 n'était pas crédible. Dans Sahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 527, [2001] A.C.F. no 805 (QL), la juge Tremblay-Lamer a dit, au paragraphe 18 :

En outre, quant à l'omission du demandeur dans son FRP, la Cour a établi que la Commission est raisonnablement justifiée de tirer une conclusion défavorable à cause de l'omission d'une preuve déterminante dans le FRP du demandeur. (Lobo c. M.C.I., [1995] A.C.F. no 597 (C.F. 1re inst.)). Je conclus qu'il était raisonnable pour la Commission de tirer une conclusion défavorable du fait que le demandeur n'avait pas mentionné l'information en question avant d'être questionné au sujet de son obligation de se présenter régulièrement au poste de police.

[51]            Le demandeur conteste qu'une conclusion négative puisse être tirée du fait qu'il n'a pas mentionné ces événements dans son FRP, mais je suis d'avis qu'il était raisonnable pour la Commission de tirer une conclusion négative du fait que le demandeur n'avait pas mentionné ces événements dans son FRP. La définition d'un réfugié au sens de la Convention est prospective et tous les incidents qui se sont produits jusqu'au moment de l'audience sont importants. La décision de la Commission sur ce point n'était pas manifestement déraisonnable.


[52]            Le bien-fondé de la crainte

J'ai examiné les motifs de la Commission sous le titre « Le bien-fondé de la crainte » et je ne saurais conclure que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle à cet égard. La Commission a analysé toute la preuve documentaire avant de tirer sa conclusion.

[53]            La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

[54]            Aucune des parties n'a soumis une question de portée générale aux fins de certification.

                                        ORDONNANCE

[55]            IL EST ORDONNÉ que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                            _ John A. O'Keefe _            

                                                                                                     Juge                        

Ottawa (Ontario)

le 20 janvier 2005

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-5612-03

INTITULÉ :                            DASHMIR ZYLI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 5 AOÛT 2004 - August 5, 2005 (???)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :           LE 20 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Jack Martin                               POUR LE DEMANDEUR

Tamrat Gebeyehu                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack Martin                               POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.