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Date: 19990128


Dossier: IMM-1829-98

Entre:

     MARIO ENRIQUE SANCHEZ MARTIN

     ISELA SANCHEZ MARTINEZ

     ISABEL MARTINEZ DE SANCHEZ

     Requérants

Et:

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

         Intimé

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire interjetée à l'encontre de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut du réfugié (le tribunal) rendue le 1er avril 1998, selon laquelle les requérants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]      Le requérant principal, Mario Enriquez Sanchez Martin, est un médecin spécialisé en radiologie. Il est venu au Canada avec son épouse, Isabel Martinez De Sanchez et de leur fille majeure, Isela Sanchez Martinez. Tous sont citoyens du Mexique. Les requérants affirment avoir une crainte de persécution bien fondée en raison de leur opinion politique et de leur appartenance à un groupe social.

[3]      Avant de quitter son pays, le requérant principal exerçait la profession de médecin dans l'État du Vera Cruz. Il est devenu membre du Parti d'action nationale (PAN) en 1988. À titre de membre du PAN, il a participé à des activités sociales, fait de la propagande, donné des conférences et effectué des visites domicilaires gratuites dans les communautés rurales voisines de Coatzacoalacos et de Minatitlan. Il est devenu l'adjoint du secrétaire de propagande et d'action sociale du parti.

[4]      Le 23 juin 1997, le requérant s'est prononcé publiquement contre le parti au pouvoir, le Parti de la Révolution Institutionalisé (PRI). Il a déclaré que les dirigeants du pays sont responsables de la corruption et qu'ils devraient être soumis à une enquête. Les représailles contre lui et sa famille ont commencé dès lors. Après avoir entendu les déclarations du requérant, les gardes du corps d"un député fédéral du PRI, l'ont suivi dans un stationnement et l"on menacé de mort. Le 1er juillet 1997, le requérant a observé une camionnette de la police militaire circulant autour de sa maison. Le lendemain, des agents de la police mexicaine ont tenté de pénétrer de force chez lui.

[5]      Le 6 juillet 1997, jour d"élections, le requérant était responsable pour le PAN de la surveillance d'un bureau de vote. Vers 16:00 heures, deux individus sont arrivés. Ils ont prétendu être membres de l'Institut Fédéral Électoral et ont demandé que les membres des partis politiques présents leur montrent leurs accréditations. Pendant que le requérant était occupé à montrer ses accréditations, quelqu'un a crié qu'une personne venait de faire un dépôt illégal de votes dans les boîtes de scrutin. Le requérant et les autres délégués ont tenté d'arrêter l'individu qui avait fait le dépôt, mais celui-ci s'est échappé. Quand ils ont voulu retenir l'individu qui les avait distraits, la police est arrivée. Les agents de police ont menacé les délégués avec leurs armes pour permettre au suspect de s'échapper. La police est restée jusqu'au compte des votes. Le représentant du PRI a gagné.

[6]      Le requérant a rapporté la fraude à son parti qui a déposé une plainte. Par après, le requérant a remarqué que des véhicules policiers circulaient sans cesse autour de sa maison. Il a reçu des menaces par téléphone. Quelqu'un a menacé de violer et tuer sa fille. Le 9 juillet, le requérant a reçu un appel confidentiel d"un député l"informant que son nom allait être inscrit dans un système informatique contrôlé par le gouvernement, ce qui allait lui causer des difficultés à quitter le pays. Craignant pour leur sécurité, les requérants ont quitté le Mexique pour le Canada.

[7]      Le tribunal a rejeté leur revendication de façon sommaire. On a cru relever une invraisemblance majeure, à savoir que le requérant ne s'est pas plaint à la police ou à son parti lorsqu'il a reçu des menaces après les élections. On a de plus considéré invraisemblable le fait que le PAN, un parti politique bien organisé, ne pouvait protéger le requérant. Selon le tribunal, le requérant n'avait pas prouvé qu'il ne pouvait compter sur la protection des autorités mexicaines.

[8]      La revendication du requérant principal est fondée sur une crainte de persécution par les membres du PRI et les forces policières. Le PRI détient le pouvoir au Mexique depuis environ 70 ans. Il n"est pas invraisemblable qu"une personne qui allègue être persécutée directement ou indirectement par le gouvernement de son pays d"origine ne recherche pas de la protection des autorités. En l"espèce, le tribunal devait considérer si la crainte du requérant d"être persécuté par son propre gouvernement était fondée. Il n"y a aucune indication que le tribunal a examiné la preuve documentaire soumise au sujet de la situation des droits humains au Mexique et, plus spécifiquement, de la possibilité de persécution des opposants politiques par les autorités mexicaines. Un article paru dans le Journal Libéral du Mexique le 21 octobre 1997 au sujet du requérant a été écarté sans commentaire par le tribunal. Ce texte a été traduit de l"espagnol comme suit:

     A cause malaise entre les citoyens la retraite subite de la ville du prestigieux médecin radiologue au début du mois de juillet. Ce médecin avait son bureau radiologique situé entre les rues Gerrero et Llave de cette ville. Probablement il s"agit des motifs politiques, la cause principale de la disparition du dit professionel         
     Car il est de tous connu que le cité docteur était Paniste et ne manquait pas opportunité pour manifester son désaccord et désaveu à la répression du gouvernement durant les passées élections du mois de juillet, car ledit professionnel a été secrétaire de table et en répétées occasions a été menacé de mort par les éléments uniformes.         
     C"est quoi qui attend à chaque citoyen pour défendre ses droits? Où se trouve ce médecin? (Sic)         

    

[9]      L"intimé a soulevé le requérant a quitté le Mexique peu après les élections. Le PAN a obtenu du succès lors des élections de 1997, en faisant élire de nombreux députés. Des gouverneurs panistes sont parvenus à la tête d"états mexicains. L"intimé suggère que la situation a changé après les élections et que le PAN pouvant désormais protéger le requérant contre les atteintes commises par leurs adversaires Je suis d"avis qu"un tel revirement est impossible en si peu de temps. Dans un passé pas si lointain, le 2 juillet 1997, les forces policières mexicaines tentaient de pénétrer dans le domicile des requérants. Le PRI est encore au pouvoir. La capacité du PAN d"accorder un refuge intérieur au requérant ne ressort pas de la preuve documentaire de façon à supporter la conclusion du tribunal. Au contraire, un article paru dans le Universal Journal en date de septembre 1997 rapporte ce qui suit:

                 Over the last three years, the human rights situation here has deteriorated so much that today "there is a hman rights crisis in Mexico", the Executive Director of the International Human Rights Organization, Amnesty International, Pierre Santé, said yesterday in Mexico City...                 

[10]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et cette affaire est retournée devant un tribunal différemment constitué pour nouvelle détermination.

                                     JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 28 janvier 1999

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