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                                                                                                                               Date: 20010206

                                                                                                                   Dossier: IMM-2763-00

                                                                                                             Référence: 2001 CFPI 25

ENTRE :

DAVID ARTURO ESCUDERO GONZALEZ

                                                                                                                                      demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]         Le demandeur sollicite une ordonnance portant que la demande de contrôle judiciaire doit être instruite comme s'il s'agissait d'une action, conformément au paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, qui se lit comme suit :

18.4 (2) The Trial Division may, if it considers it appropriate, direct that an application for judicial review be treated and proceeded with as an action.

18.4 (2) La Section de première instance peut, si elle l'estime indiqué, ordonner qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action.


[2]         Dans la décision Office des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard c. Canada (Ministre de l'Agriculture) (1993), 56 F.T.R. 150 (1re inst.), le juge Muldoon, qui examinait une requête semblable à celle dont je suis ici saisi, a fait les remarques suivantes, à la page 152 :

[2]         L'article 18.4 de la Loi sur la Cour fédérale dispose clairement qu'en règle générale, une demande de contrôle judiciaire ou un renvoi présenté à la Section de première instance est instruit comme s'il s'agissait d'une requête. En vertu de cet article, ces matières doivent être entendues et jugées « à bref délai et selon une procédure sommaire » . Exceptionnellement, le paragraphe 18.4(2) prévoit qu'une demande de contrôle judiciaire peut être instruite comme s'il s'agissait d'une action. Cependant, c'est dorénavant par voie de requête qu'il est préférable de procéder et il ne faut pas déroger à ce principe en l'absence de motifs très clairs.

Dans l'arrêt MacInnis c. Canada (Procureur général) et autre (1994), 166 N.R. 57 (C.A.F.), le juge Décary a dit ce qui suit à la page 60 :

[9]         En général, c'est seulement lorsque les faits, de quelque nature qu'ils soient, ne peuvent pas être évalués ou établis avec satisfaction au moyen d'un affidavit que l'on devrait envisager d'utiliser le paragraphe 18.4(2) de la Loi. Il ne faudrait pas perdre de vue l'intention clairement exprimée par le Parlement, qu'il soit statué le plus tôt possible sur les demandes de contrôle judiciaire, avec toute la célérité possible, et le moins possible d'obstacles et de retards du type de ceux qu'il est fréquent de rencontrer dans les procès. On a des « motifs très clairs » d'avoir recours à ce paragraphe, pour utiliser les mots du juge Muldoon, lorsqu'il faut obtenir une preuve de vive voix soit pour évaluer l'attitude et la crédibilité des témoins ou pour permettre à la Cour de saisir l'ensemble de la preuve lorsqu'elle considère que l'affaire requiert tout l'appareillage d'un procès tenu en bonne et due forme. [Voir Canadian Pacific Ltd. v. Matsqui Indian Band et al., (1993), 153 N.R. 307, à la p. 311 (C.A.F.); Edwards v. Canada (Minister of Agriculture), (1992), 53 F.T.R. 265, à la p. 267, le juge Pinard.] L'arrêt rendu par la présente Cour dans l'affaire Bayer AG et Miles Canada Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et Apotex Inc., [(1993), 163 N.R. 183 (C.A.F.)], où le juge Mahoney, J.C.A. s'est montré jusqu'à un certain point en désaccord avec la décision rendue par le juge Rouleau dans la même affaire [(1993), 66 F.T.R. 137 (1re inst.)], est un exemple récent de l'hésitation de la Cour à instruire une affaire par voie d'action plutôt qu'au moyen d'une demande.


[10]        Le juge Srayer, dans l'arrêt Vancouver Island Peace Society, et le juge Reed dans l'arrêt Derrickson, ont mentionné qu'il est important de se rappeler la vraie nature des questions auxquelles la Cour doit répondre dans une procédure de contrôle judiciaire, et de considérer la pertinence d'utiliser la preuve déposée par affidavit pour répondre à ces questions. Par conséquent, un juge commettrait une erreur en acceptant qu'une partie puisse seulement présenter la preuve qu'elle veut au moyen d'un procès si cette preuve n'était pas liée aux questions très précises auxquelles la Cour doit répondre. La complexité, comme telle, des questions de faits ne saurait être prise en considération si les affidavits contradictoires des experts qui s'appuient sur ces faits se rapportent aux questions soumises au tribunal plutôt qu'aux questions soumises à la Cour. Par conséquent, supposer qu'on pourra mettre au jour une preuve cachée n'est pas une raison suffisante pour ordonner la tenue d'un procès. [Oduro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (9 décembre 1993), IMM-903-93 (C.F. 1re inst.), le juge McKeown, 71 F.T.R. 152]. Un juge peut être justifié de statuer autrement s'il a de bonnes raisons de croire qu'une telle preuve ne pourrait être mise au jour qu'au moyen d'un procès. Mais le vrai critère que le juge doit appliquer est de se demander si la preuve présentée au moyen d'affidavits sera suffisante, et non de se demander si la preuve qui pourrait être présentée au cours d'un procès pourrait être supérieure. [Je souligne.]

[3]         Comme le montre clairement la décision que la Cour d'appel a rendue dans l'affaire MacInnis, supra, le critère crucial n'est pas de savoir si une preuve de vive voix serait supérieure, mais si la preuve présentée au moyen d'affidavits est suffisante, eu égard à l'ensemble des circonstances, aux fins de l'examen des questions en cause. À cet égard, Me Begg, au nom du demandeur, avance deux raisons pour lesquelles je devrais accueillir la demande de son client. Premièrement, elle soutient que la question de la crainte de partialité est une question de crédibilité et que la meilleure façon de trancher cette question consiste donc à voir et à entendre les témoins.

[4]         La deuxième raison avancée par Me Begg se rapporte à ce qu'elle appelle le problème de la preuve. Me Begg explique que, dans son affidavit et lors du contre-interrogatoire y afférent, l'agente des visas, Mme Heal, a soulevé la question de la preuve de réputation. Me Begg affirme que son client ne peut pas réfuter cette preuve à moins d'avoir la possibilité d'appeler et, par conséquence, d'assigner des témoins, à savoir des fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration, qui peuvent attester de la « réputation » de l'agente des visas.


[5]         En ce qui concerne la deuxième raison invoquée par Me Begg, j'estime que la preuve de réputation n'a rien à voir avec le règlement de cette demande de contrôle judiciaire. Il ne s'agit pas de savoir si Mme Heal, comme elle le déclare au paragraphe 33 de son affidavit, est consciente des obstacles culturels, mais plutôt si, pendant l'entrevue, elle a fait des remarques qui donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité. Par conséquent, si Me Begg ne peut pas réfuter les assertions que l'agente des visas a faites au sujet de la question de la réputation et, en particulier, l'assertion figurant au paragraphe 33 de l'affidavit, son client ne subira pas de préjudice. Il se peut bien que le paragraphe 33 de l'affidavit de l'agente des visas doive être radié. Toutefois, je ne suis saisi d'aucune requête de ce genre.

[6]         Quant à la première raison qui a été invoquée, Me Begg a raison de dire qu'il serait préférable de présenter une preuve de vive voix plutôt qu'une preuve par affidavit, mais comme le juge Décary l'a dit dans l'arrêt MacInnis, supra, tel n'est pas le critère. J'estime qu'eu égard aux circonstances dans leur ensemble, la preuve par affidavit n'est pas insuffisante lorsqu'il s'agit de régler les questions pertinentes de la façon appropriée.


[7]         À ces motifs, la requête du demandeur est rejetée. Toutefois, malgré les arguments convaincants invoqués par Me Park, à savoir que je devrais rejeter la requête et adjuger les dépens au défendeur, je n'adjugerai pas les dépens dans la présente requête.

          Marc Nadon

                                                              

     JUGE

OTTAWA (Ontario),

le 6 février 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 IMM-2763-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                DAVID ARTURO ESCUDERO GONZALEZ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

REQUÊTE ENTENDUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 26 JANVIER 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Nadon en date du 6 février 2001

ONT COMPARU :

FIONA BEGG                                                              POUR LE DEMANDEUR

HELEN PARK                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

FIONA BEGG                                                              POUR LE DEMANDEUR

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

MORRIS ROSENBERG                                              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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