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Date : 20020326

Dossier : IMM-1736-01

Référence neutre : 2002 CFPI 343

ENTRE :

                                                                    ELEKNE MOLNAR

                                                                      ELEK MOLNAR

                                                                    ILDIKO MOLNAR

                                                                                                                                             Demandeurs

                                                                              - et -

                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                   Défendeur

                                                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE

M. LE JUGE NADON

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision rendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « Section du statut » ) le 19 février 2001. La Section du statut a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]                 Spécifiquement, la Section du statut a rejeté la revendication de statut de réfugié des demandeurs parce que ces derniers n'avaient pas démontré que l'état hongrois n'était pas en mesure de les protéger. De plus, la Section du statut a conclu à l'absence de crainte subjective de la part des demandeurs. À la page 3 de ses motifs, la Section du statut écrit ce qui suit:

Le tribunal a également évalué la crainte subjective de persécution des revendicateurs. D'après la preuve, ils ont passé deux mois en France avant de partir pour le Canada, ce qui amène le tribunal à se demander si leur conduite est celle de personnes ayant une crainte fondée de persécution. Dans l'arrêt Huerta, la Cour fédérale a statué que « le retard à formuler une demande de statut de réfugié n'est pas un facteur déterminant en soi. Il demeure cependant un élément pertinent dont le tribunal peut tenir compte pour apprécier les dires ainsi que les faits et gestes d'un revendicateur » . La revendicatrice principale a témoigné qu'elle avait quitté la Hongrie parce qu'elle craignait pour sa vie et celle de ses enfants. Le tribunal a questionné les revendicateurs sur les efforts qu'ils ont déployés pour revendiquer le statut de réfugié en France. Ils ont répondu qu'un parent éloigné chez qui ils habitaient leur avait dit que c'était impossible. C'est une explication peu convaincante de la part de personnes qui ont quitté leur pays parce qu'elles craignaient pour leur vie et qui sont restées deux mois en France, pays démocratique signataire de la Convention. Le tribunal constate que les actions et le comportement des revendicateurs ne sont pas ceux de personnes qui ont une crainte fondée de persécution.

[3]                 Comme le note le défendeur dans son Mémoire, la demande de contrôle judiciaire ne soulève aucune erreur de la part de la Section du statut concernant sa conclusion d'absence de crainte subjective. Selon le défendeur, cette conclusion est suffisante pour justifier le rejet de la revendication. Je suis d'accord.

[4]                 Dans Caballero c. M.E.I. (1993), 154 N.R. 345, la Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge Létourneau, à la page 346, s'exprimait comme suit:


[3]           De fait, en mai 1988, l'appelant qui travaillait aux Etats-Unis comme camionneur est retourné au Honduras où il y a vendu avec profit une automobile pour obtenir des fonds suffisants pour permettre à toute sa famille de quitter le Honduras. Il déclare devant la Section du statut de réfugié que lors de ce retour au Honduras en mai 1988, il avait l'intention d'y rester au moins un an de plus pour vendre un terrain qu'il possédait. Ce comportement est à notre avis incompatible avec une crainte raisonnable de persécution et nous sommes d'accord avec les membres de la Section du statut lorsqu'ils écrivent:

"Force est de constater que de la fin 1986 à mai 1988, malgré ses nombreux voyages entre les Etats-Unis et le Honduras, le demandeur n'a pas déployé beaucoup d'efforts pour organiser une fuite définitive de son pays. Pourtant les circonstances étaient nettement propices à l'organisation d'un tel départ. Son épouse l'accompagnant même et demeurant avec lui aux Etats-Unis durant un certain temps, environs deux mois.

[5]                 Dans Pan c. M.E.I., A-859-91, en date du 21 juillet 1994, le juge Linden de la Cour d'appel fédérale écrivait ce qui suit:

In this case, the Refugee Division found that the claimant's behaviour was "inconsistent with a genuine subjective fear of persecution". Even though this may be an unusual conclusion, it is one that is open to the Board in appropriate cases. Here the Board was entitled to find that the conduct of the claimant, travelling around China for several months with what appeared to the Board to be minimal precautions, was not the conduct of one who feared persecution.

[6]                 Je désire faire référence à une dernière décision. Dans Huerta c. M.E.I. (1993), 157 N.R. 225, la Cour d'appel fédérale concluait comme suit:

[3]           enfin, les membres de la Section du statut n'ont pas caché leur étonnement face au fait que l'appelante est arrivée au Canada comme touriste le 25 décembre 1988 et n'a réclamé le statut de réfugié que le 26 avril 1989. Ils se sont montrés d'autant plus étonnés que celle-ci fonde sa revendication sur les événements dont son frère et sa belle-soeur avec qui elle habitait ont été victimes, qu'elle est venue rejoindre ces derniers qui avaient déjà formulé leurs demandes de statut de réfugié, que ceux-ci savaient comment procéder en la matière et qu'ils se sont même rendus à l'aéroport pour l'accueillir. Dans ce contexte, ils ont trouvé peu convaincante l'explication de l'appelante pour justifier son retard à présenter une demande de statut de réfugié, celle-ci se bornant à dire qu'elle ignorait le processus.

[4]           Même si les membres n'en ont pas fait une mention expresse dans leur décision, il apparaît clairmeent de la transcription des débats à l'audience qu'ils trouvaient ce comportement de l'appelante difficilement compatible et conciliable avec celui d'une personne qui dit craindre pour sa vie et fuir son pays pour rechercher la protection des autorités canadiennes. Le retard à formuler une demande de statut de réfugié n'est pas un facteur déterminant en soi. Il demeure cependant un élément pertinent dont le tribunal peut tenir compte pour apprécier les dires ainsi que les faits et gestes d'une revendicateur.


[5]           Compte tenu de la preuve au dossier, nous ne pouvons conclure que l'inférence négative faite par les membres de la Section du statut à l'encontre de l'appelante, à partir du comportement de cette dernière, est déraisonnable, absurde ou arbitraire et nécessite notre intervention. En conséquence, l'appel devrait être rejeté.

[7]                 La question qui se soulève, à mon avis, est celle à savoir si la Section du statut pouvait conclure en l'absence de crainte subjective pour les motifs énoncés à la page 3 de ses motifs et, d'autre part, ne tirer aucune conclusion concernant la crédibilité des demandeurs. Habituellement, le fait pour un demandeur du statut de réfugié de ne pas le réclamer lors de son passage à travers des pays signataires de la Convention, constitue un élément, souvent important, dans l'appréciation de la crédibilité d'un demandeur et de l'histoire relatée au soutien de sa revendication.

[8]                 Malheureusement, en l'instance, les demandeurs ne s'attaquent nullement à la conclusion de la Section du statut qu'il y a absence de crainte subjective. Même si j'ai des doutes quant au bien-fondé de cette conclusion, je ne puis intervenir. Puisque les demandeurs ne se plaignent nullement de cette conclusion, le défendeur n'a pas eu l'opportunité de répondre aux arguments qui auraient pu être faits à l'encontre de cette conclusion.

[9]                 Par conséquent, il ne me sera pas nécessaire de discuter de la question de la protection de l'état hongrois.

[10]            La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

                                                                                               Marc Nadon

                                                                                                             Juge

O T T A W A (Ontario)

le 26 mars 2002


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR: IMM-1736-01

INTITULÉ: ELEKNE MOLNAR ET AUTRES c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE: MONTRÉAL, QUÉBEC DATE DE L'AUDIENCE: 4 OCTOBRE 2001 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE NADON EN DATE DU 26 MARS 2002

COMPARUTIONS

Me MARTIN FORGET POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me GUY M.LAMB POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Me MARTIN FORGET POUR LA PARTIE DEMANDERESSE MONTRÉAL, QUÉBEC

M. Morris Rosenberg POUR LA PARTIE DEMANDERESSE Sous-procureur général du Canada

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