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         T-2748-96

OTTAWA (ONTARIO), le 5 septembre 1997

EN PRÉSENCE DU JUGE ROULEAU

ENTRE :

     AUSTIN NICHOLS & CO., INCORPORATED,

     faisant affaires sous le nom d'emprunt

     d'Orangina International Company,

     appelante,

     et

     CINNABON, INC.,

     intimée.

     JUGEMENT

     L'appel est accueilli. La décision du registraire des marques de commerce est infirmée et la marque de commerce de l'appelante est réinscrite au registre.

                             P. ROULEAU

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme             

                                 Martine Guay, LL.L.

     T-2748-96

ENTRE :

     AUSTIN NICHOLS & CO., INCORPORATED,

     faisant affaires sous le nom d'emprunt

     d'Orangina International Company,

     appelante,

     et

     CINNABON, INC.,

     intimée.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU

     Il s'agit d'un appel fondé sur l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, à l'égard d'une décision par laquelle le registraire des marques de commerce a radié la marque de commerce enregistrée sous le numéro TMA 321,610.

     L'appelante a enregistré la marque de commerce SWIRL DESIGN au Canada le 12 décembre 1986. Dans une lettre datée du 22 mai 1996, l'intimée a demandé au registraire de donner à l'appelante un avis fondé sur le paragraphe 45(1) de la Loi en vue de l'enjoindre de fournir une preuve de l'emploi de la marque de commerce au Canada au cours des trois ans précédant la date de l'avis. Le registraire a donné cet avis le 5 juin 1996. Cependant, l'appelante n'a produit aucun élément de preuve établissant l'emploi de la marque au Canada.

     Le 18 octobre 1996, le registraire a avisé l'appelante que la marque de commerce serait radiée du registre conformément au paragraphe 45(4) de la Loi. Le 22 octobre 1996, l'appelante a demandé une prorogation rétroactive du délai relatif au dépôt d'éléments de preuve établissant qu'elle avait employé la marque de commerce au Canada. Cette demande a apparemment été refusée et la décision par laquelle le registraire avait radié la marque a été confirmée. L'appelante demande maintenant à la Cour d'infirmer cette décision au motif qu'elle possède une preuve d'emploi de la marque de commerce au Canada.

     L'intimée invoque le paragraphe 56(5) de la Loi pour soutenir que, étant donné que l'appelante n'a présenté aucun élément établissant qu'elle utilisait la marque, elle ne peut maintenant invoquer cette preuve en appel. Voici le libellé du paragraphe 56(5) :

     56. (5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.         

     Selon l'intimée, la seule preuve qui peut donc être apportée lors de l'appel d'une décision par laquelle le registraire a radié un enregistrement est une preuve en plus de celle qui a été présentée au registraire. L'intimée fait valoir que la disposition ne permet pas d'apporter une preuve en appel alors qu'aucun élément de preuve n'a été présenté au registraire.

     Je ne suis pas convaincu du bien-fondé de cet argument et j'accueille l'appel pour les raisons suivantes. Selon le paragraphe 45(1) de la Loi sur les marques de commerce, toute personne peut demander au registraire de donner au titulaire d'une marque de commerce déposée un avis l'enjoignant de fournir une preuve d'emploi de la marque dans les trois ans précédant immédiatement la date de l'avis. Il appert clairement de la jurisprudence que l'article 45 vise à énoncer une procédure sommaire permettant de radier du registre les marques qui ne peuvent être considérées comme des marques de commerce actives parce que leur propriétaire ne les utilise pas. Dans l'arrêt Re Wolfville Holland Bakery Ltd. (1964), 42 C.P.R. 88 (C. Éc.), p. 91, le président Thorson s'est exprimé en ces termes :

     [TRADUCTION] Il ne fait aucun doute que l'objet de l'article 44 [maintenant l'article 45] de la Loi est de fournir un processus permettant de supprimer du registre certaines marques de commerce de manière qu'on puisse, en quelque sorte, éliminer le "bois mort" que constituent les marques qui ne sont plus employées. Par contre, la Loi prévoit également des mesures afin de protéger le propriétaire inscrit d'une marque contre les tentatives injustifiées visant à faire radier celle-ci.         

     Compte tenu de l'objectif ultime de cette disposition, il me semble incorrect d'interpréter celle-ci de façon stricte au point de permettre que soit radiée du registre une marque de commerce qui est manifestement employée au Canada simplement parce que le titulaire de la marque n'a présenté aucune preuve de cet emploi au registraire.

     Effectivement, c'est cette interprétation que la Cour fédérale a retenue dans l'arrêt Nissei Plastics Industrial Co. c. Pascal & Associates (1994), 58. C.P.R. (3d) 395, où le juge Gibson s'est exprimé comme suit à la page 402 :

     Compte tenu de ces énoncés de l'objectif de l'article 45, et malgré les passages précités de l'ouvrage de Driedger, je conclus que le paragraphe 45(5) ne doit pas être interprété strictement contre l'appelante en l'espèce.         

     Ce raisonnement s'applique tout aussi bien en l'espèce. L'affidavit de Danette Jordan indique clairement que la marque a été utilisée de façon active au Canada au cours de la période pertinente. Dans l'intérêt de la justice, il importe que la décision quant à l'opportunité de radier une marque du registre tienne compte de tous les éléments de preuve pertinents. Je suis convaincu que, si l'affidavit de Mme Jordan avait été porté à l'attention du registraire, la marque de commerce de l'appelante n'aurait pas été radiée.



     Par ces motifs, l'appel est accueilli. La décision du registraire des marques de commerce est infirmée et la marque de commerce de l'appelante est réinscrite au registre.

                             P. ROULEAU

                                     JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 5 septembre 1997

Traduction certifiée conforme             

                                 Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-2748-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Austin Nicholls & Co. c. Cinnabon Inc.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      18 juin 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              5 septembre 1997

ONT COMPARU :

Me Marie Lafleur          POUR L'APPELANTE
Me David Morrow          POUR L'INTIMÉE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Martineau, Walker              POUR L'APPELANTE

Avocats

Montréal (Qc)

Smart & Biggar              POUR L'INTIMÉE

Avocats

Ottawa (Ont.)


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