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Date : 19980226


Dossier : IMM-1156-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 26 FÉVRIER 1998.

EN PRÉSENCE DE :      MONSIEUR LE JUGE JOYAL

ENTRE :

     MEI QIN LIN,

     requérante,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                 L-Marcel Joyal

    

                                 J U G E

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


Date : 19980226


Dossier : IMM-1156-97

ENTRE :

     MEI QIN LIN,

     requérante,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE JOYAL


[1]      Il s'agit en l'espèce d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié le 18 février 1997. La Commission a statué que la requérante n'était pas une réfugiée au sens de la Convention, aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.


Les faits


[2]      La requérante est une citoyenne chinoise. Elle s'est convertie au christianisme en 1990. Elle fréquentait une église clandestine dans son village, environ deux ou trois fois par mois, et elle cherchait parfois de nouveaux membres pour l'église et elle sollicitait des dons.

[3]      En décembre 1994, le pasteur de la requérante lui a demandé de faire de l'apostolat dans un autre village. En janvier 1995, accompagnée d'un autre membre de son église, elle est allée prêcher au village de Hou Shun. Ils y ont rencontré la famille Luo qui les a invités à rester et à prêcher devant eux et leurs voisins.

[4]      Le 2 janvier 1995, environ une demi-heure après avoir commencé à prêcher, la requérante a été avertie que les responsables de la sécurité du village se dirigeaient vers la maison des Luo. Elle a réussi à s'enfuir en passant par l'arrière de la maison, et elle a suivi un sentier menant aux collines situées à l'extérieur du village. Elle a grimpé les collines et elle a finalement atteint la maison de l'oncle de son mari où elle s'est cachée.

[5]      Pendant qu'elle se cachait, la requérante a appris que l'ami religieux qui l'avait accompagnée ne s'était pas échappé et qu'il avait en fait été arrêté. Elle a aussi appris qu'une assignation lancée contre elle avait été remise à ses parents. Par la suite, un avis de recherche a été affiché dans son village. Craignant d'être arrêtée et envoyée en détention, la requérante a demandé à des membres de sa famille de l'aider à quitter la Chine.

[6]      La requérante est arrivée à Toronto le 10 avril 1995, et elle a revendiqué le statut de réfugié quelques mois plus tard, c'est-à-dire le 28 juillet 1995.

La décision de la Commission

[7]      La Commission s'est fondée uniquement sur le manque de crédibilité de la requérante pour rendre sa décision. Elle ne croyait pas qu'on avait demandé à la requérante, qui était peu instruite, de prêcher et de trouver de nouveaux membres pour son église. Le récit que la requérante avait fait dans sa déposition orale de son évasion du domicile des Luo contredisait celui qui se trouvait dans son formulaire de renseignements personnels, et la Commission a conclu que la requérante avait inventé l'incident pour faire valoir sa revendication du statut de réfugié. La Commission a en outre conclu que la requérante était un membre ordinaire de son église, et qu'il était très peu probable que les autorités chinoises la prennent pour cible si elle retournait dans son pays.

Les questions en litige

[8]      Tout d'abord, la requérante soutient que la Commission a mal formulé ou mal appliqué la définition de persécution1. Le simple fait que l'église à laquelle elle appartient est illégale en Chine constitue en soi de la persécution. Il est interdit à la requérante de pratiquer sa religion et elle pourra faire l'objet de poursuites judiciaires en raison de celle-ci.

[9]      Il est ensuite allégué que la décision de la Commission est abusive ou arbitraire parce qu'elle ne repose que sur un seul document, et qu'elle ne tient pas compte d'une multitude d'autres éléments de preuve documentaire prouvant que le gouvernement chinois harcèle les membres de l'église à laquelle appartient la requérante.

[10]      Enfin, la requérante fait valoir que, lorsque le motif invoqué pour une revendication est la religion, la Commission doit tout d'abord déterminer si le revendicateur pratiquait, comme il l'a allégué, la religion dans son pays d'origine, si les événements allégués par le revendicateur sont crédibles et si le revendicateur pratique actuellement cette religion au Canada. Il est allégué que l'omission par la Commission d'examiner correctement une question essentielle pour la revendication en rendant sa décision quant à savoir si la requérante était une chrétienne pratiquante au Canada constitue une erreur susceptible de contrôle.

Analyse

[11]      Avec égards, la requérante ne semble pas aborder la question essentielle dans son argument. La Commission a conclu que la requérante n'avait pas démontré l'existence d'une crainte subjective de persécution en Chine non pas parce qu'elle mettait en doute les croyances religieuses de la requérante ou la difficulté de pratiquer une religion ou une autre en Chine, mais parce qu'elle ne donnait pas foi au récit de la requérante.

[12]      Pour les membres de la Commission, le récit de la requérante comportait de nombreux éléments les convainquant que celle-ci n'était tout simplement pas digne de foi. Et une analyse de leur décision m'a persuadé qu'ils avaient devant eux des documents leur permettant de tirer une telle conclusion.

[13]      Comme chacun le sait, il existe de nombreux motifs différents pour lesquels un tribunal peut intervenir dans une décision. Les décisions fondées sur la crédibilité, même si elles n'échappent pas aux interventions des tribunaux, occupent néanmoins une place particulière. La détermination de la crédibilité étant une question de perspicacité et s'effectuant à partir des observations faites et des inférences pouvant être tirées de nombreux facteurs, les tribunaux n'interviendront que dans des cas clairs et évidents. Malheureusement pour la requérante, il ne s'agit pas d'un tel cas en l'espèce.

Conclusion

[14]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                 L-Marcel Joyal

    

                                 J U G E

O T T A W A (Ontario)

26 février 1998

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc. LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-1156-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Mei Qin Lin
                     c.
                     M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          8 janvier 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de monsieur le juge Joyal en date du 26 février 1998

ONT COMPARU :

Carla Sturdy                  pour la requérante
John Loncar                  pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates              pour la requérante

Toronto (Ontario)

George Thomson              pour l'intimé

Sous-procureur général

du Canada

__________________

     1      Telle qu'elle a été exposée dans Rajudeen c. M.C.I. (1984), 55 N.R. 129 (C.A.F.).

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