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     Date : 19990330

     Dossier : T-570-98

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté

     ET YU LIM TO,

     appelant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      L'appelant interjette appel de la décision rendue par le juge de la citoyenneté Pamela Appelt (le juge) le 30 janvier 1998. Le juge a conclu que l'appelant ne répondait pas aux conditions prescrites aux alinéas 5(1)c) d) et e) de la Loi.

[2]      Après discussion, l'intimé a accepté de renoncer à l'application des conditions relatives à la langue et à la connaissance du Canada qui sont prévues aux alinéas 5(1)d) et e) de la Loi étant donné que l'appelant a plus de soixante ans.

[3]      L'appelant soutient en outre qu'il satisfait à la condition de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté et que le juge de la citoyenneté n'a pas appliqué le droit applicable.

LES FAITS

[4]      L'appelant est originaire de Hong Kong et a obtenu la résidence permanente le 4 février 1994. Il a présenté une demande de citoyenneté le 14 mars 1997.

[5]      L'appelant a été absent pendant 954 jours durant la période de 1 095 jours prescrite par la Loi.

LE TÉMOIGNAGE DE L'APPELANT

[6]      L'appelant a témoigné par l'entremise d'un interprète. Il a affirmé qu'il s'est installé au Canada avec sa femme et ses enfants en 1994.

[7]      Avant ce déménagement, il a travaillé comme gérant d'une bijouterie à Hong Kong pendant trente-cinq ans.

[8]      Il a donné sa démission avant de quitter Hong Kong, a vendu sa maison et a acheté une nouvelle maison au Canada en 1992.

[9]      Il a rénové cette maison à de nombreuses reprises depuis 1992 et a produit divers reçus afférents à des dépenses faites sur cette maison.

[10]      L'appelant a déclaré dans son témoignage qu'il avait tenté de trouver du travail au Canada et qu'il avait posé sa candidature à dix endroits différents, mais en vain.

[11]      Son ancien employeur lui a offert un poste de consultant à Hong Kong par l'intermédiaire d'une nouvelle entreprise que l'appelant a mise sur pied au Canada.

[12]      L'appelant soutient qu'il a établi son mode de vie au Canada. Sa femme, ses enfants et tous ses biens sont au Canada, mais il doit séjourner à Hong Kong pendant plus de neuf mois par année pour travailler et pour gagner un revenu lui permettant de faire vivre sa famille au Canada.

[13]      Sa femme, qui avait l'habitude de l'accompagner dans ses voyages avant la présentation de cette demande, vit désormais au Canada en permanence.

[14]      L'appelant a produit des éléments de preuve documentaire démontrant qu'il paie des impôts et des taxes municipales au Canada, même s'il passe plus de soixante-dix pour cent de son temps à Hong Kong.

[15]      L'appelant a témoigné qu'il veut régulariser sa situation au Canada, et qu'il veut également voter.

[16]      L'appelant a également mentionné qu'il est lié par un contrat pendant les deux prochaines années et qu'il reviendra probablement au Canada de façon définitive à la fin de ce contrat.

ANALYSE

[17]      Dans l'affaire Re Koo, [1993] 1 C.F. 286, à la p. 293, madame le juge Reed a déclaré que le critère applicable pour déterminer si une personne réside ou non au Canada au sens de l'alinéa 5(1)c) est :

     [...] celui de savoir si l'on peut dire que le Canada est le lieu où le requérant "vit régulièrement, normalement ou habituellement". Le critère peut être tourné autrement: le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence?         

[18]      La Cour a toutefois statué à plusieurs reprises que la présence physique peut ne pas être exigée dans des circonstances exceptionnelles ou particulières, comme celles qui étaient en cause dans les affaires Re Chiu, (1995), 28 Imm. L.R. (2d) 211, et Re Chan, (1995), 28 Imm. L.R. (2d) 203.

[19]      Dans d'autres décisions, la Cour a statué que la condition de résidence sera remplie si l'existence de liens avec le Canada est prouvée, en dépit d'absences physiques. Ainsi, dans l'affaire Re Hasan (1993), 22 Imm. L.R. (2d) 39, le juge Cullen a déclaré qu'une interprétation stricte du terme " physiquement présent " pour trancher la question de la résidence fait abstraction de la situation courante et de la nécessité fréquente de travailler à contrat pour un employeur à l'étranger. Comme l'appelant dans cette affaire avait des liens suffisants avec le Canada pour prouver que son foyer s'y trouvait et que son emploi l'obligeait à s'absenter pendant de longues périodes, le juge Cullen a accueilli l'appel.

[20]      À part le fait que sa femme et ses enfants vivent au Canada, l'appelant a peu de liens avec le Canada. Je me reporte à l'affaire Wen-Lung Chen (Spencer) [1998] A.C.F. no 1578, dans laquelle le juge Teitelbaum a déclaré :

     Dans [...] Re John Ting Min Hui (1994), 24 Imm. L.R. (2d) 8, il a été jugé que " la "canadianisation" des résidents permanents ne peut se faire à l'étranger " [...] En page 14, le juge Muldoon a fait observer, au sujet du but de la condition de résidence, que : " [la Loi sur la citoyenneté ] entend conférer la citoyenneté à ceux qui se sont "canadianisés" en résidant avec les Canadiens au Canada. Ceci ne peut se faire en habitant à l'étranger, ni d'ailleurs en ouvrant des comptes bancaires et en déposant des loyers (ou en étant propriétaire d'un condominium), des meubles, des vêtements et, encore plus important, des enfants et des conjoints - en un mot, tout sauf la personne intéressée elle-même - au Canada, tout en demeurant personnellement en dehors du Canada ".         

[21]      Je suis d'avis que l'appelant ne satisfait à aucune condition prescrite par la Loi.

[22]      La Cour accepte de renoncer à l'application des conditions relatives à la langue et à la connaissance du Canada dans la présente espèce, mais elle ne saurait renoncer également à l'application de la condition de résidence.

[23]      L'appelant ne parle aucune des deux langues officielles, il n'a pas une connaissance suffisante du Canada et il passe la majeure partie de son temps en dehors du Canada.

[24]      L'appelant a mentionné qu'il reviendra au Canada de façon définitive dans deux ans. Il lui sera plus facile, après un certain temps, de présenter une nouvelle demande de citoyenneté s'il satisfait à toutes les conditions prescrites par la Loi.

[25]      Pour les motifs qui précèdent, le présent appel est rejeté.

                                 Pierre Blais

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              T-570-98

INTITULÉ :                      LOI SUR LA CITOYENNETÉ ET YU LIM TO

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 25 MARS 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Blais le 30 mars 1999

COMPARUTIONS :

ROBIN SELIGMAN                      POUR L'APPELANT

BRIAN FRIMETH                      POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ROBIN SELIGNAN

AVOCAT

TORONTO (ONTARIO)                  POUR L'APPELANT

GEORGE THOMSON

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

OTTAWA (ONTARIO)                  POUR L'INTIMÉ

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