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Date : 19980917


Dossier : IMM-3627-97

Ottawa (Ontario), le 17 septembre 1998.

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE WETSTON

ENTRE :


MARIO RENE ESTRADA SOLIS,

     demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

         La décision de la Commission est annulée et renvoyée devant une Commission différemment constituée pour que celle-ci procède à une nouvelle audition et à un nouvel examen.

     Howard I. Wetston

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


     Date : 19980917

     Dossier : IMM-3627-97

ENTRE :


MARIO RENE ESTRADA SOLIS,

     demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON

[1]      Le revendicateur, un citoyen du Guatemala âgé de 28 ans, craint d'être persécuté à cause de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social particulier (dirigeants syndicaux au Guatemala) s'il devait retourner dans son pays. Au Guatemala, il était membre du syndicat STECSA, un syndicat important représentant tous les travailleurs de Coca-Cola au pays. En 1991, il a été élu à un poste au sein de l'exécutif du syndicat et en 1993, il est devenu membre du conseil consultatif, qui traite des questions entre le syndicat et la direction. En 1994, pendant des négociations difficiles en vue d'une nouvelle convention collective, il a commencé à faire l'objet d'une série de mesures d'intimidations, dont la détention par la police locale. Il a choisi de ne pas revendiquer le statut de réfugié auprès de l'Ambassade du Canada au Guatemala en raison du retard possible. Il est allé aux États-Unis et y est demeuré pendant trois mois, mais il a décidé de ne pas chercher à y obtenir le statut de réfugié à cause du bas taux d'acceptation des demandeurs d'asile du Guatemala aux États-Unis. Il s'est rendu au Canada, où il a présenté une revendication du statut de réfugié dès son arrivée en mars 1996.

[2]      La Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé que le revendicateur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. La Commission n'était pas convaincue qu'il y avait un risque raisonnable que le revendicateur soit persécuté s'il devait retourner au Guatemala. Elle est parvenue à une conclusion défavorable sur la crédibilité du revendicateur à cause des contradictions, des embellissements et des invraisemblances dans l'histoire de ce dernier. La Commission n'était pas persuadée, compte tenu de la preuve présentée, que le Guatemala n'était pas capable de le protéger.

[3]      Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant que sa preuve n'était pas crédible. Il conteste au moins cinq conclusions de fait sur lesquelles la Commission a fondé sa conclusion, alléguant que ces conclusions sont fondées sur une mauvaise compréhension de la preuve présentée. Le défendeur soutient que les conclusions de la Commission étaient raisonnables, compte tenu de l'ensemble de la preuve, et que la Commission n'avait donc pas commis d'erreur en droit. Le défendeur allègue que l'interprétation erronée de certains éléments de preuve dont un tribunal dispose n'est pas une erreur susceptible de contrôle judiciaire, à condition qu'il n'y ait pas d'incidence sur le résultat : Hoque c. M.E.I. (A-988-90, 9 mai 1994, C.A.F.).

[4]      J'estime que la Commission est parvenue à quatre conclusions de fait qui procèdent soit d'une mauvaise interprétation, soit de conjectures. Premièrement, le demandeur a soutenu que la Commission n'avait bien compris son explication de la raison pour laquelle il ne s'était pas adressé au syndicat pour obtenir de l'aide. Je suis d'accord. Le demandeur a indiqué qu'il ne s'était pas adressé au syndicat en raison de la nature flagrante de la persécution qu'il a subie aux mains de la police et à cause des craintes qu'il avait pour sa famille. Il n'a pas déclaré que le syndicat n'aiderait pas les membres et les dirigeants visés par la compagnie. La Commission a commis une erreur en voyant une contradiction dans le témoignage du demandeur sur ce point.

[5]      Deuxièmement, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en concluant qu'il n'avait pas fourni une [TRADUCTION] " explication raisonnable " justifiant le fait qu'il n'avait pas parlé à son avocat des menaces de la police. Le défendeur allègue que la Commission pouvait raisonnablement juger peu vraisemblable qu'un activiste syndical ne cherche pas à obtenir un avis juridique dans cette situation, notamment s'il avait demandé conseil à un avocat auparavant. Je suis d'accord avec le demandeur. J'estime que la Commission n'a pas fourni au demandeur l'occasion suffisante d'expliquer pourquoi il n'avait pas informé M. Morenon de cette affaire.

[6]      Troisièmement, le demandeur soutient que la conclusion de la Commission qu'il était peu vraisemblable que la compagnie Coca-Cola réprime les activistes syndicaux et les travailleurs de nouveau après le scandale de 1984 n'était fondée sur aucune preuve. Le demandeur prétend que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait en rendant cette conclusion. Le défendeur allègue qu'il était loisible à la Commission de rendre cette conclusion compte tenu de la preuve dont elle disposait, notamment la preuve sur la façon dont les institutions envisagent actuellement les relations de travail et les droits de la personne dans le pays. J'estime, compte tenu de la preuve dont la Commission disposait, que les conclusions de celle-ci concernant le comportement de la compagnie étaient, tout compte fait, spéculatives.

[7]      Quatrièmement, le demandeur soutient que la Commission n'a pas bien compris son témoignage en ce qui concerne son collègue dirigeant syndical, M. Gutierrez, quand elle a jugé que ce témoignage n'était pas conforme à son FRP. Le demandeur prétend que même si son témoignage à ce sujet contient une contradiction, celle-ci est peu importante et par conséquent, n'est pas fatale à sa revendication. J'estime que la Commission a mal compris le témoignage du demandeur sur cette question, qui ne comportait pas de contradiction à cet égard. Il a témoigné que même s'il ne connaissait pas la nature exacte des menaces reçues par M. Gutierrez, il s'était rendu compte qu'elles l'avaient incité à quitter le pays quand il a reçu de M. Gutierrez une demande de lettre de références.

[8]      Le défendeur soutient que lorsque le tribunal rend une conclusion quant à la crédibilité d'un témoin, la Cour devrait être moins portée à intervenir dans les conclusions de la Section du statut de réfugié parce que celle-ci est capable d'évaluer la personne qui témoigne oralement devant elle : Kulwinder Singh Grewal c. M.E.I. (A-972-82, 23 février 1983, C.A.F.). Cependant, j'estime que les erreurs susmentionnées pourraient avoir des répercussions sur l'issue de la demande et, par conséquent, cette décision doit être annulée. Manifestement, quand un tribunal comprend mal la preuve présentée par le demandeur ou en fait une interprétation erronée, sa décision doit être renversée : Zalzali c. Canada (M.E.I.) (A-382-90, 30 avril 1991, C.A.F.).

[9]      La décision de la Commission est annulée et renvoyée devant une Commission différemment constituée pour que celle-ci procède à une nouvelle audition et à un nouvel examen.

                                     Howard I. Wetston

    

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

Le 17 septembre 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                      IMM-3627-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Mario Rene Estrada Solis c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto

DATE DE L'AUDIENCE :              le 21 août 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          Monsieur le juge Wetston

EN DATE DU :                      17 septembre 1998

ONT COMPARU :

Mme Patricia Wells                          pour le demandeur

Mme Geraldine MacDonald                      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

Mme Patricia Wells                          pour le demandeur

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada              pour le défendeur

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