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                                                                                                                                  Date: 20050128

                                                                                                                    Docket: IMM-10326-04

                                                                                                                   Référence: 2005 CF 143

ENTRE:

                                            Rosa Magdalena CASTILLO ALVAREZ

                                                                                                                                   Demanderesse

                                                                             et

                                       LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          Défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

de MONTIGNY J.

[1]                Par la présente requête, la demanderesse cherche à obtenir le sursis de l'exécution d'une mesure de renvoi émise contre elle. Cette requête se greffe à une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de l'agent d'immigration rejetant la demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR), rendue le 27 octobre 2004.


[2]                La demanderesse est citoyenne de l'Équateur. Elle est arrivée au Canada le 1er décembre 2001 et y a revendiqué le statut de réfugiée le 5 décembre suivant. Elle dit craindre pour sa vie et soutient qu'elle pourrait faire l'objet de persécution si elle devait être retournée en Équateur. Ses problèmes seraient reliées à son engagement social au sein du Mouvement social chrétien (MSC), une association locale d'une vingtaine de membres dont l'objectif est de lutter ouvertement contre les injustices sociales et les violations des droits de la personne perpétrées par les militaires équatoriens.

[3]                Cette revendication a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) le 16 décembre 2002, au motif que les éléments de preuve soumis au soutien de la demande d'asile n'étaient pas crédibles.

[4]                La demanderesse n'a pas déposé de demande d'autorisation et de contrôle judiciaire devant cette Cour à l'encontre de la décision négative de la SPR.

[5]                Elle a par ailleurs présenté une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) qui a été rejetée le 27 octobre 2004. L'agent d'immigration chargé de l'examen de cette demande a conclu que les nouveaux éléments de preuve soumis par la demanderesse (essentiellement l'incendie de son commerce en août 2002) ne lui permettaient pas de conclure qu'elle courrait un risque objectivement identifiable et personnel dans l'hypothèse d'un retour en Équateur.


[6]                Il est bien établi que la procédure ERAR n'est pas un mécanisme d'appel, ni un palier de révision des décisions de la SPR. Ce programme n'a pour seul objet que d'évaluer les risques auxquels une personne pourrait être exposée à la suite de son renvoi vers son pays d'origine, à la lumière de faits nouveaux qui seraient survenus depuis la décision rendue sur sa demande d'asile. L'alinéa 113a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, de même que le paragraphe 161(2) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, ne laissent planer aucune ambiguïté sur ce sujet.

[7]                En l'occurrence, l'avocat de la demanderesse a tenté de démontrer que la décision rendue par l'agent d'immigration dans le cadre de la procédure ERAR était erronée et s'est appuyé essentiellement sur les mêmes faits déjà analysés par la SPR et l'agent chargé de l'ERAR pour étayer la crédibilité de la demanderesse. On a par ailleurs reproché à ce dernier de ne pas avoir attaché beaucoup de crédibilité à trois lettres écrites postérieurement à la décision rendue par le SPR par deux avocats et un psychologue qui tendraient à démontrer l'implication sociale de la demanderesse.

[8]                Il appert d'une lecture attentive de la décision rendue dans la procédure ERAR que l'agent d'immigration a examiné soigneusement ces trois lettres avant d'en arriver à la conclusion qu'elles constituaient des documents intéressés et que leur imprécision ne permettait pas de corroborer les prétentions de la demanderesse eu égard à ses activités sociales et à son appartenance au MSC. Cette conclusion ne nous apparaît pas déraisonnable.


[9]                Quant au seul fait nouveau invoqué devant l'agent ERAR, soit l'incendie qui aurait endommagé le commerce de la demanderesse, on ne lui a pas accordé beaucoup de poids compte tenu du fait que rien ne permettait d'établir qu'il y avait un lien entre cet incendie et les menaces dont la demanderesse prétendait avoir été la cible en 2001. Encore une fois, cette conclusion n'apparaît pas déraisonnable, compte tenu notamment d'une lettre provenant du chef des pompiers attestant que l'origine de l'incendie n'était pas connue.

[10]            Enfin, l'avocat de la demanderesse a tenté de faire valoir que sa cliente aurait dû avoir droit à une audition devant l'agent ERAR dans la mesure où sa crédibilité était en cause.

[11]            Il est bien établi que l'examen des risques avant renvoi se fait normalement sur la base de représentations écrites (art. 113 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et art. 161(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés). Une audition ne sera requise que lorsque les facteurs énumérés à l'article 167 du même Règlement seront rencontrés. Par conséquent, une audition ne sera tenue que dans l'hypothèse où des éléments de preuve soulèvent une question importante relativement à la crédibilité du demandeur, et que ces éléments sont importants pour la prise de décision.


[12]            Tout bien considéré, nous ne croyons pas que la demanderesse aurait dû avoir droit à une audition devant l'agent ERAR. Sa crédibilité, que la SPR avait fortement remise en question, n'était pas au centre des préoccupations de l'agent lorsqu'il a conclu son ERAR. Sa décision se fondait plutôt sur le risque réel que courait la demanderesse si elle doit retourner dans son pays, et c'est essentiellement parce qu'il a estimé que son rôle dans un mouvement de lutte sociale n'était pas suffisamment important pour justifier ses appréhensions qu'il a rejeté sa demande.

[13]            Qui plus est, son analyse de la preuve documentaire sur la situation qui prévaut en Équateur l'a emmené à considérer que des progrès avaient été accomplis, et que les troubles qui subsistent ne font pas courir à la demanderesse des risques plus grands que ceux auxquels sont soumis l'ensemble de la population.

[14]            Compte tenu de ce qui précède, et considérant que l'agent d'immigration n'a pas commis d'erreur manifeste et déraisonnable dans l'évaluation de sa demande ERAR, la Cour en arrive à la conclusion que la demanderesse n'a pas démontré l'existence d'une question sérieuse à débattre.

[15]            Cette conclusion à elle seule suffirait à disposer de la présente demande. Par ailleurs, la demanderesse n'a pas réussi à établir qu'elle subirait un préjudice irréparable si sa demande de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi était rejetée. En effet, rien ne permet de croire que sa vie serait en danger en Équateur. Ses allégations, qui sont basées sur des événements survenus en 2001, sont les mêmes que celles invoquées dans la demande d'asile qui a été rejetée par la SPR et à l'encontre de laquelle aucun contrôle judiciaire n'a été demandé.


[16]            Même si la situation politique et sociale en Équateur est loin d'être idéale et qu'il subsiste un certain degré d'insécurité, la demanderesse n'a pas réussi à convaincre l'agent d'immigration qui a procédé à l'évaluation de sa demande ERAR qu'elle était personnellement recherchée. Cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable.

[17]            En l'absence d'une question sérieuse à débattre et d'un préjudice irréparable, la balance des inconvénients favorise le ministre, d'autant plus que la demanderesse a déjà eu l'occasion de faire valoir sa revendication à deux reprises, sans succès.

[18]            Pour ces motifs, la demande de sursis est rejetée.

                                                                                                                        (s) "Yves de Montigny"          

Juge


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER:                                                      IMM-10326-04

INTITULÉ:                                                     Rosa Magdalena CASTILLO ALVAREZ c. LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE:                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:                 24 janvier 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:    Le juge de Montigny

DATE DE L'ORDONNANCE:                     28 janvier 2005

COMPARUTIONS:

Me Sébastien Dubois                                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Me Martine Valois                                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

St-Pierre Grenier


Montréal (Québec)                                                                                POUR LA DEMANDERESSE

M. John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

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