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Date : 19991112


Dossier : T-751-96

ENTRE :

     MIKE BROTHERS, PAULINE BROWN, ROBERT CAINES,

     BARBARA CARTER, B. WAYNE HILLYARD, DAVID PARSONS

     ET SELWYN D. WARREN

demandeurs

et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur


     Dossier : T-757-96

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et


BRIAN MACPHEE

défendeur



Dossier : T-758-96

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et


HEATHER ANTLE, MIKE BROTHERS, PAULINE BROWN, C. DOUG BURSEY, ROBERT CAINES, BARBARA CARTER, KEITH CONWAY, KELLY DAVIS, STELLA C. DYKE, WILLIAM B. EARLE, GERALD R. ENNIS, DAVID J. HANDRIGAN, DON HEALY, B. WAYNE HILYARD, G.F. KEATING-BROWN, PATRICIA MADDIGAN, AIDAN J. MALONEY, DAVID R. MURPHY, DAVID PARSON, M. ROY PECKFORD ET SELWYN D. WARREN

     défendeurs

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      La Cour est saisie de quatre demandes de contrôle judiciaire de la décision de Robert Vaison, en sa qualité de président du Comité d"appel, par laquelle il a accueilli l"appel des candidats de nominations proposées au poste de coordonnateur d"équipe (divers postes), PM-04, Revenu Canada (impôt).

[2]      La première demande est présentée par Mike Brothers, Pauline Brown, Robert Caines, Barbara Carter, B. Wayne Hilyard et Selwyn D. Warren.

[3]      Les trois autres demandes sont présentées par le Procureur général du Canada. La première demande implique Brian MacPhee. La deuxième demande implique Heather Antle, Mike Brothers, Pauline Brown, C. Doug Bursey, Robert Caines, Barbara Carter, Keith Conway, Kelly Davis, Stella C. Dyke, William B. Earle, Gerald R. Ennis, David J. Handrigan, Don Healy, B. Wayne Hilyard, G.F. Keating-Brown, Patricia Maddigan, Aidan J. Maloney, David R. Murphy, David Parson, M. Roy Peckford et Selwyn D. Warren. La troisième demande, qui implique Aubrey Pope, fera l"objet d"un jugement distinct puisque le défendeur a comparu en son propre nom.

LES FAITS

[4]      Les personnes susmentionnées ont fait appel d"un certain nombre de nominations proposées par Revenu Canada (impôt), en vertu de l"article 21 de la Loi sur l"emploi dans la fonction publique (LEFP).

[5]      Les candidats ont été évalués avec une panoplie d"outils de sélection. Les connaissances ont été évaluées par un examen écrit. Les capacités ont été évaluées par l"utilisation de la Simulation pour coordonnateur d"équipe (427). Les qualités personnelles ont été évaluées au moyen des réponses des candidats à diverses questions mettant en cause leur comportement.

[6]      Soixante (60) personnes se sont inscrites au concours. Onze (11) ont été rejetées à la présélection, au motif qu"elles ne répondaient pas au critère de l"expérience. Parmi eux, on trouve M. Handrigan. Quatre (4) personnes ont retiré leur candidature. Dix (10) personnes ont connu un échec à l"examen écrit de connaissances (parmi elles, les demandeurs Dyke, Earle, Murphy, Peckford et Warren). Vingt-trois (23) des trente-cinq (35) personnes restantes ont connu un échec à la Simulation pour coordonnateur d"équipe (427) (parmi eux : Antle, Brothers, Brown, Bursey, Caines, Carter, Davis, Ennis, Hillyard, Keating-Brown, Maddigan, Maloney et Parsons). Les douze (12) candidats restants ont tous réussi cette partie de l"évaluation. Les neuf (9) premiers ont été placés sur une liste d"admissibilité.

LA DÉCISION DU COMITÉ D"APPEL

[7]      Le Comité d"appel a été saisi de plusieurs allégations. Il n"a retenu que celles qui se rapportent aux deux questions suivantes :

     1.      Le rejet à la présélection d"un des demandeurs, savoir M. Handrigan : le Comité d"appel s"est inquiété du fait que cette personne avait été, moins de six mois auparavant, considérée rencontrer les mêmes exigences pour le même poste.
     2.      La fiabilité et l"uniformité des notes accordées et du rang assigné sur la liste par suite de l"utilisation de la Simulation pour coordonnateur d"équipe (427), le seul outil utilisé par le jury de sélection pour évaluer les candidats par rapport aux capacités requises. Les réserves en cause portent surtout sur le fait qu"on ne pouvait conclure que les candidats au concours avaient été évalués et classés de façon équitable et uniforme pour ce facteur très important par l"utilisation de l"outil choisi et par la façon dont il avait été administré.

[8]      Le président du Comité d"appel s"explique ainsi :

     [traduction]

     Il est difficile de conclure que tous les candidats auraient été évalués de façon uniforme et équitable étant donné que six (6) personnes différentes ont constitué huit (8) équipes d"évaluation différentes de trois personnes pour administrer la simulation en cause.
     Le principe du mérite exige que les candidats à un poste pourvu par concours fassent l"objet d"une évaluation comparative afin d"assurer que les nominations proposées se font dans l"ordre du mérite.

LA POSITION DES DEMANDEURS (les candidats, T-751-96)

[9]      Comme question préliminaire, les demandeurs soutiennent que si la Cour accorde le contrôle judiciaire dans ce dossier, savoir le T-751-96, la question doit alors être renvoyée à M. Vaison et les autres demandes de contrôle judiciaire doivent être rejetées.

[10]      Les demandeurs soutiennent que les postes de coordonnateur d"équipe n"étaient pas de nouveaux postes, mais bien des reclassifications d"anciens postes. Le Ministère aurait donc agi en contravention de la Loi sur l"emploi dans la fonction publique (LEFP). Il aurait dû doter ces postes sur la base de la compétence de chaque candidat, en vertu du paragraphe 10(2) de la LEFP.

[11]      Ils soutiennent de plus que le terme " peut " que l"on trouve au paragraphe 10(2) de la LEFP doit être interprété comme impératif. Les demandeurs auraient donc eu droit d"être nommés, à condition qu"ils répondent aux exigences des postes reclassifiés.

[12]      Ils soutiennent qu"il faut noter que la conclusion du Comité d"appel sur cette question est tout à fait contraire à la conclusion du président du Comité d"appel dans les affaires Laidlaw , Canada (Procureur général) c. Laidlaw et autres (1997), 127 F.T.R. 305; (1998), 237 N.R. 1, où l"on a conclu que les prétendus nouveaux postes de PM-04 créés dans la même organisation n"étaient pas en fait de nouveaux postes.

[13]      En se fondant sur Laidlaw, ils soutiennent que le Comité d"appel doit tirer une conclusion de fait quant à savoir s"il s"agit de nouveaux postes se situant à l"intérieur de l"initiative définie par Revenu Canada. De plus, la Cour d"appel fédérale aurait été sur le point de dire que le terme " peut " est impératif.

LE POINT DE VUE DU DÉFENDEUR

[14]      Le défendeur soutient que le pouvoir de sélection pour une nomination en vertu du paragraphe 10(2) de la Loi et du paragraphe 4(2) du Règlement est un pouvoir discrétionnaire. Le défendeur déclare que le terme " peut " est facultatif et qu"on ne peut concevoir que le législateur ait eu l"intention de conférer à toutes les dispositions facultatives une interprétation les transformant en dispositions impératives. De plus, il est clair qu"on ne pouvait utiliser les paragraphes 10(2) et 4(2) étant donné qu"il n"y avait pas assez de postes pour les sept demandeurs.

[15]      Subsidiairement, le Comité d"appel n"aurait pas compétence pour enquêter sur une décision de classification visant à créer et classifier de nouveaux postes.

[16]      Le défendeur soutient que le critère approprié pour décider d"une nomination est le critère général utilisé par les cours dans le contrôle d"un pouvoir discrétionnaire, savoir si le pouvoir a été exercé de bonne foi et sans se fonder sur des considérations inappropriées à l"objet de la loi.

ANALYSE

[17]      La Cour doit maintenant décider si le Comité d"appel a commis une erreur de droit en concluant que les postes en cause étaient nouveaux.

[18]      Dans Canada c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489, la Cour suprême a déclaré que :

     De toute évidence, l"administration doit pouvoir jouir de suffisamment de souplesse pour être en mesure d"apporter des modifications mineures aux fonctions que le titulaire d"un poste déjà existant de la Fonction publique peut être appelé à remplir, sans par là créer un nouveau poste nécessitant une nomination faite selon une sélection établie au mérite. Lorsque, toutefois, ... la modification des fonctions est suffisamment importante ou substantielle pour requérir des qualifications supplémentaires ou particulières exigeant une évaluation et donc ce qui correspond à une nouvelle sélection pour le poste, un nouveau poste au sens de la Loi est alors créé.


[19]      Dans Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503, la Cour suprême a à nouveau conclu que :

     L"application du principe du mérite et le droit d"appel que prévoit l"art. 21 de la Loi sur l"emploi dans la Fonction publique ne peuvent dépendre de la question de savoir si le Ministère choisit de considérer ce qui a été fait comme la création d"un poste et une nomination à celui-ci au sens de la Loi. En réalité, c"est ce que le Ministère a objectivement fait et non ce qu"il a, en droit, eu l"intention de faire ou l"interprétation qu"il en avait qui doit déterminer l"application du principe du mérite et du droit d"appel.

[20]      Dans Laidlaw, les deux sections de la Cour fédérale étaient d"accord que le Comité d"appel avait le droit de décider si un poste est nouveau ou non. La Cour ne peut intervenir que si les conclusions de fait ont été tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte de la preuve présentée. Rien dans la preuve n"indique que le Comité d"appel n"ait pas tenu compte de la preuve dont il disposait, au contraire : il a évalué la preuve présentée et conclu que les postes en cause étaient de nouveaux postes. Rien dans la preuve n"indique que cette conclusion ait été tirée de façon abusive ou arbitraire.

[21]      Je ne considère pas que l"affaire Laidlaw soit déterminante en l"instance, puisqu"elle se fonde sur des faits qui sont différents de ceux de la présente affaire. Par exemple, le nombre de postes disponibles avant la réorganisation était le même que le nombre disponible après, ce qui n"est pas le cas ici. De plus, la Cour d"appel n"a pas décidé si le terme " peut " avait un caractère impératif ou facultatif.

[22]      Comme le Comité d"appel a conclu au vu de la preuve qu"il s"agit d"un nouveau poste et non d"une reclassification, il n"est pas nécessaire de décider si le paragraphe 10(2) s"applique.

[23]      La demande de contrôle judiciaire au dossier T-751-96 est rejetée.

[24]      La Cour doit maintenant se pencher sur les demandes de contrôle judiciaire présentées par le Procureur général du Canada.

LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR (T-757-96 et T-758-96)

[25]      Le Procureur général du Canada soutient que le Comité d"appel a commis une erreur dans l"appel de David J. Handrigan, en définissant incorrectement le fardeau de la preuve et en l"établissant à un niveau trop élevé du fait qu"il exigeait que le Ministère élimine le moindre doute.

[26]      Le demandeur soutient que le critère approprié est le suivant : au vu de la preuve, la décision du jury de sélection est-elle si déraisonnable qu"elle justifierait l"intervention du Comité d"appel? Il est tout à fait inapproprié que le Comité d"appel substitue son jugement à celui du jury de sélection en utilisant des expressions comme les suivantes : [traduction ] " sujet à réserves ", " ne pouvant s"assurer que ", et " conservant un doute ".

[27]      Il soutient que le fait que le défendeur avait été jugé qualifié par rapport à un facteur d"expérience donné pour le même poste à l"occasion d"une nomination intérimaire passée n"est absolument pas pertinent.

[28]      Il soutient que le rôle du Comité d"appel se limite à décider si la preuve démontre que le jury de sélection a agi de façon déraisonnable en concluant que le défendeur ne répondait pas à l"ensemble des critères portant sur les exigences d"expérience, sans prendre la décision à sa place ou sans faire une comparaison avec la même situation dans le passé ou avec d"autres considérations non pertinentes.

[29]      Il soutient aussi que le raisonnement du Comité d"appel mène à la conclusion farfelue suivante, savoir que le jury de sélection devrait évaluer, ou avoir le droit d"évaluer, un candidat au moyen d"un critère d"expérience différent de celui qui est utilisé pour les autres candidats.

[30]      Il conclut donc que le Comité d"appel n"a pas justifié son intervention invalidant l"évaluation et les conclusions du jury de sélection. Ceci est particulièrement vrai du fait que le défendeur n"a produit aucune documentation ou preuve solide quant aux exigences précises en cause.

[31]      Par rapport à l"allégation no 9, savoir que les membres du Comité d"appel n"ont pas les compétences requises pour évaluer les aptitudes des candidats de façon valable, le demandeur soutient que la conclusion suivante du Comité d"appel, portant que [traduction ] " la portée générale de cette demande, mise en parallèle avec certaines de celles qui suivent, suffit à me convaincre que je ne peux conclure qu"il est clair que le principe du mérite aurait été respecté en définitive " est une déclaration vague et dépourvue de sens et qu"elle ne contient pas un motif reconnu en droit qui justifierait l"intervention du Comité d"appel.

[32]      Le Procureur général soutient que les défendeurs n"ont pas prouvé leurs allégations. Le Comité d"appel n"est arrivé à aucune conclusion de fait spécifique quant à ces allégations.

[33]      Quant à l"allégation no 10, savoir que le Ministère a commis une erreur en déléguant son autorité à des personnes qui n"étaient pas membres du jury de sélection, le Procureur général soutient que cet aspect, auquel le Comité d"appel semble avoir accordé une grande importance, est incohérent et contradictoire par rapport aux conclusions spécifiques de fait et aux conclusions tirées en réponse à la première allégation d"un sous-groupe de défendeurs.

[34]      Il souligne que malgré le témoignage d"experts et l"absence de témoignage d"experts à l"effet contraire, ainsi que le manque de connaissances admises par le Comité d"appel dans le domaine de l"évaluation par examen, ce dernier a néanmoins conclu que l"utilisation de l"examen en cause n"était pas défendable et fiable, et qu"il ne pouvait donner à penser qu"on avait respecté le principe du mérite.

[35]      Il soutient de plus que les " préoccupations sérieuses " du Comité d"appel face à l"uniformité dans l"évaluation des candidats ne s"appuient sur aucune preuve et qu"on ne peut s"y fier pour arriver à la conclusion à laquelle il est arrivé.

[36]      Quant à l"allégation no 12, savoir que le jury de sélection n"a pas justifié les notes accordées à chaque candidat suite à la simulation, et que le jury n"a pas expliqué le rang accordé aux divers candidats au concours par rapport aux notes qu"on leur a accordées à l"examen, le demandeur soutient que la conclusion du Comité d"appel ne repose sur aucune conclusion de fait fondée sur la preuve ou sur aucune conclusion de droit qui s"ensuivrait. Ces conclusions sont reliées à des doutes fondés sur de la spéculation, à des contradictions internes et à des incohérences. Par exemple, le Comité d"appel a accepté sans aucune réserve les notes individuelles et l"ordre de la liste en soi, mais il a rejeté une preuve très forte ou des conclusions spécifiques de fait portant sur la procédure dans son ensemble et sur l"uniformité de traitement.

[37]      Le demandeur soutient que les doutes du Comité d"appel n"ont aucune substance, notamment du fait que les défendeurs n"ont jamais allégué ni démontré par une preuve que les candidats heureux ne sont pas qualifiés pour les postes en cause au vu des critères de compétence évalués par l"examen.

[38]      Quant à l"allégation no 14, savoir que les membres du jury de sélection ne peuvent justifier les notes données à chaque candidat ni expliquer l"ordre dans lequel ils ont été placés sur la liste suite à la simulation, le demandeur soutient que le Comité d"appel avoue ne pas avoir les compétences professionnelles requises pour remettre en question la preuve d"experts ou la documentation pertinente. Encore une fois, le Comité d"appel n"a pas indiqué quelle partie de la preuve il considère s"appliquer directement à son raisonnement.

[39]      Quant à l"allégation de MacPhee, savoir que les notes accordées à ses réponses aux questions au cours de la simulation ne tenaient pas compte des réponses suggérées par le Ministère, non plus que des notes accordées aux candidats heureux, le demandeur soutient que le Comité d"appel n"est arrivé à aucune conclusion de fait spécifique, appuyée et raisonnée en se fondant sur la preuve portant que les notes accordées aux réponses des défendeurs ne se fondaient pas sur les réponses suggérées par le Ministère et n"avait aucun rapport avec les notes accordées aux candidats heureux.

LE POINT DE VUE DES DÉFENDEURS (candidats, T-757-96; T-758-96)

[40]      Les demandeurs soutiennent qu"un Comité d"appel doit intervenir quand il conclut [traduction ] " qu"un concours a été tenu dans des circonstances qui soulèvent un doute quant à la validité du processus d"établissement du mérite des candidats ". À cet égard, c"est le jury de sélection qui a le fardeau d"établir que l"évaluation des candidats a été faite dans le respect du principe du mérite.

[41]      La Cour fédérale peut annuler la décision d"un tribunal qui est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des documents dont il disposait.

[42]      La tentative du demandeur de disséquer l"évaluation de la preuve faite par le Comité d"appel est totalement inappropriée, étant donné l"importance de cette preuve et les liens étroits entre les diverses allégations présentées au nom des défendeurs.

[43]      Par rapport à l"appel de M. Handrigan, le Comité d"appel n"a pas fait d"erreur en définissant le fardeau de la preuve. Les commentaires du Comité d"appel se fondent sur une longue jurisprudence qui confirme qu"un Comité d"appel doit accueillir un appel s"il y a un doute dans son esprit que le principe du mérite ait été respecté.

[44]      Le demandeur n"a pas présenté une preuve démontrant qu"il avait appliqué correctement le principe du mérite à la candidature de M. Handrigan. Le Comité d"appel a résumé la preuve relative aux allégations présentées au nom du défendeur Handrigan et il a rejeté le point de vue présenté par le Ministère en réponse.

[45]      Quant aux allégations nos 9, 10, 12 et 14, les prétentions du demandeur n"ont aucune substance et elles ne démontrent pas que le Comité d"appel aurait mal évalué la preuve. Le Comité d"appel a conclu que même si l"examen était valable, son administration par les représentants du Ministère s"était soldée par une violation du principe du mérite.

[46]      Le président du Comité d"appel confirmait ainsi le principe souvent cité qui veut qu"il ne devrait pas intervenir dans l"avis que le jury de sélection a porté quant à chaque candidat en particulier, mais que le processus utilisé pour arriver à cet avis était vicié et qu"il fallait intervenir.

[47]      Quant aux allégations de MacPhee, le demandeur n"a pas démontré que l"évaluation de la preuve faite par le Comité d"appel a mené à une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire. Le Comité d"appel a examiné une preuve abondante et a conclu de façon spécifique qu"il y avait un tel manque d"uniformité dans l"évaluation au niveau des notes accordées qu"on ne pouvait pas prétendre avoir respecté le principe du mérite, notamment dans un processus ministériel qui accordait une grande place à l"évaluation subjective et qui n"assurait donc pas que l"évaluation serait faite dans le respect du mérite relatif.

ANALYSE

[48]      Dans Ratelle c. Canada (Commission de la Fonction publique, Direction des appels), [1975] A.C.F. no 910, la Cour d"appel a décidé que :

     ... il faut se rappeler que le rôle d"un jury de sélection et celui d"un comité saisi d"un appel en vertu de l"article 21 sont bien différents. Le jury de sélection n"est qu"un instrument utilisé par la Commission de la Fonction publique pour remplir la tâche que le législateur lui a confiée. Le rôle du jury c"est de déterminer le mérite des candidats à un poste donné en utilisant, sujet aux prescriptions de la Loi et des règlements, les moyens qu"il juge appropriés. Le rôle du Comité d"appel est bien différent. Il n"a pas, règle générale, à substituer son appréciation des candidats à celle du jury de sélection. L"appréciation du mérite de diverses personnes est bien souvent affaire d"opinion et il n"y a pas de raison de préférer, sur ce sujet, l"opinion du Comité d"appel à celle du jury de sélection. Le rôle du Comité d"appel est de faire enquête afin de déterminer si la sélection faite par le jury a été faite de façon telle qu"on puisse dire qu"elle est, comme l"exige la Loi, une " sélection établie au mérite ". Si le comité arrive à la conclusion que la sélection faite par le jury satisfait à cette exigence, il doit rejeter l"appel même s"il est d"opinion que s"il avait été lui-même chargé de la tâche confiée au jury de sélection, le résultat aurait pu être différent. Dans le cas où un jury de sélection a accompli son travail en se conformant à la Loi et aux règlements et en cherchant honnêtement par les moyens qu"il juge appropriés à choisir le candidat le plus méritant, un Comité d"appel outrepasse ses droits s"il accueille l"appel de la décision du jury pour le motif que le jury n"a pas, dans l"accomplissement de sa tâche, utilisé les moyens que le Comité d"appel juge les plus appropriés.

[49]      La Cour fédérale interviendra si la décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des documents présentés en preuve.

[50]      Le Comité d"appel a-t-il outrepassé sa compétence?

L"APPEL DE HANDRIGAN

[51]      Dans Fields c. Canada (Procureur général) (1995), 93 F.T.R. 158, le juge McGillis a conclu que le jury de sélection avait le fardeau de convaincre le Comité d"appel que l"évaluation des candidats respectait le principe du mérite.

[52]      Dans Canada (Procureur général) c. Bates, [1997] 3 C.F. 132, la Cour fédérale a décidé que :

     ... en appliquant le principe du mérite, on doit être conscient de la réalité critique des faits de l"affaire et de la situation personnelle des personnes en cause ...
     J"estime par ailleurs qu"il convient que le Comité d"appel tienne pleinement compte de l"ensemble des faits de l"affaire soumise à son examen pour déterminer si une erreur a été commise et, dans l"affirmative, pour décider des mesures à prendre pour la corriger.

[53]      La norme de contrôle des décisions du jury de sélection à cet égard est celle de la décision manifestement déraisonnable : Blagdon c. Commission de la Fonction publique, [1976] 1 C.F. 615, (C.A.F.).

[54]      Le demandeur ne s"est pas déchargé du fardeau qui lui incombait de prouver que le principe du mérite avait été respecté dans le cas de M. Handrigan. Le Comité d"appel a noté que M. Handrigan s"était qualifié pour le même poste auparavant, alors qu"on exigeait encore plus d"expérience, et cependant il a été éliminé à la présélection en l"instance. Le Comité d"appel a conclu qu"il était manifestement déraisonnable d"éliminer M. Handrigan à la présélection et il est donc intervenu. Rien dans la preuve n"indique que cette conclusion ait été tirée de façon abusive ou arbitraire et la Cour n"interviendra pas.

LES ALLÉGATIONS Nos 9, 10, 12 ET 14 DU GROUPE, ET L"ALLÉGATION DE MACPHEE

[55]      Le Comité d"appel a conclu qu"on n"avait pas respecté le principe du mérite, puisque le processus de sélection avait impliqué huit équipes différentes qui ne s"étaient pas consultées. Certains des membres ne faisaient même pas partie du jury de sélection.

[56]      Le Comité d"appel déclare qu"il ne conteste pas l"ordre de la liste en soi, mais bien la procédure utilisée. Pourtant, il conclut que les candidats ne peuvent avoir été évalués de façon uniforme et équitable. Il n"y a toutefois aucune preuve au dossier qui mènerait à cette conclusion.

[57]      La preuve démontre qu"avant que le jury de sélection prépare le processus de simulation, les évaluateurs ont passé deux jours à élaborer les critères applicables. Pendant les deux semaines de l"évaluation, il y a eu plusieurs discussions au sujet des divers candidats ainsi que du poids à donner aux questions en cause et de la façon de les aborder. Les membres des équipes d"évaluation se sont observés les uns les autres pendant qu"ils notaient les candidats et ils ont révisé un certain nombre d"évaluations pour mieux comprendre comment on évaluait les candidats.

[58]      À mon avis, le fait qu"il y ait eu un élément de subjectivité ne mène pas à un manque important d"uniformité. Cet élément de subjectivité demeure, même si chaque candidat est évalué par le même groupe. Au vu de la preuve, il semble que l"élément de subjectivité était minime.

[59]      La preuve démontre que les candidats ont été évalués de la façon suivante. Les notes de chaque candidat ont été lues à haute voix pour assurer que tous les membres de l"équipe étaient d"accord quant aux questions abordées par le candidat. Ensuite, l"équipe révisait, un élément à la fois, la définition de l"élément à évaluer ainsi que les questions du manuel de l"évaluateur relatives à cet élément, pour ensuite revenir chacun pour soi à l"échelle d"évaluation applicable à cet élément en particulier. Chaque évaluateur faisait alors sa propre évaluation de l"élément en cause. Ensuite, les évaluateurs partageaient leurs notes et en discutaient afin d"arriver à une note et à une évaluation sur lesquelles il y avait un consensus. Ce processus était repris pour chaque élément.

[60]      Les conclusions du Comité d"appel ont donc été tirées de façon abusive et arbitraire, sans tenir compte des éléments dont il disposait.

[61]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire aux dossiers T-757-96 et T-758-96, sauf celle qui porte sur M. Handrigan, est accueillie.

DISPOSITIF

[62]      Le contrôle judiciaire au dossier T-751-96, Brothers et autres c. P.G.C.,est rejeté.

[63]      Le contrôle judiciaire au dossier T-757-96, P.G.C. c. Brian MacPhee, est accueilli.

[64]      Le contrôle judiciaire au dossier T-758-96, P.G.C. c. Heather Antle et autres, est accueilli, sauf pour M. Handrigan, où il est rejeté.

                         Pierre Blais

                         Juge


OTTAWA (ONTARIO)

Le 12 novembre 1999


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-751-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Mike Brothers et autres c. Le Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa
DATE DE L'AUDIENCE :          le 6 octobre 1999

MOTIFS DE JUGEMENT DE :      M. le juge Blais

EN DATE DU :              12 novembre 1999



ONT COMPARU

Andrew Raven                      POUR LE DEMANDEUR


J. Sanderson Graham

Jean Charles Ducharme                  POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Raven, Allen, Cameron, Ballantyne

Ottawa (Ontario)                      POUR LE DEMANDEUR


Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                      POUR LE DÉFENDEUR

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-757-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Le Procureur général du Canada c. Brian Macphee
No DU GREFFE :              T-758-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Le Procureur général du Canada c. Heather Antle et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa
DATE DE L'AUDIENCE :          le 6 octobre 1999

MOTIFS DE JUGEMENT DE :      M. le juge Blais

EN DATE DU :              12 novembre 1999


ONT COMPARU


J. Sanderson Graham

Jean Charles Ducharme                  POUR LE DEMANDEUR


Andrew Raven                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                      POUR LE DEMANDEUR


Raven, Allen, Cameron, Ballantyne

Ottawa (Ontario)                      POUR LE DÉFENDEUR

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