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Date : 20051006

Dossier : T-915-05

Référence : 2005 CF 1368

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto, Ontario, le 6 octobre 2005

En présence de la protonotaire Milczynski

 

DEMANDE EN VERTU de l’article 55.2 de la Loi sur les brevets, de l’article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), modifié par Règlement modifiant le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le « Règlement »)

 

ENTRE :

ABBOTT LABORATORIES et ABBOTT LABORATORIES LIMITED

demanderesses,

et


LE MINISTRE DE LA SANTÉ et RATIOPHARM,
UNE DIVISION DE RATIOPHARM INC.défendeurs.

 

 

MOTIFS POUR ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d’une requête écrite, présentée par les demandeurs en vertu des Règles 151, 152 et 369 des Règles de la Cour fédérale, sollicitant une ordonnance visant la protection et le maintien de la confidentialité de certains documents, de certains renseignements et de certaines notes sténographiques devant être présentés par les parties pendant la présente procédure. Bien que l’ordonnance préventive et de confidentialité en l’espèce ait été demandée avec le consentement des parties, je ne suis pas convaincue que l’ordonnance doive être rendue pour l’un ou l’autre des motifs fournis ou sous la forme de l’ébauche d’ordonnance proposée.

 

[2]               La présente instance concerne les brevets canadiens des demanderesses 2,419,729 (le « brevet 729 ») et 2,471,102 (le « brevet 102 »). Le brevet 729 a été délivré comportant 13 revendications : les revendications 1 à 8 concernent les procédés pour la production de la forme I, son utilisation comme antibiotique et la forme I lorsqu’une procédure est utilisée selon ces procédés. Les revendications 9 à 13 concernent la forme II, produite à partir de la forme I lorsqu’une procédure est utilisée selon les procédés des revendications 1 à 5 et par chauffage. L’invention divulguée dans le brevet 102 est liée à un composé, 6-O-méthylérythromycine A forme I ou II, renfermant une ou plusieurs impuretés.

 

[3]               Par avis de demande, déposé le 27 mai 2005, les demanderesses ont entamé la présente procédure (« demande d’interdiction »), en vertu du Règlement, en vue d’interdire au ministre de délivrer un avis de conformité (AC) à Ratiopharm pour des comprimés de clarithromycin de 250 mg ou de 500 mg après l’expiration des brevets 729 et 102 des demanderesses. La demande d’interdiction a été présentée en réponse à l’avis d’allégation de Ratiopharm, daté du 8 avril 2005 (« l’avis d’allégation »), dans lequel Ratiopharm allègue que les brevets 729 et 102 sont invalides et qu’aucune revendication des brevets Abbott ne serait violée advenant la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente par Ratiopharm des comprimés de clarithromycin proposés.

 

[4]               Les demanderesses sont d’avis que, afin de poursuivre la présente instance de façon appropriée, elles doivent évaluer les allégations de Ratiopharm de non-contrefaçon. Dans le but d’aider le tribunal à l’aide d’une preuve pertinente et nécessaire, les demanderesses informent qu’elles comptent produire une preuve d’expert comportant une comparaison du matériel et du procédé utilisés par Ratiopharm avec le matériel et le procédé utilisés dans les brevets 729 et 102, et que, pour mener une telle comparaison, Ratiopharm devra divulguer des renseignements précis et détaillés.

 

[5]               D’après l’avis de requête, ces renseignements peuvent inclure les procédés confidentiels de Ratiopharm, les parties de ses présentations abrégées de drogue nouvelle (« PADN ») et les parties de la fiche maîtresse de médicament (FMM) provenant du fournisseur de Ratiopharm. L’avis de requête indique également que toutes les parties ont consenti au prononcé d’une ordonnance, semblable au modèle joint, protégeant et maintenant la confidentialité de certains documents, de certains renseignements et de certaines notes sténographiques devant être présentés par les parties au cours de la procédure. À cet égard, l’ébauche d’ordonnance prévoit que les renseignements confidentiels doivent être déposés auprès du tribunal dans des enveloppes scellées. L’accès est restreint à certaines personnes désignées, y compris le personnel du greffe de la Cour, les avocats internes et externes des parties, jusqu’à cinq experts de chaque partie et les employés des parties ou les entreprises liées, s’ils en ont besoin. L’expression « renseignements confidentiels » est définie comme suit :

[traduction]

 

... tout document, toute chose, information ou preuve désignées par l’une ou l’autre des parties comme étant de nature confidentielle conformément à la procédure décrite aux présentes. Les renseignements confidentiels peuvent comprendre, sans limitation, les documents, les choses, les informations ou les preuves présentés ou divulgués, selon le cas, à tout examen, toute requête, audience, ou conformément à une disposition des Règles de la Cour fédérale, 1998, qui renferme des renseignements privés, confidentiels ou exclusifs, qu’ils soient personnels ou commerciaux, à l’exception des renseignements qui ne sont pas désignés comme étant confidentiels;

 

Ne font pas partie des renseignements confidentiels :

 

(i)            des renseignements qui se trouvaient légalement et sans restriction légale dans la possession d’une personne ou d’une partie autrement que par la divulgation dans la présente procédure en vertu de la présente ordonnance;

 

(ii)           des renseignements obtenus indépendamment de toute divulgation dans la présente procédure;

 

c)      les renseignements que toute personne ou partie ou son avocat a obtenus légalement et sans restriction légale d’une personne ayant le droit de les communiquer;

 

d. les renseignements qui tombent dans le domaine public non pas en raison d’un acte non autorisé ou d’une omission de la part du destinataire des renseignements confidentiels désignés dont il est question dans la présente ordonnance.

 

[6]               En ce qui a trait à ces accords ou ententes, les parties peuvent en convenir, et le tribunal peut rendre une ordonnance concernant la non-divulgation concernant les documents et les renseignements échangés au cours de la production et de l’examen. Ce type d’ordonnance préventive est une application élargie de la règle de l’engagement implicite. Cependant, la demande d’une ordonnance en vue de sceller des documents auprès de la Cour afin d’empêcher le public d’y accéder est une autre question. Une ordonnance de confidentialité présentée en vertu de la Règle 151 des Règles de la Cour fédérale est une mesure extraordinaire, même si l’octroi de telles ordonnances est plus courant dans ce type d’affaires que dans d’autres. La Cour doit être convaincue, dans chaque affaire, lorsqu’une ordonnance de confidentialité est sollicitée, qu’il est approprié et nécessaire qu’une telle ordonnance soit rendue. Pour rendre une telle décision, la Cour doit connaître les renseignements ou les documents qui sont visés par l’ordonnance. En outre, selon le critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [2002] 2 S.C.R. 522, l’intérêt à protéger doit être identifié et doit être soupesé par rapport à l’intérêt public dans une procédure judiciaire publique. Selon Sierra Club, une ordonnance de confidentialité ne devrait être accordée que lorsqu’il est nécessaire de prévenir un risque grave à un intérêt important, y compris un intérêt commercial, et elle doit déterminer si les effets bénéfiques de l’ordonnance, y compris le droit des parties à un procès équitable, l’emportent sur les effets sur l’intérêt public au cours des audiences publiques. La norme ou le critère pour obtenir une ordonnance de confidentialité en vertu de la Règle 151 des Règles de la Cour fédérale est une norme ou un critère élevé.

 

[7]               En ce qui concerne le premier volet du critère, le risque doit être réel et substantiel. Il doit reposer sur des éléments de preuve et poser une menace grave à l’intérêt commercial en question. « L’intérêt commercial important » dont il est question n’est pas un intérêt qui est particulier ou propre à une partie demandant une ordonnance de confidentialité. Il doit s’agir de l’intérêt commercial général de protéger les renseignements confidentiels. Dans de cas de Sierra Club, la Cour suprême a établi qu’il était nécessaire de maintenir la confidentialité des renseignements en question. Cela s’ajoutait à une attente raisonnable qu’ils soient confidentiels, qu’ils eussent toujours été traités comme étant confidentiels, et que les parties cherchant à obtenir l’ordonnance eussent convaincu la Cour que leur intérêt de propriété exclusive et commerciale subirait un tort dans l’absence d’une telle ordonnance. Il n’y avait aucune solution de rechange raisonnable à l’ordonnance de confidentialité. On a conclu qu’une procédure en radiation ou la création de résumés était inadéquate.

 

[8]               En ce qui concerne la présente requête, bien que la protection de certains renseignements de nature délicate de propriété exclusive et commerciaux de fabricants de médicaments génériques et des renseignements qui peuvent être divulgués dans le cadre de la procédure prévue au Règlement soit d’intérêt public, cet intérêt ne donne pas lieu à une ordonnance de confidentialité générale. De plus, une ordonnance de confidentialité ne peut être rendue sans que le critère énoncé dans Sierra Club ne soit appliqué et sans que le tribunal n’apprécie ou ne soupèse les intérêts privés et publics.

 

[9]               Le critère n’a pas été respecté dans l’espèce. Il n’existe aucune preuve quant à la nature des renseignements ou l’identification des documents qu’on cherche à sceller. Il n’existe aucune preuve quant à la raison pour laquelle un document devrait être placé sous scellé et inaccessible au public ou dans le cadre de procédures judiciaires publiques après le dépôt à la Cour.

 

[10]           En bref, les documents qui sont assujettis à une ordonnance de confidentialité doivent être clairement identifiés. L’ordonnance ne doit pas être trop large ou simplement fournir une confidentialité générale des éléments que les parties souhaitent elles‑mêmes désigner quelque étape que ce soit des procédures, et la requête pour une telle ordonnance doit être appuyée par la preuve concernant le risque ou le tort dans le cas où le public accèderait à l’information, de sorte que la Cour peut tenir compte de ces renseignements au moment de décider si elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire comme il lui a été demandé.

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ordonne que la requête soit rejetée sans préjudice pour une partie qui cherche à présenter une autre requête aux fins d’une ordonnance préventive ou d’une ordonnance de confidentialité conformément à la Règle 151 des Règles de la Cour fédérale.

 

 

« Martha Milczynski »

PROTONOTAIRE 


COUR FÉDÉRALE

NOM DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-915-05

 

INTITULÉ :                                        ABBOTT LABORATORIES et ABBOTT

LABORATORIES LIMITED

Demanderesses,

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et RATIOPHARM,

UNE DIVISION DE RATIOPHARM INC.

Défendeurs.

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER À TORONTO (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       MILCZYNSKI P.

 

DATE DES MOTIFS :                                  6 OCTOBRE 2005

 

OBSERVATIONS ÉCRITES

 

Me William H. Richardson

Me Marcus Klee                                                                       POUR LES DEMANDERESSES

 

Me F.B. (Rick) Woyiwada                                                        POUR LE DÉFENDEUR, LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

Me J. Bradley White                                                                 POUR LE DÉFENDEUR, RATIOPHARM

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault LLP

Toronto, Ontario                                                                      POUR LES DEMANDERESSES

 

John H. Sims c.r.

Sous-procureur général du Canada                                           POUR LE DÉFENDEUR, LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

Osler, Hoskin et Harcourt LLP

Ottawa, Ontario                                                                       POUR LE DÉFENDEUR, RATIOPHARM

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