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     Date : 19990319

     Dossier : IMM-1573-98

Ottawa (Ontario), le 19 mars 1999

EN PRÉSENCE DE Mme LE JUGE SHARLOW

Entre :

     VELUPILLAI PUSHPANATHAN,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la section d'appel de refuser l'autorisation est annulée. La demande de réouverture de l'appel est renvoyée à la section d'appel pour réexamen par un tribunal de composition différente.

                                 Karen R. Sharlow

                            

                             Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19990319

     Dossier : IMM-1573-98

Entre :

     VELUPILLAI PUSHPANATHAN,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 12 mars 1998 dans laquelle la demande présentée par le demandeur pour rouvrir un appel contre une mesure d'expulsion était refusée.

[2]      Le demandeur est arrivé au Canada en 1985. Il est devenu résident permanent en 1987. En août 1988, il a été déclaré coupable d'une grave infraction liée au trafic de la drogue et condamné à huit ans d'emprisonnement. Il a obtenu sa libération conditionnelle en 1991. La même année, il s'est marié. Il n'y a pas de preuve qu'il a manqué aux conditions de sa libération conditionnelle ni qu'il a poursuivi ses activités criminelles. Sa peine d'emprisonnement s'est terminée en 1996. Il travaille depuis sa libération. Sa femme et ses trois enfants sont complètement à sa charge.

[3]      Le demandeur a aussi présenté une revendication du statut de réfugié qui n'a pas encore fait l'objet d'une décision. Cette procédure a été exceptionnellement longue en raison d'un appel interjeté à la Cour suprême du Canada sur un point de droit : voir l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 et [1998] 1 R.C.S. 1222.

[4]      La mesure d'expulsion qui est l'origine de la présente instance a été prise le 22 juin 1992. C'est une mesure conditionnelle, fondée sur le paragraphe 32.1(2) de la Loi sur l'immigration, qui a été prise parce que le demandeur est visé au sous-alinéa 27(1)d)(i) de la Loi, c'est-à-dire un résident permanent qui a été déclaré coupable d'une infraction prévue par une loi fédérale punissable d'une peine d'emprisonnement de plus de six mois.

[5]      La mesure d'expulsion conditionnelle a fait l'objet d'un appel devant la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié aux termes du paragraphe 70(1). Cette disposition confère à la section d'appel une " compétence en equity " du fait qu'elle peut accueillir l'appel au motif que " eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, [la personne ne devrait pas être renvoyée] du Canada ".

[6]      L'appel a été rejeté en 1993. La décision n'a pas été motivée par écrit parce qu'il n'était pas nécessaire de fournir des motifs à l'intérieur de la période réglementaire.

[7]      Le dossier indique que la section d'appel a été saisie d'éléments de preuve établissant des faits ayant trait à la condamnation de 1988 et à la libération conditionnelle accordée en 1991, de même que l'absence d'activité criminelle ou de violation des conditions de la libération conditionnelle, abstraction faite de la condamnation de 1988. La section d'appel était également au courant que le demandeur était marié et avait, à cette époque, un enfant de trois mois et demi. La preuve indiquait également que l'épouse du demandeur était sur le point de reprendre le travail après son congé de maternité et que le demandeur travaillait à plein temps.

[8]      Le 22 janvier 1998, le demandeur a demandé la réouverture de son appel au motif qu'il y avait des preuves de sa réadaptation et du fait qu'il était soutien de famille, qui n'étaient pas et n'auraient pas pu être à la disposition de la section d'appel en 1993. Cette demande de réexamen présentée en 1998 avait pour but de déposer devant la section d'appel des éléments de preuve visant à établir la bonne conduite du demandeur pendant cinq autres années, le maintien d'un emploi rémunéré et le fait que son épouse et ses trois enfants, dont deux sont nés après 1993, étaient à sa charge. Dans une demande de réouverture, la section d'appel peut examiner des éléments de preuve portant sur des événements qui se sont produits après le règlement de l'appel.

[9]      La demande de réouverture a été entendue le 12 mars 1998, et elle a été rejetée par une ordonnance signée le 19 mars 1998. Le membre de la section d'appel qui a entendu la demande a motivé sa décision par écrit le 12 mars 1998. Il conclut dans ces termes :

     [TRADUCTION]         
     Bien que le demandeur puisse faire état aujourd'hui de facteurs plus favorables qu'à l'époque de la première audience, ces facteurs ne sont pas suffisants pour m'amener à penser que la section d'appel pourrait raisonnablement ne pas rejeter l'appel du demandeur.         

[10]      Au nom du demandeur, on a fait valoir que la section d'appel a fondé sa décision uniquement sur les faits ayant trait à l'infraction de 1998, qu'elle n'a pas tenu compte de la preuve de réadaptation et des obligations familiales du demandeur, ou du moins qu'elle n'a accordé aucune importance à ces éléments de preuve. À l'appui de cet argument, les observations suivantes sont tirées des motifs du membre de la section d'appel :

     [TRADUCTION]         
     Il s'agit d'un cas où le demandeur affirme qu'il est venu au Canada pour fuir la persécution. Un peu plus de deux ans après son arrivée, il est impliqué dans un complot en vue de faire le trafic d'un stupéfiant parmi les plus dangereux. Deux ans et demi après son arrivée, il se retrouve en prison, où il purge une peine d'emprisonnement assez longue. Le fait que le demandeur ait été condamné à huit ans d'emprisonnement indique clairement que le juge qui a prononcé la sentence a jugé que cette première infraction était grave.         
     [...] Il ne faut pas non plus minimiser le fait que le demandeur remercie le pays dans lequel il demande asile en participant à un complot pour faire le trafic de l'héroïne moins de trois ans après y avoir été admis, et que sa culpabilité est reconnue l'année même au cours de laquelle il a obtenu le droit d'établissement au Canada.         

[11]      Le défendeur fait valoir que la section d'appel était saisie de toute la preuve pertinente, qu'elle avait le droit de décider de l'importance qu'elle voulait accorder à la preuve et, en particulier, de décider, comme elle l'a fait, que les facteurs en faveur du demandeur étaient :

     [TRADUCTION]         
     [...] largement compensés par la gravité de l'infraction, l'importance de la peine imposée et le fait que l'infraction a été commise si tôt après l'arrivée du demandeur au Canada.         

[12]      C'est là l'essentiel de la conclusion de la section d'appel. Toutefois, à mon avis, cette conclusion ne peut être maintenue sur le plan des principes.

[13]      Tout d'abord, la date de perpétration de l'infraction est un fait neutre. Une infraction grave est grave peu importe à quel moment elle est commise.

[14]      Deuxièmement, le dossier ne contient pas de preuve qui permettrait de déterminer que la peine imposée dans cette affaire a été plus longue ou plus courte que les peines imposées dans d'autres affaires portant sur des infractions semblables.

[15]      Il reste donc comme seul motif de la décision le fait que l'infraction a été commise. Mais c'est précisément ce qui a mené à la mesure d'expulsion conditionnelle. Dans un appel contestant une telle ordonnance, fondé sur le paragraphe 70(1), la section d'appel doit considérer toutes les circonstances de l'affaire pour décider si une personne doit ou non être renvoyée du Canada. Un tel appel serait futile si le fait même que l'infraction a été commise suffisait à refuser l'appel. Voir l'arrêt Lau c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984] 1 C.F. 434 (C.A.F.).

[16]      Après avoir examiné les motifs de la décision et le dossier, je conclus que la décision ne peut être maintenue parce que le membre de la section d'appel a été indûment influencé par des facteurs non pertinents.

[17]      La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie. La décision de la section d'appel refusant l'autorisation de réouverture d'appel est annulée. La demande de réouverture de l'appel est renvoyée à la section d'appel pour réexamen par un tribunal de composition différente.

                                 Karen R. Sharlow

                            

                             Juge

Ottawa (Ontario)

le 19 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-1573-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      VELUPILLAI PUSHPANATHAN c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 3 mars 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE SHARLOW

DATE :                  le 19 mars 1999

ONT COMPARU :

Lorne Waldman                      POUR LE DEMANDEUR

Toby Hoffman                      POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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