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Date : 20020531

Dossier : IMM-3065-01

Référence neutre : 2002 CFPI 629

Toronto (Ontario), le vendredi 31 mai 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                    AMIR HEYDARZADEH, MAHBOOBEH SAFAGO,

MILAD HEYDARZADEH et MOHAMMAD HEYDARZADEH

                                                                                                                                                     demandeurs

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Introduction


[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision de N. Cutillo (l'agente des visas) en date du 5 juin 2001. Dans sa décision, l'agente des visas a décidé de ne pas accorder de dispense aux demandeurs qui sollicitaient le traitement à l'intérieur du Canada de leur demande de résidence permanente au Canada.

Les faits

[2]                 M. Heydarzadeh et Mme Mahboobeh Safago sont mariés et ils ont trois enfants. Leurs fils Milad et Mohammad sont demandeurs devant notre Cour. Un troisième fils est né au Canada le 2 décembre 1999.

[3]                 Les demandeurs sont citoyens de l'Iran. Arrivés au Canada en 1996, ils ont revendiqué le statut de réfugié. Leurs revendications ont été rejetées par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié le 1er avril 1997.

[4]                 Par la suite, en leur qualité de membres de la catégorie des Demandeurs non reconnus de statut de réfugié au Canada (DNRSRC), les demandeurs ont sollicité une évaluation des risques liés à leur retour en Iran. Le 9 février 1998, les demandeurs ont été jugés ne pas être membres de la catégorie des DNRSRC.


[5]                 Les demandeurs ont ensuite présenté une demande en vertu du par. 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, tel que modifié, afin d'obtenir que leur dossier de demande de résidence permanente soit traité au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire (la demande pour raisons d'ordre humanitaire). Cette première demande a été rejetée le 3 novembre 1999.

[6]                 Une deuxième demande pour raisons d'ordre humanitaire a été présentée le 19 décembre 1999. Cette demande fait état de la naissance d'un enfant au Canada le 2 décembre 1999. Une nouvelle évaluation des risques a été conduite et l'agent de révision des revendications refusées a conclu, dans un avis daté du 16 octobre 2000, que les demandeurs n'encourraient pas de risque s'ils étaient renvoyés en Iran.

[7]                 Les demandeurs ont utilisé l'occasion qui leur était accordée de présenter leur point de vue au sujet de cette évaluation des risques et leurs avocats ont déposé des prétentions le 29 octobre 2000.

[8]                 L'agente des visas a examiné l'évaluation des risques et les documents connexes et, dans une lettre datée du 5 juin 2001, elle a rejeté la demande des demandeurs fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.

Les prétentions


[9]                 Dans la présente demande, les demandeurs soutiennent que l'agente des visas n'a pas tenu compte de l'intérêt bien compris de leur enfant né au Canada, comme l'exige l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

[10]            Les demandeurs soutiennent aussi que, dans sa décision, l'agente des visas n'a porté que peu d'attention aux intérêts de leur enfant né au Canada. Ils s'appuient sur l'arrêt récent de la Cour d'appel fédérale Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Legault, 2002 CAF 125. Les demandeurs soutiennent que l'agente des visas n'a pas tenu compte de l'intérêt bien compris de leur enfant né au Canada, non plus que de leurs autres enfants, en lui accordant « beaucoup d'attention » . Or, selon la récente décision de la Cour d'appel fédérale, cette responsabilité incombe à l'agent des visas lorsqu'il doit évaluer une demande pour raisons d'ordre humanitaire.

[11]            Le défendeur soutient qu'au vu de la documentation présentée à l'appui de la demande pour obtenir le traitement au Canada, l'agente des visas a tenu compte comme elle le devait de l'intérêt bien compris de l'enfant. Sa décision était raisonnable et elle y est arrivée d'une façon correcte.

[12]            La norme de contrôle de la décision d'un agent des visas qui exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu du par. 114(2) de la Loi est celle de la décision raisonnable, sous réserve dans tous les cas du respect de l'équité procédurale : voir Baker, précité.

[13]            Rien au dossier ne vient indiquer qu'il y aurait eu un manquement à l'équité procédurale dans le traitement de la demande des demandeurs par l'agente des visas.

[14]            Les notes de l'agente des visas font état du fait qu'elle a tenu compte de l'enfant né au Canada, comme suit :

[Traduction]

J'ai aussi examiné le fait que M. Heydarzadeh et Mme Safago ont maintenant un enfant de 15 mois qui est né au Canada. Il faut noter qu'un enfant aussi jeune peut tout à fait s'adapter à un nouveau style de vie en Iran.

[15]            Les demandeurs soutiennent que ceci n'est qu'une mention superficielle de l'intérêt bien compris de l'enfant, alors que le défendeur pour sa part soutient qu'il s'agit d'une évaluation correcte et adéquate de cet intérêt au vu de la documentation présentée par les demandeurs dans leur demande pour raisons d'ordre humanitaire. Je vais maintenant examiner les extraits pertinents de cette demande.

[16]            Le 19 décembre 1999, l'avocat des demandeurs a présenté en leur nom une deuxième demande pour raisons d'ordre humanitaire. La lettre d'accompagnement précise ceci :

[Traduction]

Vous trouverez en annexe l'original et deux copies des formulaires de demande pour raisons d'ordre humanitaire au nom des personnes susmentionnées, un certificat de preuve de paiement et les documents à l'appui. De plus, leur enfant, garçon qui n'a pas encore reçu son nom, est né le 2 décembre 1999.

[17]            Dans une lettre datée du 28 octobre 2000, l'avocat des demandeurs a transmis en leur nom leur réponse à l'évaluation des risques faite en 2000. La partie pertinente de cette lettre est rédigée comme suit :


[Traduction]

Vous n'avez pas tenu compte de cette demande, non plus que des prétentions et de la preuve documentaire déposées en décembre 1999. La lettre d'accompagnement à cette demande vous informait qu'un fils était né en décembre 1999. Il faut considérer l'effet qu'a la présence de cet enfant sur le seuil de persécution. Nous soutenons que la probabilité de persécution est accrue si la famille revient en Iran après avoir été expulsée avec leur enfant né au Canada, notamment au vu de la preuve documentaire soumise avec la demande de 1999 qui faisait ressortir la répression visant les personnes perçues comme des opposants politiques. Deuxièmement, la Section de première instance de la Cour fédérale (Nadesalingam c. M.E.I.) a déterminé que la présence d'un jeune enfant a un impact sur la capacité des parents d'éviter la persécution en général et notamment sur l'existence d'un PRI. Ci-joint copie du certificat de naissance et de la déclaration de naissance d'un enfant vivant.

[18]            Selon moi, l'évaluation faite par l'agente des visas de l'intérêt bien compris de l'enfant a été appropriée au vu de la nature des prétentions faites en son nom.

[19]            Je renvoie ici aux motifs de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Legault, précité, au paragraphe 12.

Bref, l'agent d'immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, paragraphe 75), mais une fois qu'il l'a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu'à son avis il mérite dans les circonstances de l'espèce. La présence d'enfants, contrairement à ce qu'a conclu le juge Nadon, n'appelle pas un certain résultat. Ce n'est pas parce que l'intérêt des enfants voudra qu'un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera généralement le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent. Le Parlement n'a pas voulu, à ce jour, que la présence d'enfants au Canada constitue en elle-même un empêchement à toute mesure de refoulement d'un parent se trouvant illégalement au pays (voir Langner c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1995), 184 N.R. 230 (C.A.F.), permission d'en appeler refusée, CSC 24740, 17 août 1995).

[20]            Les prétentions des demandeurs au sujet de la conclusion à laquelle l'agente des visas est arrivée après avoir évalué le poids de la preuve qui lui était présentée me semblent viser que la Cour substitue son point de vue à celui de l'agente des visas.


[21]            Ce n'est pas là le rôle de notre Cour dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire : voir Legault, précité, par. 11.

[22]            Dans Mann c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 567, le juge Gibson a appliqué l'arrêt Legault, précité. Il a souligné qu'il ne pouvait évaluer le poids des facteurs pris en compte par l'agente des visas. Il déclare ceci au paragraphe 11 :

... Ceci étant dit, je ne puis conclure que la fonctionnaire de l'Immigration a ignoré ou mal interprété les éléments de preuve portés à sa connaissance, qu'elle a tenu compte d'éléments non pertinents ou qu'elle n'a pas tenu compte de l'intérêt de l'enfant né au Canada du demandeur. Je suis convaincu qu'il ressort des notes de la fonctionnaire de l'Immigration dont j'ai déjà cité des extraits que celle-ci a tenu compte de tous les facteurs portés à sa connaissance par le demandeur et dont elle devait tenir compte. Le fait que j'aurais pu apprécier différemment ces facteurs ne constitue pas une raison qui justifierait de faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire.

[23]            Selon moi, ce raisonnement s'applique tout aussi bien en l'instance. La décision de l'agente des visas était raisonnable, au vu de la documentation déposée par le demandeur.

[24]            La décision présentée au contrôle en l'instance ne contenant pas d'erreur susceptible de révision, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[25]            Les avocats ont indiqué qu'il n'y avait pas de question à certifier.


                                           ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

      « E. Heneghan »

                                                                                                             Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                              COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                         IMM-3065-01

INTITULÉ :                                AMIR HEYDARZADEH, MAHBOOBEH SAFAGO,

MILAD HEYDARZADEH et MOHAMMAD HEYDARZADEH

                                                                                                  demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                     défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :           TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE JEUDI 30 MAI 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE DU :            JUGE HENEGHAN

EN DATE DU :                           VENDREDI 31 MAI 2002

ONT COMPARU:

M. Ravi Jain                                                           pour les demandeurs

Mme Neeta Logsetty                                                pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Green & Spiegel                                                     pour les demandeurs

Avocats

2200-121, rue King ouest

C.P. 114

Toronto (Ontario)

M5H 3T9

Morris Rosenberg                                                   pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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