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Date : 20040816

Dossier : T-294-96

Référence: 2004 CF 1131

OTTAWA (ONTARIO), LE 16 AOÛT 2004

En présence de MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU                             

ENTRE :

                                                                  APOTEX INC.

                                                                                                                                    demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

                                                                          - et -

                                                          MERCK & CO. INC. et

MERCK FROSST CANADA INC.

                                                                                                                                    défenderesses

(demanderesses reconventionnelles)

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Merck & Co. Inc. et Merck Frosst Canada & Co. (ci-après collectivement appelées Merck) ont formé un appel incident sous le régime de la règle 51 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, contre la prescription suivante de l'ordonnance rendue par la protonotaire Tabib le 4 février 2004 :

[traduction] Les défenderesses doivent signifier un nouvel affidavit de documents plus complet incluant tous les documents se rapportant à la perte de ventes et de profits attribuable aux activités de la demanderesse jugées contrefaisantes, dans le délai déterminé par le juge ou le protonotaire responsable de la gestion de l'instance[1].

[2]                Il s'agit d'une ordonnance interlocutoire et discrétionnaire, et la norme de contrôle applicable à ce type d'ordonnance a été clairement établie dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. (1993), 149 N.R. 273 (C.A.F.) (juge MacGuigan), [1993] 2 C.F. 425, p. 462-463 (voir également Merck & Co. c. Apotex Inc. (2003), 315 N.R. 175, par. 17-19 (C.A.F.), [2003] A.C.F. no 1925 (QL)). À cet égard, le juge Bastarache s'est exprimé ainsi dans l'arrêt de la Cour suprême Z.I. Pompey Industrie c. ECU-Line N.V., [2003] 1 R.C.S. 450, par. 18 (C.S.C.), (2003), 224 D.L.R. (4th) 577 :

Le juge des requêtes ne doit modifier l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire que dans les cas suivants : a) l'ordonnance est entachée d'une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits, ou b) le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire relativement à une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond : Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), le juge MacGuigan, p. 462-463.

[3]                Il découle de ce qui précède que la Cour n'interviendra pas à moins qu'il soit démontré que l'ordonnance de la protonotaire est entachée d'une erreur flagrante, qu'elle repose sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits ou que la protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire relativement à une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond.

[4]                La protonotaire a justifié ainsi son ordonnance, à la p. 5 :

[traduction] Enfin, je conviens avec Apotex que la Cour d'appel a infirmé le calendrier établi par le juge McKeown quant à l'ordre des interrogatoires préalables relatifs aux dommages-intérêts, que son jugement ne prévoyait pas de phases distinctes de communication de la preuve pour les questions des droits, du choix et des dommages-intérêts et qu'aucune ordonnance de disjonction n'a été prononcée. Par conséquent, à moins que la Cour ne prescrive, au moyen d'une ordonnance de disjonction ou d'une ordonnance de gestion d'instance, que les questions relatives aux droits et aux dommages-intérêts soient instruites séparément ou que la communication de la preuve se fasse en deux phases distinctes, la question des dommages-intérêts fera l'objet du même processus de communication et Merck devra inclure dans son affidavit de documents les pièces se rapportant aux dommages-intérêts réclamés.

Comme il en a été fait mention à l'audience, la requête de Merck visant l'établissement d'un calendrier d'interrogatoires préalables est renvoyée au protonotaire Lafrenière, en sa qualité de protonotaire responsable de la gestion de l'instance. La demanderesse devra faire connaître par courrier les dates de disponibilité de ses avocats pour l'audition de la requête et la durée estimée de leur intervention et indiquer si la requête devrait être entendue en présence des parties ou par téléconférence.

Ma conclusion selon laquelle Merck doit inclure dans son affidavit de documents les pièces se rapportant à ses dommages-intérêts ne préjuge en rien de l'opportunité d'une ordonnance de disjonction ou d'une ordonnance de gestion d'instance scindant la communication de la preuve.


[5]                Merck soutient que la protonotaire a commis une erreur car elle a rendu une ordonnance incompatible avec le jugement prononcé par la Cour d'appel dans Apotex Inc. c. Merck & Co. (2003), 26 C.P.R. (4th) 278 (C.A.F.), [2003] A.C.F. no 1034 (QL). Je ne puis lui donner raison. L'ordonnance n'est nullement incompatible avec le jugement en question. En effet, la Cour d'appel a radié, entre autres, le paragraphe 8 de l'ordonnance rendue le 31 mai 2002 par le juge McKeown, lequel prévoyait expressément certaines étapes préparatoires et, plus particulièrement, des phases distinctes pour la communication de la preuve relative aux droits, au choix et aux dommages-intérêts ainsi qu'un calendrier. En l'espèce, je constate que la protonotaire a prudemment fait remarquer que sa [traduction] « conclusion selon laquelle Merck doit inclure dans son affidavit de documents les pièces se rapportant à ses dommages-intérêts ne préjuge en rien de l'opportunité d'une ordonnance de disjonction ou d'une ordonnance de gestion d'instance scindant la communication de la preuve » . D'ailleurs, Merck a reconnu que la protonotaire avait eu raison de signaler que toutes les questions peuvent encore faire l'objet de mesures de communication de la preuve, et elle a déposé une requête distincte visant à faire disjoindre la question des droits de celles des dommages-intérêts ou des profits. Cette requête (qui est accueillie alors que le présent appel incident est rejeté) fait l'objet d'une ordonnance et de motifs distincts, sous la référence 2004 CF 1133. Par conséquent, le présent appel incident est rejeté.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête incidente de Merck interjetant appel de l'ordonnance rendue par la protonotaire Tabib le 4 février 2004 soit rejetée, avec dépens en faveur d'Apotex.

                  « Luc Martineau »                    

                                                                                                     Juge                                 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L. Trad. a.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER:                 T-294-96

INTITULÉ :               APOTEX INC. c. MERCK & CO. INC. ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            3 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

EN DATE DU :         16 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

M. G. Alexander Macklin                                              POUR LA DEMANDERESSE

Mme Connie Too                                              (intimée à la requête)

M. Nando DeLuca                                            POUR LES DÉFENDERESSES

(requérantes)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP                                    POUR LA DEMANDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)                                               (intimée à la requête)

Goodmans LLP                                                 POUR LES DÉFENDERESSES

TORONTO (ONTARIO)                                             (requérantes)



[1]            Toutefois, la protonotaire a exclu, en les déclarant non pertinents, les documents en la possession ou sous la garde ou le contrôle de Merck se rapportant au retard mis par Merck à prendre action au sujet du brevet 349, à l'erreur d'étiquetage de Merck indiquant erronément que les comprimés de Vasotec contenaient du maléate d'énalapril, à la [traduction] « fragilité » du brevet 349 et aux obstacles dressés par Merck aux tentatives d'Apotex de vendre son produit, documents dont Apotex réclamait également l'inclusion dans un nouvel affidavit plus complet. La Cour a rejeté avec dépens, le 27 juillet 2004, l'appel interjeté par Apotex contre le refus de la protonotaire d'inclure les documents susdits (Apotex Inc. c. Merck & Co. Inc., T-294-96, 2004 CF 1038 (appel en instance, A-411-04).


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